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Communiqués de presse Conseil des droits de l’homme

Le Conseil tient un dialogue interactif de haut niveau sur la situation des droits de l'homme en République centrafricaine

Situation des droits de l'homme en République centrafricaine

21 Mars 2018

Conseil des droits de l'homme
APRÈS MIDI 

21 mars 2018

Il entend une déclaration du Ministre de la justice de Nouvelle-Zélande

Au titre de l’assistance technique et du renforcement des capacités, le Conseil des droits de l'homme a tenu, cet après-midi, un dialogue interactif de haut-niveau sur la situation des droits de l'homme en République centrafricaine.  Il a entendu dans ce cadre des exposés de M. Andrew Gilmour, Sous-Secrétaire général aux droits de l'homme ; de M. Kenneth Gluck, Représentant spécial adjoint pour la République centrafricaine et Chef adjoint de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies en République centrafricaine (MINUSCA) ; de M. Bédializoun Moussa Nébié, Représentant spécial du Président de la Commission de l’Union africaine pour la République centrafricaine ; et de Mme Marie-Thérèse Keïta Bocoum, Experte indépendante sur la situation des droits de l'homme en République centrafricaine.  De nombreux intervenants* ont ensuite pris part au débat.

Le Conseil a également entendu une déclaration du Ministre de la justice de la Nouvelle-Zélande, M. Andrew Little, qui a notamment rappelé que la Déclaration universelle des droits de l'homme ne fait aucune distinction entre les différentes catégories de droits et que le Gouvernement néo-zélandais restait fermement attaché à cette approche.  Il s’est dit très préoccupé par l’érosion globale d’acquis durement obtenus s’agissant de la démocratie, des droits de l'homme et du respect de l’état de droit.  La communauté internationale ne manque pourtant pas de normes appropriées, mais manque de volonté politique pour les appliquer, a-t-il fait observer.  

S’agissant de la République centrafricaine, le Sous-Secrétaire général aux droits de l'homme a notamment déploré que les efforts de réconciliation dans le pays aient été sapés par les violences entre les groupes armés, ainsi que par les discours et les appels à la haine.  Il a toutefois noté les progrès réalisés dans le cadre de l'Initiative de l'Union africaine pour la paix et la réconciliation articulée autour d'une stratégie pour restaurer la stabilité du pays.  M. Gilmour a estimé que l'appui au processus de paix doit se concentrer sur le dialogue pour la réconciliation et que le processus ne pourra pas se faire sans être accompagné par une réforme de la justice transitionnelle.  

Le Représentant spécial adjoint pour la République centrafricaine et Chef adjoint de la MINUSCA a pour sa part souligné qu'en dépit de quelques progrès, la République centrafricaine continuait d'être confrontée à de nombreux obstacles sur la voie de la stabilité et du respect des droits de l'homme.  Dans plusieurs régions du pays, des violences épouvantables continuent d'être commises et nombre d’entre elles ont impliqué des groupes armés qui continuent de s'en prendre aux civils malgré leur engagement à déposer les armes.  On estime à plus de 1,2 million le nombre de Centrafricains déplacés à l'intérieur ou réfugiés à l'extérieur du pays, soit un chiffre supérieur à l'an dernier, a précisé M. Gluck.  

Des signes d’espoir pour aboutir à un accord de paix sont perceptibles, a quant à lui estimé le Représentant spécial du Président de la Commission de l’Union africaine pour la République centrafricaine.  Il a plaidé pour un soutien et une solidarité continus de la communauté internationale, et particulièrement du Conseil, notamment par un encouragement au Président et à son Gouvernement pour qu’ils poursuivent leurs efforts qui commencent à porter leurs fruits.  

Pour sa part, l’Experte indépendante sur la situation des droits de l'homme en République centrafricaine a dit avoir apprécié - lors de sa visite en République centrafricaine du 7 au 16 février – les effets des initiatives de paix conduites par le Gouvernement, l’Union africaine et les acteurs internationaux sur l’amélioration des droits civils, politiques, économiques et sociaux de la population.  

Le Ministre de la justice et des droits de l'homme de la République centrafricaine a insisté sur la volonté prioritaire de son Gouvernement de lutter contre l'impunité, faisant notamment valoir les avancées significatives dans le cadre de l'opérationnalisation de la cour pénale spéciale.  

