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Communiqués de presse Organes conventionnels

Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels examine le rapport de la République centrafricaine

20 mars 2018

Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport initial de la République centrafricaine sur les mesures qu'elle a prises pour mettre en œuvre les dispositions du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

Le rapport a été présenté par le Ministre de la justice de la République centrafricaine, M. Flavien Mbata, qui a notamment attribué le retard de 37 ans dans la présentation du rapport initial à la persistance des crises multiformes et récurrentes auxquelles le pays est confronté.  Ces crises ont considérablement fragilisé le tissu économique et social et affecté le monde du travail en raison des pillages et de la destruction des établissements publics et privés.  Cependant, avec le retour de l'ordre constitutionnel, le pays a récemment mis en œuvre plusieurs initiatives dont le Plan national du relèvement et de la consolidation de la paix et la Stratégie de restauration de l'autorité de l'État, ainsi que la promulgation de la loi sur la parité hommes-femme, l'établissement de la Haute autorité chargée de la bonne gouvernance, de la Commission nationale de droits de l'homme et des libertés fondamentales et du Comité pluridisciplinaire chargé de la rédaction de l'avant-projet du Document de politique nationale des droits de l'homme et des libertés fondamentales.  Dans le domaine de la santé, le ministre a souligné la surmortalité parmi les enfants et les femmes et l'épidémie généralisée du VIH/sida, qui a d'énormes répercussions sur l'économie, les institutions, la famille et les individus.  Il a aussi évoqué les conditions d'hygiène très difficiles, ainsi que la pauvreté.  M. Mbata a aussi mentionné le Document de stratégie de réduction de la pauvreté axé sur la réduction du taux de chômage à travers l'insertion socioéconomique et professionnelle des jeunes, l'augmentation des revenus et la création d'emplois décents au profit des populations les plus démunies et des groupes vulnérables.

La délégation était également composée du Chargé de mission en matière des droits de l'homme, M. Firmin Ngbeng Mokoe, ainsi que de représentants du Ministère de la justice et de la Mission permanente.  Elle a notamment fait valoir, ce matin, l'obligation de juger les responsables des crimes graves pour une paix véritablement durable en République centrafricaine, rappelant en particulier que lors du Forum de Bangui en 2015, le peuple avait expressément rejeté toute idée d'une quelconque amnistie en faveur des auteurs de crimes graves.  La délégation a en outre annoncé, au cours du dialogue, que la Cour pénale spéciale, juridiction nationale et hybride, serait bientôt opérationnelle car tous les organes de poursuites et d'instruction sont en place.

Les membres du Comité ont posé des questions sur les effets de l'instabilité politique et l'effondrement institutionnel sur les droits énoncés dans le Pacte, sur le droit coutumier et la façon dont celui-ci affecte le droit des femmes; les questions relatives à l'accès au logement et à la terre; la redevabilité pour les violations et crimes graves commis pendant la guerre, y compris par les Casques bleus et soldats de la paix; la situation des peuples autochtones comme les Bororos et pygmées bakas et leur droit à un consentement préalable; les mesures envisagées pour le retour des déplacés.  Ils ont notamment souligné les défis colossaux auxquels le pays est confronté tout en saluant la mise sur pied de la Cour spéciale hybride chargée de juger les crimes graves commis durant la guerre.  Ils ont estimé que l'Initiative africaine pour la paix et la réconciliation ne sera effective que si son application englobe toutes les composantes de la société.  Ils se sont aussi intéressés aux questions et mécanismes envisagées concernant la vérité, les réparations et les garanties de non-répétition, qui comportent une dimension liée aux droits économiques, sociaux et culturels.  

Le Comité adoptera, dans le cadre de séances privées, des observations finales sur le rapport de la République centrafricaine qui seront rendues publiques à l'issue de la session, qui se termine le 29 mars prochain.

Lors de sa prochaine réunion publique, demain après-midi à 15 heures, le Comité doit entamer l'examen du rapport de l'Espagne (CCPR/C/ESP/6).

