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Communiqués de presse Organes conventionnels

Le Comité contre la torture examine le rapport de la Bosnie-Herzégovine

13 novembre 2017

GENEVE (13 novembre 2017) - Le Comité contre la torture a examiné, dans la matinée de vendredi dernier et cet après-midi, le rapport de la Bosnie-Herzégovine sur les mesures prises par ce pays pour appliquer la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Présentant ce rapport, M. Ranko Debevec, Président de la Cour de la Bosnie-Herzégovine, a souligné qu’en 2015, la définition de la torture dans le Code pénal de l’État partie avait été rendue conforme à celle figurant à l’article premier de la Convention.  La Bosnie-Herzégovine a aligné sur les normes internationales sa définition des violences sexuelles en tant que crime de guerre, a-t-il ajouté. Un même effort d’harmonisation a été réalisé en 2016 dans le domaine de l’asile, a fait savoir M. Debevec, un effort qui s’inscrit dans les démarches de la Bosnie-Herzégovine en vue d’intégrer l’acquis de l’Union européenne dans le domaine des migrations.

Au début de 2012, a poursuivi le chef de la délégation, la Bosnie-Herzégovine a ratifié la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées. Ce faisant, le pays a exprimé très clairement qu’il est engagé à résoudre tous les cas de disparition résultant de la guerre qui s’est achevée il y a vingt ans.  Quant à la loi de 2009 sur l’interdiction de la discrimination en Bosnie-Herzégovine, elle a été amendée en 2014: la loi oblige désormais les autorités à lutter contre la discrimination et à supprimer toutes ses manifestations directes et indirectes, a précisé M. Debevec.

La délégation de la Bosnie-Herzégovine était également composée de représentants des Ministères des droits de l’homme et des réfugiés, de la justice, de la sécurité, de l’intérieur et du travail, ainsi que du Haut Conseil judiciaire et du Parquet de la Bosnie-Herzégovine. Elle a répondu aux questions des membres du Comité s’agissant, entre autres, des compétences de la Cour de la Bosnie-Herzégovine ; des victimes de crimes de guerre ; de la définition de la torture ; des garanties procédurales ; du traitement des détenus, y compris des délinquants mineurs ; des mesures de protection des témoins ; de la loi sur l’asile ; ou encore de la lutte contre la traite de personnes.

M. Jens Modvig, Président du Comité et corapporteur pour l’examen du rapport de la Bosnie-Herzégovine, a fait état d’informations en possession du Comité selon lesquelles des actes de torture, y compris des simulacres d’exécution, sont commis en Bosnie-Herzégovine par des policiers sur des détenus. De tels actes, bien documentés, ont été dénoncés aux autorités bosniennes depuis au moins 2011, a-t-il précisé, avant de demander à la délégation les raisons pour lesquelles rien ne semblait avoir changé à cet égard depuis cette date. M. Modvig a voulu savoir si le Gouvernement envisageait de créer un organe véritablement indépendant chargé de recevoir et traiter les plaintes déposées contre la police.

Le corapporteur a ensuite demandé à la délégation de dire comment les autorités comptaient assurer, non seulement en droit mais aussi en pratique, le respect des garanties procédurales fondamentales que sont, pour toute personne privée de liberté, l’accès à un avocat et le droit de bénéficier d’un examen médical indépendant.

Mme Ana Racu, corapporteuse du Comité pour l’examen du rapport de la Bosnie-Herzégovine, a affirmé pour sa part que les informations en sa possession obligeaient le Comité à dresser un bilan considérant comme globalement insuffisantes les conditions matérielles de détention en Bosnie-Herzégovine. Elle a déploré l’absence de procédure unifiée pour traiter des plaintes déposées par les personnes détenues, alors même que les rapports du Médiateur des droits montrent une augmentation des plaintes contre des policiers

Le Comité adoptera ultérieurement, lors de séances à huis clos, ses observations finales sur le rapport de la Bosnie-Herzégovine et les rendra publiques à l'issue de la session, le 6 décembre prochain.

