Communiqués de presse Organes conventionnels
Le Comité contre la torture examine le rapport de la Bosnie-Herzégovine
05 novembre 2010
Comité contre la torture
5 novembre 2010
Le Comité contre la torture a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport de la Bosnie-Herzégovine sur les mesures prises par ce pays pour mettre en œuvre les dispositions de la Convention contre la torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants.
Présentant le rapport de son pays, Mme Saliha Djuderija, Vice-Ministre des droits de l'homme et des réfugiés de la Bosnie-Herzégovine, a indiqué qu'un groupe de travail avait été mis sur pied pour préparer la Stratégie de justice transitionnelle qui devrait être soumise pour adoption au Conseil des Ministres en 2011. D'autre part, la Bosnie-Herzégovine a adopté une stratégie visant à traiter des cas de crimes de guerre. Le Ministère des droits de l'homme et des réfugiés a engagé des activités visant à améliorer la situation des femmes victimes de violence en temps de guerre, de manière à assurer un mécanisme durable de protection des lieux où ces femmes ont décidé de s'installer de manière permanente. Par ailleurs, un projet de loi sur les victimes de torture et les victimes civiles de guerre a été préparé dans le but de mettre sur pied un mécanisme d'indemnisation et d'harmoniser les droits des victimes de guerre et des victimes de torture en Bosnie-Herzégovine. Suite à la ratification en 2008 du Protocole facultatif se rapportant à la Convention, les autorités bosniaques ont engagé la mise sur pied des mécanismes nationaux de prévention prévus par le Protocole. L'Institut pour les personnes disparues a pu apporter des preuves indiquant que sur les quelque 28 000 personnes encore portées disparues selon les registres, plus de 20 000 ont été retrouvées et plus de 17 500 ont été identifiées, a en outre indiqué Mme Djuderija.
La délégation de la Bosnie-Herzégovine était également composée de Mme Emina Kečo Isaković, Représentante permanente de la Bosnie-Herzégovine auprès des Nations Unies à Genève, ainsi que de représentants du Ministère de la sécurité de la Bosnie-Herzégovine, M. Samir Rizvo, ainsi que de représentants du Département pour les droits de l'homme du Ministère de la justice de la Bosnie-Herzégovine; du bureau du Procureur de la Bosnie-Herzégovine; du bureau du Procureur de la Fédération de Bosnie-Herzégovine; du bureau du Procureur du district de Brčko; de la police de la Republika Srpska; du Ministère de la justice de la Republika Srpska; du Ministère de la justice et du Ministère de l'intérieur de la Fédération de Bosnie-Herzégovine. Elle a répondu aux questions que lui ont adressées les membres du Comité s'agissant notamment de la protection et de l'assistance en faveur des victimes de guerre; des mesures prises face au problème des personnes disparues; du système d'indemnisation des victimes de guerre; de la Stratégie de poursuite des crimes de guerre; de la définition du crime de viol; de la protection des témoins; des conditions carcérales et du placement en isolement cellulaire; des conditions de la garde à vue; ou encore de la lutte contre la traite de personnes.
M. Luis Gallegos Chiriboga, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de la Bosnie-Herzégovine, a estimé que le principal problème du pays concerne l'impunité. La torture ne saurait être acceptée comme règle générale et le fait pour le pays d'avoir un aussi grand nombre de victimes de la torture ne peut que préoccuper le Comité. Les estimations quant au nombre de femmes qui pourraient avoir été victimes de violences sexuelles vont de 20 000 à 50 000 et le problème des personnes disparues n'est toujours pas réglé. Le corapporteur, M. Xuexian Wang, a salué la volonté du pays de rompre avec le passé, mais a souligné que diverses sources font état de nombreux problèmes, notamment s'agissant du surpeuplement des établissements correctionnels. Il existe en Bosnie-Herzégovine des cas de mauvais traitements qui n'ont pas fait l'objet d'enquête, s'est-il également inquiété.
Le Comité adoptera, dans le cadre de séances privées, des observations finales concernant le rapport de la Bosnie-Herzégovine, qu'elle rendra publiques à la fin de la session, le vendredi 19 novembre prochain.
