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Communiqués de presse Conseil des droits de l’homme

Le Conseil des droits de l'homme tient sa réunion-débat biennale sur les mesures coercitives unilatérales

Mesures coercitives unilatérales

15 Septembre 2017

Conseil des droits de l'homme
APRÈS-MIDI  

14 septembre 2017

Cet après-midi, le Conseil des droits de l’homme a tenu sa réunion-débat bisannuelle sur les mesures coercitives unilatérales et les droits de l’homme. Cette réunion, consacrée cette année au thème des ressources et indemnisations nécessaires à la reddition de comptes et aux réparations, a été présentée par Mme Peggy Hicks, Directrice de la Division des activités thématiques, des procédures spéciales et du droit au développement du Haut-Commissariat aux droits de l’homme, et animée par M. Jorge Valero, Représentant permanent du Venezuela auprès des Nations Unies à Genève.

Les panélistes étaient M. Idriss Jazairy, Rapporteur spécial sur les effets négatifs des mesures coercitives unilatérales sur l’exercice des droits de l’homme; Mme Alena Douhan, Vice-Recteur et Directrice du département du droit international de l’Université internationale MITSO de Minsk (Bélarus); M. Jean Ziegler, membre du Comité consultatif des droits de l'homme; et M. Alfred de Zayas, Expert indépendant sur la promotion d’un ordre international démocratique et équitable.

Dans sa déclaration liminaire, Mme Peggy Hicks a rappelé que 171 nations ont adopté il y a bientôt 25 ans la Déclaration et le Programme d’action de Vienne invitant les États à s’abstenir de toute mesure unilatérale.  Malgré ces recommandations et celles qui ont suivi, de telles mesures sont pourtant imposées et sans prendre en compte leur impact sur les droits de l’homme, a-t-elle fait observer.  M. Ziegler a rappelé la position du Comité consultatif des droits de l’homme, selon laquelle les mesures coercitives unilatérales, quelles qu’elles soient et quel que soit le pays touché, violent tous les droits de l'homme.  Ces sanctions, en plus d’avoir un impact direct sur les populations, ont trois niveaux d’implications, a-t-il souligné. D’abord, elles coupent les pays qui en sont victimes du cadre international, en empêchant que d’autres États puissent faire commerce avec eux ; ensuite elles constituent une ingérence, avec des tentatives de déstabilisation des États ciblés ; et enfin, elles s’accompagnent de campagnes médiatiques de diabolisation des pays sous sanctions, a-t-il précisé, citant l’exemple du Venezuela.

M. Jazaïry a quant à lui souligné que lorsque les mesures coercitives unilatérales ont un impact négatif sur les droits de l’homme, le droit aux réparations (pour les victimes) devrait être disponible et protégé aux niveaux national, régional et international. L’absence de tels mécanismes (de réparation) irait à l’encontre des obligations inscrites dans les traités des droits de l’homme, a-t-il rappelé, avant de présenter différents mécanismes existants dans ce domaine aux niveaux interétatique, national, régional et au niveau des Nations Unies.

Pour sa part, Mme Alena Douhan a insisté sur la nécessité de définir avant tout le sujet dont il est question, faute de quoi l’on resterait dans le domaine de la réflexion philosophique et non dans celui du droit et l’on serait alors incapable d’exiger quelque recours légal que ce soit.  Aussi, a-t-elle proposé la définition suivante : les mesures coercitives unilatérales sont des « mesures, appliquées à des États, des individus ou des entités par des États, des groupes d’États ou des organisations régionales sans ou outrepassant l’autorisation du Conseil de sécurité, en vue de modifier une politique ou un comportement d’États directement ou indirectement ciblés ». 

De son côté, M. Alfred-Maurice de Zayas a expliqué que l’imposition de mesures coercitives unilatérales menace la réalisation d’un ordre démocratique et équitable car ces mesures causent des dommages aux populations les plus vulnérables du monde et donnent davantage de pouvoirs aux plus puissants. L’imposition de mesures coercitives unilatérales va à l’encontre de résolutions fondamentales des Nations unies, notamment de la Résolution 2625 de l’Assemblée générale sur les relations amicales entre États, a-t-il souligné.  La Charte de l’ONU stipule par ailleurs que le Conseil de sécurité est la seule autorité à pouvoir imposer des sanctions, a-t-il en outre rappelé.  Lorsque les sanctions débouchent sur des violations des droits de l’homme, l’obligation de rendre des comptes s’ensuit immédiatement, a ajouté M. de Zayas. 