Au cours du débat qui a suivi ces exposés, ont parfois été saluées les avancées enregistrées dans le rétablissement de l’état de droit.  Beaucoup d’intervenants ont néanmoins fait part de leurs préoccupations s’agissant de la situation sécuritaire et humanitaire dans le pays.  Les délégations ont insisté sur la nécessité de progresser rapidement dans la mise en œuvre effective du programme de démobilisation, de désarmement et de réintégration et sur la voie de la justice transitionnelle.  

Le Conseil poursuit ses travaux, en fin de journée, en entendant une mise à jour orale concernant les rapports du Haut-Commissaire et du Secrétaire général sur le Burundi, la Colombie, Chypre, le Guatemala, le Honduras, l’Iran et Sri Lanka, suivie d’un débat général sur ces rapports et sur l’ensemble des questions relatives à l’assistance technique et au renforcement des capacités.

Déclaration du Ministre de la justice de la Nouvelle-Zélande

M. ANDREW LITTLE, Ministre de la justice de Nouvelle-Zélande, a réitéré le soutien de son pays à l’indépendance et au travail du Haut-Commissariat, avant de réaffirmer l’engagement de la Nouvelle-Zélande envers l’universalité des droits de l'homme, 70 ans après l’adoption de la Déclaration universelle des droits de l'homme (DUDH).  Cette Déclaration ne fait aucune distinction entre les différentes catégories de droits et le Gouvernement néo-zélandais reste fermement attaché à cette approche, a souligné le Ministre de la justice.  Il a ajouté que son pays était également attaché au droit au développement et s’est dit très préoccupé par l’érosion globale d’acquis durement obtenus s’agissant de la démocratie, des droits de l'homme et du respect de l’état de droit.  La communauté internationale ne manque pourtant pas de normes appropriées, mais manque de volonté politique pour les appliquer, a-t-il fait observer.  Il s’est adressé au Conseil pour qu’il exerce plus pleinement son mandat par la prévention des situations d’urgence et la réaction aux alertes précoces.

M. Little a plaidé pour la défense du cadre international des droits de l'homme, soulignant que les défenseurs des droits de l'homme jouent un rôle essentiel dans cette architecture.  Une société civile vibrante est la pierre angulaire d’une démocratie légitime, a-t-il affirmé, se disant alarmé par les représailles contre les défenseurs qui coopèrent avec les Nations Unies dans certains pays.  Le Ministre de la justice a ensuite plaidé pour l’abolition mondiale de la peine de mort en droit et en pratique, soulignant que cette question constitue l’une des préoccupations principales de son pays au niveau international.  Il s’est également prononcé pour la lutte contre la torture et les mauvais traitements, estimant que la souveraineté ne saurait être invoquée pour justifier la torture.

La Nouvelle-Zélande est fière de présenter une résolution au Conseil sur la mortalité et la morbidité maternelle évitables, en partenariat avec la Colombie et le Burkina Faso, a poursuivi M. Little.  Il a fait savoir que le nouveau Gouvernement néo-zélandais avait donné la priorité à la réduction de la pauvreté des enfants, à l’accès gratuit à l’éducation supérieure, à la refonte du système de santé mentale et du système éducatif, à l’investissement dans l’économie régionale pour améliorer les opportunités d’emploi et à la crise du logement.  M. Little a ajouté qu’en fin de semaine (NDLR : jeudi après-midi et vendredi matin), il dirigerait la délégation néo-zélandaise lors de l’examen du rapport du pays par le Comité des droits économiques, sociaux et culturels.  L’affirmation du droit à la liberté personnelle ne saurait être complète sans accès aux droits économiques et sociaux, a-t-il souligné.

Les droits des peuples autochtones seront toujours une priorité pour la Nouvelle-Zélande, a en outre indiqué M. Little.  En tant que Ministre de la justice, il a rappelé avoir pour but de terminer le règlement du traité historique de Waitangi, signé en 1840 par la Couronne britannique et 540 chefs maoris.  Cette année célèbre aussi le 125e anniversaire du suffrage accordé aux femmes en Nouvelle-Zélande, premier pays au monde à leur avoir accordé le droit de vote.  En conclusion, le Ministre a réitéré le long engagement de la Nouvelle-Zélande envers les droits de l'homme et a assuré que le pays était prêt pour son prochain Examen périodique universel en janvier 2019.

