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Communiqués de presse Organes conventionnels

Le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale examine le rapport du Japon

17 août 2018

GENEVA (17 August 2018) - Le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport du Japon sur les mesures prises par ce pays pour donner effet aux dispositions de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale.

Présentant ce rapport, M. Masato Otaka, Ambassadeur en charge des Nations Unies au Ministère des affaires étrangères du Japon, a notamment informé le Comité des mesures prises par son Gouvernement pour lutter contre les discours de haine.  Il a précisé à cet égard que le Bureau des affaires juridiques, habilité à examiner les discours litigieux sur Internet et à demander aux fournisseurs d’accès de supprimer les contenus, avait déposé 568 demandes en ce sens en 2017.  

Le Gouvernement japonais est résolument engagé à formuler une politique d’ensemble pour faire respecter les droits des Aïnous, a par ailleurs indiqué M. Otaka.  En particulier, les pouvoirs publics sont en train de créer un « espace symbolique pour l’harmonie ethnique », autrement dit un centre national destiné à redonner vie à la culture des Aïnous et qui devrait ouvrir ses portes en avril 2020 dans le Hokkaïdo.  

M. Otaka a ensuite expliqué que son pays avait reconnu que la question des « femmes de réconfort » avait été un affront à la dignité des femmes.  C’est pourquoi le Gouvernement japonais a déjà présenté ses excuses sincères aux anciennes victimes.  Le chef de la délégation a ajouté que la question des réparations aux victimes avait été réglée par le Traité de paix de San Francisco et par plusieurs autres accords entre les Gouvernements de la République de Corée et du Japon, notamment l’accord passé entre les deux Gouvernements en 2015 pour régler de manière définitive le problème des « femmes de réconfort ».  

La délégation japonaise était également composée de nombreux représentants des Ministères des affaires étrangères, de la justice et de l’éducation, ainsi que de l’Autorité nationale du personnel et de la police des Aïnous.  La délégation a répondu aux questions des membres du Comité s’agissant, en particulier, de l’arsenal juridique contre la discrimination raciale et des activités de prévention de la discrimination et des discours de haine; des Aïnous et des burakumin; des droits des étrangers établis au Japon; et des initiatives du Japon pour régler la question des « femmes de réconfort ».  

M. Marc Bossuyt, rapporteur du Comité pour l’examen du rapport du Japon, a regretté que le rapport ne donne aucune information sur le Conseil consultatif des Aïnous, ni sur les droits des Aïnous en matière foncière et pour ce qui concerne la maîtrise des ressources naturelles.  Le rapporteur a fait état de dénonciations selon lesquelles les Aïnous sont victimes de discrimination à l’école et au travail.  Il s’est félicité de la décision unanime de la Diète japonaise de reconnaître les Aïnous comme « peuple autochtone vivant au Japon » mais a jugé peu clairs les effets juridiques de cette décision.  D’autre part, le rapporteur a recommandé au Japon d’identifier la discrimination contre les burakumin comme une discrimination basée sur l’ascendance et d’instituer un mécanisme juridique pour indemniser les victimes de cette forme de discrimination.

Au cours du débat, plusieurs experts ont jugé important que le Japon adopte une politique et des mesures concrètes pour éliminer les discours de haine à l’encontre des étrangers au Japon, regrettant que les lois en vigueur soient insuffisantes à cet égard.  

Le Comité adoptera ultérieurement, lors de séances à huis clos, ses observations finales sur le rapport du Japon et les rendra publiques à l’issue de la session, le vendredi 30 août prochain, date de la prochaine et dernière séance publique de cette 96ème session du Comité.

Présentation du rapport

Le Comité était saisi du document regroupant les dixième et onzième rapports périodiques du Japon (CERD/C/JPN/10-11), qui couvre la période allant de 2013 à 2016.

Présentant ce rapport, M. MASATO OTAKA, Ambassadeur en charge des Nations Unies au Ministère des affaires étrangères du Japon,
 a souligné que le document avait été préparé avec la coopération d’un grand nombre de ministères et agences publiques et sur la base des opinions exprimées par de très nombreux acteurs de la société civile.  Le Gouvernement japonais reconnaît l’importance des activités des organisations non gouvernementales (ONG) dans le domaine des droits de l’homme et restera attaché à la coopération avec la société civile.  