Le Comité entame cet après-midi, à 15 heures, l'examen du rapport initial de la Mongolie (CAT/C/MNG/1).
Présentation du rapport de la Bosnie-Herzégovine
MME SALIHA DJUDERIJA, Vice-Ministre des droits de l'homme et des réfugiés de la Bosnie-Herzégovine, a rappelé que le précédent rapport de la Bosnie-Herzégovine avait été examiné en 2005 et a indiqué que durant la période couverte par le rapport, des activités ont été engagées afin d'harmoniser la législation pénale de la Republika Srpska et du district de Brčko avec la définition juridique de la torture énoncée dans le Code pénal et dans le Code de procédure pénale de la Bosnie-Herzégovine. La législation pénale de la Republika Srpska ne comporte pas une définition de la torture telle qu'énoncée dans la Convention, a-t-elle précisé. La loi sur l'application des sanctions pénales de la Republika Srpska énonce en son article 4 que toute action soumettant une personne qui fait l'objet d'une sanction pénale ou de toute autre mesure à une forme quelconque de torture doit être interdite et punie par la loi, a indiqué la Vice-Ministre. Le processus d'harmonisation des codes pénaux des entités et du district de Brčko avec la législation pénale de Bosnie-Herzégovine est encore en cours, car parallèlement à cette harmonisation, il y a des propositions visant à modifier la législation en rapport avec certains actes de corruption, de crimes de guerre, de trafic d'êtres humains, notamment.
En 2009, a poursuivi Mme Djuderija, le Conseil des Ministres de Bosnie-Herzégovine a mis sur pied un Groupe de travail pour préparer la Stratégie de justice transitionnelle de Bosnie-Herzégovine, laquelle devrait être soumise pour adoption au Conseil des Ministres en 2011. D'autre part, la Bosnie-Herzégovine a adopté une stratégie visant à traiter des cas de crimes de guerre. Le Ministère des droits de l'homme et des réfugiés a aussi entrepris des activités visant à améliorer la situation des femmes victimes de violence en temps de guerre, de manière à assurer un mécanisme durable de protection des lieux où ces femmes ont décidé de s'installer de manière permanente. Par ailleurs, un projet de loi sur les victimes de torture et les victimes civiles de guerre a été préparé dans le but de mettre sur pied un mécanisme d'indemnisation et d'harmoniser les droits des victimes de guerre et des victimes de torture en Bosnie-Herzégovine, a indiqué Mme Djuderija. Recueillir le soutien politique nécessaire pour l'adoption de cette loi reste un défi et des efforts sont en cours pour en soumettre le projet à la procédure parlementaire durant cette période postélectorale, a-t-elle précisé.
Mme Djuderija a par ailleurs rappelé qu'en juin 2008, la Bosnie-Herzégovine a ratifié le Protocole facultatif se rapportant à la Convention: en collaboration avec le bureau du Médiateur (ombudsman) de l'État et avec l'aide de la Mission de l'OSCE en Bosnie-Herzégovine, les autorités de la Bosnie-Herzégovine ont engagé la mise sur pied des mécanismes nationaux de prévention prévus par le Protocole, a-t-elle précisé.
La Bosnie-Herzégovine a accordé une attention particulière aux investigations concernant la violence dans les prisons et autres lieux de détention, a par ailleurs souligné Mme Djuderija. Des efforts constants sont déployés pour améliorer le régime de traitement des prisonniers, en particulier dans les domaines de l'éducation officielle et des activités professionnelles, a-t-elle précisé. Ces dernières années, des progrès notables ont été réalisés pour améliorer les compétences des personnels qui auditionnent des personnes privées de liberté. La Bosnie-Herzégovine est sur le point d'établir un système permanent de contrôle, développé durant les années 2009 et 2010, qui prévoit la possibilité de visites inopinées sur les lieux de privation de liberté, a insisté la Vice-Ministre des droits de l'homme et des réfugiés.