Dialogue de haut niveau sur l'assistance technique et le renforcement des capacités dans le domaine des droits de l'homme en République centrafricaine

Présentations

M. ANDREW GILMOUR, Sous-Secrétaire général aux droits de l'homme et Chef du Bureau de New York du Haut-Commissariat aux droits de l'homme, a déploré que les efforts de réconciliation dans le pays aient été sapés par les violences entre les groupes armés.  Les discours et les appels à la haine ont encore davantage détérioré la situation.  Dans ce contexte, M. Gilmour a condamné   l'assassinat de six personnes travaillant dans le domaine de l'éducation dans le Nord-Ouest du pays.  Plus de 700 000 personnes sont déplacées dans le pays et plus de 2,5 millions de personnes ont besoin de l'aide humanitaire.

M. Gilmour a noté les progrès réalisés dans le cadre de l'Initiative de l'Union africaine pour la paix et la réconciliation articulée autour d'une stratégie pour restaurer la stabilité du pays.  L'appui au processus de paix doit se concentrer sur le dialogue pour la réconciliation en se basant sur la société civile, y compris les femmes et les jeunes.  Le processus de paix ne pourra pas se faire sans être accompagné par une réforme de la justice transitionnelle.  Le temps est largement venu de rétablir l'état de droit, a souligné M. Gilmour.  Il faut adopter une stratégie de réformes de l'appareil judiciaire qui doit permettre au gouvernement de transition de mettre fin aux violences, a-t-il expliqué.  Les victimes de violations ont droit à réparation et doivent avoir accès à la justice.  Or, en raison des menaces, de nombreuses victimes rechignent à témoigner.  Il faut mettre en œuvre des mécanismes de protection des victimes et des témoins.

Le Sous-Secrétaire général a souligné que les autorités devaient consulter la population sur la mise en œuvre d'une commission nationale de vérité et de réconciliation.  Cette commission devrait se concentrer sur la sécurité.  Il faut par ailleurs mettre en œuvre le plan de redéploiement des forces de l'ordre dans le pays, a relevé M. Gilmour.  Il a par ailleurs indiqué que la Mission Multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation en République centrafricaine (MINUSCA) était représentée par 80 bureaux à travers le pays qui rassemblent des informations concernant les atteintes aux droits de l'homme de la population civile.  

Pour conclure, M. Gilmour a souligné que face à la recrudescence préoccupante de la violence et de la haine ethnique, la communauté internationale devait rester engagée envers la République centrafricaine pour éviter de nouvelles violations massives.

M. KENNETH GLUCK, Représentant spécial adjoint pour la République centrafricaine et Chef adjoint de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies en République centrafricaine (MINUSCA), a pour sa part souligné qu'en dépit de quelques progrès, la République centrafricaine continuait d'être confrontée à de nombreux obstacles sur le voie de la stabilité et du respect des droits de l'homme.  Dans plusieurs régions du pays, des violences épouvantables continuent d'être commises, les villageois voyant perpétuellement leur vie menacée.  L'an dernier, la division des droits de l'homme de la MINUSCA a enregistré 3 000 violations sérieuses dont, parfois, de terribles atrocités.  Environ 1 800 de ces violations ont impliqué des groupes armés qui continuent de s'en prendre aux civils malgré leur engagement à déposer les armes et à respecter les droits fondamentaux dans plusieurs accords qu'ils ont signés.

Depuis le début de l'année, la concurrence violente entre groupes armés sur les couloirs de transhumance et les axes de transport a entraîné le déplacement de plusieurs milliers de villageois dans le nord-ouest et le sud-est du pays.  On estime à plus de 1,2 million le nombre de Centrafricains déplacés à l'intérieur ou réfugiés à l'extérieur du pays, soit un chiffre supérieur à l'an dernier.

La MINUSCA continue de déployer des unités militaires et de police afin de neutraliser les attaques contre les civils et réduire la menace posée par les groupes armés.  Ces mesures s'accompagnent d'actions visant à promouvoir le dialogue et la réconciliation entre les parties.

La durabilité du processus politique et le respect de l'état de droit dépendra du rétablissement effectif de l'autorité et de la capacité de l'État, a souligné M. Gluck, qui a expliqué que le Gouvernement devait réduire le nombre de détentions arbitraires.  Le déploiement progressif de l'armée, de la police et de la gendarmerie, qui bénéficient de formations de la part de la MINUSCA et de la mission de l'Union européenne, sera essentiel pour réduire la violence et rétablir l'état de droit.  Toutefois, ces éléments positifs en faveur du rétablissement de l'autorité de l'État continuent d'être menacés par les tensions intercommunautaires dans de nombreuses régions du pays, a-t-il averti.

