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Communiqués de presse Organes conventionnels

Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale examine le rapport du Kirghizistan

25 avril 2018

Comité pour l'élimination
 de la discrimination raciale 

25 avril 2018

Le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport présenté par le Kirghizistan sur les mesures prises par ce pays pour donner effet aux dispositions de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale.

Présentant le rapport de son pays, M. Bakhtiyar Saliev, Directeur de l’Agence gouvernementale chargée des collectivités locales et des relations interethniques du Kirghizistan, a expliqué que les traités internationaux auxquels a adhéré la République kirghize ont rang constitutionnel et font partie du système juridique interne.  Conformément au Code de procédure pénale, l’égalité est garantie entre les citoyens quels que soient leur sexe, leur langue et leur origine, entre autres.  Pour l’heure, aucun juge n’a encore jamais invoqué la Convention devant les tribunaux, a ajouté M. Saliev.

L’affaire Askarov a été réexaminée, ce qui a mené à l’annulation des condamnations précédemment prononcées à l’encontre de cette personne en 2010, a ensuite indiqué M. Saliev ; dans cette affaire, la condamnation prononcée par un tribunal en 2017 a remplacé la décision du tribunal de 2010, a-t-il ajouté, précisant qu’en vertu du Code pénal, M. Askarov a été condamné à une peine d’emprisonnement à vie.

Le nombre d’incidents interethniques a été divisé par quatre dans le pays depuis 2017, a ensuite indiqué M. Saliev.  Depuis 2014, l’État octroie des subventions à des projets qui visent à rapprocher les différentes communautés, a-t-il fait valoir.  Il y a une stabilisation des relations interethniques dans le pays, a-t-il assuré.

Les organes du Procureur de la République étudient toutes les affaires pénales relatives aux événements de juin 2010, a d’autre part expliqué M. Saliev, reconnaissant qu’à l’époque, les organes judiciaires n’avaient peut-être pas fait correctement leur travail.  Tous les cas de disparitions donnent lieu à des poursuites au pénal et à des enquêtes, a-t-il souligné.  Les victimes peuvent, elles, demander des réparations pour le préjudice moral qu’elles ont subi.

La délégation kirghize était également composée, entre autres, de M. Daniiar Mukashev, Représentant permanent de la République kirghize auprès des Nations Unies à Genève ; de M. Sheraly Kamchybekov, juge à la Cour suprême ; ainsi que de représentants du Bureau du Procureur général, du Bureau du Gouvernement, du Ministère des affaires étrangères et de la Mission permanente de la République kirghize auprès des Nations Unies à Genève.

La délégation a répondu aux questions qui lui étaient adressées par les membres du Comité en ce qui concerne, notamment, la représentation des minorités, en particulier au sein de la fonction publique ; les événements de 2010 ; l’affaire Askarov ; la protection des défenseurs des droits de l’homme ; la situation des minorités, y compris celle des Lyuli ; la loi contre le terrorisme ; l’absence de législation antidiscriminatoire spécifique ; les personnes LGBTI ; ou encore la lutte contre les discours de haine.

Mme Gay McDougall, rapporteuse du Comité pour l’examen du rapport du Kirghizistan, a relevé que depuis l’examen du précédent rapport du pays par ce Comité, certaines mesures avaient été prises pour lutter contre les conflits interethniques ; mais ces mesures semblent assez inefficaces, a-t-elle ajouté.  Des organes ou organismes ont bien été mis en place dans ce domaine, mais ils ne disposent pas de ressources suffisantes, sont principalement dirigés par des membres de la communauté kirghize et n’ont pas la confiance des autres communautés, a-t-elle précisé.

L’experte a ensuite regretté le manque d’enquêtes efficaces sur les violations des droits de l’homme commises lors des événements de juin 2010.  Des rapports indépendants expliquent que l’État n’a pas ouvert d’enquête sur les crimes ou les cas de torture commis par les forces de l’ordre durant ces évènements, a-t-elle insisté.  Le fait qu’il n’y ait pas de plaintes contre la police ne signifie pas qu’il n’y ait pas eu de violations des droits de l’homme, bien au contraire, a-t-elle rappelé ; cela peut en effet être dû à des pressions ou à des actes d’intimidation de la part des forces de l’ordre à l’encontre de la population ouzbèke.  