Bien que certaines difficultés subsistent en ce qui concerne le travail de l'Institut pour les personnes disparues, cet Institut est pleinement opérationnel et s'acquitte de sa mission, a d'autre part souligné Mme Djuderija. En 2009 et jusqu'à aujourd'hui, l'Institut a pu apporter des preuves indiquant que sur les quelque 28 000 personnes encore portées disparues selon les registres, plus de 20 000 ont été retrouvées et plus de 17 500 ont été identifiées, ce qui représente 72% du total des personnes disparues enregistrées.
Enfin, Mme Djuderija a souligné que ces derniers temps, les Ministères de la justice de la Republika Srpska et de la Fédération de Bosnie-Herzégovine ont consenti de considérables investissements financiers à l'extension des établissements carcéraux et à l'ouverture de nouvelles prisons.
Le rapport périodique de la Bosnie-Herzégovine (document CAT/C/BIH/2-5 regroupant les deuxième à cinquième rapports) indique qu'après l'adoption du Code pénal de la Bosnie-Herzégovine et de la loi sur la procédure pénale de la Bosnie-Herzégovine, le Ministère de la justice de la Bosnie-Herzégovine a créé en 2003 l'Équipe de suivi et d'évaluation de l'application et de l'harmonisation de la législation pénale. Conformément aux propositions formulées par l'Équipe en 2008, tout un ensemble de modifications à la loi sur la procédure pénale a été adopté et les modifications à apporter au Code pénal sont en cours d'élaboration. Toutefois, les Ministères de la justice des entités et la Commission judiciaire du district de Brčko ont compétence pour prendre des dispositions aux fins d'harmoniser la législation pénale des entités et du district de Brčko avec les instruments internationaux. Le Ministère de la justice de la Republika Srpska a inscrit à son programme d'activités pour 2009 l'élaboration de la loi portant modification du Code pénal de la Republika Srpska, en vue d'harmoniser ce dernier avec le Code pénal de la Bosnie-Herzégovine, et a créé un groupe de travail chargé de rédiger le texte de cette loi. Actuellement, la législation pénale de la Republika Srpska et du district de Brčko de la Bosnie-Herzégovine ne contient pas expressément de définition juridique de la torture qui reprenne celles de la Convention contre la torture et du Code pénal de la Bosnie-Herzégovine.
Étant donné que l'acte de torture est, au regard du Code pénal de la Bosnie-Herzégovine, une infraction grave, toutes les activités en rapport avec l'accomplissement de cette infraction sont interdites, y compris le fait pour une personne agissant à titre officiel d'inciter un autre fonctionnaire à infliger à une autre personne une douleur physique ou mentale ou des souffrances aiguës ou d'approuver la conduite de ce fonctionnaire; il est donc inutile de prendre des mesures législatives et administratives visant à garantir qu'«aucune circonstance exceptionnelle» ni «aucun ordre d'un supérieur ou d'une autorité publique» ne puissent être invoqués pour justifier la torture. Les mesures concrètes qui se sont avérées efficaces pour prévenir les tortures de tous types dans les services de police du district de Brčko sont l'organisation des travaux du Groupe des normes professionnelles aux fins du contrôle interne du comportement des policiers du district, l'adoption d'un Code de déontologie à l'usage des fonctionnaires de la police du district de Brčko et d'Instructions relatives au comportement et aux relations mutuelles des agents de la force publique du district de Brčko. Le rapport indique par ailleurs que des aveux obtenus d'une personne en garde à vue sans la présence d'un avocat sont considérés comme des preuves recevables devant le tribunal s'ils sont recueillis conformément aux dispositions de la loi sur la procédure pénale ou si l'intéressé est informé de son droit de prendre un avocat sans qu'il s'agisse d'une affaire où le recours à un avocat est obligatoire.
Bien que la situation en matière de sécurité soit généralement satisfaisante en Bosnie-Herzégovine, des incidents isolés visant les rapatriés appartenant à une minorité qui ne font pas l'objet d'une enquête en bonne et due forme et dont les auteurs ne sont pas poursuivis et le fait que des zones étendues restent minées sont autant d'obstacles au retour. Les rapatriés signalent divers incidents survenus sur le terrain, tels que des menaces pour leur vie, des dégradations, l'occupation et l'exploitation de leurs biens, incidents sur lesquels les services de police gardent le silence sans prendre aucune des mesures légales qui s'imposeraient, ce qui aggrave la défiance qu'inspirent les institutions compétentes dans les lieux de retour. Le rapport indique aussi, que l'infraction de traite est qualifiée par l'article 186 du Code pénal de la Bosnie-Herzégovine, qui est conforme au Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants (Protocole de Palerme). Les données recueillies auprès des services répressifs et des procureurs font apparaître, pour 2007, une diminution importante du nombre des mises en examen prononcées, des verdicts rendus et des plaintes pénales déposées.