Le Comité entamera demain matin, à 10 heures, l’examen du rapport de l’Italie (CAT/C/ITA/5-6).

Présentation du rapport

Le Comité était saisi du rapport de la Bosnie-Herzégovine (CAT/C/BIH/6), préparé sur la base d’une liste de points à traiter élaborée par le Comité.

Présentant ce rapport, M. RANKO DEBEVEC, Président de la Cour de la Bosnie-Herzégovine, a fait savoir que les autorités bosniennes avaient diffusé auprès des institutions concernées, ainsi qu’auprès des organisations non gouvernementales et du grand public, les recommandations et observations adoptées par le Comité à l’issue de l’examen du précédent rapport de son pays, en 2010.

S’agissant des mesures prises par la Bosnie-Herzégovine pour appliquer les principes de base de la Convention, M. Debevec a déclaré qu’en 2015 la définition de la torture dans le Code pénal de l’État partie avait été rendue conforme à celle figurant à l’article premier de la Convention. La même année, la Bosnie-Herzégovine a aligné sur les normes internationales la définition des violences sexuelles en tant que crime de guerre. Un même effort d’harmonisation a été réalisé en 2016 dans le domaine de l’asile, a également fait savoir M. Debevec, un effort qui s’inscrit dans les démarches de la Bosnie-Herzégovine en vue d’intégrer l’acquis communautaire dans le domaine des migrations.

Au début de 2012, a poursuivi le chef de la délégation, la Bosnie-Herzégovine a ratifié la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées. Ce faisant, le pays a exprimé très clairement qu’il est engagé à résoudre tous les cas de disparition résultant de la guerre qui s’est achevée il y a vingt ans. Mais la Bosnie-Herzégovine n’a pas attendu de ratifier cette Convention pour agir dans le domaine de l’identification et de la recherche des personnes disparues en collaboration avec les autres pays de la région, a souligné M. Debevec.

La Bosnie-Herzégovine continue de renforcer le statut et le mandat du Médiateur des droits de l’homme afin de le rendre conforme aux Principes de Paris, a d’autre part indiqué M. Debevec. Le statut du Médiateur est en train d’être modifié pour que l’institution puisse exercer aussi les fonctions de mécanisme de prévention de la torture prévu au titre du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture, a-t-il précisé.

D’autre part, la loi de 2009 sur l’interdiction de la discrimination en Bosnie-Herzégovine a été amendée en 2014: la loi protège les citoyens contre la discrimination dans la vie privée et au travail et elle oblige les autorités de la Bosnie-Herzégovine à lutter contre la discrimination et à supprimer toutes ses manifestations directes et indirectes, a précisé M. Debevec.

Le chef de la délégation bosnienne a enfin informé le Comité que le Ministère de la justice avait organisé, à l’intention de 450 policiers, avocats et magistrats, des formations spécialisées au sujet du traitement des mineurs dans le système de justice.

Examen du rapport

Questions et observations des membres du Comité

M. JENS MODVIG, Président du Comité et corapporteur pour l’examen du rapport de la Bosnie-Herzégovine, a regretté que ce rapport ait été remis avec un an et demi de retard, mais s’est félicité que les recommandations émises par le Comité à l’issue de l’examen du précédent rapport aient été largement diffusées en Bosnie-Herzégovine.

Le Comité européen pour la prévention de la torture (CPT) a publié plusieurs rapports, qui portent sur la période couverte par le présent rapport de la Bosnie-Herzégovine, et ces rapports font état d’actes de torture commis par des policiers sur des détenus, y compris des simulacres d’exécution, ainsi que de mauvais traitements décrits comme récurrents, a fait observer M. Modvig. De tels actes, bien documentés, ont été dénoncés aux autorités bosniennes depuis au moins 2011, a-t-il précisé, avant de demander à la délégation les raisons pour lesquelles rien ne semblait avoir changé à cet égard depuis cette date et de s’enquérir de ce que le Gouvernement comptait faire maintenant. M. Modvig a aussi voulu savoir si le Gouvernement envisageait de créer un organe véritablement indépendant chargé de recevoir et traiter les plaintes déposées contre la police.