Mme McDougall a par ailleurs indiqué que le Comité avait reçu des informations inquiétantes concernant des cas de persécution à l’encontre de défenseurs des droits de l’homme et de journalistes, notamment à l’encontre de ceux qui défendent les droits des minorités ethniques ou qui enquêtent sur les événements de 2010.  La rapporteuse a notamment dénoncé les actes de harcèlement à l’encontre de l’épouse de M. Azimzhan Askarov.  Mme McDougall a indiqué que le Comité demandait la libération immédiate de M. Askarov et la restitution de sa maison ; le cas de M. Askarov est une tâche sur la légitimité du Gouvernement kirghize, a insisté la rapporteuse.

Le Comité adoptera ultérieurement, lors de séances à huis clos, ses observations finales sur le rapport du Kirghizistan et les rendra publiques à l’issue de la session, qui doit clore ses travaux le vendredi 11 mai.

Cet après-midi, à 15 heures, le Comité entame l’examen du rapport du Pérou.

Examen du rapport

Le Comité était saisi des huitième à dixième rapports périodiques du Kirghizistan combinés en un seul document (CERD/C/KGZ/8-10).

Présentant le rapport de son pays, M. BAKHTIYAR SALIEV, Directeur de l’Agence gouvernementale chargée des collectivités locales et des relations interethniques du Kirghizistan, a expliqué que les traités internationaux auxquels a adhéré la République kirghize ont rang constitutionnel et font partie du système juridique interne.  Conformément au Code de procédure pénale, l’égalité est garantie entre les citoyens quels que soient leur sexe, leur langue et leur origine, entre autres.  Pour l’heure, aucun juge n’a encore jamais invoqué la Convention devant les tribunaux, a ajouté M. Saliev.

L’un des principes essentiels de la République kirghize est celui de l’égalité des citoyens devant la loi, a poursuivi le chef de la délégation.  Les auteurs d’actes de discrimination font l’objet de poursuites, a-t-il assuré.  La Constitution établit des garanties dans ce domaine et les mesures inscrites au Code pénal interdisent toute forme de discrimination directe ou indirecte fondée sur les motifs raciaux ou ethniques, a ajouté M. Saliev. 

Les autorités appliquent actuellement un programme de renforcement de la culture du droit dans le pays à l’horizon 2020, qui apporte des résultats concrets, a poursuivi M. Saliev.  Ce programme a par exemple permis la création, dans toutes les régions du pays, de permanences ouvertes à tous les ressortissants kirghizes, y compris les membres des minorités, qui peuvent y recevoir une aide juridique. 

Un projet de loi actuellement discuté au Parlement prévoit les mesures nécessaires afin de permettre au Médiateur, qui est l’institution nationale des droits de l’homme du Kirghizistan, d’obtenir le statut A de pleine conformité aux Principes de Paris, a d’autre part indiqué le chef de la délégation.

L’affaire Askarov a été réexaminée, ce qui a mené à l’annulation des condamnations précédemment prononcées à l’encontre de cette personne en 2010, a ensuite indiqué M. Saliev ; dans cette affaire, la condamnation prononcée par un tribunal en 2017 a remplacé la décision du tribunal de 2010, a-t-il ajouté, précisant qu’en vertu du Code pénal, M. Askarov a été condamné à une peine d’emprisonnement à vie et s’est vu privé de toute possibilité d’exercer la profession d’avocat ou toute autre fonction juridique.  Dans cette affaire, les juges ont mené toutes les procédures conformément aux exigences du Code de procédure pénale et les décisions pertinentes ont donc été prises par les tribunaux, a insisté M. Saliev. 