Examen du rapport
Questions et observations des membres du Comité
M. LUIS GALLEGOS CHIRIBOGA, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de la Bosnie-Herzégovine, a indiqué être tout à fait conscient des difficultés rencontrées par le pays suite à la guerre et des efforts que ce pays a dû déployer pour dégager un consensus politique. Le principal problème est celui de l'impunité, qui est une question fondamentale aux yeux du Comité. La torture ne saurait être acceptée comme règle générale et le fait pour le pays d'avoir un aussi grand nombre de victimes de la torture ne peut que préoccuper ce Comité, a déclaré M. Gallegos Chiriboga.
Les estimations quant au nombre de femmes qui pourraient avoir été victimes de violences sexuelles vont de 20 000 à 50 000 et ces chiffres sont aussi un sujet de vive préoccupation, a souligné M. Gallegos Chiriboga, qui a ajouté que les procédures pénales ne semblent pas fonctionner correctement dans le cadre des viols et des violences sexuelles.
En ce qui concerne les personnes disparues, il semble que de nombreuses affaires n'ont pas été réglées, a poursuivi M. Gallegos Chiriboga. D'autre part, les jugements de la Cour constitutionnelle ne sont pas appliqués, s'est-il également inquiété, de sorte que les victimes et les membres de leurs familles se sentent abandonnées.
Amnesty Internationals'inquiète des expulsions de personnes «dont la citoyenneté a été supprimée», a par ailleurs fait observer M. Gallegos Chiriboga.
Il faut que les procédures adéquates soient dûment respectées en matière de traitement des requérants d'asile, a-t-il en outre souligné.
Le rapporteur a aussi voulu savoir dans quelle mesure les recommandations du Représentant spécial du Secrétaire général sur les droits de l'homme des personnes déplacées internes ont été appliquées.
M. XUEXIAN WANG, corapporteur du Comité pour l'examen du rapport de la Bosnie-Herzégovine, a reconnu que la Bosnie-Herzégovine a hérité d'une situation particulièrement complexe et lourde. La volonté de rompre avec le passé est déjà un bon point de départ et les autorités et le peuple de Bosnie-Herzégovine ont déjà beaucoup fait en la matière, a-t-il relevé.
Diverses sources font état de nombreux problèmes, notamment le surpeuplement dans les établissements correctionnels, a poursuivi le corapporteur. À cet égard, il est particulièrement inquiétant de constater le sous-effectif du personnel carcéral, le ratio atteignant parfois un agent pour 500 prisonniers, a souligné M. Wang.
L'une des entités du pays indique que la mise au secret peut durer jusqu'à dix jours, alors qu'au niveau fédéral, elle peut aller jusqu'à 20 jours, a par ailleurs relevé M. Wang, jugeant excessive la durée de 20 jours dans ce contexte.
M. Wang a par ailleurs relevé qu'il existe en Bosnie-Herzégovine des cas de mauvais traitements qui n'ont pas fait l'objet d'enquête.
Existe-il en Bosnie-Herzégovine un fonds d'indemnisation pour les victimes de disparitions et les membres de leurs familles, a en outre demandé le corapporteur? Souvent, les victimes de la traite de personnes abandonnent leurs démarches parce qu'il est très difficile d'obtenir réparation, a par ailleurs souligné M. Wang.