Le chef de la délégation a indiqué que, depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale, son pays n’avait eu de cesse d’accorder la plus grande importance à des valeurs telles que la démocratie et l’état de droit, et d’œuvrer pour défendre les droits de l’homme, sur son territoire comme à l’étranger.  Récemment, le Japon a pris un certain nombre de mesures, décrites dans le rapport présenté au Comité.  Ainsi le Japon a-t-il adopté, en 2016, la loi sur l’élimination des discours de haine pour interdire les discours et comportements discriminatoires et injustes à l’encontre de personnes originaires d’autres pays que le Japon.  La loi formule à ce sujet un ensemble de principes, établit des responsabilités et définit des mesures pour éliminer ces discours et comportements; elle mise en particulier sur des activités de formation.  Le Gouvernement a lancé à ce titre des activités de sensibilisation et de conseil à l’intention, notamment, des personnes parlant des langues étrangères, a précisé le chef de la délégation.

D’autre part, le Gouvernement japonais est résolument engagé à formuler une politique d’ensemble pour faire respecter les droits des Aïnous, a poursuivi M. Otaka.  En particulier, les pouvoirs publics sont en train de créer un « espace symbolique pour l’harmonie ethnique », autrement dit un centre national destiné à redonner vie à la culture des Aïnous et qui devrait ouvrir ses portes en avril 2020 dans le Hokkaïdo.  Le centre comprendra notamment un musée et un parc à thème.  Le Gouvernement continuera de concevoir des politiques destinées à favoriser la culture aïnoue et de diffuser des connaissances sur cette culture, a assuré le chef de la délégation.

M. Otaka a regretté les stéréotypes qui s’attachent toujours à son pays: or, loin d’avoir une culture insulaire et exclusive, a-t-il fait savoir, le Japon accueille toujours plus de visiteurs d’autres pays, plus de 28 millions de touristes étant ainsi venus au Japon en 2017, contre 8 millions en 2010.  Le Japon sera en outre le lieu des Jeux olympiques et paralympiques de 2020, a-t-il rappelé.  Il a insisté à ce propos sur le fait que l’idéal olympique interdit la discrimination de toute nature.  C’est dans cet esprit, et conformément à sa Constitution, que le Japon continuera d’œuvrer sans relâche à la promotion et à la protection des droits de l’homme, rejetant toute forme de discrimination, en particulier la discrimination raciale et ethnique, a conclu M. Otaka.

Le chef de la délégation a ensuite apporté des réponses à une liste de thèmes soumise à titre indicatif par le Comité.  S’agissant de la lutte contre le discours de haine, le Bureau des affaires juridiques est habilité à examiner les discours litigieux sur Internet et à demander aux fournisseurs d’accès de supprimer les contenus; le Bureau a déposé 568 demandes en ce sens en 2017, a précisé M. Otaka.  

Pour protéger les droits de la population aïnoue, le Japon a pris des mesures spécifiques tenant compte de ses besoins, a poursuivi le chef de la délégation.  Les autorités ont créé un conseil de promotion des politiques pour les Aïnous, composé à 30% d’Aïnous.  La préfecture du Hokkaïdo a réalisé une enquête montrant que les conditions de vie des Aïnous se rapprochent progressivement de celles de la population générale, même si des écarts demeurent.  Les autorités ont pris des mesures pratiques pour assurer l’égalité des Aïnous dans le domaine de l’éducation, notamment par l’octroi de bourses.  Le taux d’entrée à l’université des jeunes Aïnous est ainsi passé à 35,33 %, en progression de 7 points de pourcentage depuis 2013.  Le Gouvernement a, d’autre part, élaboré un plan pour protéger la langue aïnoue: il procède ainsi à des enregistrements et à des archivages systématiques, de même qu’il soutient la fondation pour la recherche sur la langue et la culture aïnoues.  La propriété foncière des Aïnous est garantie au titre de la loi.  Un projet de restauration des lieux de vie aïnous est en cours d’élaboration, a précisé le chef de délégation.