Présentation du rapport de la République centrafricaine (E/C.12/CAF/1)

 M. FLAVIEN MBATA,Ministre de la justice de la République centrafricaine, a remercié de prime abord la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation en République centrafricaine (MINUSCA) dont les actions multiformes ont permis à son pays d'être présent aujourd'hui devant le Comité.  Il y a 37 ans maintenant, précisément depuis la ratification du Pacte le 3 avril 1980, que le pays n'a soumis aucun rapport.  Cette situation constitue un manquement aux obligations de la République centrafricaine et s'explique, en partie, par la persistance des crises multiformes et récurrentes auxquelles elle est confrontée.  C'est pour cette raison qu'il a été décidé de présenter un rapport « initial et cumulé » structuré en cinq points : aperçu général, engagement de la République centrafricaine en matière des droits de l'homme; mesures prises pour l'application des dispositions du Pacte; difficultés et contraintes dans son application; et contribution des partenaires à la mise en œuvre des droits économiques, sociaux et culturels dans le cadre de l'assistance et la coopération internationale.  S'agissant des mesures concrètes prises pour l'application des dispositions du Pacte, le Ministre de la justice a souligné que le droit à la santé, à l'éducation, au travail et à la protection de la famille ont été les quatre domaines principaux abordés dans le rapport.

M. Mbata a précisé que, depuis une quinzaine d'années, le contexte socio-sanitaire de la République centrafricaine est caractérisé par une dégradation continue de tous les indicateurs de santé, signe également de la détérioration des conditions de vie de la population et de la faillite du système sanitaire.  Il a mis l'accent sur la surmortalité, surtout des enfants et des femmes.  D'autre part, la prévalence du VIH est estimée à 4,9% et le pays fait face à une épidémie généralisée avec d'énormes répercussions sur l'économie, les institutions, la famille et les individus.  Le ministre a aussi évoqué les conditions d'hygiène, très difficiles, ainsi que la pauvreté, également généralisée, et qui constitue un obstacle majeur à l'amélioration des conditions de vie et au niveau de santé de la population.

Le Ministre centrafricain de la justice a aussi mentionné les « pesanteurs socioculturelles », notamment les pratiques traditionnelles néfastes à la santé, qui sont un frein au changement de comportement alimentaire et nutritionnel, sexuel et médical.  Il a en effet expliqué que les formations sanitaires ont partiellement ou totalement disparu, tandis que le secteur pharmaceutique souffre d'un manque cruel de pharmaciens et d'auxiliaires en pharmacie.  Les allocations budgétaires étatiques ne dépassent guère 10% du budget général.  Le système de santé pose plusieurs questions liées à la gouvernance et à la faiblesse du leadership comme la coordination des interventions des partenaires, la gestion des ressources humaines, celle de médicaments, le financement de la santé, le système d'information sanitaire et la faible capacité de planification.

Le chef de la délégation centrafricaine a ensuite rappelé que depuis son accession à l'indépendance, le pays avait fait de l'éducation une des priorités nationales pour la formation des futurs cadres du pays.  Il a fait valoir la Stratégie nationale du secteur de l'éducation pour la période 2008-2020, de même que les efforts visant, depuis le retour de l'ordre constitutionnel, à la réalisation de l'Objectif de développement durable n°4 visant à assurer l'accès de tous à une éducation de qualité.  Il a souligné que le but avoué était de restaurer le fonctionnement normal de l'éducation de base face aux crises qui ont conduit aux déplacements massifs des populations.

Rappelant que toutes les constitutions, de celle de 1959 à celle du 30 mars 2016, garantissent le droit au travail ainsi que les conditions liées au travail, le ministre a néanmoins reconnu que les crises à répétition auxquelles le pays est confronté ont considérablement affecté le monde du travail du fait des pillages et de la destruction des établissements publics et privés.  Cette situation a conduit à la fragilisation du tissu économique et social.  Le Document de stratégie de réduction de la pauvreté met l'accent sur la réduction du taux de chômage à travers l'insertion économique et professionnelle des jeunes, l'augmentation des revenus des salariés et la création d'emplois décents au profit des populations les plus démunies et des groupes les plus vulnérables.  

Le ministre a aussi signalé l'adoption, en 1997, du code de la famille, révisé en 2010 pour renforcer les mesures de protection de l'institution familiale contre les « immixtions arbitraires », de même que l'existence de mesures de politiques sectorielles propres à chaque catégorie vulnérable de la population.  

