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Communiqués de presse Organes conventionnels

Le Comité des droits des personnes handicapées examine le rapport initial d’Haïti

16 Février 2018

GENEVE (16 février 2018) - Le Comité des droits des personnes handicapées a examiné, hier après-midi et cet après-midi, le rapport initial d’Haïti sur les mesures prises par ce pays pour mettre en œuvre la Convention relative aux droits des personnes handicapées.

Présentant ce rapport, M. Pierre André Dunbar, Représentant permanent d’Haïti auprès des Nations Unies à Genève, a rappelé que son pays avait été profondément bouleversé par le tremblement de terre de 2010, qui a causé environ 220 000 morts, 300 000 blessés, une forte augmentation du nombre des personnes handicapées – dont environ 4000 personnes amputées – et une perte économique équivalant à environ 120 pour cent du produit national brut d’Haïti. Toujours en 2010, a poursuivi le chef de la délégation, les premiers cas de choléra se sont manifestés : l’épidémie a fait plus de 3500 morts et 150 000 malades. Six ans après, l’ouragan Matthew a dévasté la région sud d’Haïti, affectant plus de deux millions de personnes, a ajouté le Représentant permanent.

Ainsi, a fait observer M. Dunbar, à chaque effort de relèvement et reprise de la croissance, un nouveau choc s’est produit, accentuant les écarts et les défis. C’est dans ce contexte de vulnérabilité accrue que le Gouvernement haïtien et les acteurs sociaux appliquent autant que possible les dispositions de la Convention et s’efforcent d’honorer leurs engagements à ce titre.  La répétition d’événements extrêmes a considérablement augmenté le nombre de personnes handicapées et les types de handicaps enregistrés, a insisté M. Dunbar, avant de faire observer que la forte vulnérabilité de la population avait généré une prise de conscience pour la transformation des mentalités sociales, le handicap étant de moins en moins perçu comme attribuable à un fléau divin ou un phénomène non naturel.

Les conventions et traités internationaux ratifiés par Haïti font en effet partie intégrante de la législation nationale, a en outre souligné M. Dunbar, avant de rappeler que la loi haïtienne portant sur l’intégration des personnes handicapées était entrée en vigueur en mai 2012.  

En tant qu’institution nationale des droits de l'homme d’Haïti, l’Office de la protection du citoyen, par vidéotransmission depuis Port-au-Prince, a souligné que l’application de la Convention en Haïti passait nécessairement par une prise de conscience collective impliquant tous les acteurs des secteurs de la justice, de la santé publique, de l’éducation, de l’environnement, ainsi que les collectivités territoriales, sans oublier le nécessaire renforcement des capacités du Secrétariat d’État à l’intégration des personnes handicapées.

M. Coomaravel Pyaneandee, rapporteur du Comité pour l’examen du rapport haïtien, s’est réjoui que la Convention fasse partie de l’ordre juridique interne haïtien. Tout en se disant pleinement conscient des moments difficiles que traverse Haïti, en raison notamment des conséquences du tremblement de terre de 2010 et du cyclone de 2016, il a relevé que selon le rapport, la population haïtienne compte 10% de personnes handicapées, alors que l’OMS évalue cette proportion à 15%. Si les statistiques sont à la base faussées, a-t-il mis en garde, le Gouvernement ne pourra pas formuler de plan d’action national permettant de protéger les droits des personnes handicapées et de les aider à faire valoir leurs droits socioéconomiques ou même politiques.  

M. Pyaneandee a ensuite fait part de la vive préoccupation du Comité face au fait que la loi ne reconnaisse pas les discriminations doubles ou multiples auxquelles les femmes et les filles handicapées sont confrontées, s’agissant en particulier de la violence sexiste et de la maltraitance. Le Comité est aussi très préoccupé par le manque de données précises disponibles quant au nombre exact d’enfants handicapés et regrette que ces enfants soient négligés et abandonnés, a ajouté le rapporteur. En outre, a-t-il poursuivi, il manque en Haïti un mécanisme de plainte contre les manifestations de discrimination à l’encontre des personnes handicapées, par exemple dans l’éducation et dans le sport.  

Le rapporteur a d’autre part noté la persistance, dans les coutumes, d’une discrimination structurelle contre les personnes handicapées qui n’a pas disparu depuis la ratification de la Convention.  Il a regretté que l’utilisation en Haïti de termes cruels ou méprisants à l’égard des personnes handicapées soit courante.