M. Otaka a d’autre part expliqué que le Gouvernement avait pris des mesures pour défendre les droits des personnes suivant les « programmes de stage de formation technique ».  Le Gouvernement a notamment explicité les devoirs respectifs des autorités et des organisations de supervision; il a défini où résidaient les pouvoirs d’enquête en cas de litige et clarifié la manière dont il faut assurer la protection des stagiaires.  Des inspections sont réalisées en cas de suspicion de violation du droit du travail, a insisté le chef de la délégation.

S’agissant de la lutte contre la traite des personnes, M. Otaka a précisé que le Japon avait ratifié, en 2017, la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée et son Protocole additionnel concernant la lutte contre la traite.  Il a ajouté que dans le même domaine, le Gouvernement avait adopté, en 2014, un plan d’action et créé un conseil de promotion de la lutte contre la traite des personnes.  La police et les garde-côtes sont formés pour venir en aide aux victimes et arrêter les suspects, a en outre indiqué le chef de la délégation.  Le Ministère de la justice a renforcé la protection des victimes étrangères, qui peuvent se voir accorder des permis de résidence au Japon.  D’autres mesures portent sur la réinsertion des victimes et leur rapatriement; plus de 300 victimes étrangères ont été rapatriées depuis 2015, a précisé M. Otaka.

M. Otaka a ensuite expliqué que son pays avait reconnu que la question des « femmes de réconfort » avait été un affront à la dignité des femmes.  C’est pourquoi le Gouvernement japonais a déjà présenté ses excuses sincères aux anciennes victimes.  Quant à la question des réparations à accorder aux victimes, le chef de la délégation a indiqué qu’il en avait été disposé par le Traité de paix de San Francisco et par plusieurs autres accords entre les Gouvernements de la République de Corée et du Japon, notamment l’accord passé entre les deux Gouvernements en 2015 pour régler de manière définitive la question des « femmes de réconfort ».  

Examen du rapport

Questions et observations des membres du Comité

En introduction du dialogue, M. NOUREDDINE AMIR, Président du Comité, a insisté sur le fait que la mission du Comité était de surveiller l’efficacité de l’application, par les États parties, des dispositions de la Convention, dispositions qui sont de nature strictement juridique.  Il a également souligné que le Comité n’était pas un tribunal et que les interventions de ses experts relevaient exclusivement de l’application de la Convention.

M. MARC BOSSUYT, rapporteur du Comité pour l’examen du rapport du Japon, a prié la délégation de donner des informations concernant les mesures prises: pour rendre la définition de la discrimination raciale figurant dans la Constitution japonaise conforme à l’article premier de la Convention; pour adopter une législation complète interdisant la discrimination raciale; et pour créer une institution nationale de droits de l’homme conforme aux Principes de Paris.  Le rapporteur a aussi prié la délégation d’informer le Comité des mesures prises par le Gouvernement pour retirer les réserves que le pays a émises à l’égard des alinéas a) et b) de l’article 4 de la Convention.  

Le rapporteur a d’autre part voulu savoir quelles démarches avaient été entreprises pour lutter contre les discours de haine dans les médias et sur Internet, en particulier en ce qui concerne l’application de la loi sur la radiodiffusion visant à prévenir l’incitation à la discrimination raciale dans les médias.  M. Bossuyt a également voulu savoir si des hommes politiques ayant propagé des discours de haine avaient déjà été sanctionnés.  Le rapporteur a aussi fait observer que la loi sur l’élimination des discours de haine de 2016 était limitée aux personnes résidant de manière légale au Japon, qu’elle ne concernait pas les discours de haine tenus par des particuliers et qu’elle ne semblait pas avoir grand effet pour remédier aux problèmes que rencontrent les minorités.  Le rapporteur a estimé que le Japon devrait condamner toute déclaration discriminatoire faite par des fonctionnaires et, si possible, prévoir la destitution de ces fonctionnaires.  Le rapport ne donne qu’un seul exemple d’une telle sanction, remontant à 2009, a relevé l’expert.  