Le corapporteur a ensuite demandé à la délégation de dire comment les autorités comptaient assurer, non seulement en droit mais aussi en pratique, le respect des garanties procédurales fondamentales que sont, pour toute personne privée de liberté, l’accès à un avocat et le droit de bénéficier d’un examen médical indépendant. M. Modvig a aussi voulu savoir ce qu’il en est de la possibilité d’enregistrement par vidéo des interrogatoires de police.  Il a également demandé si les médecins chargés d’examiner les personnes placées en détention préventive devaient rendre compte aux autorités pénitentiaires ou à une autorité de santé.

M. Modvig a d’autre part prié la délégation d’informer le Comité des initiatives prises pour harmoniser les définitions de la torture et les peines prévues contre ce crime dans les codes pénaux des deux entités fédérées, la Republika Srpska et la Fédération de Bosnie-Herzégovine.

M. Modvig a prié en outre la délégation de dire si les autorités avaient pris les mesures nécessaires pour que l’institution du Médiateur des droits de l’homme soit de nouveau accréditée comme étant pleinement conforme aux Principes de Paris. Il s’est en outre interrogé sur la suffisance des moyens accordés au Département chargé de la protection des personnes en détention provisoire et incarcérées – un département qui, selon le rapport, n’emploie en effet que deux personnes.

Le Président du Comité a demandé à la délégation d’indiquer les raisons qui expliquent le très faible taux d’acceptation des demandes d’asile en Bosnie-Herzégovine: aucune demande n’a été acceptée en 2015 et 2016, sur un nombre total de demandes déposées s’élevant respectivement à 46 et 79. M. Modvig s’est enquis du type d’aide juridique existant pour les requérants d’asile et a souhaité savoir si la Bosnie-Herzégovine respectait bien le principe de non-refoulement de personnes vers des pays où elles risqueraient de subir des violations de leurs droits fondamentaux.

Le corapporteur a par la suite demandé à la délégation de préciser quelles mesures pratiques le Gouvernement allait prendre pour faire appliquer concrètement les droits des personnes détenues de recevoir les conseils d’avocats et de demander – et recevoir – un examen médical. M. Modvig a souligné l’intérêt qu’il y a, pour les personnes arrêtées comme pour les autorités, de faire subir systématiquement un examen médical de référence à toute personne arrêtée puis détenue par la police.

M. Modvig a d’autre part relevé que l’enregistrement par vidéo des interrogatoires est utile pour assurer, notamment, qu’ils ne sont pas victimes de mauvais traitement.  Le corapporteur a voulu savoir qui est chargé de visionner ces enregistrements. Il a ensuite insisté sur l’importance d’harmoniser les différentes définitions de la torture appliquées au niveau de la Bosnie-Herzégovine et des deux entités fédérées.

M. Modvig a en outre prié la délégation de commenter le très faible taux d’acceptation des demandes d’asile en Bosnie-Herzégovine.

MME ANA RACU, corapporteuse du Comité pour l’examen du rapport de la Bosnie-Herzégovine, a relevé que la formation des magistrats, avocats et policiers à toutes les dispositions de la Convention contre la torture – et notamment à l’interdiction absolue de la torture – n’était pas obligatoire. L’experte a regretté que cette formation ne porte pas sur le « Manuel pour enquêter de manière efficace sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants » (ou Protocole d’Istanbul). Elle a voulu savoir si les personnels de prison recevaient, quant à eux, une formation aux droits de l’homme des personnes détenues.