M. Dunbar, qui était accompagné de plusieurs membres de la Mission permanente de son pays auprès des Nations Unies à Genève, a bénéficié du soutien d’une délégation qui s’est chargée de répondre, par vidéotransmission depuis Port-au-Prince, aux questions et observations des experts du Comité. Cette délégation était notamment composée du Secrétaire d’État haïtien à l’intégration des personnes handicapées, de la Directrice exécutive du Bureau dudit Secrétaire d’État, d’un conseiller juridique du Premier Ministre d’Haïti ainsi que de plusieurs hauts fonctionnaires appartenant au Ministère de l’éducation et de la formation professionnelle, à la Commission d’adaptation et de l’appui social et à la Direction des droits humains.

La délégation a répondu aux questions qui lui étaient adressées par les membres du Comité en ce qui concerne, notamment, la collecte de données ; la participation des personnes handicapées et de leurs organisations représentatives aux décisions les concernant; le droit à l’information des personnes handicapées; les questions d’accessibilité et d’aménagement au profit des personnes handicapées ; les questions de santé et d’éducation ; les activités du Bureau du Secrétaire d’Etat à l’intégration des personnes handicapées et de l’Office de protection du citoyen ; les centres de réhabilitation et le placement d’enfants handicapés ; ou encore les mesures de sensibilisation aux droits des personnes handicapées.

Le Comité adoptera ultérieurement, lors de séances à huis clos, ses observations finales sur le rapport d’Haïti et les rendra publiques à l'issue de la session, le vendredi 9 mars.

Lundi prochain à partir de 15 heures, le Comité examinera le rapport du Népal.

Présentation du rapport

Le Comité était saisi du rapport initial d’Haïti (CRPD/C/HTI/1), ainsi que des réponses du pays à une liste de points à traiter soumise par le Comité.

M. PIERRE ANDRÉ DUNBAR, Représentant permanent d’Haïti auprès des Nations Unies à Genève, a rappelé que son pays avait été profondément bouleversé par le tremblement de terre de 2010, qui a causé environ 220 000 morts, 300 000 blessés, une forte augmentation du nombre des personnes handicapées – dont environ 4000 personnes amputées – et une perte économique équivalant à environ 120 pour cent du produit national brut d’Haïti. Toujours en 2010, a poursuivi le chef de la délégation, les premiers cas de choléra se sont manifestés : l’épidémie a fait plus de 3500 morts et 150 000 malades. Six ans après, l’ouragan Matthew a dévasté la région sud d’Haïti, affectant plus de deux millions de personnes, a ajouté le Représentant permanent.

Ainsi, a fait observer M. Dunbar, à chaque effort de relèvement et reprise de la croissance, un nouveau choc s’est produit, accentuant les écarts et les défis. C’est dans ce contexte de vulnérabilité accrue que le Gouvernement haïtien et les acteurs sociaux appliquent autant que possible les dispositions de la Convention relative aux droits des personnes handicapées et de son Protocole facultatif et s’efforcent d’honorer leurs engagements à ce titre.  

La répétition d’événements extrêmes a considérablement augmenté le nombre de personnes handicapées et les types de handicaps enregistrés, a poursuivi M. Dunbar. La forte vulnérabilité de la population a généré une prise de conscience pour la transformation des mentalités sociales, le handicap étant de moins en moins perçu comme attribuable à un fléau divin ou un phénomène non naturel.

Bien que la Constitution haïtienne de 1987 fût en harmonie avec l’esprit et la lettre de la Convention, l’adoption de cette dernière par le pays a inauguré la réforme du cadre légal national, a indiqué le Représentant permanent. Les conventions et traités internationaux ratifiés par Haïti font en effet partie intégrante de la législation nationale, a-t-il précisé. Pour ce qui concerne l’application de la Convention, l’État haïtien s’est engagé à prendre une série de mesures législatives, administratives et sociales et à élaborer des programmes destinés à accorder une meilleure place aux personnes handicapées dans ses objectifs stratégiques, afin de faciliter leur intégration à différents niveaux de la vie nationale.