Le Kirghizistan a adopté une stratégie nationale afin de développer plus avant la base juridique du pays, a poursuivi M. Saliev.  Sept nouveaux codes – y compris un nouveau Code pénal et un nouveau Code de procédure pénale – sont entrés en vigueur afin d’améliorer l’ensemble du système judiciaire du pays, a-t-il précisé.  Le nouveau Code pénal comporte un nouveau chapitre consacré à l’apartheid et a alourdi les sanctions prévues pour tous les actes d’incitation à la haine raciale, a fait observer le chef de la délégation kirghize.  Les autorités kirghizes prennent en outre des mesures pour lutter contre l’incitation à la haine, notamment par le biais d’émissions de télévision financées par l’État, a-t-il fait valoir.

Dans la période 2011-2012, l’ethnie ouzbèke a servi de bouc-émissaire dans les médias, a regretté M. Saliev ; mais depuis, l’intolérance a été combattue, a-t-il assuré.  S’il n’y a pas de mesures sévères pour interdire les discours de haine dans les médias, c’est pour ne pas freiner la liberté d’expression ; c’est donc plutôt le principe d’autorégulation qui prévaut en la matière, a expliqué le chef de la délégation.

Le nombre d’incidents interethniques a été divisé par quatre dans le pays depuis 2017, a ensuite indiqué M. Saliev.  Depuis 2014, l’État octroie des subventions à des projets qui visent à rapprocher les différentes communautés, a-t-il fait valoir.  Il y a une stabilisation des relations interethniques dans le pays, a-t-il assuré.

Les organes du Procureur de la République étudient toutes les affaires pénales relatives aux événements de juin 2010, a d’autre part expliqué M. Saliev, reconnaissant qu’à l’époque, les organes judiciaires n’avaient peut-être pas fait correctement leur travail.  Tous les cas de disparitions donnent lieu à des poursuites au pénal et à des enquêtes, a-t-il souligné.  Interpol participe à la recherche de tous les auteurs de ces crimes.  Les victimes peuvent, elles, demander des réparations pour le préjudice moral qu’elles ont subi.  Actuellement, il n’existe pas de données sur des réparations attribuées à des victimes d’erreurs judiciaires dans le contexte des événements de 2010, a ajouté M. Saliev.

En 2012, le Parlement kirghize a décidé de mettre en œuvre un programme national pour le développement social de certains territoires frontaliers du pays, là où se trouvent de nombreuses minorités, a poursuivi le chef de la délégation.  Depuis 2013, des mesures ont été prises pour améliorer les infrastructures de ces régions frontalières, a-t-il précisé.

La communauté ouzbèke reçoit une attention particulière de la part des autorités kirghizes, notamment dans les domaines de l’éducation et de la culture, a ensuite indiqué M. Saliev.  L’État kirghize accorde aussi une attention particulière à la communauté lyuli (NDLR : il s’agit de Roms), notamment pour ce qui est de l’enregistrement des naissances et de la conservation de la langue et de la culture, a-t-il ajouté.

Quelque 12% des fonctionnaires kirghizes sont issus des minorités ethniques, a par ailleurs fait valoir le chef de la délégation.  Les autorités ont en outre introduit des quotas en faveur d’une représentation des minorités à hauteur de 15% dans les parlements locaux et national, a indiqué M. Saliev.

L’État kirghize s’efforce de mettre en œuvre un programme plurilinguistique afin que les jeunes Kirghizes soient trilingues, a ensuite souligné le chef de la délégation.  Les examens nationaux sont proposés en kirghize, en ouzbek et en russe, a-t-il ajouté.  Il a assuré qu’il n’y avait eu aucune fermeture d’école ouzbèke, expliquant que le ressentiment à ce sujet pouvait être dû au fait que des écoles qui, il y a quelques années encore, enseignaient uniquement en langue ouzbèke proposent désormais aussi un enseignement en kirghize et/ou en russe et sont donc ainsi devenues mixtes.  M. Saliev a ajouté que les médias du pays proposaient des programmes mixtes, notamment en langues ouzbèke, kirghize et russe.