Mme Racu a ensuite affirmé que les informations en sa possession obligeaient le Comité à dresser un bilan considérant comme globalement insuffisantes les conditions matérielles de détention en Bosnie-Herzégovine. À quelques exceptions près – comme la prison de Banja Luka –, les prisons en Bosnie-Herzégovine sont généralement mal chauffées, mal éclairées, vétustes, sales et surpeuplées, a noté l’experte. Elle a voulu savoir si les mesures prises par la Republika Srpska, qui semblent lui avoir permis d’éviter le surpeuplement carcéral, seraient généralisées à l’ensemble du pays.

Mme Racu a rappelé que la qualité de l’interaction du personnel pénitentiaire et policier avec les détenus était l’un des fondements de la Convention contre la torture. Les rapports du CPT déjà mentionnés permettent de se faire une idée de la situation dans ce domaine en Bosnie-Herzégovine. Si les détenus se disent majoritairement satisfaits de leur traitement, plusieurs allégations de mauvais traitements ont été formulées à l’encontre de gardiens de prison à Banja Luka, à Mostar, à Tuzla et à Zenica, notamment. Il semble en outre que les personnels pénitentiaires ne bénéficient pas de formation continue. En revanche, a noté l’experte avec satisfaction, les autorités ont lancé une procédure de recrutement plus transparente des gardiens, comprenant des examens d’entrée.

L’experte a par ailleurs rappelé que la Convention obligeait les États parties à prendre des mesures positives pour assurer la sécurité physique des détenus et pour réduire le risque de violence entre détenus. À cet égard, il faut observer que le niveau de violence en prison varie fortement entre centres fermés et centres semi-ouverts: dans les premiers, le personnel n’intervient pas suffisamment pour prévenir et gérer la violence entre détenus, a constaté Mme Racu.

La corapporteuse a ensuite relevé que le Médiateur des droits de l’homme de la Bosnie-Herzégovine avait constaté un problème de coordination entre les Ministères de la santé et de la justice, ce qui explique que toutes les prisons ne disposent pas encore de personnels médicaux et de médicaments en quantité suffisante. En revanche, des mesures positives de dépistage et de prévention des maladies transmissibles ont été prises dans les prisons du pays, s’est félicitée l’experte.

Les conditions de détention des femmes détenues se sont grandement améliorées depuis l’ouverture d’une nouvelle prison près de Sarajevo, a noté l’experte. Cependant, les femmes détenues à Tuzla ne disposent pas d’installations d’hygiène répondant à leurs besoins, a-t-elle regretté.

La Bosnie-Herzégovine ne prévoit pas de mesures alternatives à la détention des enfants en conflit avec la loi et les mineurs détenus n’ont pas tous accès à l’éducation, ni à des programmes de réinsertion sociale, s’est par ailleurs inquiétée Mme Racu.

Mme Racu a ensuite déploré l’absence persistante de procédure unifiée pour traiter des plaintes déposées par les personnes détenues, alors même que les rapports du Médiateur des droits montrent une augmentation des plaintes de détenus contre des policiers. Le système actuel est caractérisé par des carences dans les enquêtes concernant les allégations de mauvais traitements, comme en témoignent les 150 plaintes pour torture ou mauvais traitements jugées « insolubles », a affirmé la corapporteuse.

Mme Racu a également fait part de la préoccupation du Comité face à la persistance, en Bosnie-Herzégovine, d’une violence domestique insuffisamment dénoncée. Elle a insisté sur l’importance de prendre des mesures juridiques visant à protéger les femmes victimes de violence familiale, tout en procédant si nécessaire à l’éloignement physique des auteurs de cette violence.

Mme Racu a aussi regretté que la Bosnie-Herzégovine n’atteigne pas les normes minimales en matière d’élimination de la traite des êtres humains et que le nombre de personnes condamnées pour de tels faits ait diminué depuis 2011. Elle a voulu savoir si la Bosnie-Herzégovine avait, depuis son précédent rapport, passé des accords de coopération policière avec d’autres États pour prévenir la traite et améliorer la lutte contre ce problème.