Dans ce contexte, a indiqué M. Dunbar, la loi haïtienne portant sur l’intégration des personnes handicapées est entrée en vigueur en mai 2012.  Elle a pour objectif, d’une part, de promouvoir les principes concourant à la pleine intégration des personnes handicapées dans toutes les sphères de la société haïtienne et, d’autre part, d’adopter les mesures d’application prévues, a-t-il précisé. Au nombre des mesures d’application, le chef de la délégation haïtienne a cité l’avant-projet de loi organisant le fonds de solidarité pour l’intégration des personnes handicapées.

M. Dunbar a ensuite évoqué l’accessibilité universelle à l’environnement bâti en Haïti, en soulignant qu’il s’agit ici de promouvoir l’accès égal des personnes handicapées à l’école, à l’université, au travail et aux transports publics, entre autres. L’inégalité étant criante, des dispositions sont déjà prises en ce sens, a-t-il indiqué, avant de préciser qu’un projet de loi y relatif, validé en Conseil des Ministres, se trouve actuellement à l’examen du Parlement. Mais l’action ne s’arrête pas au niveau législatif, a rappelé M. Dunbar, indiquant que des avancées substantielles sont également en train de se produire sur le plan judiciaire notamment.

S’agissant des mentalités sociales face au handicap, la tendance à « naturaliser » le handicap est devenue plus contrastée, a déclaré M. Dunbar. S’opère en effet progressivement une transformation des mentalités, en lien avec les intenses activités de plaidoyer et de sensibilisation menées auprès de la population par le Bureau du Secrétaire d’État à l’intégration des personnes handicapées et par ses partenaires.  Le Représentant permanent d’Haïti a attiré l’attention sur la sensibilisation au handicap menée auprès des chauffeurs de transports en commun, ainsi que sur les projets de rénovation d’écoles menés à bien afin d’assurer l’accessibilité des établissements scolaires. M. Dunbar a en outre souligné que les autorités haïtiennes poursuivaient leurs échanges avec le patronat afin de promouvoir le recrutement des personnes handicapées et d’assurer l’application du quota d’emplois de personnes handicapées par entreprise tel que défini par la loi.

Malgré l’exposition aux catastrophes naturelles et la faiblesse de l’économie d’Haïti, des politiques inclusives y ont été adoptées et mises en œuvre: les résultats sont satisfaisants, bien que beaucoup reste à faire, a conclu M. Dunbar.

En tant qu’institution nationale des droits de l'homme d’Haïti, l’Office de la protection du citoyen, par vidéotransmission depuis Port-au-Prince, a fait valoir que la ratification de la Convention par le pays en mars 2009 et la création du Bureau de l’intégration des personnes handicapée, entre autres mesures, témoignaient sans équivoque de la volonté de l’État haïtien de respecter les droits de l’homme.  L’Office a félicité l’État haïtien de l’adoption de la Loi de 2012 portant sur l’intégration des personnes handicapées. Mais, a noté l’Office, en dépit des efforts consentis par les acteurs concernés – notamment par le Bureau du Secrétaire d’État à l’intégration des personnes handicapées et par les organisations de la société civile actives dans ce domaine –, les conditions pour une application réelle de la Convention ne sont pas encore créées.

L’Office a pris acte de la création d’un fonds de solidarité pour l’intégration des personnes handicapées, mais a regretté que le Conseil national pour la réhabilitation des personnes handicapées, organisme autonome chargé d’améliorer concrètement la vie des personnes handicapées, ne fonctionne plus.

L’Office a recommandé à l’exécutif haïtien de tout mettre en œuvre pour créer les conditions à même d’assurer que tous les citoyens aient accès aux services sociaux sans aucune forme de discrimination. L’application de la Convention passe nécessairement par une prise de conscience collective impliquant tous les acteurs des secteurs de la justice, de la santé publique, de l’éducation, de l’environnement, ainsi que les collectivités territoriales, sans oublier le nécessaire renforcement des capacités du Bureau du Secrétaire d’État à l’intégration des personnes handicapées.

Examen du rapport

Questions et observations des membres du Comité

M. COOMARAVEL PYANEANDEE, rapporteur du Comité pour l’examen du rapport haïtien, s’est réjoui que la Convention fasse partie de l’ordre juridique interne haïtien. Le présent dialogue entre les membres du Comité et la délégation haïtienne a pour but de permettre au Comité d’analyser si l’action du Gouvernement haïtien est efficace et « de trouver des solutions afin que les personnes handicapées en Haïti puissent revendiquer leurs droits », a-t-il rappelé. Le Comité est pleinement conscient du contexte dans lequel ce dialogue se tient, ainsi que des moments difficiles que traverse Haïti, en raison notamment des conséquences du tremblement de terre de 2010 et du cyclone de 2016, a assuré le rapporteur.