S’agissant de la situation des minorités et des peuples autochtones au Japon, M. Bossuyt a regretté que le rapport ne donne aucune information sur le Conseil consultatif des Aïnous, ni sur les droits des Aïnous en matière foncière et pour ce qui concerne la maîtrise des ressources naturelles.  Le rapporteur a fait état de dénonciations selon lesquelles les Aïnous sont victimes de discrimination à l’école et au travail.  Il s’est félicité de la décision unanime de la Diète japonaise de reconnaître les Aïnous comme « peuple autochtone vivant au Japon » (voir paragraphe 34 du rapport) mais a jugé peu clairs les effets juridiques de cette décision.  Il a prié la délégation de donner des informations supplémentaires au sujet des mesures prises pour améliorer la situation des Aïnous en matière d’accès à l’emploi, d’éducation ou encore de réalisation de leurs droits à leur propre culture et à leur propre langue.

M. Bossuyt a ensuite rappelé que l’archipel des Ryûkyû, dont Okinawa est l’île principale, avait été rattaché au Japon en 1879.  Le Comité a déjà eu l’occasion de recommander au Japon de reconnaître la population des Ryûkyû en tant que peuple autochtone et de prendre des mesures concrètes pour faire respecter les droits de cette population, a souligné le rapporteur.  De même, a-t-il ajouté, le Comité avait déjà recommandé que le Japon adopte une définition claire des burakumin, en consultation avec leurs représentants; ces derniers, a relevé M. Bossuyt, font toujours état de la persistance de discriminations contre le peuple buraku dans les domaines du mariage, de l’emploi et du logement, notamment.  Le rapporteur a recommandé que le Japon identifie la discrimination contre les burakumin comme une discrimination basée sur l’ascendance et qu’il institue un mécanisme juridique destiné à indemniser les victimes de cette forme de discrimination.

M. Bossuyt a ensuite regretté que le rapport ne fournisse aucune information s’agissant de la répression de la violence à l’encontre des femmes appartenant à des minorités.  Il a notamment voulu savoir si une protection était accordée aux femmes étrangères victimes de violence domestique et qui risquent de se voir retirer leur permis de séjour si elles déposent plainte.  

M. Bossuyt a également regretté que le rapport ne dise rien de la question des « femmes de réconfort ».  S’il est exact que les faits en question se sont déroulés pendant la Deuxième Guerre mondiale, soit bien avant l’entrée en vigueur de la Convention, il n’en demeure pas moins que les mêmes faits ont eu et ont toujours des répercussions durables sur les victimes, a souligné le rapporteur.  Il a relevé que l’accord conclu en 2015 par le Japon et la République de Corée pour régler cette question était critiqué par les organisations de la société civile et par des historiens, compte tenu de son incapacité à tenir compte des victimes et à attribuer, sans équivoque, la responsabilité des violations des droits fondamentaux des femmes et des filles coréennes à l’armée japonaise.

Toujours à propos des « femmes de réconfort », le Comité sait, pour sa part, que le système d’esclavage sexuel appliqué par l’armée impériale ne s’était pas limité à la Corée et que l’accord avec la République de Corée a été adopté sans consultation avec les victimes, a poursuivi M. Bossuyt.  Le rapporteur a en outre recommandé que les fonctionnaires japonais s’abstiennent de faire des commentaires irréfléchis au sujet de la responsabilité du Japon dans la question des « femmes de réconfort ».

M. Bossuyt a d’autre part attiré l’attention de la délégation sur le fait que, selon des informations en possession du Comité, les étrangers qui résident de façon permanente au Japon – y compris des personnes étant nées et ayant été élevées au Japon – sont sujets à plusieurs formes de discrimination dans les domaines du logement, de l’éducation, des soins de santé et de l’emploi.  Le rapporteur a aussi observé que le « programme de stages techniques de formation » fonctionnait de fait comme un programme de « travailleurs invités »; ce système est très critiqué par les organisations de la société civile, au motif qu’il engendrerait de nombreuses violations des droits de l’homme, a souligné M. Bossuyt.

Le rapporteur a par ailleurs fait observer que près de 400 000 Coréens vivent au Japon; il s’agit en majorité des personnes ayant été forcées de se rendre au Japon à l’époque où la Corée était une colonie japonaise.  Or, ces personnes sont toujours considérées comme des étrangers, n’ont pas accès à la retraite et n’ont pas le droit de participer aux élections locales, a déploré l’expert.  

M. Bossuyt a d’autre part fait observer que le taux d’acceptation des demandes d’asile au Japon était très faible: 0,17%, soit 19 admissions sur 11 000 demandes traitées.  