Un autre membre du Comité a relevé l'affirmation figurant dans le rapport selon laquelle, étant donné que l'acte de torture est une infraction grave, il est inutile de prendre des mesures législatives et administratives visant à garantir qu'aucune circonstance exceptionnelle ni aucun ordre d'un supérieur ou d'une autorité publique ne puissent être invoqués pour justifier la torture: Il a souligné à cet égard que l'expérience a montré que le jeu des règles ordinaires ne suffit pas toujours à protéger l'agent de l'État qui reçoit des instructions de cette nature; il faut donc des dispositions spécifiques pour assurer une telle protection. L'expert s'est aussi inquiété de la possibilité offerte à la police du district de Brčko de détenir une personne pendant plus de six mois et a voulu connaître les conditions de ce type de détention En vertu de la législation du pays, le viol n'est punissable pénalement que s'il s'est accompagné de violences ou de menaces, a par ailleurs relevé cet expert. Ne suffirait-il pas qu'il y ait défaut de consentement pour que soit caractérisé le délit de viol, a-t-il demandé?
Les traités d'extradition ne relèvent-ils que de la seule Bosnie-Herzégovine ou bien peuvent-ils relever des différentes entités, a demandé un autre expert?
Après le rapporteur qui s'est dit préoccupé des procédures de visites de contrôle dans les lieux de détention autres que les établissements correctionnels, s'agissant en particulier des personnes handicapées placées en institutions, un autre membre du Comité a relevé que le rapport affirme qu'il n'y a pas de torture ni de mauvais traitements dans l'établissement de prise en charge des personnes handicapées mentales de Drin et conclut, par conséquent, qu'il n'est pas nécessaire de prendre en faveur de ces personnes des mesures de prévention de la torture. L'expert a rappelé que des mesures de prévention, notamment des visites inopinées, doivent toujours être prises dans de tels contextes.
Une experte s'est aussi inquiétée de cas de personnes qui ont été hospitalisées volontairement dans un hôpital psychiatrique mais qui n'ont par la suite été empêchées de quitter cet établissement: on peut s'interroger sur le caractère réellement volontaire de leur prise en charge dans cet établissement.
Un autre membre du Comité s'est enquis du taux d'occupation actuel des établissements carcéraux de l'ensemble du pays. Le Comité européen pour la prévention de la torture (CPT) fait état d'un problème général de mauvais traitements à l'égard des détenus et prisonniers en Bosnie-Herzégovine, a relevé une experte, avant de s'enquérir des mesures prises pour remédier à ce problème grave. Des inspections ont-elles été menées pour éradiquer ces pratiques et les agents en cause sont-ils toujours en poste, a demandé cette experte ?
Des experts se sont également inquiétés d'informations selon lesquelles des mineurs sont détenus avec des adultes dans des lieux de détention.
Réponses de la délégation bosniaque
La délégation de la Bosnie-Herzégovine a souligné qu'il était prévu que l'Ombudsman joue un rôle important en matière de contrôle des prisons et autres lieux de détention.
Pour ce qui est des personnes disparues, la délégation a rappelé que les autorités bosniaques ont mené d'importants efforts dans ce domaine; même s'il est vrai que les familles des victimes trouvent que ce processus est trop long, environ 70% des personnes disparues ont à ce jour été retrouvées, a-t-elle fait valoir. En la matière, a-t-elle souligné, la coopération avec les familles est essentielle, notamment à des fins d'identification, puisque des échantillons d'ADN familiaux sont nécessaires pour pouvoir les comparer à l'ADN des personnes retrouvées. Les résultats des programmes mis en œuvre s'agissant de cette question des personnes disparues sont encourageants, a déclaré la délégation. La transition est un processus complexe et la Bosnie-Herzégovine n'épargne aucun effort pour y parvenir et aller de l'avant, a-t-elle insisté.
Des mesures fondamentales d'assistance et de protection en faveur des victimes de la guerre ont été mises en place, a aussi indiqué la délégation. Les victimes peuvent notamment prétendre à des allocations sociales qui ne sont pas les mêmes que celles destinées aux vétérans de guerre. Un système d'indemnisation de toutes les victimes de la guerre a été mis au point qui se fonde notamment sur l'accès à la justice civile. Ainsi, entre 1000 et 3000 familles ont saisi les tribunaux en vue d'une indemnisation, ce qui pèse très lourd sur le budget national, a par ailleurs indiqué la délégation. Il y a un mois, des élections se sont déroulées en Bosnie-Herzégovine, ouvrant la voie à un nouveau parlement et un nouveau gouvernement, a rappelé la délégation. Le projet de loi sur les victimes de guerre sera le premier texte de loi soumis au nouveau gouvernement, a-t-elle indiqué.