Cela étant, le Comité souhaite obtenir des éclaircissements sur les statistiques, a indiqué M. Pyaneandee.  En effet, le rapport indique que la population haïtienne compte 10% de personnes handicapées, alors que l’OMS évalue cette proportion à 15%, a fait observer le rapporteur. Si les statistiques sont à la base faussées, a-t-il mis en garde, le Gouvernement ne pourra pas formuler de plan d’action national permettant de protéger les droits des personnes handicapées et de les aider à faire valoir leurs droits socioéconomiques ou même politiques.

M. Pyaneandee a ensuite fait part de la vive préoccupation du Comité face au fait que la loi ne reconnaisse pas les discriminations doubles ou multiples auxquelles les femmes et les filles handicapées sont confrontées, s’agissant en particulier de la violence sexiste et de la maltraitance. Le Comité est aussi très préoccupé par le manque de données précises disponibles quant au nombre exact d’enfants handicapés et regrette que ces enfants soient négligés et abandonnés, a ajouté le rapporteur.

S’agissant de l’évaluation de l’action sur le terrain, il manque en Haïti un mécanisme de plainte contre les manifestations de discrimination à l’encontre des personnes handicapées, par exemple dans l’éducation et dans le sport, a poursuivi le rapporteur. Il a en outre noté la persistance, dans les coutumes, d’une discrimination structurelle contre les personnes handicapées qui n’a pas disparu depuis la ratification de la Convention. Le rapporteur a regretté que l’utilisation en Haïti de termes cruels ou méprisants à l’égard des personnes handicapées soit courante: il a voulu savoir ce qui était fait pour contrecarrer ce discours.

La délégation a ensuite été priée par d’autres membres du Comité de commenter la définition du handicap retenue par les pouvoirs publics en Haïti. Elle a en outre été priée de dire si Haïti avait l’intention de réviser tous ses textes juridiques et non juridiques pour y introduire une définition uniforme du handicap et de l’incapacité.

Un expert a prié la délégation de décrire le rôle joué par les personnes handicapées au sein des unités de soutien créées à leur intention. Un expert a observé que l’aide semble pour l’instant concentrée sur l’accès matériel, au détriment notamment du droit à l’information des personnes handicapées.

Un expert s’est enquis du calendrier des mesures prévues pour mettre fin aux discriminations multiples dont sont victimes les femmes handicapées et des mesures concrètes prises en faveur des enfants handicapés vivant dans des camps pour personnes déplacées ou dans les zones rurales et isolées du pays. Cet expert s’est également enquis des sanctions dont sont passibles les personnes ou les entreprises qui ne respectent pas la loi sur l’intégration des personnes handicapées.

Qu’en est-il de l’accessibilité des attractions touristiques et des bâtiments publics pour les personnes en chaise roulante, a-t-il été demandé?

Des experts ont voulu savoir si les organisations représentatives des personnes handicapées avaient pu participer à l’élaboration du présent rapport d’Haïti. D’autres experts ont voulu savoir si ces organisations participent aux initiatives de sensibilisation lancées par les autorités et dans quelle mesure elles contribuent aux évaluations de l’action publique en faveur des personnes handicapées.

Une experte a souhaité savoir si les chefs religieux, surtout pour ce qui est du culte vaudou, participent eux aussi aux efforts de sensibilisation.

Un expert s’est enquis des ressources dont dispose le Conseil national pour la réhabilitation des personnes handicapées. Quel est le statut des institutions dans lesquelles les enfants handicapés peuvent être placés, a-t-il en outre demandé?

Plusieurs experts ont souligné que les mesures de prévention du handicap ne relèvent pas de la Convention, qui est axée sur les droits des personnes vivant avec un handicap.

Un expert a voulu savoir si les mesures d’intégration en faveur des personnes handicapées étaient appliquées de manière efficace. Il a demandé si les personnes qui ont dû subir une amputation après le tremblement de terre de 2010 bénéficiaient aujourd’hui de mesures de soutien.