D’autres questions et observations du rapporteur ont porté sur la discrimination à l’encontre des non-ressortissants; sur la lutte contre la traite des personnes; et sur le financement des écoles privées étrangères au Japon.  

Le rapporteur a félicité le Japon de sa coopération et de sa ponctualité dans la présentation de ses rapports.

M. GUN KUT, rapporteur du Comité pour le suivi des recommandations faites au Japon, a pour sa part rappelé que le Comité avait prié le Japon, après l’examen du précédent rapport du pays en 2013, de présenter un rapport intérimaire au sujet de trois questions en particulier: les violences contre les femmes, le problème des « femmes de réconfort » et la situation des burakumin.  Les deux rapports rendus à ce sujet par le Japon en 2016 ne traitent pas de la question des burakumin, a regretté M. Kut.

Un autre expert a demandé à la délégation de dire si le Japon entendait retirer ses réserves à l’article 4 de la Convention - et dans quel délai – et si elle pouvait expliquer la raison de ces réserves.  L’expert a voulu savoir si le Japon sanctionnait l’incitation à la violence raciale.  Il a mis en garde contre la persistance au Japon d’actes de nature discriminatoire.  Il s’est en outre interrogé sur la légalité, au Japon, de déclarations telles que « mort aux Coréens ».  L’expert s’est également enquis des dispositifs de soutien aux victimes de la discrimination raciale existant au Japon et des formations dispensées dans ce domaine aux forces de l’ordre.

Une experte a recommandé au Japon de dédommager les anciennes « femmes de réconfort ».  Elle a insisté sur l’importance d’accorder toute l’attention voulue à cette demande très légitime des victimes.  L’experte s’est étonnée du blocage qui semble exister au sein de l’État partie à ce sujet.  Une autre experte a fait observer que le problème des « femmes de réconfort » ne concernait pas uniquement les Gouvernements du Japon et de la République de Corée, mais qu’il affectait la dignité des femmes du monde entier.  

Plusieurs questions ont porté sur la situation des Aïnous au Japon.  Un expert a constaté que l’enquête menée en 2013 par les autorités avait montré qu’un tiers des Aïnous se disaient victimes de racisme: il a voulu savoir si cette constatation avait par la suite donné lieu à des mesures spécifiques.  Le même expert – rappelant que le Japon lui-même avait été victime de stéréotypes discriminatoires par le passé –  a jugé important que le pays ait une vision davantage centrée sur l’interdépendance de toutes les sociétés.

Une experte a regretté certaines lacunes dans la loi japonaise sur l’interdiction des discours de haine, compte tenu de la multiplication des manifestations de haine au Japon et du risque qu’elles comportent pour la cohésion du tissu social.  L’experte a demandé dans quelle mesure l’expression des minorités est favorisée au Japon.  Déplorant d’autre part que le Japon n’ait donné aucune information sur les burakumin, l’experte a prié la délégation de dire si le Gouvernement allait se doter d’une structure interministérielle de coordination de l’action en faveur des burakumin.

Un autre expert a observé que l’assistance juridique gratuite pour les étrangers n’était pas un droit, mais était considérée comme une faveur.  L’expert a en outre recommandé que le Japon abroge la disposition qui autorise les autorités à retirer le permis de séjour d’une femme étrangère mariée à un Japonais et qui dépose plainte contre son mari pour violence domestique.  Il a également recommandé que le Japon se dote d’une loi complète interdisant la discrimination raciale.  

Un autre expert a déploré la discrimination que subissent quelque 30 000 Nord-Coréens établis au Japon et, d’une manière générale, de nombreux immigrés.  

Une experte a demandé à la délégation si les enfants des minorités avaient bien accès à une éducation en langue japonaise.  L’experte a relevé que le Japon n’entendait pas adhérer à la  Convention concernant la lutte contre la discrimination dans le domaine de l'enseignement de l’UNESCO (1960); elle a prié la Japon de regarder de plus près cette Convention.  

Plusieurs experts ont jugé important que le Japon adopte une politique et des mesures concrètes pour éliminer les discours de haine à l’encontre des étrangers au Japon.  Ils ont regretté que les lois en vigueur soient insuffisantes à cet égard.  Des experts ont aussi rappelé que le Comité avait déjà recommandé, à plusieurs reprises, que le Japon adopte une définition de la discrimination raciale qui soit conforme à celle qu’en donne la Convention.