M. Mbata a mis en avant les contraintes structurelles liées au conflit et à l'insécurité à cause de la présence des groupes armés sur une grande partie du territoire.  La restauration de l'autorité de l'État est en cours, et offre au Gouvernement l'occasion d'intégrer les droits économiques, sociaux et culturels dans le Plan national de relèvement et de consolidation de la paix (RCPCA) et dans la Stratégie de restauration de l'autorité de l'État (RESA).  La République centrafricaine souhaite l'appui technique et les expertises régionales et internationales pour la mise en œuvre progressive des obligations inscrites dans le Pacte mais aussi d'un plan de reconstruction humanitaire.

Le ministre a attiré l'attention sur l'adoption récente de plusieurs initiatives, comme la loi sur la parité hommes-femme (novembre 2016), la Haute autorité chargée de la bonne gouvernance mise en place en 2017, la Commission nationale de droits de l'homme et des libertés fondamentales créée la même année et le Comité pluridisciplinaire chargé depuis le 5 mars dernier de la rédaction de l'avant-projet du Document de politique nationale des droits de l'homme et des libertés fondamentales.  En conclusion, il a déclaré que la mise en œuvre des droits énoncés dans le Pacte était quelque peu compromise par le manque de ressources qui se sont raréfiées du fait des crises à répétition.

Examen du rapport

Questions et observations des membres du Comité

Le Groupe d'experts du Comité pour l'examen du rapport de la République centrafricaine est présidé par M. OLIVIER DE SCHUTTER.

M. de Schutter a souligné d'emblée les difficultés du pays, classé 188e sur 188 pays selon l'Index de développement humain du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD).  Il a aussi mentionné les conséquences de la situation de crise que traverse le pays, avec 540 000 réfugiés et 688 000 déplacés.  L'expert a ensuite souligné l'importance de l'enquête lancée par la Cour pénale spéciale pour lutter contre les violations graves des droits de l'homme survenues au cours des dernières années et qui pourraient constituer des crimes de guerre.  Par ailleurs, la République centrafricaine n'est responsable que d'une partie du territoire qu'elle contrôle, a-t-il constaté, ajoutant qu'il n'en demeure pas moins que les autorités sont aussi redevables pour la jouissance effective des droits énoncés dans le Pacte dans les zones contrôlées par les rebelles.

Au sujet de l'instabilité politique et l'effondrement institutionnel, l'expert a notamment renvoyé aux détournements de fonds et au manque de prestation de services vitaux pour la population.  Il a aussi estimé que l'Initiative africaine pour la paix et la réconciliation, adoptée en juillet 2017 par la Commission de l'Union africaine ne sera effective que si son application englobe toutes les composantes de la société.  Il serait en effet inutile d'axer le processus sur certaines parties du territoire en négligeant les besoins humanitaires criants dans d'autres parties, a commenté l'expert, qui a insisté, en outre, sur la recherche de la vérité, les réparations et les garanties de non-répétition, qui comportent une dimension liée aux droits économiques, sociaux et culturels.  

L'expert a aussi remarqué que, dans les camps de déplacés, les personnes handicapées ne jouissent pas des droits normalement reconnus aux déplacés.  Il a aussi relevé que l'enregistrement des enfants n'est pas disponible dans ces camps.  Il a enfin salué les progrès accomplis récemment comme l'établissement de la Haute Autorité chargée de la gouvernance, et celui de la Commission nationale des droits de l'homme et des libertés fondamentales, bien que cette dernière ne bénéficie pas encore des ressources nécessaires à son bon fonctionnement.  Il s'est réjoui de la constitution d'un comité interministériel sur les droits économiques, sociaux et culturels.

M. de Schutter a noté que les magistrats et hauts fonctionnaires de la justice doivent désormais déclarer leurs richesses lors de leur entrée en fonction.  Il s'est par ailleurs enquis des mesures que le Gouvernement compte mettre en place pour garantir la transparence dans l'exploitation des ressources naturelles du pays.  Il a aussi constaté que les dispositions du Code de travail de 2009 ne reflètent pas entièrement les dispositions du Pacte sur l'interdiction de la discrimination en matière d'emploi.  S'agissant des dispositions de la Constitution de mars 2016 sur la famille et le mariage, placés « sous la protection de l’État », il s'est demandé ce qu'il en était de l'homosexualité et de l'union de personnes du même sexe.