En vertu de la loi sur les réfugiés, les réfugiés se voient protégés et ne peuvent pas être renvoyés dans leur pays, a d’autre part assuré M. Saliev, ajoutant que cela ne vaut pas pour une personne ayant été jugée pour crime grave.  Le Kirghizistan s’efforce de trouver une solution de long terme pour les réfugiés.  Ceux qui n’ont pas obtenu le statut de réfugiés rentrent par eux-mêmes ou sont aidés par le Haut-Commissariat pour les réfugiés (HCR).  Actuellement, les réfugiés ont la priorité pour ce qui est des demandes de nationalité, a précisé le chef de la délégation kirghize.

Le Kirghizistan a pris des mesures pour lutter contre l’apatridie, a en outre fait valoir M. Saliev ; des documents d’identité ont ainsi été donnés à plus de 9000 personnes.  Les réfugiés ont les mêmes droits, à quelques exceptions près, que les citoyens kirghizes ; ils peuvent notamment circuler dans le pays et bénéficier de l’éducation et des soins de santé.  Les enfants migrants ont droit à l’éducation gratuite, a d’autre part souligné M. Saliev.

Pour conclure, le chef de la délégation a expliqué que le Kirghizistan souhaitait collaborer de manière très étroite avec le Comité. 

Examen du rapport

Questions et observations des membres du Comité

MME GAY MCDOUGALL, rapporteuse du Comité pour l’examen du rapport du Kirghizistan, a relevé que depuis l’examen du précédent rapport du pays par ce Comité, certaines mesures avaient été prises pour lutter contre les conflits interethniques ; mais ces mesures semblent assez inefficaces, a-t-elle ajouté.  Des organes ou organismes ont bien été mis en place dans ce domaine, mais ils ne disposent pas de ressources suffisantes, sont principalement dirigés par des membres de la communauté kirghize et n’ont pas la confiance des autres communautés, a-t-elle précisé.

L’experte a ensuite regretté le manque d’enquêtes efficaces sur les violations des droits de l’homme commises lors des événements de juin 2010.  Des rapports indépendants expliquent que l’État n’a pas ouvert d’enquête sur les crimes ou les cas de torture commis par les forces de l’ordre durant ces évènements, a-t-elle insisté.  Le fait qu’il n’y ait pas de plaintes contre la police ne signifie pas qu’il n’y ait pas eu de violations des droits de l’homme, bien au contraire, a-t-elle rappelé ; cela peut en effet être dû à des pressions ou à des actes d’intimidation de la part des forces de l’ordre à l’encontre de la population ouzbèke.  

Concernant les inégalités socioéconomiques, la rapporteuse a déploré le nombre important d’expulsions et d’expropriations qui, à Och, ont affecté de manière disproportionnée la communauté ouzbèke.  Mme McDougall a en outre souhaité en savoir davantage sur les licenciements d’Ouzbeks ayant perdu leur poste de fonctionnaire entre 2010 et aujourd’hui.

Mme McDougall a souligné que les communautés ethniques minoritaires, qui représentent 30% de la population, continuent d’être sous-représentées au sein des pouvoirs législatif et exécutif.  Elle s’est enquise des mesures prises pour que ces groupes minoritaires soient davantage représentés dans le système judicaire et au sein des forces de l’ordre.  Qu’en est-il du bilan de la loi qui prévoit des quotas pour la représentation des minorités dans ces différents domaines, a-t-elle demandé?

La rapporteuse a ensuite regretté que le Kirghizistan ne se soit pas doté de normes juridiques à la hauteur de la Convention et des normes internationales en matière de discrimination.  Le fait que le Médiateur n’ait reçu aucune plainte concernant des cas de discrimination peut signifier que la population n’a pas confiance dans ce mécanisme, a-t-elle rappelé.

Mme McDougall a par ailleurs indiqué que le Comité avait reçu des informations inquiétantes concernant des cas de persécution à l’encontre de défenseurs des droits de l’homme et de journalistes, notamment à l’encontre de ceux qui défendent les droits des minorités ethniques ou qui enquêtent sur les événements de 2010.  La rapporteuse a notamment dénoncé les actes de harcèlement à l’encontre de l’épouse de M. Azimzhan Askarov et a demandé en vertu de quelle loi sa maison avait été confisquée.  Mme McDougall a indiqué que le Comité demandait la libération immédiate de M. Askarov et la restitution de sa maison.  Le cas de M. Askarov est une tâche sur la légitimité du Gouvernement kirghize, a insisté la rapporteuse.