Un autre expert a attiré l’attention de la délégation sur le problème des personnes atteintes d’un handicap mental et privées de leur liberté de manière arbitraire et a jugé discriminatoire la manière dont le handicap psychosocial est considéré en Haïti. Comment les autorités haïtiennes comptent-elles remédier à l’institutionnalisation forcée des personnes handicapées, a-t-il été demandé?

La délégation s’est enquis de ce qui est envisagé en Haïti pour appliquer l’article 19 de la Convention de manière à ce que les personnes handicapées aient effectivement « la possibilité de choisir, sur la base de l'égalité avec les autres, leur lieu de résidence », et pour garantir aux personnes handicapées le droit de vivre de manière indépendante.

Qu’est-ce qui est prévu en Haïti pour assurer une assistance aux personnes handicapées dans leurs activités quotidiennes, a-t-il en outre été demandé?

S’agissant de l’accès à la justice, un expert a voulu savoir si une personne sourde impliquée dans une procédure de justice avait accès à un interprète en langue des signes.

La législation d’Haïti connaît-elle la notion d’aménagement raisonnable (« modifications et ajustements (…) n'imposant pas de charge disproportionnée ou indue apportés (…) pour assurer aux personnes handicapées la jouissance (…), sur la base de l'égalité avec les autres, de tous les droits de l'homme et de toutes les libertés fondamentales », selon l’article 2 de la Convention), a demandé un membre du Comité?  

Combien de plaintes sont-elles reçues par le Bureau du Secrétaire d’État à l’intégration des personnes handicapées pour violation des droits de l’homme, a-t-il été demandé?  

La Présidente du Comité, Mme Theresia Degener, a souhaité savoir si Haïti s’était doté d’une stratégie nationale globale contre la violence sexiste à l’égard des femmes handicapées. Elle a en outre fait observer que la forte présence de guérisseurs en Haïti pose la question du respect de l’article 7 de la Loi de 2012 sur l’intégration des personnes handicapées, laquelle stipule qu’«il est formellement interdit de soumettre une personne handicapée à une expérience médicale ou scientifique sans son consentement réel».

La Présidente a par la suite voulu savoir si les programmes de réadaptation couvraient bien toutes les personnes handicapées, sans exception. Vu la pauvreté qui règne en Haïti et la faiblesse de l’indice de développement humain de ce pays, elle a recommandé aux autorités de prendre des mesures ciblées en faveur des personnes handicapées.

Un expert s’est enquis du statut du braille en Haïti et a souhaité savoir si le pays entendait faire de la langue des signes une langue officielle.

Un autre expert s’est interrogé sur l’existence d’infrastructures capables de répondre aux besoins concrets des personnes handicapées qui se rendraient en Haïti pour y faire du tourisme.

Plusieurs experts se sont enquis des mesures prises pour appliquer l’article 31 de la Convention, relatif aux statistiques et à la collecte de données.

Il semble qu’en Haïti, l’enfant né avec un handicap soit souvent abandonné (par ses parents) puis placé dans une institution d’accueil, a relevé un autre expert. Dans ce contexte, a-t-il ajouté, il convient de s’interroger sur les politiques à mener pour éviter le placement dans les orphelinats. Le même expert a voulu savoir dans quelle mesure les hôpitaux sont accessibles aux personnes handicapées, par exemple aux personnes se déplaçant en chaise roulante.

Un expert a insisté sur la nécessité de veiller à ce que le handicap psychosocial ne soit pas un motif – avoué ou caché – de détention ; il faut veiller à ce que les personnes concernées soient bien orientées vers des services adaptés à leurs besoins, a-t-il recommandé.

La délégation a en outre été priée de dire si les personnes handicapées avaient le droit de se présenter aux élections et si les locaux du Parlement étaient adaptés à leurs besoins spécifiques.

Un expert a regretté qu’Haïti n’ait pas désigné le mécanisme indépendant prévu par l’article 33 de la Convention pour assurer la promotion, la protection et le suivi de l'application de la Convention.

Réponses de la délégation

S’agissant de la place de la Convention dans l’ordre juridique interne, la délégation a souligné qu’une fois ratifiés par Haïti, les instruments internationaux font partie intégrante de la législation nationale et abrogent les textes de loi qui leur seraient contraires. Lorsque la Convention est invoquée par un avocat devant le juge, ce dernier est tenu d’appliquer la disposition pertinente. Mais il est vrai que les juges ne motivent pas toujours leur décision par les textes internationaux, a admis la délégation, avant d’assurer que l’État haïtien accorde une très grande importance à la protection des personnes handicapées.