Fin 2002, la Bosnie-Herzégovine a adopté une stratégie visant à poursuivre les cas de crimes de guerre, a rappelé la délégation. L'une des tâches prévue par cette stratégie est la préparation d'une base de données sur tous les crimes de guerre qui doit être alimentée par les bureaux du Procureur et par la Cour suprême. Il n'y a pas pour la Bosnie-Herzégovine d'obligation d'extradition de personnes suspectées de crime de guerre, mais le pays n'en accorde pas moins beaucoup d'importance à sa coopération avec le Tribunal de la Haye, a ajouté la délégation. Le système judiciaire du pays utilise ses propres règles pour déterminer les compétences des différents procureurs, au niveau national comme à celui des entités, a-t-elle précisé.
Quant aux préoccupations exprimées concernant une discrimination dans le système judiciaire à l'encontre des groupes minoritaires, la délégation a notamment indiqué que des mesures ont été prises pour assurer une représentation adéquate des différentes ethnies au niveau des personnels de justice de la Bosnie-Herzégovine et de ses différentes entités.
Des preuves obtenues de manière illicite ne peuvent pas être utilisées, ni comme preuve ni comme source d'information pour recueillir d'autres preuves dans une information judiciaire, a d'autre part souligné la délégation.
Il est vrai que certains éléments du crime de viol dans la législation nationale sont définis d'une manière qui montre que l'on prend surtout en considération la force ou la menace, a reconnu la délégation; c'est là l'un des aspects de la législation pénale qu'il faudra veiller à modifier afin de faire en sorte que l'absence de consentement soit la base juridique pour caractériser le crime de viol, a-t-elle déclaré.
S'agissant des conditions carcérales, la délégation a fait observer que le nombre de personnes inculpées en Bosnie-Herzégovine ne cesse d'augmenter depuis quelques années. Aussi, a-t-il été décidé d'accroître les capacités carcérales en construisant de nouveaux locaux et en en rénovant d'autres. La prison de Banja Luka compte un pavillon séparé pour les mineurs, dont la capacité est de 20 places, a précisé la délégation; il existe un pavillon similaire, de même capacité, à la prison de Sarajevo. Un nouveau bâtiment a également été construit pour accueillir les mineurs – actuellement au nombre de 15 – incarcérés dans la prison de Tuzla. Pour faire face à l'augmentation du nombre de détenus et à la hausse parallèle des capacités carcérales, le recrutement de personnel pénitentiaire a été important depuis 2008, notamment en Fédération de Bosnie-Herzégovine, a poursuivi la délégation. Des sanctions alternatives, telles que les services à la communauté et les bracelets électroniques, sont actuellement introduites afin de remédier à la surpopulation carcérale que les mesures d'augmentation des capacités ne pourront résoudre à elles seules.
L'isolement cellulaire ne s'applique que lorsque le détenu présente un risque réel et il ne s'agit que d'une mesure disciplinaire, a par ailleurs indiqué la délégation. Les critères du placement en isolement cellulaire sont très précis et la décision est prise par une commission composée de trois membres dont le mode de fonctionnement est similaire à celui d'une procédure pénale. Cette commission examine le dossier, entend le détenu et interroge les témoins, après quoi le détenu est informé des mesures disciplinaires décidées à son encontre. Dans le cadre de cette procédure, le détenu peut choisir d'avoir recours à un conseil. Lorsque la mesure disciplinaire est prononcée, le détenu peut interjeter appel, a précisé la délégation.
Selon la loi, la garde à vue ne peut dépasser 24 heures, a par ailleurs indiqué la délégation.
Depuis la soumission du présent rapport par la Bosnie-Herzégovine, il y a eu en Republika Srpska neuf cas impliquant un traitement cruel, inhumain ou dégradant: 3 en 2009 et 6 en 2010, a indiqué la délégation par la voie d'un inspecteur de la Police de la Republika Srpska. Ces affaires se sont soldées par le licenciement des auteurs de ces actes, a-t-elle précisé.