Déplorant par ailleurs que la Bosnie-Herzégovine n’ait pas pu adopter le projet de stratégie nationale sur la justice transitionnelle, qui devait constituer un mécanisme pour dédommager les victimes civiles de la guerre et les survivants de la violence sexuelle, Mme Racu a fait remarquer – citant le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe – que le rétablissement de l’état de droit et la réconciliation dans la région dépendaient de la condamnation des auteurs des violations des droits de l’homme très graves commises dans les guerres des années 1990. L’experte a aussi relevé un manque de cohérence dans les politiques nationales de réparation aux victimes de violences sexuelles pendant ces conflits, notamment en ce qui concerne le délai de prescription de ces faits.

Mme Racu a en revanche relevé avec satisfaction que la Bosnie-Herzégovine avait ratifié en 2012 la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées et avait accepté la procédure de plainte individuelle prévue dans cet instrument.

Enfin, Mme Racu a regretté que la police et la justice ne récoltent pas de statistiques sur les crimes de haine commis pour des motifs liés au sexe, à l’orientation sexuelle, au genre et aux caractéristiques des victimes.

Mme Racu a par la suite attiré l’attention de la délégation sur la nécessité de former les policiers et les gardiens aux méthodes d’enquête concernant la torture telles que décrites dans le Protocole d’Istanbul.

La corapporteuse a félicité la Bosnie-Herzégovine pour avoir entrepris de construire une nouvelle prison près de Sarajevo et l’a encouragée à terminer rapidement ce bâtiment compte tenu des problèmes de surpopulation dans les lieux de détention.  Elle a en outre recommandé à la Bosnie-Herzégovine d’envisager d’appliquer des sanctions autres que la détention.

D’autres experts du Comité ont voulu savoir quelles mesures avaient été prises par les autorités de Bosnie-Herzégovine pour améliorer les conditions de détention dans les commissariats – conditions que le Comité européen pour la prévention de la torture a jugé insuffisantes pour détenir des personnes ne serait-ce qu’une nuit.

Un expert a relevé que, selon plusieurs articles de presse, depuis plus de deux ans il n’existerait plus de contrôle démocratique sur les activités des forces de police en Bosnie-Herzégovine, faute de renouvellement du mandat des institutions responsables.

Une experte a salué l’amélioration de la prise en charge, par les tribunaux de Bosnie-Herzégovine, des victimes de violences sexuelles en temps de guerre ; elle a néanmoins regretté la faiblesse des peines infligées aux auteurs de ces violences, voire les remises de peine dont ils peuvent bénéficier. La Convention exige que des sanctions équitables et impartiales soient prononcées, a souligné l’experte.  Un expert s’est enquis du statut des femmes victimes de viols collectifs pendant les guerres des années 1990.  Une autre experte a déploré le retard pris dans la lutte contre l’impunité des auteurs des violations des droits de l’homme commises dans ce contexte.

Une experte a salué la dynamique de réforme du pouvoir judiciaire en Bosnie-Herzégovine.  Elle s’est en revanche interrogée sur l’efficacité de la lutte contre la traite des êtres humains dans ce pays.

Plusieurs experts ont demandé davantage d’informations sur l’indemnisation des victimes de torture et de crimes de guerre. Ils ont relevé, notamment, que la loi de la Republika Srpska dans ce domaine avait un caractère discriminatoire, car elle établit une distinction entre les victimes en fonction de leur ancienne nationalité. Un expert a souligné qu’il attendait de la Bosnie-Herzégovine qu’elle lance beaucoup plus de poursuites contre des auteurs de crimes commis contre les civils pendant la guerre des années 1990, compte tenu du fait que le nombre de ces victimes se chiffre en centaines de milliers, selon les recherches historiques actuelles. Une experte a relevé que, dans deux tiers des cas, les tribunaux infligent de simples amendes aux auteurs de crimes de guerre.

Une experte a demandé à la Bosnie-Herzégovine de lutter contre la haine évidente qui s’exprime dans les discours de certains responsables politiques bosniens.