M. BEDIALIZOUN MOUSSA NEBIE, Représentant spécial du Président de la Commission de l’Union africaine pour la République centrafricaine, a expliqué que le Panel de facilitation avait effectué une première tournée sur le terrain du 27 novembre au 11 décembre 2017 pour rencontrer les directions politico-militaires des 14 groupes armés reconnus par le Gouvernement.  À l’issue de cette première rencontre, les signes d’espoir pour aboutir à un accord de paix sont perceptibles, a estimé M. Nebie.  Il a été convenu de la mise en place d’un groupe de contact permanent entre le Panel et les groupes armés.  Par ce mécanisme, le Panel a interpellé les groupes armés qui ont eu des affrontements ou des velléités qui pouvaient nuire à la paix.  Cela a contribué à baisser la tension dans certaines régions, a affirmé M. Nebie.

M. Nebie a estimé que les progrès, même s’ils sont lents, sont des progrès tout de même, lorsque l’on connaît la profondeur et la durée de la crise en République centrafricaine.  Il a plaidé pour un soutien et une solidarité continus de la communauté internationale, et particulièrement du Conseil, notamment par un encouragement au Président et à son Gouvernement pour qu’ils poursuivent leurs efforts qui commencent à porter leurs fruits ; un appel à la classe politique et aux forces vives afin qu’elles accomplissent un sursaut collectif de prise de conscience pour un vivre ensemble dans la solidarité et la fraternité ; un appel ferme aux groupes armés pour qu’ils adhèrent pleinement au processus de dialogue en cours de préparation ; et un appui politique au Panel de facilitation pour lui permettre de continuer à dérouler son programme.

Dans une mise à jour orale, MME MARIE-THÉRÈSE KEITA BOCOUM, Experte indépendante sur la situation des droits de l'homme en République centrafricaine, a dit avoir effectué une visite en République centrafricaine du 7 au 16 février, pendant laquelle elle a apprécié les effets des initiatives de paix conduites par le Gouvernement, l’Union africaine et les acteurs internationaux sur l’amélioration des droits civils, politiques, économiques et sociaux de la population.  Elle a également étudié la mise en œuvre des processus de justice transitionnelle pour faire face aux exactions commises dans le passé, en vue d’établir les responsabilités, rendre justice et permettre la réconciliation.

La violence n’a plus sa place en République centrafricaine, a rappelé d’emblée Mme Keita Bocoum, demandant aux groupes armés invités à la table des négociations de respecter leurs engagements.  Les actes ignobles contre un hôpital et des patients à Ippy, les violences ayant créé de nouveaux déplacements internes à Paoua et l’attaque récente contre des représentants de l’éducation nationale et un consultant de l’UNICEF, près de Markounda, constituent des violations graves du droit international humanitaire qui ne resteront pas impunis, a assuré l’Experte indépendante.

Lors de sa visite, l’Experte indépendante a insisté sur l’importance de consulter l’ensemble des acteurs de la vie civile et politique, y compris les femmes et les leaders locaux et religieux, pour permettre une appropriation et un soutien national au processus de paix.  Elle a aussi rappelé l’importance de mesurer l’impact du conflit sur les femmes et les filles et le défi de leur pleine participation aux négociations de paix.  

Toujours lors de sa visite, Mme Keita Bocoum a invité les autorités nationales, la société civile et leurs partenaires à se pencher sur l’articulation stratégique des éléments de la justice transitionnelle, comme les consultations nationales qui permettent d’écouter la population, y compris les victimes.  C’est dans ce cadre que la population a demandé, lors du forum de Bangui en 2015, la création d’une cour pénale spéciale et d’une commission de vérité et réconciliation.  S’agissant des poursuites judiciaires, l’Experte indépendante a noté des signes importants de lutte contre l’impunité, comme le procès historique de l’ancien chef antibalaka Andjilo.  Pour autant, plusieurs entraves au retour de l’État de droit et à l’affirmation de la chaîne pénale persistent, laissant malheureusement libre cours à la justice populaire.

S’agissant des mécanismes non judiciaires de recherche de la vérité, Mme Keita Bocoum a rappelé lors de sa visite qu’ils pourraient compléter le travail des juridictions.  La politique nationale de sécurité à l’examen par le Parlement ; le projet pilote de désarmement, de démobilisation et de réintégration ; le déploiement progressif des forces armées ; et le processus de « vetting » national constituent autant d’avancées notoires, a salué l’Experte indépendante

S’agissant de la situation humanitaire, l’Experte indépendante a dit que plus de 2,5 millions de Centrafricains ont besoin d’assistance et que près de 700 000 déplacés et 550 000 réfugiés attendent les conditions d’un retour en toute sécurité.  Elle a fait savoir également que les humanitaires continuent d’être la cible d’attaques ignobles.