Concernant les Bororos et les Bakas, peuples autochtones, M. de Schutter a reconnu que la République centrafricaine avait approuvé la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones mais souligné que le pays n'a pas encore adopté de plan d'action dans ce domaine.  Il a pointé la difficulté pour ces groupes d'obtenir des documents d'identité et accéder à la justice.  Dans une question de suivi, il s'est aussi enquis de la manière dont les Bororos, les pygmées et autres peuples autochtones sont consultés pour donner leur consentement préalable, libre et éclairé sur l'exploitation de leurs ressources.

S'agissant de l'égalité entre hommes et femmes, l'expert a attiré l'attention sur l'article 252 du Code du travail qui risque d'établir une discrimination à l'égard de la femme.  Il a par ailleurs voulu savoir quelles garanties étaient en place pour que les femmes et les enfants déplacés puissent revenir dans leur foyer et se réapproprier leur terre.

Un autre expert a fait allusion aux accords spéciaux avec les groupes armés et à la tendance à élargir leur portée, tout en estimant que ces accords réciproques pourraient être mis en œuvre dans les parties du territoire qui ne sont pas contrôlées par le Gouvernement.  

Un expert a constaté que la situation politique était des plus délicates en République centrafricaine et que le pays disposait de moyens très limités, ce qui entrave l'application du Pacte.  Le pays est l'un des plus pauvres du monde, la crise touchant tous les secteurs économiques, en particulier dans les zones rurales.  Néanmoins, le rapport montre des initiatives plus que louables bien qu'il manque des données faisant état de résultats concrets, comme au paragraphe 139 du rapport, qui signale la promulgation de textes législatifs et la création d'un conseil économique et social, sans plus, ou encore le paragraphe 137, qui se contente d'indiquer que le secteur agricole est en tête des branches d'activités économiques.  Il a voulu savoir, par ailleurs, qui sont les bénéficiaires des prestations sociales dans le secteur informel; et obtenir plus d'informations sur la liste des trois confédérations et unions syndicales citées au paragraphe 142 du rapport.  Un autre expert a demandé quel était le montant du salaire minimum et ce qui était envisagé pour améliorer les conditions de travail, en particulier dans le secteur formel.

Un membre du Comité a dit comprendre les difficultés que traverse la République centrafricaine.  Il a centré ses commentaires sur l'obligation de pleinement répertorier les violences sexuelles en particulier dans les cas où les victimes sont des garçons et des filles, ainsi que les différentes formes d'esclavage et de situations graves de traite des personnes, qu'il faudra juger un jour ou l'autre.  Il a également relevé une grave insécurité alimentaire dans le pays, l'épidémie du VIH/sida et les mariages d'enfants en tant que sujets de vive préoccupation.  Un autre expert s'est interrogé sur l'engagement de la République centrafricaine à lutter contre les mutilations génitales féminines et à améliorer la santé procréative et sexuelle des femmes et des filles suite aux recommandations de la Slovaquie issues de l'Examen périodique universel.  Il a aussi posé une question sur les châtiments corporels dans les institutions où les enfants ont un tuteur autre que les parents.  La République centrafricaine arrive-t-elle à respecter le seuil de 15% fixé pour le budget de santé?

Une experte s'est intéressée au droit coutumier et à la façon dont celui-ci affecte le droit des femmes à l'accès au logement et à la terre.  Est-ce la pratique coutumière qui veut que la famille d'un époux décédé expulse la veuve ? Un autre expert s'est penché sur les allégations de violences sexuelles et d'abus sur des enfants par les soldats de la paix.  Il a aussi mentionné la pratique d'esclavage et de travail forcé des pygmées Bakas, s'agissant des femmes plus particulièrement.  Un autre a voulu savoir comment sortir du conflit armé sans amnistie, citant les difficultés actuelles de son pays, la Colombie, à l'heure des négociations sur les moyens de mise en œuvre de l'Accord de paix entre le Gouvernement et les FARC.

Sur les questions sur l'éducation et les droits culturels, un membre du Comité a constaté que 38% des centres scolaires ont été victimes d'attaques ou ont été occupés par des groupes armés, en se demandant si des mesures ont été prises pour que cela ne se répète plus.  Entre 2016 et 2017, certains groupes armés ont continué d'occuper des établissements scolaires.  Qu'en est-il à présent?  Les autorités adaptent-elles les installations scolaires et sanitaires aux besoins des filles ou encore des personnes handicapées?  L'expert a aussi mis l'accent sur la formation des enseignants et sur les lacunes en matière de recrutement à cause de l'instabilité.  Seuls 72% de élèves sont dans l'enseignement primaire et les disparités sont considérables, contre 10% dans le secondaire, a-t-il remarqué.  L'expert a aussi attiré l'attention sur le fait que moins de filles fréquentent ce cycle et que l'on ne dispose pas de chiffres pour le cycle supérieur.  Évoquant le rapport de Reporters sans frontières, l'expert a souligné l'importance de la liberté de la presse pour la jouissance des droits économiques, sociaux et culturels.  Le taux très faible d'alphabétisation a également été souligné par un autre expert.