Réponses de la délégation

S’agissant du cadre institutionnel, la délégation a précisé que la Cour de la Bosnie-Herzégovine était la seule institution pouvant se prononcer en première et deuxième instances, avec juridiction sur les crimes commis pendant la guerre des années 1990. Les autorités ont pour stratégie de réprimer d’abord les crimes les plus graves commis pendant la guerre. La division pénale comprend le département des crimes de guerre – y compris le génocide, les crimes de guerre et les crimes contre les civils et autres atrocités –, le département de la criminalité organisée et enfin le département chargé de la répression pénale en général. Le premier département est aussi chargé de réprimer la torture, a précisé la délégation.

La Cour de la Bosnie-Herzégovine peut renvoyer ces affaires devant les tribunaux des deux entités fédérées ou les tribunaux fédéraux, en fonction de leur gravité. Les cas impliquant cinq victimes ou davantage, les cas de torture et autres cas graves peuvent être traités par la Cour elle-même, a précisé la délégation. Le conseil de la magistrature et d’autres associations de juges et procureurs font partie du groupe de travail chargé, au sein de la Cour de la Bosnie-Herzégovine, de la répartition des affaires entre les tribunaux de la Bosnie-Herzégovine et ceux des entités fédérées, a indiqué la délégation. 

La délégation a assuré que les autorités de Bosnie-Herzégovine étaient conscientes de la nécessité de réviser leur stratégie pour rendre justice aux victimes de crimes de guerre. Cette démarche ayant souffert de nombreux retards, un groupe de travail est actuellement chargé de passer en revue la stratégie pour la rendre plus efficace.

Le Gouvernement s’efforce d’harmoniser l’indemnisation des victimes de la guerre dans l’ensemble du pays, a par la suite indiqué la délégation. Les autorités de la Republika Srpska savent que leur loi dans ce domaine n’est pas conforme aux principes généraux, a-t-elle ajouté.

La délégation a également expliqué que la définition de la torture figurant dans la loi de la Bosnie-Herzégovine était conforme à celle énoncée dans la Convention. Pour ce qui est des deux entités fédérées, dans la Republika Srpska, la définition est différente; quant au Code pénal de la Fédération de Bosnie-Herzégovine, il contient des éléments anciens ne correspondant pas à la Convention. Le Ministère de la justice de Bosnie-Herzégovine tente depuis 2010 d’harmoniser toutes ces définitions, a indiqué la délégation.

Les notions de crime de guerre et de crime contre le droit humanitaire englobent les crimes sexuels commis pendant les conflits, a ajouté la délégation.

S’agissant des garanties procédurales, la délégation a précisé que le Code de procédure pénale donne à la police la compétence de priver temporairement une personne de liberté. Ce faisant, la police doit donner les raisons de cette privation de liberté et faire savoir à la personne qu’elle peut consulter un avocat (y compris un avocat commis d’office) et prendre contact avec sa famille voire, le cas échéant, avec son consulat. L’interrogatoire ne peut commencer sans la présence d’un avocat; tout interrogatoire qui ne répond pas à ces conditions est réputé invalide, a souligné la délégation.  S’il soupçonne qu’un délit a été commis contre un suspect, le procureur se charge lui-même de lancer une procédure contre les policiers concernés. Dans la Fédération de Bosnie-Herzégovine et dans le district de Brèko, des organes sont chargés de veiller au respect de ces garanties, a poursuivi la délégation. Les locaux et véhicules officiels sont équipés de caméras pour enregistrer les interrogatoires et le suspect doit être déféré à un juge dans les 24 heures suivant son arrestation, a d’autre part souligné la délégation.

S’agissant de la prise en charge sanitaire dans les prisons, la délégation a fait savoir que les médecins et autres personnels médicaux étaient employés par les établissements pénitentiaires tout en étant liés par les règles de la déontologie médicale. Lorsqu’il n’est pas possible à un établissement de fournir les soins spécialisés qui s’avèrent nécessaires, les médecins ont le droit de renvoyer les patients concernés vers des institutions de santé locales. Les détenus ont aussi le droit de consulter des praticiens de leur choix: la délégation a assuré que cette règle était appliquée sans manquement constaté.