En ce qui concerne l’implication de la région dans la résolution de la crise centrafricaine, les opinions convergent vers la nécessité de développer une stratégie sous-régionale pour faire face aux questions de sécurité transfrontalière.  Mme Keita Bocoum a souligné le rôle important de coordination que pourrait jouer la Communauté économique des États de l’Afrique centrale, avec le soutien du Bureau régional des Nations Unies pour l’Afrique centrale.

M. FLAVIEN MBATA, Ministre de la justice et des droits de l'homme de la République centrafricaine, a souligné la volonté prioritaire de son Gouvernement de lutter contre l'impunité, faisant notamment valoir « les avancées significatives dans le cadre de l'opérationnalisation de la cour pénale spéciale ».  En dépit d'un contexte sécuritaire difficile, le département de la justice s'emploie depuis plusieurs mois, avec le concours de la MINUSCA, à redéployer tous les magistrats et autres acteurs de la justice dans leurs juridictions de résidence sur toute l'étendue du territoire national.  Les activités ont repris, par ailleurs, dans les trois cours d'appel du pays.  Le Ministre a précisé que de lourdes peines avaient été infligées à des responsables des différents groupes rebelles.  En outre, le Code de justice militaire a été promulgué il y a un an afin de promouvoir la discipline au sein des forces armées.

Quant au mécanisme de justice transitionnelle, il est caractérisé essentiellement par la mise en place de la Commission vérité, justice, réparation et réconciliation, a expliqué le ministre.  Un Comité de pilotage a été mis en place avec la désignation de ses membres.  Celui-ci devra s'atteler très rapidement à l'organisation des consultations nationales et à la mise en place proprement dite de la Commission.  Afin de garantir à l'avenir la promotion et la protection des droits de l'homme, a été créée l'an dernier la Commission nationale des droits de l'homme et des libertés fondamentales dont le bureau exécutif est opérationnel.

Face aux défis de gouvernance accentués par les crises militaro-politiques auxquels est confrontée la République centrafricaine, le Gouvernement a élaboré un programme de désarmement, démobilisation, réintégration et rapatriement tout en développant une stratégie de réforme du secteur de la sécurité, a expliqué M. Mbata.  « Tenant compte des leçons d'échec des précédentes tentatives de réforme du secteur de la sécurité, une nouvelle approche a été élaborée avec le concours des partenaires internationaux », a-t-il ajouté.  « Au-delà de l'indispensable aide extérieure, l'État centrafricain s'est engagé à rendre disponibles les allocations budgétaires prévues dans la loi de finance », a encore indiqué le Ministre.

MME LINA EKOMO, représentante du Réseau pour le Leadership de la Femme en République centrafricaine (RELEFCA), a déclaré que les femmes représentent 50% de la population en République centrafricaine et subissent doublement les abus et violations : non seulement elles sont elles-mêmes directement touchées, mais elles deviennent systématiquement victimes lorsque leurs fils, filles ou époux sont atteints.  Le nombre de familles monoparentales dirigées par des femmes s’est accru dans le pays après les violences qui ont ciblé les hommes.  Aujourd'hui, les femmes constituent la majorité des personnes déplacées.  La destruction des infrastructures sanitaires a aggravé le taux de mortalité maternelle et infantile, qui était déjà avant la crise l’un des plus élevés au monde, a ajouté Mme Ekomo.  La fermeture des établissements scolaires et de formation due à l’insécurité et à l’occupation des sites par les groupes armés a réduit drastiquement le taux d’accès des filles à l’éducation, le faisant tomber à 6% dans les provinces touchées, a-t-elle poursuivi.  Par ailleurs, l’analphabétisme prononcé de la majorité de la population, qui touche notamment les femmes – à plus de 85% en milieu rural –, contribue à leur vulnérabilité, a-t-elle souligné.  

Mme Ekomo a ensuite expliqué que les femmes centrafricaines aimeraient bien contribuer à trouver des réponses adéquates aux défis qui secouent le pays ; mais leur engagement est mis à rude épreuve par la faible participation des femmes à la vie politique et publique.  À ce jour, le taux moyen de représentation des femmes à des fonctions électives et nominatives reste en dessous de 15%, bien que la Constitution et la loi sur la parité exigent un quota de 35%.  Par ailleurs, les jeunes et les femmes - qui comptent pour 75% de la population - sont timidement associés aux processus nationaux, alors que leur participation est un gage de paix et de développement pour le pays, a poursuivi Mme Ekomo, ajoutant que faire des lois ne suffit pas, s’il n’y a pas de volonté politique affirmée et agissante.  