Réponse de la délégation

La délégation dirigée par le Ministre de la justice a indiqué que la Cour pénale spéciale était maintenant sur le terrain et aidera à garantir la restauration des droits des Centrafricains.  Aujourd'hui, le Gouvernement a entamé un dialogue avec les groupes armés dans le cadre du processus de Désarmement démobilisation et réinsertion (DDR) ce qui permettra d'étendre l'autorité de l’État sur toute l'étendue du territoire.  Il a parlé de la victoire que représente l'installation de préfets dans les régions concernées.  Au sujet de la protection des écoles dans les zones contrôlées par les rebelles, il a souligné qu'un travail de sensibilisation était en cours pour que les enfants puissent avoir accès à l'éducation.

Le Ministre de la justice s'est dit conscient de l'importance de la justice transitionnelle, par le truchement de laquelle beaucoup sera réglé, surtout en matière de lutte contre l'impunité.  Le Gouvernement a créé la Commission justice, vérité, réparations et réconciliation pour éviter toute répétition de tout ce qui s'est passé dans le pays.  Avec les partenaires, le Gouvernement, grâce à son Ministère de l'action humanitaire, œuvre à ce que les déplacés et réfugiés puissent revenir dans de bonnes conditions.  

Répondant aux questions liées à la protection de la famille, étant entendu qu'une partie du territoire est sous contrôle de groupes armés, la délégation a souligné que depuis plusieurs décennies, le pays est confronté à d'énormes problèmes de gouvernance accentués par des crises militaro-politiques fragilisant le fonctionnement des institutions en général, et de la justice en particulier.  Elle a déclaré « nous avons l'obligation de juger les responsables des graves crimes » car faire justice pour les crimes graves est un impératif pour une paix véritablement durable, et enverrait un signal fort indiquant que les crimes graves ne seront plus tolérés.  L'application des accords humanitaires spéciaux font partie des priorités gouvernementales.  

La délégation a rappelé qu'au Forum de Bangui de 2015, le peuple a expressément rejeté toute idée d'une quelconque amnistie en faveur des auteurs des violations du droit humanitaire et autres crimes graves.  

En juin 2015, une loi a institué la Cour pénale spéciale, juridiction nationale et hybride composée de 13 magistrats nationaux et 12 internationaux « appelée à juger les auteurs, coauteurs ou complices des violations graves des droits humains commis sur le territoire national depuis 2003 ».  La délégation a annoncé que cette cour sera bientôt opérationnelle car tous les organes de poursuites et d'instruction sont en place.  A cet égard, la MINUSCA a appuyé le Gouvernement par un travail de documentation de plus de 600 incidents à travers tout le pays et pouvant constituer des crimes qui, selon la loi, sont imprescriptibles.  Les femmes jouent un rôle très important dans l'économie familial et le contexte agricole.  Cependant, il y a une forte tendance à la violence dans les zones affectées par le conflit, avec des abus sexuels qui n'ont épargné ni enfants, ni femmes âgées.

Même dans les camps de déplacés, les enfants doivent être enregistrés à la naissance.  Ainsi, les juges se déplacent dans des actes forains pour procéder à des jugements supplétifs pour délivrer des actes de naissance sous la houlette de l'Inspection générale du Ministère de la justice.  

La Commission nationale des droits de l'homme et des libertés fondamentales est composée notamment d'avocats et de juges et une solution positive est en cours pour que ses membres jouissent d'un salaire raisonnable.  Autre première, la Haute Autorité pour la bonne gouvernance travaille de concert avec le Ministère de la justice et les dispositions du Code pénal sont désormais très dures face à la mauvaise gouvernance, à la corruption et aux crimes à caractère économique.  