D’autres questions ont porté sur les répercussions, pour la population d’Okinawa, de la présence de forces armées des États-Unis; sur l’intention du Japon de ratifier les instruments internationaux de prévention de l’apatridie; et sur le profilage des membres de la communauté musulmane au Japon.

Un expert a dit ne pas comprendre comme le Japon pouvait, sur la base des lois en vigueur, poursuivre effectivement les délits couverts par l’article 4 de la Convention (article qui stipule que « les États parties condamnent toute propagande et toutes organisations qui s'inspirent d'idées ou de théories fondées sur la supériorité d'une race ou d'un groupe de personnes d'une certaine couleur ou d'une certaine origine ethnique … »).  

Un autre expert s’est enquis de l’existence au Japon d’un mécanisme pour donner suite aux recommandations des organes de traités tels que le Comité.  

Un expert a relevé qu’entre deux recensements, la population des Aïnous avait reculé de mille unités.  Il a en outre déploré le faible nombre d’Aïnous inscrits à l’université.  

Réponses de la délégation

La délégation a déclaré que la loi japonaise reprenait tous les éléments de l’article 4 de la Convention, ce qui permet au Japon de juger et condamner les auteurs des infractions visées.  Le Japon est conscient qu’il doit encore régler un certain nombre de problèmes sur le plan législatif, notamment le fait que le Code pénal n’est pas pleinement conforme à la Constitution, a ajouté la délégation.  Le Japon tiendra dûment compte des recommandations du Comité, a-t-elle assuré.

Le Japon interdit tous les discours d’incitation à la haine raciale, quelles que soient les personnes ciblées et leur nationalité, a ensuite affirmé la délégation.  Des mesures sont prises dès lors qu’un tel discours est constaté, a-t-elle assuré.  Il est vrai cependant que la « loi conceptuelle » sur l’élimination des discours de haine de 2016 ne prévoit pas de sanctions, a-t-elle précisé.  Mais le discours haineux peut être poursuivi au pénal sous plusieurs chefs d’accusation, a-t-elle insisté, ajoutant que plusieurs condamnations ont déjà été prononcées.  Depuis l’adoption de la loi de 2016, le Ministère de la justice peut octroyer des réparations aux victimes de discours de haine par l’intermédiaire de ses quelque trois cents « unités de protection des droits de l’homme » réparties sur tout le territoire et ce, que la victime soit japonaise ou étrangère.

La loi sur la radiodiffusion interdit l’incitation à la discrimination raciale dans les médias, a poursuivi la délégation: cette loi concerne aussi bien les diffuseurs d’information que les créateurs privés de contenus.  La loi réprime aussi les contenus erronés et préjudiciables aux droits de la personne humaine.  

S’agissant des réserves que le Japon maintient au sujet de l’article 4 de la Convention, la délégation a expliqué que la répression du discours de haine est délicate car elle n’est pas sans effet sur la liberté d’expression, une liberté à laquelle les Japonais sont très attachés.  Mais les autorités sont fermes dans leur refus des discours de haine raciale et entendent éduquer la population sur les effets négatifs de ces discours sur les personnes visées, a insisté la délégation.

La loi japonaise interdit d’autre part le profilage ethnique et ethnoreligieux, a fait valoir la délégation, assurant que les policiers et les gardiens de prison reçoivent une solide formation aux droits de l’homme.  

La délégation a insisté à plusieurs reprises sur le fait que les autorités japonaises prenaient clairement position, dans l’espace public, contre la discrimination raciale et contre les discours de haine.  Elle a précisé que les autorités n’hésitaient pas à faire passer leurs messages de sensibilisation par le biais de mangas, qui ont beaucoup de succès au Japon.

La Constitution couvre la prévention de la discrimination sur la base de l’origine ethnique, a souligné la délégation.  La discrimination raciale est en outre est interdite dans plusieurs lois, notamment dans la loi sur le travail (en son article 3).  La loi fondamentale sur l’éducation donne à tous les citoyens le droit à une éducation et interdit également la discrimination dans ce domaine.  Quant au Code civil, il autorise le versement de dommages et intérêts aux victimes de la discrimination, a ajouté la délégation.