S’agissant des statistiques relatives au nombre de personnes handicapées, la délégation a indiqué que le nombre de personnes handicapées est estimé en Haïti à 10% de la population.  Les autorités responsables sont en train de faire en sorte que le critère du handicap soit intégré dans le prochain recensement national, prévu pour 2019 et il sera alors possible aux autorités d’appréhender la situation avec précision et d’adapter leur action en conséquence, a-t-elle fait valoir. Le Ministère de la santé, qui a pour priorité la santé communautaire, place de grands espoirs dans des agents de santé travaillant au contact étroit des populations pour compter le nombre de personnes handicapées vivant avec leurs familles, a ajouté la délégation.

S’agissant de l’accessibilité, l’environnement bâti doit absolument être adapté aux personnes handicapées, a ensuite rappelé la délégation, avant de faire valoir que le Gouvernement haïtien a décidé décision de renforcer les dispositions appuyant l’obligation de respecter ce principe.  Le Parlement est en particulier saisi d’un projet de loi intégrant pénalités et mesures incitatives à cette fin.  Les autorités collaborent aussi avec le secteur privé pour faire en sorte que les nouveaux bâtiments publics respectent les normes en matière d’accessibilité universelle. De nombreux services publics sont actuellement hébergés dans des bâtiments privés, étant donné les destructions subies lors du tremblement de terre de 2010, a précisé la délégation.  

Toujours dans le domaine de l’accessibilité, les autorités organisent régulièrement des activités de sensibilisation à l’intention des acteurs du secteur de la construction, notamment des architectes et des ingénieurs. L’objectif des autorités est de faire en sorte que les personnes handicapées puissent vivre en toute autonomie, a insisté la délégation.

Au chapitre de l’accessibilité, il a en outre été précisé que huit hôpitaux sur dix en Haïti disposent de rampes pour faciliter l’accès des personnes handicapées.

La délégation a par ailleurs indiqué que le Secrétariat d’État collaborait avec le Ministère de la justice pour garantir l’accès des personnes handicapées aux infrastructures de justice, par exemple grâce à l’aménagement des locaux et à la mise à disposition des tribunaux d’interprètes en langue des signes pour les personnes sourdes. Tout un effort reste à faire pour que l’État s’acquitte de ses obligations dans ce domaine, a admis la délégation. Le Secrétariat d’État pour sa part contribue à cet effort en informant les magistrats et avocats de la teneur de la loi et de leurs propres obligations en matière d’intégration des personnes handicapées, a indiqué la délégation. Elle a insisté sur le fait que les locaux privés occupés par les autorités de justice sont rarement adaptés aux besoins des personnes handicapées.

La Loi sur l’intégration des personnes handicapées fait obligation aux employeurs de procéder à des aménagements au profit des personnes handicapées, a précisé également la délégation. Le Secrétariat d’État organise régulièrement des rencontres avec les autorités concernées pour faire en sorte que les personnes handicapées aient les moyens de s’intégrer dans le monde du travail. Un bureau de placement a été ouvert pour aider ces personnes à s’insérer dans le marché de l’emploi. Mais la situation sur le front de l’emploi est difficile, compte tenu du taux de chômage élevé en Haïti, a souligné la délégation. Le cadre légal existe toutefois pour aller dans la direction de l’inclusion, a-t-elle insisté.

Le Secrétariat d’État à l’intégration agit en outre pour faire en sorte que les personnes handicapées puissent trouver des logements adaptés à leurs besoins. Il agit au niveau de la conception des bâtiments, de même qu’au niveau de l’attribution des logements. Il a dans ce cadre déjà veillé à la construction de quarante logements adaptés et est en discussion avec le secteur privé pour la construction de cent autres unités.

La législation haïtienne condamne toutes les violences faites aux femmes, a poursuivi la délégation, avant de préciser que la justice avait été saisie du dossier des trois femmes sourdes assassinées qu’ont mentionné plusieurs membres du Comité.