Aujourd'hui, les groupes armés n'ont pratiquement plus de raison politique pour prendre les armes, ce qui fait que 13 d'entre eux ont rejoint le programme de démobilisation.  Cependant, certains autres groupes tentent de s'accaparer des ressources dans les zones minières, notamment diamantifères.  Dans toutes les zones contrôlées par le Gouvernement, les exploitations minières s'inscrivent dans le cadre du processus de Kimberley.

La législation sera adaptée en fonction de l'évolution de la société sur le mariage entre personnes du même sexe, a encore dit la délégation.  

Au sujet des pygmées, des Bororos et autres membres de populations autochtones, M. Mbata a déclaré qu'ils étaient tous considérés comme des Centrafricains, et ont le droit d'avoir accès à la justice.  Certains d'entre eux travaillent même au sommet de l’État.  Il a toutefois fait remarquer que certains chefs rebelles sont bororos.

La grande question qui préoccupe le Gouvernement est de savoir que faire pour que les personnes déplacées, une fois revenues, puissent jouir à nouveau de leurs biens et propriétés.  Il a expliqué qu'un travail de sensibilisation commence à porter ses fruits pour que les personnes comprennent qu'elles ne peuvent s'approprier les biens d'autrui.  La Commission justice, vérité et réparation a un mandat très important pour le retour à la paix d'un peuple meurtri, a-t-il conclu.

Lors de l'Examen périodique universel de 2014, la République centrafricaine s'était engagé à lutter contre la violence sexuelle et le mariage précoce.  Les autorités avaient ensuite mis en place une unité mixte d'intervention rapide pour la protection des femmes et des filles, actuellement opérationnelle et qui travaille en synergie avec le Ministère de la justice ainsi celui de la famille.  La République centrafricaine a en outre ratifié la Convention relative aux droits de l'enfant et un travail de terrain est fait avec l'UNICEF en vue de sensibiliser les parents et les éducateurs au problème des châtiments corporels.  

En réponse aux questions relatives à la santé, la délégation a répété que la prévalence du VIH/sida atteignait 4,9% et un plan de contingence a été mis en place en 2014 pour réduire cette prévalence et le cas de tuberculose.  Le nombre de cas de problèmes mentaux 1559 dont 314 pour l'épilepsie et 300 cas de malades errants, de 2008 à 2010.  La délégation a déploré l'insuffisance du niveau de soins et de soutien psycho-social ainsi qu'une faible coordination des activités à travers le groupe intersectoriel sur la santé mentale.  Le document de politique de santé mentale aurait besoin d'être mis à jour mais un manuel de formation a été élaboré sur les dix causes de maladies mentales prioritaires.

La pratique de l'excision a enregistré un taux de 43% en 1994 et 36% en 2000 pour tomber à 24% en 2010.  Les femmes rurales sont plus touchées que les citadines par cette pratique.  Le secteur de santé aurait besoin de ressources et de sources alternatives de financement.  

Au sujet du droit coutumier et de l'accès des femmes et des déplacés à la propriété.  La délégation a admis l'existence de pesanteurs socio-culturelles, comme le problème de femmes qui n'enregistrent pas leur mariage et cohabitent avec d'autres épouses.  En collaboration avec l'Association des femmes juristes de Centrafrique, l'organisation des femmes centrafricaines et d'autres organisations de la société civile, ces situations sont portées devant la justice.

Les violences imputées aux soldats de la paix de la MINUSCA et de l'Union africaine sont traitées par le Ministère de la justice.  Des commissions rogatoires ont été envoyés aux pays des présumés soldats en infraction.  La justice attend une réponse.  D'autre part, la justice française a prononcé un non-lieu pour ses soldats alors que les avocats de victimes ont interjeté appel.  

La délégation a qualifié de caduques les données liées à l'esclavage des minorités, notamment la minorité pygmée qui vit à l'ouest du pays.  Une organisation non gouvernementale œuvre pour la défense et la protection des droits des minorités, qui vont en outre bénéficier d'un quota dans toute l'administration et à tous les niveaux de la chose publique.  Elle a insisté que ces minorités ne sont pas victimes de discrimination.  Il y a des écoles dans leurs villages et un directeur a été formé dans un centre pédagogique.  L'éducation non formelle prend sérieusement en compte toutes les composantes de la société et les possibilités alternatives pour les jeunes.  