Les prisons de la Bosnie-Herzégovine ne sont globalement pas surpeuplées, a ajouté la délégation, statistiques officielles à l’appui.  La violence entre détenus est traitée comme une infraction disciplinaire, a-t-elle en outre indiqué. Le placement de détenus dans les « locaux à surveillance renforcée » n’est possible qu’après épuisement de toutes les autres mesures disciplinaires, y compris le placement à l’isolement, a d’autre part expliqué la délégation.

Pour lutter contre la violence entre détenus, les autorités sont conscientes qu’elles doivent disposer de davantage de moyens et intensifier la formation du personnel pénitentiaire, a par la suite ajouté la délégation.

La formation du personnel pénitentiaire englobe des enseignements obligatoires sur les normes internationales en matière de traitement des détenus, a d’autre part indiqué la délégation. L’utilisation de matériel de contention fait l’objet d’une réglementation très détaillée, a-t-elle précisé.

La loi dispose du traitement particulier des délinquants mineurs: en ce qui les concerne, elle stipule très précisément que la détention doit rester une mesure de dernier recours, a par ailleurs fait observer la délégation. Seuls douze mineurs ont été placés en détention récemment, tous accusés d’actes très graves. Un établissement séparé sera ouvert à l’intention des délinquants mineurs, a ajouté la délégation; pour l’heure, a-t-elle indiqué, il existe dans les prisons normales des structures séparées (pavillons distincts) réservées aux mineurs, afin de faire en sorte qu’ils ne soient pas en contact avec des adultes.

La délégation du Comité européen pour la prévention de la torture qui a visité les prisons de Bosnie-Herzégovine a relevé, dans son rapport, une amélioration notable dans le domaine des conditions matérielles de vie dans plusieurs établissements du pays, a en outre fait valoir la délégation. Mais le même rapport indique aussi que les prisons manquent de personnel, a-t-elle admis.

S’agissant du contrôle exercé par les autorités fédérales sur le travail des organes de police cantonaux, la délégation a notamment indiqué que tout suspect a droit de recevoir un examen médical dès le début de sa privation de liberté. Chaque année, des efforts sont réalisés pour améliorer les conditions de détention dans les commissariats, a-t-elle en outre fait valoir.  Les problèmes qui demeurent à cet égard sont dus à un manque de moyen et non à un manque de volonté politique, a-t-elle assuré.

Entre 2010 et 2016, le nombre de plaintes déposées par des détenus contre des policiers a presque doublé, a ensuite indiqué la délégation. Cette tendance s’explique par la fréquence de plus en plus élevée des visites effectuées dans les lieux de détention par les autorités de surveillance, a-t-elle précisé.

Revenant par la suite sur le système de protection des personnes privées de liberté en Bosnie-Herzégovine, la délégation a notamment expliqué qu’un procureur est toujours chargé d’examiner toute plainte déposée pour mauvais traitement en détention. Le procureur vérifie alors la validité de la plainte et peut renvoyer l’affaire devant une commission de discipline. Si la sanction prononcée par cette instance ne satisfait pas la personne détenue, cette dernière peut engager un recours et son cas sera alors examiné par une autorité judiciaire. Six plaintes actuellement en cours d’examen portent sur le comportement d’agents de police, a précisé la délégation.

La délégation a de nouveau souligné que toute personne détenue avait le droit de consulter un avocat de son choix, un avocat pouvant aussi être commis d’office. D’autre part, un examen médical de référence est réalisé avant l’admission en détention; par la suite, s’il est déterminé qu’un détenu a subi des mauvais traitements après son entrée en prison, le médecin sera tenu d’en informer l’administration pénitentiaire de même que la justice.