L’experte a d’autre part expliqué être très inquiète face aux discours de haine de certains dirigeants politiques (kirghizes) qui lui rappellent ce qui s’est passé au Rwanda.  Ces discours de haine ont pour principale conséquence le harcèlement de journalistes, qui ont dû fuir le pays.  Il est très préoccupant d’entendre ce genre d’informations, a déclaré Mme McDougall.

La rapporteuse a par la suite estimé que les réponses fournies par la délégation étaient incomplètes et pas toujours sincères ; la délégation ne peut pas nier qu’il y a des problèmes avec les minorités dans le pays, a-t-elle affirmé.  Elle a expliqué que les personnes dont on a confisqué les maisons avaient été intimidées par la police et que l’on ne pouvait donc pas considérer qu’elles étaient en mesure de signer en toute liberté un contrat d’expropriation.  De manière générale, il y a un manque de confiance envers les institutions de l’État, a regretté la rapporteuse.

Un autre membre du Comité a souhaité obtenir davantage d’informations sur les différents groupes minoritaires dans le pays, en particulier ceux qui sont apparentés aux Roms.  Il s’est également enquis de la situation des communautés peu nombreuses, comme les Coréens, et a souhaité savoir si elles avaient accès à l’éducation dans leur propre langue.  Cet expert a en outre plaidé pour une mise à jour du document de base du Kirghizistan, qui date de 1998.

Un autre expert a exprimé sa solidarité avec M. Askarov et s’est enquis de l’interprétation que font les autorités kirghizes de la recommandation du Comité des droits de l’homme concernant cette affaire.  Cette affaire soulève des questions concernant l’indépendance du pouvoir judiciaire au Kirghizistan, a fait observer l’expert.  Il s’est ensuite enquis des efforts consentis par le Gouvernement kirghize pour reconstruire une unité nationale et a souhaité savoir si les mesures prises en ce sens étaient suffisantes compte tenu de l’ampleur du problème dans ce pays.  Ce même expert s’est enquis du rôle réel de l’Assemble du peuple kirghize dans le domaine de la lutte contre les tensions ethniques.  Il a souhaité connaître le nombre de fonctionnaires poursuivis suite aux événements de 2010.  Il s’est en outre enquis du contexte dans lequel des violences à l’encontre de femmes issues des minorités ont été commises après 2010 et a souhaité savoir si ces violences avaient un lien avec le conflit interethnique.  Il a enfin souhaité connaître la proportion de détenus issus des minorités dans les prisons, ainsi que la nature des délits pour lesquels ils ont été emprisonnés.

Une experte s’est enquise des mesures prises pour que les jeunes issus des minorités puissent suivre les cours et passer leurs examens dans leur propre langue et a encouragé le Kirghizistan à tout faire pour encourager l’enseignement dans les langues minoritaires.  L’experte a en outre déploré une paupérisation des groupes minoritaires.

Un autre expert a salué l’accueil par le Kirghizistan de réfugiés originaires d’Afghanistan et de Syrie.  Il a souhaité savoir si le pays envisageait de ratifier les Conventions de 1954 et de 1961 sur les réfugiés.  Il a ensuite demandé davantage d’informations sur la loi contre le terrorisme, en particulier en ce qu’elle prévoit la possibilité de retirer la citoyenneté à certains individus.  Le Comité a reçu des informations très inquiétantes concernant les personnes LGBTI issues des minorités, qui sont victimes de discriminations multiples, a en outre souligné cet expert.