Il appartient à la Commission sur la vérité, la justice, les réparations et les garanties de non-répétition de faire son travail pour trouver des solutions définitives en termes de réparations.  À la question de savoir comment faire pour que les groupes rebelles reviennent à la table des négociations, la délégation a fait part d'avancées significatives, deux groupes seulement sur 14 ayant refusé de s'intégrer au processus de négociation et de réconciliation.  Elle a signalé que la Cour d'appel de Bangui a d'ores et déjà entamé les procès des membres de groupes rebelles coupables d'abus et de violations des droits de l'homme.  

Au sujet de la protection des établissements scolaires, la délégation a fait état des efforts du Gouvernement pour sensibiliser tant la population que les groupes armés, avec l'assistance des partenaires de l'ONU comme le Fonds des Nations Unies pour l'enfance et la MINUSCA.  Toutes les écoles sont aujourd'hui libérées y compris celles qui étaient occupées par les groupes armées.  D'autre part, la plupart des écoles, sauf rares exceptions, sont dotés de latrines séparées pour les garçons et les filles, qui sont aussi encouragés à une meilleure hygiène corporelle.  Il existe en outre des écoles de sourds-muets et les enfants handicapées sont pris en compte dans le système scolaire.  Il y a certes une pénurie d'enseignants mais avec le Fonds GPE, 1 100 enseignants formés sont opérationnels et 1 500 sont en stage.  D'autre part, 200 instituteurs ont été intégrés dans le système primaire en 2017.  Dix centres pédagogiques régionaux permettent la formation d'au moins 500 enseignants et membres du personnel scolaire.  L'école est gratuite à tous les niveaux et plus de 11 000 enfants ont fait leur rentrée en septembre dernier en préscolaire.  La délégation a expliqué que les grossesses précoces empêchent les futures mères de fréquenter l'école mais l’État ne baisse pas les bras et a créé des possibilités pour elles de suivre des cours et ce, malgré les entraves sociales.

Les forces de l'ordre bénéficient depuis plusieurs années d'une formation aux droits de l'homme, en coopération avec la MINUSCA.  La République centrafricaine a créé un centre pour les anciens enfants soldats, membres des groupes armés, qui sont considérés comme des victimes.  

Il n'existe par ailleurs en République centrafricaine aucune entrave à la liberté de la presse et, chaque fois que les journalistes sont victimes d'atteinte à la liberté d'information, la loi sur la dépénalisation des délits de presse est invoquée.  L'accès à Internet ne souffre d'aucune restriction et quatre opérateurs économiques veillent à l'accès en zone rurale mais il y a des problèmes d'ordre financier, a reconnu la délégation qui a souligné l'importance du projet de fibre optique en cours.  Une bibliothèque numérique a été installée à l'université de Bangui, et une autre dans une zone rurale.  Elle a attiré l'attention sur la vulgarisation de l'emploi de la liseuse électronique, qui constitue en soi un progrès dans ce domaine.

Conclusion

M. DE SCHUTTER a remercié les membres de la délégation de s'être déplacés malgré les grands défis qui se posent au pays et a salué le caractère très franc du dialogue.  Partout, les partenaires louent la bonne volonté du Gouvernement pour résoudre les problèmes et instaurer une paix durable.  Les droits économiques, sociaux et culturels sont pertinents justement parce que la République centrafricaine est en passe de procéder à une justice transitionnelle, en citant l'ancienne Haut-Commissaire des Nations Unies  aux droits de l'homme, Mme Louise Arbour sur la justice transitionnelle.  Il a espéré que le dialogue a aidé à prendre conscience des défis considérables à la jouissance de ces droits.

La délégation, au nom du Ministre de la justice absent aujourd'hui, s'est félicitée de la qualité du dialogue qui dessine des orientations pour que la République centrafricaine vienne la prochaine fois avec des résultats plus consistants dans l'application du Pacte.  Il a assuré que tout sera mis en œuvre pour que les prochaines années, en fonction des observations écrites du Comité, cette application soit plus efficace.

MME MARIA VIRGINIA BRÁS GOMES,Présidente du Comité des droits économiques, sociaux et culturels, s'est aussi dite pleinement consciente des contraintes de la délégation, ajoutant que les questions très étoffées étaient principalement dues au fait que l’État partie présentait son rapport initial.  Elle a conclu que les prochaines étapes n'en seront que plus faciles et pourront constituer les pierres angulaires de la paix à venir dans le pays.

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