Toutes les plaintes pour discrimination sont notifiées à l’autorité judiciaire, qui ouvre rapidement des enquêtes.  Des sanctions sont prises conformément à la loi, a par ailleurs assuré la délégation.

S’agissant des personnes vivant à Okinawa ou qui en sont originaires, la délégation a indiqué qu’elles sont toutes considérées comme japonaises.  Elles ont le droit de pratiquer leur religion et leur culture, qui est très riche et que les autorités s’efforcent de préserver.  Seuls les Aïnous sont considérés par le Japon comme un peuple autochtone, a précisé la délégation.  La population d’Okinawa a elle-même demandé, en 2016, le retrait des déclarations internationales faisant d’elle un peuple autochtone, a-t-elle en outre déclaré, avant d’ajouter que la situation socioéconomique ne cessait de s’améliorer à Okinawa.

Répondant à d’autres questions au sujet des Aïnous, la délégation a précisé que le Japon avait élaboré un rapport en 2017 sur la manière dont les restes funéraires des Aïnous sont préservés.  Quant au déclin de la population aïnoue, il s’explique par le vieillissement, le départ à l’étranger ou le refus de participer au recensement, a indiqué la délégation.

La délégation a d’autre part expliqué que les burakumin constituaient une catégorie sociale et non ethnique, et qu’ils ne subissaient donc pas de discrimination au sens de la Convention.  Mais les autorités japonaises n’en entendent pas moins lutter contre toutes les formes de discrimination, a ajouté la délégation.  Elle a par la suite précisé que la loi interdisait la discrimination contre cette catégorie de population.  Cette discrimination très ancienne est tout à fait unique au Japon et le Gouvernement souhaite l’éliminer totalement; il a déjà lancé des campagnes de sensibilisation et mis en place des mesures de réparation pour les victimes, a indiqué la délégation.  Les burakumin ne sont pas confrontés à un problème de discrimination raciale, a insisté la délégation.

La délégation a assuré que le Japon était conscient du fait que de nombreuses « femmes de réconfort » ont souffert dans leur dignité, une situation face à laquelle le pays éprouve des remords.  Les autorités entendent donc venir en aide aux anciennes victimes par le biais financier et médical: un fonds (Fonds pour les femmes asiatiques – ou AWF selon l’acronyme anglais) a été créé à cet effet.  Le Premier Ministre actuel a écrit personnellement à ce sujet à chaque survivante, exprimant les remords du Japon, a insisté la délégation.  La délégation s’est dit en mesure de faire savoir qu’à ce jour, 61 anciennes « femmes de réconfort » avaient bénéficié du fonds en République de Corée.

Le Japon n’entend pas du tout nier le sort des « femmes de réconfort », a ensuite assuré la délégation.  Mais, a-t-elle fait observer, la situation n’est pas toujours bien comprise, notamment parce que des éléments fictionnels se sont peu à peu intégrés à la réalité.  L’objectivité doit donc prévaloir, basée sur les enquêtes réalisées par des experts et disponibles en anglais, a affirmé la délégation.

Toujours au sujet des « femmes de réconfort », la délégation a rappelé que le Japon et la République de Corée avaient trouvé en 2015 un accord pour régler de manière définitive cette question.  L’accord prévoit des mesures de soutien pour plusieurs dizaines d’anciennes victimes, dont certaines sont prises en charge par le Fonds susmentionné (AWF).  

La notion d’esclavage sexuel n’est pas adaptée au problème des femmes de réconfort et est rejetée par le Japon, a par ailleurs indiqué la délégation.

Suite à ces explications fournies par la délégation, une experte du Comité a regretté que le fonctionnement du Fonds pour les femmes asiatiques (AWF) soit lui-même attentatoire à l’honneur des anciennes victimes.  L’experte a déploré en particulier que les victimes aient été contactées à titre individuel et qu’aucune excuse officielle n’ait été formulée.  Elle a également insisté sur la pertinence de l’expression « esclavage sexuel ».  Un autre membre du Comité a déploré, pour sa part, le choix d’une approche d’État à État pour régler la question, approche qui ne tient pas suffisamment compte des besoins des victimes.  La délégation a alors précisé que le Japon était désireux de coopérer avec le Gouvernement de la République de Corée pour régler la question des « femmes de réconfort ».  Le Gouvernement japonais a pour objectif de présenter des excuses à toutes les victimes et de les indemniser, a assuré la délégation.  