Un expert a relevé que la proportion d’auteurs de violations des droits de l’homme poursuivis pour les événements de 2010 était très faible.  Il a souhaité savoir qui désigne et qui destitue les juges de leur poste.  Ce même expert a ensuite évoqué l’affaire Askarov en rappelant que dans la plupart des systèmes judiciaires, les aveux obtenus sous la torture sont irrecevables ; or cette irrecevabilité des aveux obtenus sous la torture n’a pas été appliquée dans le cas de M. Askarov.  De plus, des personnes entendues comme témoins dans cette affaire ont expliqué avoir témoigné à charge contre M. Askarov sous la contrainte, a ajouté l’expert.  Qu’en est-il de la procédure d’appel dans cette affaire au sujet de laquelle circulent de nombreuses informations préoccupantes ?

Qu’en est-il du délai pour faire appel dans cette affaire Askarov et ce dernier peut-il bénéficier d’une grâce, a-t-il en outre été demandé ?

Un expert a souhaité connaître la différence entre une langue nationale et une langue officielle au Kirghizistan et a souhaité en savoir davantage sur le statut particulier accordé à sept langues dans ce pays, selon ce qu’indique le rapport.

Un autre expert s’est inquiété que le paragraphe 91 du rapport mentionne « 160 foyers de conflits interethniques potentiels » au Kirghizistan.  Il a en outre souhaité savoir comment les « événements » de 2010 étaient enseignés dans le système scolaire.

Un expert a demandé si les autorités réalisaient des sondages ou des enquêtes sur la réalité du racisme au sein de la population.

Réponses de la délégation

S’agissant de la sous-représentation des minorités, la délégation a souligné qu’il y avait une tendance à l’amélioration de la représentation des Ouzbeks au sein de la fonction publique et du pouvoir judiciaire.  La délégation a par ailleurs expliqué qu’il y avait un problème de formation des minorités, ce qui les empêche d’accéder à certains postes.  Lorsque deux candidats ont la même note lors d’un examen de la fonction publique, la priorité est accordée au candidat issu de la minorité la moins bien représentée.

Les causes profondes des événements de 2010 n’ont pas été élucidées, a ensuite affirmé la délégation.  Les raisons de ces conflits sont systémiques et sont en partie dues à la pauvreté, a-t-elle ajouté.  Les groupes criminels et les trafiquants de drogue sont aussi à l’origine de ces tensions, a-t-elle poursuivi.  Le fait est que certains ont présenté des revendications politiques et séparatistes, ce qui a accentué le conflit, a d’autre part déclaré la délégation.  Ce conflit a un caractère complexe et présente différentes facettes, a-t-elle insisté.

Dans les manuels d’histoire, les événements de 2010 sont présentés comme une tragédie, a indiqué la délégation.  Le rôle du peuple a été présenté de manière positive, renvoyant à l’image d’un peuple qui a souhaité mettre fin au chaos.  La population elle-même a pu mettre fin au conflit en quatre jours sans qu’il y ait eu nécessité de recourir à des personnes extérieures, a ajouté la délégation.

La possibilité de revoir les affaires liées aux évènements de 2010 existe ; la révision doit être demandée par les victimes et le juge peut alors ordonner une révision du dossier, a expliqué la délégation.

Quelque 105 personnes sont encore recherchées dans le cadre des événements de 2010, a en outre indiqué la délégation.

Concernant l’affaire Askarov, la délégation a tout d’abord tenu à assurer que le Kirghizistan respectait ses obligations internationales en matière de droits de l’homme.  Le pays a pris en compte les recommandations du Comité des droits de l’homme concernant cette affaire, a-t-elle affirmé.  La Cour suprême a revu cette affaire ; certaines décisions des juges ont été abrogées et l’affaire a été portée en seconde instance devant un tribunal régional.  Le droit à la révision de l’affaire a donc été autorisé, dans la langue de M. Askarov, qui a bénéficié de l’assistance d’un interprète.  Le principe de l’égalité entre les parties a lui aussi été respecté.  Le juge a recouru à tous les documents nécessaires, comme prévu par la loi.  Il a offert au prévenu la possibilité de présenter toutes les preuves en sa possession et de recourir à des témoins.  Le tribunal a présenté son verdict et il n’y a pas eu, à ce stade, de recours de la part de M. Askarov suite à cette décision, alors que cette possibilité lui reste offerte auprès de la Cour suprême, a expliqué la délégation.  M. Askarov n’a donc pas épuisé toutes les voies de recours.  La décision du tribunal de seconde instance a été de confisquer les biens de M. Askarov, a rappelé la délégation ; cependant, en vertu de la loi en vigueur dans le pays, sa maison ne peut lui être confisquée et elle ne l’a donc pas été.