En attendant, les femmes saluent les initiatives de consolidation de la paix mises en place par le Gouvernement, comme l’opérationnalisation de la Cour pénale spéciale, la tenue d’assises de la Cour criminelle, le lancement du programme de désarmement, de démobilisation et de réinsertion, la mise en place de la Commission vérité et réconciliation, ainsi que l’Initiative africaine pour la paix.  Elles regrettent toutefois la prédominance masculine dans chacun de ces processus, avec une faible participation des femmes ; seules deux femmes ont participé au comité stratégique en tant que points focaux, a-t-elle précisé.  La question de la paix est trop importante pour ce pays pour ne pas inclure les femmes dans les processus, a insisté Mme Ekomo.

Débat

La Fédération de Russie a relevé une « fragmentation progressive » de la République centrafricaine et s’est dite préoccupée par l’accroissement des attaques contre des soldats de la MINUSCA.  Elle a estimé nécessaire la remise en liberté des personnes détenues illégalement ainsi que la reconnaissance par les groupes armés du Gouvernement légitime issu des élections.  La France a indiqué qu’elle demeurait très préoccupée par la situation sécuritaire en République centrafricaine et par la persistance de la violence des groupes armés.  « Cette situation rappelle la nécessité de progresser rapidement dans la mise en œuvre effective du désarmement », a souligné la France.  Elle appelle les parties « à poursuivre la mise en œuvre rapide et ambitieuse de la feuille de route conjointe pour la paix et la réconciliation adoptée le 17 juillet à Libreville par les autorités centrafricaines, l’Union africaine et les pays et organisations de la région ».  La France a par ailleurs souligné que les efforts de lutte contre l’impunité restent essentiels pour le processus de réconciliation.  La Belgique a estimé que la justice transitionnelle représentait effectivement un des facteurs essentiels pour retrouver la paix et la stabilité à long terme.  « L’opérationnalisation rapide de la Cour pénale spéciale demeure cruciale à cet égard », a souligné le pays.

L’Espagne s’est alarmée de la situation humanitaire de la République centrafricaine, alors que des milliers de personnes se voient contraintes de quitter leurs foyers et que les activités des travailleurs humanitaires deviennent de plus en plus difficiles.  L’Union européenne a elle aussi exprimé sa préoccupation face à la grave détérioration de la situation humanitaire, avec un nombre toujours plus grand de personnes déplacées et de réfugiés.  L’engagement déterminé des autorités centrafricaines reste indispensable pour contribuer à l’amélioration de la situation des droits de l’homme et à la stabilisation durable du pays, a souligné l’Union européenne.  

La République tchèque a estimé que si la situation demeurait extrêmement préoccupante en République centrafricaine, on pouvait néanmoins relever des développements positifs tels que le projet pilote d’enrôler d’anciens combattants dans les forces armées, le déploiement de ces dernières dans le pays aux côtés des soldats de la paix et la création de la Commission nationale des droits de l’homme et des libertés fondamentales.  

Les États-Unis ont fait part de leur grave préoccupation face aux informations faisant état d’abus généralisés de la part de groupes armés.  L’État centrafricain a néanmoins fait des progrès dignes d’éloge dans le rétablissement de l’état de droit, même s’il reste beaucoup à faire au demeurant, ont ajouté les États-Unis.  

Plusieurs délégations ont ainsi appelé à ne pas relâcher l’effort entrepris.  La Côte d’Ivoire s’est félicitée de l’évolution positive et progressive de la situation des droits de l’homme en République centrafricaine.  Toutefois, des défis majeurs demeurent dans les domaines de la réconciliation nationale, de la sécurité et de la paix, a-t-elle ajouté.  La Côte d’Ivoire a exhorté la République centrafricaine à poursuivre le renforcement de capacités des forces de sécurité nationales et des mécanismes judiciaires.  Elle a en outre invité le Gouvernement de Bangui, ainsi que les autres parties prenantes, à mettre pleinement en œuvre la feuille de route initiée par l’Union africaine et soutenue par la communauté internationale.  La Côte d’Ivoire a enfin appelé la communauté internationale à poursuivre son assistance à la République centrafricaine.  La Chine, qui a salué l’action du Gouvernement centrafricain, a indiqué qu’elle contribuait à l’atténuation des difficultés humanitaires en apportant au pays une aide alimentaire.  Elle a appelé la communauté internationale à fournir au pays une assistance technique en faveur d’un renforcement des capacités dans le domaine des droits de l’homme.  Le Botswana a appelé la communauté internationale à poursuivre son assistance humanitaire et en faveur du développement de la République centrafricaine jusqu’à ce que le pays renoue avec la paix et la stabilité propices à la jouissance des droits humains.