Le Japon s’est doté de plusieurs institutions de protection des droits de l’homme conformes aux Principes de Paris, a en outre indiqué la délégation.

Le Code pénal réprime la traite des personnes, a ensuite fait valoir la délégation.  Un plan de lutte contre la traite des personnes a été lancé en 2014 et prévoit notamment des activités de sensibilisation et des mesures de protection des victimes.  Les victimes peuvent ainsi recevoir des informations et un soutien par des structures spécialisées et se voir octroyer un permis de séjour exceptionnel au Japon, a précisé la délégation.  L’aide juridictionnelle, l’aide à l’éducation et l’aide à l’intégration sur le marché de l’emploi sont ouvertes aux victimes étrangères de la traite des êtres humains, a-t-elle ajouté.  Quant aux forces de police et au personnel des ambassades japonaises, ils sont eux aussi sensibilisés aux problèmes que rencontrent les victimes.  En 2014, les autorités ont également créé un groupe de travail contre la traite des personnes, qui est chargé de diffuser des informations sur ce problème, en particulier un manuel d’enquête et de procédure destiné aux forces de l’ordre.  

Les requérants d’asile au Japon font l’objet d’une protection particulière pendant les quatre mois suivant le dépôt de leur demande, a par ailleurs indiqué la délégation.  Les requérants admis ont le droit de travailler, a-t-elle souligné.  Quant aux soins de santé, ils sont prodigués sans considération de la nationalité des patients, a-t-elle assuré.

Quant aux résidents permanents au Japon qui n’ont pas de passeport de leur pays d’origine, ils se voient remettre un « permis de retour » les autorisant à revenir au Japon, a ensuite expliqué la délégation.  De par la loi, le Japon ne reconnaît pas les documents émis par la République populaire démocratique de Corée et un certain nombre d’autres pays: on ne peut donc pas parler de discrimination raciale dans ce domaine, a estimé la délégation.

S’agissant de la convention de l’UNESCO mentionnée par une experte (voir plus haut), la délégation a souligné que la loi japonaise interdisait déjà la discrimination à l’école.  La scolarité obligatoire s’applique ainsi tant aux Japonais qu’aux ressortissants étrangers vivant au Japon.  Les enfants de ressortissants non japonais sont admis à l’école publique ou à l’école privée, le choix étant individuel et indépendant du statut de résidence.  

Les enfants peuvent aussi être inscrits dans des écoles étrangères, dont 126 sont certifiées par les pouvoirs publics selon des critères spécifiés dans la loi, a poursuivi la délégation.  Les enfants étrangers et leurs mères peuvent bénéficier d’un « fonds public de soutien financier à la scolarisation », fonds dont l’administration est assurée par les écoles elles-mêmes.  Certaines écoles coréennes ont demandé à être intégrées à ce fonds de soutien financier, mais plusieurs ont vu leur demande refusée par les tribunaux, a indiqué la délégation; néanmoins, aucune demande n’a été faite pour que soit exclue d’office telle ou telle catégorie d’établissement scolaire, a assuré la délégation.

La Cour suprême a réservé le droit d’être élu localement aux citoyens japonais.  Mais certaines personnes non ressortissantes peuvent se présenter aux élections locales dans des conditions spécifiques, a indiqué la délégation.  

Remarques de conclusion

M. BOSSUYT a remercié la délégation pour les réponses et informations détaillées qu’elle a fournies au Comité.  Il a aussi remercié les représentants de la société civile japonaise, pleine d’énergie et bien organisée, et dont le Comité s’est efforcé de tenir compte des points de vue.

M. OTAKA a indiqué que le Gouvernement japonais communiquerait au Comité des informations complémentaires par écrit.

M. NOUREDDINE AMIR, Président du Comité, a insisté sur le fait que le Comité n’avait d’autre objectif que de contribuer à l’élimination de la discrimination raciale partout dans le monde, y compris au Japon.

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