Il est vrai que des tribunaux ont prononcé des remises de peine pour auteurs de crimes de guerre, a confirmé la délégation. Mais il est prévu d’amender la loi pour interdire toute remise de peine à des personnes ayant commis des violations des droits de l’homme, a-t-elle ajouté.

La délégation a par la suite indiqué que chaque détenu peut bénéficier, à certaines conditions, d’une remise de peine, comme cela se pratique dans l’Union européenne. Les peines d’emprisonnement dont la durée ne dépasse pas une année peuvent être remplacées par une amende de cinquante euros par jour, ce qui représente une somme élevée pour la Bosnie-Herzégovine, a précisé la délégation. Le Parlement est saisi d’un projet d’amendement à la loi visant à éviter que les crimes de guerre ne soient sanctionnés par une peine inférieure à un an d’emprisonnement, a-t-elle indiqué.

Des mesures de protection ont été mises en place pour protéger les témoins, y compris par le biais d’auditions à huis clos voire, si nécessaire, du déplacement du témoin dans un pays tiers. Une commission spéciale a été créée pour identifier les témoins ayant besoin de protection, a précisé la délégation.

Répondant aux questions des membres du Comité sur l’indépendance de la justice bosnienne, la délégation a fait savoir que les nominations des magistrats se font sur la base de candidatures publiques et d’un processus de sélection rigoureux fondé sur les compétences des candidats. Les fonctionnaires du Ministère de la justice font l’objet d’évaluations régulières de leurs compétences, a en outre affirmé la délégation.

S’agissant de la répression des violences sexuelles, la délégation a fait savoir que le nombre de condamnations pour de tels faits n’avait cessé d’augmenter depuis 2013, preuve de l’efficacité croissante des autorités judiciaires dans la poursuite de ces crimes.

La Bosnie-Herzégovine a ratifié la Convention sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (Convention d’Istanbul) en 2013, a d’autre part indiqué la délégation. La loi nationale (dans ce domaine) est calquée sur cet instrument, a-t-elle ajouté.

Pour ce qui est de l’institution nationale de droits de l’homme, la délégation a indiqué que l’institution du Médiateur des droits de l’homme, créée en 2014, joue également le rôle de mécanisme de prévention de la torture au titre du Protocole facultatif se rapportant à la Convention. L’accréditation de l’institution du Médiateur conformément aux Principes de Paris a été renouvelée par le Comité de coordination des institutions nationales de droits de l’homme en 2016 – renouvellement accompagné de recommandations visant le renforcement de son indépendance, a ajouté la délégation. Le Gouvernement a intégré ces recommandations à un projet de loi qui sera bientôt examiné par le Parlement, a-t-elle précisé.

La nouvelle loi sur l’asile de 2016 prouve l’attachement de la Bosnie-Herzégovine à se mettre en conformité avec le droit de l’Union européenne, a déclaré la délégation. Cette loi pose le principe du non-refoulement d’un étranger dans un pays où sa vie ou sa liberté serait mise en danger.  Sur 42 demandes d’asile déposées en 2015, la Bosnie-Herzégovine a pris cinq mesures de protection subsidiaire, a fait savoir la délégation. Depuis le 1er janvier dernier, les requérants d’asile peuvent bénéficier d’une aide juridictionnelle pour faire valoir leurs droits, a-t-elle ajouté.

La Bosnie-Herzégovine applique le principe de non-refoulement en évaluant également le risque de torture dans les pays de destination, a en outre souligné la délégation.

L’infraction pénale de traite des personnes relève en principe du Code pénal de la Bosnie-Herzégovine, a dit la délégation. Des exceptions sont cependant prévues qui obligent les tribunaux des entités fédérées à se saisir des plaintes de certaines catégories de victimes. La peine minimale pour traite de personne est passée de trois à cinq ans d’emprisonnement, a précisé la délégation.

La délégation a précisé qu’il n’était pas obligatoire en Bosnie-Herzégovine de ventiler les statistiques par nationalité, compte tenu de l’expérience de la guerre.

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