S’agissant de la protection des défenseurs des droits de l’homme, la délégation a assuré que l’État kirghize prenait des mesures pour assurer la sécurité de tous les citoyens, y compris celle des défenseurs des droits de l'homme et des journalistes, quelles que soient leurs activités.  Il n’y a aucune plainte concernant des faits d’intimidation ou de harcèlement visant des défenseurs de droits de l'homme, a ajouté la délégation.

Concernant les confiscations de maisons, la délégation a reconnu que ce sont les Ouzbeks qui ont été le plus touchés.  Il y a eu des déplacements de personnes sans les mesures de protection appropriées, a-t-elle indiqué.

D’après les informations provenant de la ville d’Och, vingt-deux maisons ont dû être démolies dans le cadre d’un projet d’aménagement et de construction concernant une rue, a par ailleurs indiqué la délégation ; ce projet a été réalisé de façon rigoureuse et des compensations ont été octroyées aux propriétaires des maisons concernées.  Ce sont des évaluateurs indépendants qui ont décidé du montant de ces compensations, a précisé la délégation.

La délégation a par la suite expliqué que l’État n’avait pas le droit de confisquer arbitrairement les biens et les propriétés de ses citoyens ; ce sont les tribunaux qui sont compétents pour ces questions.

La délégation a rappelé que les Lyuli s’étaient vu accorder (par le régime soviétique) dans les années 50 une région où vivre; tous parlent l’ouzbek et aujourd’hui, plus de 4000 Lyuli sont présents dans cette région.  Beaucoup travaillent dans des briqueteries, a précisé la délégation.  Des Lyuli ont commencé à travailler dans la fonction publique et l’un est même devenu député dans un parlement local, alors que d’autres poursuivent des études supérieures.  Il n’y a eu aucune plainte provenant de la communauté lyuli concernant l’octroi de passeport, a en outre indiqué la délégation.

Là où des minorités vivent ensemble, l’enseignement leur est donné dans leur langue natale, a ensuite expliqué la délégation.  L’État appuie la culture de toutes les ethnies qui vivent sur le territoire kirghize, notamment par un système de subventions accordées à des projets.

L’enseignement en ouzbek s’est accru dans le pays, a affirmé la délégation.  Depuis l’indépendance, l’accès à l’enseignement dans les langues nationales n’a pas été limité, a-t-elle assuré.  Il n’en demeure pas moins que l’enseignement dans la langue de l’État permet aux élèves de disposer d’une langue commune qui pourra leur servir dans le cadre de leur carrière professionnelle, a fait valoir la délégation.  Au Kirghizistan, officiellement, c’est le russe qui est utilisé par l’État ; mais les citoyens ont le droit de s’adresser à l’État dans les différentes langues de la République.

La délégation a par ailleurs fait observer qu’un pays, quel qu’il soit, dont la population comprend des groupes ethniques importants est quotidiennement confronté à des problèmes.  Le Gouvernement kirghize a, pour sa part, déployé beaucoup d’efforts dans le domaine linguistique et dans le domaine de l’éducation pour permettre l’intégration de tous et faire en sorte que chacun se sente un membre à part entière de la société kirghize.

L’Agence gouvernementale chargée des collectivités locales et des relations interethniques est compétente dans le cadre des relations interethniques à l’intérieur du pays ; elle s’occupe notamment du développement des organes d’autogestion locaux, a par ailleurs indiqué la délégation.

En août 2017, a fait valoir la délégation, des experts de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) ont donné une évaluation positive concernant l’amélioration des relations interethniques au Kirghizistan.