La délégation s'est dite consciente du fait que les lois des entités ne contiennent pas une définition de la torture conforme à celle énoncée à l'article premier de la Convention ni dans le Code pénal national de la Bosnie-Herzégovine. Les lois des entités n'en contiennent pas moins un certain nombre de délits comme, par exemple, le délit d'extorsion d'aveux. Néanmoins, l'harmonisation de la législation en la matière sera une priorité pour l'avenir, a assuré la délégation.
Selon la loi, aucun requérant d'asile ne peut être détenu en Bosnie-Herzégovine, a souligné la délégation; en revanche, les immigrants illégaux, eux, peuvent être détenus, a-t-elle précisé.
En décembre 2009, a par ailleurs indiqué la délégation, la disposition de la loi pénale relative à la traite a été amendée afin de l'harmoniser avec les dispositions de la Convention du Conseil de l'Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains. La délégation a convenu que la procédure d'indemnisation des victimes de la traite est effectivement longue et qu'il est difficile d'obtenir une telle indemnisation.
Questions complémentaires des membres du Comité
Le rapporteur, M. CHIRIBOGA, a rappelé que le Comité se préoccupe de ce qui se passe derrière le cadre juridique à proprement parler. À cet égard, il a souhaité obtenir davantage de renseignements concernant le traitement des victimes et des membres de leurs familles, en particulier lorsqu'il est question de personnes disparues – les familles se sentant abandonnées dans de telles affaires.
Certes, a admis M. Chiriboga, il est très difficile dans un pays tel que la Bosnie-Herzégovine d'harmoniser la législation; mais il n'en demeure pas moins que la définition de la torture énoncée à l'article premier de la Convention doit absolument être incorporée dans l'ensemble de la législation du pays, tant au niveau national qu'à celui des entités, a-t-il insisté.
Le corapporteur, M. WANG, a jugé claires, précises et franches les réponses apportées par la Bosnie-Herzégovine aux questions que lui ont adressées les experts. Il est toutefois revenu sur la question des personnes disparues en soulignant que si 70% environ d'entre elles ont été retrouvées, 30% ne l'ont toujours pas été, ce qui est beaucoup; aussi, le corapporteur a-t-il encouragé la Bosnie-Herzégovine à poursuivre ses efforts dans ce domaine.
M. Wang a par ailleurs indiqué qu'il souhaitait être tenu informé des progrès réalisés dans la mise sur pied du comité d'indemnisation des victimes.
Une experte a jugé partielle la réponse apportée par la délégation aux interrogations concernant les procédures prévues en matière de réparation et d'indemnisation des victimes.
La Bosnie-Herzégovine envisage-t-elle d'accéder aux conventions internationales relatives à l'apatridie, a pour sa part demandé un expert?
Un membre du Comité a insisté sur la nécessité pour les États parties de veiller à ce que leur pratique n'affaiblisse pas le contenu de l'article 3 de la Convention relatif au principe de non-refoulement d'une personne vers un pays où elle encourt un risque d'être soumise à la torture, quoi que cette personne ait fait.
Réponses complémentaires de la délégation
La délégation a souligné qu'il est difficile dans le contexte politique actuel de la Bosnie-Herzégovine de s'exprimer au sujet de cas liés à la sécurité nationale et de cas liés au principe énoncé à l'article 3 de la Convention.
En dernier lieu, c'est à l'État qu'il appartient de décider souverainement de l'octroi ou non de la nationalité à une personne, a par ailleurs rappelé la délégation en réponse aux questions sur l'apatridie.
Les difficultés auxquelles l'on se heurte pour ce qui a trait aux personnes disparues sont très complexes, a poursuivi la délégation; quinze ans après la guerre, il est de plus en plus difficile de fournir aux familles des disparus des informations précises concernant le sort de leurs proches, a-t-elle notamment souligné. L'exhumation d'un corps dépend de la décision d'un tribunal et les procédures peuvent être longues, a ajouté la délégation.
Quant au travail du comité d'indemnisation des victimes, il ne sera pas facile; il va notamment falloir définir des échelons d'indemnisation, ce qui n'est pas aisé, a souligné la délégation.
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