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Le Comité contre la discrimination raciale auditionne la société civile au sujet de la situation à Maurice, à Cuba et au Japon
14 août 2018
GENEVE (14 août 2018) - Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a auditionné, ce matin, des représentants de la société civile au sujet de la mise en œuvre de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale à Maurice, à Cuba et au Japon, les trois pays dont les rapports seront examinés cette semaine.
S’agissant de Maurice, une organisation non gouvernementale a regretté que le système politique favorise la prépondérance de la communauté ethnique Vaish. L’ONG a recommandé que Maurice adopte une réforme électorale complète, afin que les Créoles puissent jouir de conditions propices à l’exercice de leurs droits et vivre dans la dignité.
Plusieurs organisations non gouvernementales ont déploré la persistance au Japon de diverses formes de discrimination raciale ou ethnique, au détriment en particulier des Coréens, des burakumin, des Aïnous et des habitants des îles Ryükyü / Okinawa. Les intervenants ont recommandé l’interdiction explicite, dans la loi japonaise, de tous les discours de haine; une meilleure reconnaissance des droits des résidents étrangers au Japon; et l’organisation, pour les représentants du Gouvernement, de formations aux droits de l’homme.
Enfin, s’agissant de Cuba, une organisation non gouvernementale a relevé que si le cadre social et juridique cubain est propice à la non-discrimination raciale, tous les préjugés et le racisme n’ont pas pour autant été éliminés des consciences. Il a été recommandé que Cuba applique des politiques multisectorielles pour éliminer toutes les formes de discrimination et favorise le débat public sur la discrimination raciale.
Cet après-midi, à 15 heures, le Comité entamera l'examen du rapport de Maurice, qu'il achèvera demain matin.
Audition de la société civile
S’agissant de Maurice
Affirmative Action a déclaré que Maurice devait encore faire face aux répercussions de l’esclavage et du travail servile. L’ONG a observé que les Créoles n’étaient pas les seules victimes de la discrimination raciale: en effet, les Hindous subissent eux aussi une « pénalité ethnique » imputable aux règles non écrites du système de castes. L’organisation a déploré le système électoral mauricien, qui est organisé sur des bases ethniques et incite à un « profilage ethnique » des candidats, favorisant finalement la prépondérance de la communauté ethnique Vaish. Elle a recommandé que Maurice adopte une réforme électorale complète, afin que les Créoles puissent jouir de conditions propices à l’exercice de leurs droits et vivre dans la dignité.
Dans le cadre du dialogue qui a suivi cette présentation, une experte du Comité a prié l’ONG de dire comment se maintenait le système de castes à Maurice et a souhaité savoir si les populations d’ascendance africaine étaient solidaires entre elles. Un autre expert a demandé des renseignements sur la situation des Chagossiens installés à Maurice après leur expulsion de leurs terres par le Royaume-Uni. Un expert s’est quant à lui interrogé sur le profilage racial des candidats aux élections.
Affirmative Action a précisé que les anciens colonisateurs avaient conçu un système électoral destiné à intégrer toutes les minorités ethniques. Le pays a été divisé en circonscriptions selon des lignes ethniques favorisant les ethnies majoritaires au détriment des ethnies minoritaires. La compétence n’entre ainsi pour rien dans la sélection des candidats. Les Mauriciens ne sont pas racistes, a ajouté l’ONG, le problème se situant au niveau politique: depuis l’indépendance, tous les premiers ministres sont issus de la communauté Vaish – et même de deux familles en particulier. L’ONG a dénoncé la position inférieure des Créoles dans la vie professionnelle.
S’agissant du Japon
Japan Federation of Bar Associations a regretté que le Japon n’ait pas créé d’institution nationale de droits de l’homme indépendante conforme aux Principes de Paris et n’ait pas reconnu la compétence du Comité pour recevoir des plaintes de particuliers. L’ONG a en outre recommandé de renforcer la loi sur les discours de haine, qui est encore loin de correspondre à la loi complète d’interdiction de la discrimination raciale que le Comité avait appelé de ses vœux dans ses précédentes observations finales.
Japan Network towards Human Rights Legislation for Non-Japanese Nationals and Ethnic Minorities a souhaité que le Comité engage le Gouvernement japonais à condamner explicitement les crimes de haine et à créer un groupe de travail chargé d’appliquer des mesures concrètes et complètes contre les crimes de haine, y compris la réalisation d’enquêtes régulières. L’ONG a en outre recommandé que le Gouvernement japonais interdise explicitement, dans la loi, les discours de haine – y compris ceux prononcés contre des « groupes non spécifiés ».
ERD Net a attiré l’attention du Comité sur le problème des propos racistes tenus par des fonctionnaires et des policiers japonais. L’ONG a dénoncé en particulier des propos tenus contre les Coréens par le Vice-Premier Ministre actuel et par un ancien Premier Ministre, ainsi que les commentaires faits par des policiers lors de manifestations contre la construction d’installations militaires par les États-Unis à Okinawa. L’ONG a fait observer que le refus du Gouvernement japonais d’identifier et de sanctionner les auteurs de tels discours contrevenait à l’article 4 de la Convention. Les représentants du Gouvernement doivent recevoir des formations aux droits de l’homme, a en outre recommandé ERD Net.
Human Rights Association for Korean Residents in Japan a prié le Comité de recommander au Gouvernement du Japon de maintenir les financements destinés aux écoles coréennes au Japon. L’ONG a regretté que le droit des minorités de suivre un enseignement dans leurs langues ne soit pas respecté dans ce pays. Elle a en outre recommandé que le Gouvernement japonais abroge la loi exigeant que les Coréens qui résident de manière permanente au Japon obtiennent un permis de « réentrée au Japon » s’ils absentent du pays.