La délégation a par la suite fait état d’un renforcement du cadre légal contre les violences faites aux femmes. En particulier, le viol est désormais considéré comme un crime, a-t-elle précisé. Quant au Ministère de la condition féminine, il a adopté un plan pour assurer la protection des femmes victimes de violence, et celles vivant avec un handicap. Le Secrétariat d’État à l’intégration des personnes handicapées discutera avec ce Ministère pour améliorer encore ce plan, a ajouté la délégation en direct de Port-au-Prince.

L’Office de protection du citoyen utilise largement les réseaux sociaux dans ses efforts pour informer et sensibiliser la population haïtienne quant aux droits des personnes handicapées. L’action de cette institution nationale de droits de l'homme se déploie également en direction des pouvoirs locaux. Pendant la période du carnaval, l’Office a produit – en collaboration avec des organisations de personnes handicapées – une vidéo de sensibilisation mettant en scène des personnes handicapées en train de chanter et de danser.  Toute la population est ciblée. Néanmoins, les chefs religieux, surtout ceux du culte vaudou, ne sont pas encore visés en tant que tels, a précisé la délégation.  

Un membre du Comité ayant observé avec regret que la tenue des débats montrait que l’Office de protection des citoyens n’était pas indépendant des pouvoirs publics et ne pouvait exercer efficacement de mandat de surveillance, la délégation a précisé que cette institution n’entretient pas avec les autorités centrales de relation de sujétion. Mais l’Office n’en appartient pas moins aux institutions de l’État, a-t-elle ajouté. La délégation a en outre fait observer que si l’Office est prêt à souligner les actions positives de l’État, il n’en conserve pas moins sa faculté de critiquer l’action des pouvoirs publics, comme le montre le rapport qu’il publie de manière indépendante.  

Les campagnes de sensibilisation ont pour objet de lever le tabou du handicap en Haïti et de faire évoluer les mentalités à ce sujet, a insisté la délégation. A cet égard, les autorités n’hésitent pas à profiter du 3 décembre, Journée internationale des personnes handicapées, pour faire passer leurs messages.  Mais Haïti est confronté au problème du coût très élevé des campagnes médiatiques, a souligné la délégation.

S’agissant du droit à l’information des personnes handicapées, le Gouvernement haïtien travaille avec les chaînes de télévision pour assurer le doublage des émissions par des interprètes en langage des signes ou par le sous-titrage, a indiqué la délégation.  L’article 40 de la Constitution garantit le droit à l’information et les citoyens peuvent s’exprimer librement et sans contrainte, a en outre rappelé la délégation.  Elle a néanmoins indiqué prendre note des remarques faites par des membres du Comité quant à la nécessité d’inscrire explicitement dans la loi d’Haïti le droit des personnes handicapées d’accéder à l’information.

En 2015, Haïti s’est doté d’un Comité national de lutte contre la traite des êtres humains, a ensuite rappelé la délégation. Les autorités sont conscientes de la nécessité de vérifier systématiquement le respect de la loi par les orphelinats et de procéder à un recensement du nombre d’enfants handicapés placés et risquant d’être victimes de la traite, a souligné la délégation.

Plusieurs centres de réhabilitation privés existent en Haïti, parallèlement à une institution d’État qui mériterait d’être renforcée, a ensuite fait observer la délégation.

Le Bureau du Secrétaire d’État à l’intégration des personnes handicapées dispose de représentations dans six provinces à travers le pays, a indiqué la délégation. Là où il est absent, il collabore avec des organisations de la société civile et avec les pouvoirs locaux pour assurer la fourniture des services aux personnes handicapées et la coordination des campagnes de sensibilisation, de façon à atteindre également les personnes handicapées vivant dans les camps et dans les régions rurales.  

S’agissant de la participation des organisations de personnes handicapées dans la gestion des risques de catastrophe, la délégation a indiqué que le Secrétariat d’État recueillait les points de vue des personnes handicapées.

La délégation a pris bonne note de la recommandation d’un expert du Comité d’abroger plusieurs articles du Code civil et du Code de procédure pénale, notamment l’article 399 du Code civil, qui contient des termes péjoratifs à l’encontre des personnes handicapées mentales. Il a été observé à ce propos que le Code civil, qui date de 1826, devra être mis en conformité avec les normes actuelles du droit international.