L’Assemblé du peuple kirghize est un organe consultatif, financé par l’État, qui garantit l’unité de la population et donne une identité à tous les citoyens du pays.  En 2016 et en 2017, il y a eu deux sessions de cette Assemblée, constituée d’une trentaine d’associations (ethniques) et dont l’objectif est de conserver et de protéger la culture et la langue des minorités, a précisé la délégation.

L’appartenance ethnique de chaque citoyen dépend de sa propre considération personnelle, a expliqué la délégation.  La notion de minorité ethnique n’est pas utilisée dans les documents officiels au Kirghizistan.

La délégation a reconnu qu’il n’y avait pas de loi antidiscriminatoire spécifique dans la législation kirghize, mais a rappelé que le Kirghizistan avait ratifié des normes internationales dans ce domaine qui, juridiquement, s’appliquent pleinement sur l’ensemble du territoire.  Les normes des traités internationaux relatifs aux droits de l’homme l’emportent sur celles du droit interne, a en outre souligné la délégation.  Le nouveau Code pénal, qui doit entrer en vigueur en janvier prochain, entérine l’égalité des citoyens devant la loi.  Le Kirghizistan est prêt à adopter une loi spécifique contre les discriminations, avec la coopération d’experts internationaux dans ce domaine, a ajouté la délégation.

La délégation a précisé qu’une loi contre l’apartheid avait été adoptée par le Parlement dans le cadre de la lutte contre la discrimination, même s’il n’y a pas de cas d’apartheid dans le pays.  Des individus ou des groupes d’individus peuvent ainsi être poursuivis en vertu de cette loi contre l’apartheid.

Au Kirghizistan, les juges sont désignés pour une première période de cinq ans avant d’être nommés à vie par une commission indépendante, a d’autre part indiqué la délégation.

En 2017, a été constatée une baisse sensible des plaintes pour torture par rapport à l’année précédente, a ensuite fait valoir la délégation.  Quinze membres des services de l’intérieur se trouvent actuellement en détention après avoir été condamnés pour des actes de torture à des peines allant de sept à onze ans d’emprisonnement.

La législation est très positive à l’égard des personnes LGBTI ; elle prévoit notamment des mesures de protection en matière de santé, a en outre fait valoir la délégation.  Le Ministère de la santé a fait beaucoup d’efforts pour améliorer la vie des personnes LGBTI, a-t-elle insisté.  Des efforts ont notamment été déployés afin que ces personnes aient la possibilité de changer de sexe en modifiant la mention afférente sur leur passeport.  La délégation a ensuite indiqué qu’elle n’avait pas connaissance de cas discrimination multiple à l’encontre de personnes LGBTI issues des minorités.

Face à toute rhétorique de haine dans les médias, les pouvoirs publics réagissent immédiatement, a ensuite assuré la délégation.  Une enquête complète et objective est lancée pour chaque cas, a-t-elle insisté, citant l’exemple d’un député et d’un professeur d’université qui ont été interpellés et poursuivis pour avoir tenu un discours d’apologie du nazisme.

La délégation a expliqué que les États devaient aujourd’hui prendre les mesures qui s’imposent pour limiter la menace terroriste sur leur territoire.  C’est pourquoi, le Parlement kirghize étudie la possibilité de mettre en place une procédure de retrait de la nationalité kirghize, comme le prévoient nombre d’autres pays, a-t-elle indiqué.

Remarques de conclusion

MME MCDOUGALL a incité le Kirghizistan à demander le soutien du Haut-Commissariat aux droits de l’homme en vue d’adopter une loi spécifique de lutte contre la discrimination raciale.  Elle a souligné que toutes les minorités devaient se sentir partie intégrante de la société.  L’experte a remercié la délégation pour ce dialogue et a expliqué que le Comité serait préoccupé qu’un groupe ou une association ayant participé aux travaux de ce Comité soit harcelé ou répertorié comme terroriste.

Le Gouvernement du Kirghizistan note avec satisfaction la coopération positive avec tous les mécanismes des Nations Unies, notamment dans le domaine de la stabilisation des relations interethniques dans ce pays, a conclu M. SALIEV.

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Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel
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