L’Algérie a salué les actions mise en place pour restaurer l’autorité de l’État et l’ouverture des services sociaux de base en République centrafricaine.  Elle a déploré les exactions commises par les groupes armés et a estimé que les solutions de sortie de crise doivent être prises dans un cadre national ou régional ; la communauté internationale doit pour sa part continuer d’apporter au pays une assistance technique.  

Le Soudan a également plaidé en faveur de cette assistance technique à la République centrafricaine et a appelé les parties à poursuivre un dialogue afin de parvenir à la paix, par le truchement des mécanismes régionaux.  Le Burkina Faso a indiqué soutenir l’accord de paix signé sous l’égide de l’Union africaine, qui devrait permettre aux parties de parvenir à une sortie de crise politique.  Le Portugal, qui a rappelé fournir 160 soldats à la MINUSCA et neuf autres à l’unité d’intervention rapide, soutient l’avis selon lequel il revient en premier lieu aux Centrafricains de trouver une solution politique pour une paix durable.  La Norvège pense aussi que c’est au Gouvernement centrafricain de garantir à sa population la pleine jouissance des droits de l'homme.  La Norvège a ajouté soutenir l’initiative de création d’une unité d’intervention rapide pour lutter contre les violences des groupes armés.  

La République du Congo est pour sa part convaincue de la volonté du Gouvernement centrafricain de restaurer l’autorité de l’État et de lutter contre l’impunité, comme le montre la mise sur pied de la cour pénale spéciale.  Le Bénin a quant à lui appelé la communauté internationale à assister la République centrafricaine aux fins de son développement, pour ramener la paix dans le pays.  

Le Royaume-Uni reconnaît les efforts du Gouvernement centrafricain pour rompre le cycle des violences et accélérer le programme de désarmement, de démobilisation et de réinsertion.  Mais il y a encore beaucoup à faire, notamment pour la reddition de comptes et pour lutter contre les violences sexuelles, a ajouté la délégation britannique, avant de s’enquérir de ce qui peut être fait pour renforcer ces processus.  

Du point de vue des Pays-Bas, les parties doivent coopérer pour restaurer l’autorité de l’État et rétablir la justice en République centrafricaine.  Mais compte tenu que des rapports montrent que des fonctionnaires refusent de travailler dans les régions contrôlées par les groupes armés, la délégation néerlandaise aimerait savoir ce qui peut être fait pour accélérer le retour de l’autorité de l’État en dehors de la ville de Bangui.  

Plusieurs organisations non gouvernementales (ONG) sont ensuite intervenues.  World Evangelical Alliance, au nom également de la Confédération internationale d'organismes catholiques d'action charitable et sociale a rappelé avoir toujours dénoncé le recours à la violence comme mode opératoire de conquête du pouvoir.  Il est important d’évaluer l’évolution de la situation des droits de l’homme et de la situation humanitaire sur le terrain et de mesurer l’impact sur les droits de l'homme des efforts en faveur de la paix et de la réconciliation, a souligné l’ONG.  Le Forum de Bangui, qui a conduit à des élections libres, a permis un succès temporaire parce qu’il était basé sur une implication large des citoyens, permettant alors l’émergence d’une forme de contrat social, a-t-elle fait observer.  

La Fédération internationale des ligues des droits de l'homme (FIDH) a expliqué que la lutte contre l’impunité constitue un défi majeur autant qu’une priorité pour la République centrafricaine.  Les efforts de la justice nationale et internationale, renforcés par l’entrée en action attendue de la Cour pénale spéciale, juridiction mixte constituée de juges centrafricains et internationaux, devront permettre de rompre enfin le cycle d’impunité et de juger équitablement les principaux auteurs des crimes commis ces dernières années en République centrafricaine, a déclaré l’ONG.  L’Organisation internationale pour l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale a souligné que le processus de paix en République centrafricaine appelle à un renforcement des capacités dans le domaine de la sécurité.  La justice doit être pleinement rendue en République centrafricaine ; il est nécessaire qu’un appui soit fourni aux victimes afin qu’elles aient accès à la justice, a insisté l’ONG.  