Le Secrétariat d’État n’est saisi que de plaintes sporadiques, les personnes handicapées n’ayant pas l’habitude d’ester en justice, a ensuite fait observer la délégation. S’il vient à être saisi d’une plainte pour discrimination à l’encontre d’un enfant handicapé à l’école, par exemple, le Secrétariat d’État agit alors directement auprès du Ministère de la santé pour remédier à la situation, a expliqué la délégation.

La santé mentale est devenue une priorité pour le système sanitaire depuis 2012, date à laquelle a été élaboré un modèle de prise en charge communautaire et familial des personnes atteintes de troubles mentaux et psychiatriques, pour autant qu’elles n’aient pas besoin de soins médicaux lourds, a poursuivi la délégation. Cette approche n’est que partiellement appliquée faute de moyens, a-t-elle reconnu.

Toute expérimentation médicale est soumise à l’autorisation préalable du Comité national d’éthique, a ensuite précisé la délégation. Ledit Comité national rend aussi des avis à l’appui de procédures plus courantes, comme par exemple la vaccination contre le choléra.

Dans le domaine de la santé, le Secrétariat d’État oriente vers les services compétents les personnes handicapées qui lui font part de leurs besoins. Il s’efforce d’autre part de nouer des partenariats pour obtenir le matériel spécialisé dont les personnes handicapées ont besoin, par exemple les prothèses.

Afin de garantir l’application des politiques publiques en faveur de l’intégration des écoliers handicapés, le Ministère de l’éducation octroie des bourses aux élèves concernés. Il peut en outre intervenir directement auprès des établissements où des cas de discrimination à l’encontre d’élèves handicapés sont dénoncés. Le Ministère accompagne actuellement huit étudiants sourds inscrits à l’université: il met notamment à leur disposition du personnel de soutien spécialisé. Le Secrétariat d’État peut, lui aussi, octroyer des subventions ponctuelles aux élèves handicapés.

Le Code civil n’interdit pas le mariage des personnes handicapées, a souligné la délégation. Il détermine en revanche les conditions de la célébration du mariage, notamment pour ce qui est de l’indispensable obtention du consentement des mariés.  Des interprètes sont ainsi mis à la disposition des fiancés sourds-muets pour faire en sorte que le célébrant soit dûment informé de leur consentement formel au mariage. Quant au certificat médical prénuptial exigé par le législateur, il a pour seul but d’informer les époux de leur état de santé et ne peut en aucun cas constituer un motif d’interdiction du mariage, a indiqué la délégation.

Le Secrétariat d’État à l’intégration des personnes handicapées collabore avec les autres ministères pour encourager les personnes handicapées à se présenter aux postes électifs à tous les niveaux et à voter, et pour mettre à leur disposition les moyens matériels nécessaires, notamment en termes de transports et de signalétique. Le Secrétariat d’État encourage les partis politiques à présenter des candidats handicapés sur leurs listes.

La langue des signes a été introduite en Haïti dans les années 1940 par une missionnaire des États-Unis, a expliqué la délégation. Les autorités haïtiennes sont en train de mener une consultation pour normaliser l’usage de cette langue qui, au fil du temps, s’est adaptée aux pratiques locales.  Le Ministère de l’éducation assure pour sa part la promotion de la langue des signes. En revanche, il n’existe pas encore en Haïti de dispositif pour l’apprentissage du braille. Haïti ne dispose pas non plus de centre pour la formation de spécialistes travaillant directement avec les enfants handicapés ; les personnels disponibles ont été formés à l’étranger, a indiqué la délégation.

S’agissant de l’accueil des visiteurs dans le pays, la délégation a assuré que l’aéroport international de Port-au-Prince était tout à fait adapté aux besoins des personnes évoluant en chaise roulante, tandis que les hôtels modernes appliquent en général les normes d’accessibilité universelle. Cependant, des progrès restent à faire au niveau des transports, a reconnu la délégation.

Remarques de conclusion

M. Dunbar a remercié la Présidente et les membres du Comité de leurs questions pertinentes, qui permettent à Haïti de voir quels progrès il lui reste à faire, à côté de ses succès réels.

M. Pyaneandee a salué la communication franche que les membres du Comité ont eue avec la délégation haïtienne et s’est réjouie que cette dernière ait reconnu qu’il reste au pays des progrès à accomplir. Le rapporteur a souhaité bonne chance à Haïti dans l’application de la Convention et a prié la délégation d’assurer le peuple haïtien de la solidarité des membres du Comité face aux difficultés qu’il rencontre.

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