Korean Residents Union in Japan (Mindan) a demandé que le Japon reconnaisse les droits des résidents permanents coréens, notamment leur droit de vote aux élections locales. L’ONG a ensuite déploré le déni ou la minimisation du massacre de Coréens et de Chinois commis par la police japonaise après le tremblement de terre de 1923.
Women’s Active Museum on War and Peace a condamné le fait que le Gouvernement du Japon continue de nier que les « femmes de réconfort » aient été, en réalité, des esclaves sexuelles.
Solidarity Network with Migrants in Japan a fait observer que de nombreuses femmes étrangères mariées à des Japonais refusent de dénoncer les violences domestiques dont elles peuvent être victimes, de peur de perdre leur permis de résidence. L’ONG a en outre recommandé que les ressortissants étrangers bénéficient des prestations sociales au même titre que les citoyens japonais.
Le Mouvement international contre toutes les formes de discrimination et de racisme a dénoncé la discrimination systématique dont sont victimes les burakumin, les Aïnous et les habitants des îles Ryükyü / Okinawa et a plaidé pour le droit à l’autodétermination et les autres droits fondamentaux du peuple des îles Ryükyü / Okinawa, des droits qui sont menacés du fait de la présence des bases militaires américaines d’Okinawa.
Japan Committee for Citizen’s Rights and Honors s’est dit choqué par la contradiction entre l’histoire réelle des Aïnous et la version qu’en donnent certaines organisations non gouvernementales. L’ONG a nié en particulier que les Aïnous constituent une population autochtone au sens de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.
Academics’ Alliance for Correcting Groundless Criticism of Japan a insisté sur le rôle joué par le Japon dans la lutte contre la discrimination raciale depuis 1919 déjà, soit soixante ans avant l’adoption de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale.
Suite à ces interventions, un expert du Comité a relevé que le Comité était saisi de plusieurs rapports d’ONG faisant état de violations présumées de la Convention par le Japon. De manière plus étonnante, a ajouté l’expert, le Comité est aussi saisi de documents émanant d’autres ONG qui réfutent les rapports précités ou exposent des vues paradoxales. L’expert a voulu savoir pourquoi les crimes de haine avaient augmenté depuis la promulgation de la loi réprimant la discrimination raciale. Il a demandé si les écoles étrangères autres que coréennes recevaient des subventions.
Dans leurs réponses, les organisations non gouvernementales ont notamment précisé que la loi contre les discours de haine ne protégeait que les personnes d’origine étrangère. Elles ont ajouté qu’en vertu du droit actuel, une attaque contre une école coréenne – exemple cité par une experte du Comité – peut faire l’objet de poursuites car il s’agit d’une agression visant une entité spécifique; en revanche, une affirmation telle que « tous les Coréens doivent mourir » n’est pas punissable, a-t-il été précisé.
L’État subventionne 52 écoles secondaires étrangères, y compris sud-coréennes, à l’exclusion des écoles en lien avec la République populaire démocratique de Corée, ont précisé les ONG.
S’agissant de Cuba
L’Union nationale des juristes cubains a assuré que le principe de non-discrimination raciale était ancré dans la société et dans la loi de Cuba, y compris dans le Code pénal et dans le droit du travail. Plusieurs volets de la loi ont été amendés pour éliminer la conduite discriminatoire dans la vie économique, laquelle subit des mutations depuis 2011, a ajouté l’ONG. Si le cadre social et juridique cubain est propice à la non-discrimination raciale, tous les préjugés et le racisme n’ont pas été éliminés des consciences, a nuancé l’Union.
L’Association cubaine de l’Organisation des Nations Unies a estimé que, pour devenir une société plus juste et plus inclusive, Cuba devrait continuer de garantir l’égalité des chances entre Noirs, Blancs et métis; appliquer des politiques multisectorielles pour éliminer toutes les formes de discrimination; et favoriser le débat public sur la discrimination raciale. L’embargo est le principal facteur d’inégalités à Cuba, a ajouté l’ONG.
Suite à ces interventions, un expert du Comité s’est réjoui à l’idée de pouvoir dialoguer, demain, avec la délégation officielle de Cuba. Il a regretté que d’autres organisations non gouvernementales ne soient pas, elles aussi, venues présenter la situation à Cuba. L’expert a cependant remercié les deux ONG présentes ce matin. Un autre expert a fait savoir que plusieurs ONG qui auraient dû venir à Genève pour participer à l’examen de Cuba se sont vu interdire de le faire.
Une experte a voulu savoir si l’embargo des États-Unis contre Cuba avait des répercussions disproportionnées sur la communauté noire à Cuba et s’il était vrai, comme cela se dit à l’étranger, que cette communauté est la plus exposée à la discrimination sur l’île. Un autre expert a prié les ONG de donner des informations sur les discriminations multiples sont victimes les femmes indigènes.
L’Association cubaine de l’Organisation des Nations Unies a affirmé qu’il était difficile de dire si l’embargo affectait davantage telle ou telle communauté, car toutes les communautés sont affectées par cette « politique génocidaire ». Il est difficile de mettre en place des politiques ciblant des catégories de population en particulier, a par ailleurs souligné l’ONG. Les femmes d’ascendance africaine ne sont pas explicitement ciblées, car les politiques publiques concernent toutes les femmes cubaines, a-t-elle expliqué. L’Union nationale des juristes cubains a confirmé qu’il était impossible d’établir des distinctions entre les communautés vivant à Cuba. L’ONG a en outre indiqué ne pas savoir pour quelles raisons d’autres organisations ne sont pas présentes ce jour.
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