La Rencontre africaine pour la défense des droits de l’homme a souligné que la situation des droits de l’homme en République centrafricaine demeure préoccupante.  La situation est demeurée inchangée depuis l’année dernière, a estimé l’ONG, ajoutant que l’Experte indépendante doit avoir davantage de ressources pour s’acquitter de sa mission.  

Réponses et conclusions

M. GILMOUR a souligné que la justice transitionnelle permet aux sociétés de faire le deuil d’un passé troublé.  Les victimes doivent être au centre de cette approche, a-t-il rappelé.  Il faut créer un mécanisme d’appui pour le Forum de Bangui et mettre en place un programme de protection des victimes ; il faut un appui financier dans ce domaine, a insisté le Sous-Secrétaire général.  

M. GLUCK a tenu à remercier les pays contributeurs de troupes à la MINUSCA, tant leurs soldats vivent dans des conditions difficiles et courent des dangers permanents.  Il a également salué les travailleurs humanitaires, qui eux aussi connaissent de grandes difficultés étant donné que la République centrafricaine est l’un des endroits les plus dangereux pour eux, a-t-il affirmé.  Concernant la restauration de l’autorité de l’État, le Représentant spécial adjoint a expliqué qu’il y a besoin d’une grande logistique pour asseoir la présence de l’État à l’intérieur du pays ; il faut construire des instances, les installer, loger les fonctionnaires, assurer les soldes et salaires, a-t-il expliqué, ajoutant compter sur la communauté internationale pour cela.

S’agissant du programme de désarmement, de démobilisation et de réinsertion, M. Gluck a souligné qu’il n’y a plus lieu d’utiliser des armes pour exprimer quelque revendication politique que ce soit, d’autant que le pays dispose maintenant d’institutions et d’un Parlement qui fonctionnent.  Les groupes doivent donc s’engager à déposer les armes, a-t-il insisté.  Quant à la justice transitionnelle, il faudra s’assurer qu’elle intègre une approche axée sur les victimes, a-t-il conclu.

M. NEBIE a déclaré que l’initiative africaine de paix vise au dialogue entre les parties, à savoir le Gouvernement et les groupes armés.  Il est donc essentiel que ces parties discutent et trouvent une solution entre Centrafricains.  M. Nébié a insisté sur quatre valeurs que possède l’Afrique et que les parties ne doivent pas oublier : la parole donnée, la solidarité, la fraternité et le vivre ensemble.  Il faut les mettre en œuvre pour trouver la paix, a déclaré M. Nébié.

MME KEITA BOCOUM a dit que ses rencontres sur le terrain démontraient un grand besoin de justice sociale, partout exprimée par la population.  Les gens disent souvent qu’ils n’ont eu d’autre choix que celui de soutenir les groupes armés lorsqu’ils ont constaté l’abandon total dans lequel les avait laissés l’État.  Le renforcement du dialogue national permettra de se rendre compte que les priorités des groupes armés ne reflètent pas les préoccupations de la population, a fait observer l’Experte indépendante.  Un tel dialogue inclusif doit tenir compte des besoins exprimés par la population au niveau local.  Le déploiement progressif des forces armées épaulées par la MINUSCA permettra de combler le vide sécuritaire, a-t-elle ajouté.

M. MBATA a exprimé ses remerciements aux organisations de la société civile.  Il a exhorté la communauté internationale à soutenir le travail fait sur le terrain.  La paix et la justice sont des notions complémentaires, a rappelé le Ministre centrafricain.

MME EDOMO a souligné la nécessité de tenir un dialogue politique de haut niveau avec les partenaires internationaux et les pays voisins pour mettre un terme définitif à la violence.  Il est important, par ailleurs, que les Centrafricains puissent faire le point et comprendre pour quelles raisons le processus marque le pas.  Elle a enfin souligné la nécessité de renforcer la participation des femmes dans le processus de paix, en s’inspirant de la résolution 1325 du Conseil de sécurité, sur « Les femmes, la paix et la sécurité ».

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* Délégations ayant participé au débat: Union européenne; Fédération de Russie; Belgique; Espagne; Tchéquie; États-Unis; Côte d'Ivoire; France; Chine; Botswana; Algérie; Burkina Faso; Royaume-Uni; Portugal; Pays-Bas; Norvège; Congo; Bénin; World Evangelical Alliance, (au nom également de Confédération internationale d'organismes catholiques d'action charitable et sociale); Fédération internationale des ligues des droits de l'homme (FIDH); Organisation internationale pour l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale; Rencontre Africaine pour la défense des droits de l'homme
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