Durant le débat qui a suivi ces présentations, de nombreuses délégations ont condamné les mesures coercitives unilatérales, dénonçant leur impact dévastateur sur les populations, en particulier sur les groupes qui figurent déjà parmi les plus vulnérables dans les pays visés.  Il a été maintes fois expliqué que les mesures coercitives unilatérales contreviennent au droit international et aux droits de l'homme.  De telles mesures obéissent dans la majorité des cas à des motivations politiques et économiques à l’encontre de pays en développement; dans ce contexte, il est impératif de mettre sur pied un mécanisme onusien de recours et de réparations, a-t-il été souligné.

Demain matin, à 10 heures, le Conseil tiendra son débat annuel sur l’intégration d’une perspective de genre dans les travaux du Conseil et de ses mécanismes.

Réunion-débat bisannuelle sur les mesures coercitives unilatérales et les droits de l'homme

Déclarations liminaires

MME PEGGY HICKS, Directrice de la Division des activités thématiques, des procédures spéciales et du droit au développement du Haut-Commissariat aux droits de l’homme, a ouvert la réunion-débat en rappelant qu’il y a presque 25 ans (en 1993), 171 nations se sont réunies à Vienne pour la Conférence mondiale sur les droits de l’homme, à l’issue de laquelle ils ont adopté la Déclaration et le Programme d’action de Vienne invitant les États à s’abstenir de toute mesure unilatérale. Trois ans plus tard, le Comité des droits économiques, sociaux et culturels identifiait plusieurs questions de droits de l’homme soulevées par l’application de sanctions et en 2012, une étude thématique du Haut-Commissariat recommandait d’éviter l’application de toute mesure coercitive unilatérale ayant des incidences négatives sur les droits de l’homme.  Cette dernière étude soulignait que, même soigneusement ciblées, ces sanctions ne devaient pas être imposées plus longtemps que nécessaire, qu’elles devaient être proportionnelles et qu’elles devaient être associées à des garde-fous pour les droits de l’homme.  Malgré ces recommandations, a fait observer Mme Hicks, nous constatons que ces mesures sont imposées sans prendre en compte leur impact sur les droits de l’homme.  De plus, au plan individuel, les peuples soumis à des sanctions n’ont souvent aucun moyen de faire valoir leurs droits.

Mme Hicks a ensuite annoncé que le panel de cette réunion-débat allait permettre de réfléchir sur différents aspects du rapport entre mesures coercitives unilatérales et droits de l’homme, en se concentrant en particulier sur les ressources nécessaires pour la reddition de comptes et les réparations aux victimes. Ces questions portent notamment sur la définition de sanctions qui ne fragilisent pas davantage des groupes de population déjà vulnérables, sur les garde-fous une fois que des sanctions sont imposées, sur les mécanismes d’examen ou de surveillance pour évaluer les effets négatifs des mesures coercitives unilatérales, ainsi que sur la reddition de comptes et l’indemnisation.

Intervenant en tant qu’animateur de la réunion-débat, M. JORGE VALERO, Représentant permanent du Venezuela auprès des Nations Unies à Genève, a rappelé que les pays du Mouvement des non-alignés ont condamné à de nombreuses reprises les mesures coercitives unilatérales qui visent les pays en développement du Sud, expliquant qu’elles entravent les droits de l'homme et le droit au développement de ces pays. C’est dans ce contexte que se tient cette réunion-débat, qui explorera cette année les moyens de fournir des compensations et des réparations aux États victimes de ces mesures injustes, a-t-il indiqué. 

Exposés des panélistes

M. IDRISS JAZAÏRY, Rapporteur spécial sur les effets négatifs des mesures coercitives unilatérales sur l’exercice des droits de l’homme, a souligné que lorsque les mesures coercitives unilatérales ont un impact négatif sur les droits de l’homme, le droit aux réparations (pour les victimes) devrait être disponible et protégé aux niveaux national, régional et international. L’absence de tels mécanismes (de réparation) irait à l’encontre des obligations inscrites dans les traités des droits de l’homme, a-t-il rappelé, avant de présenter différents mécanismes existants dans ce domaine aux niveaux interétatique, national, régional et au niveau des Nations Unies.

Au nombre des mécanismes interétatiques, M. Jazaïry a ainsi évoqué la Cour internationale de justice, qui pourrait être priée de fournir un avis consultatif sur la légalité ou non des mesures coercitives unilatérales, et l’Organisation mondiale du commerce, dans le cas où les mesures coercitives unilatérales vont à l’encontre des obligations des États telles qu’inscrites dans les accords de l’OMC.  Pour ce qui est des mécanismes nationaux, M. Jazaïry a expliqué que tout dépend du pays en question.  Quant au niveau régional, il a notamment expliqué que la Cour européenne des droits de l’homme, par exemple, pourrait être saisie par des personnes privées ou par des entités si elles estimaient se retrouver illégalement sur des listes de personnes sanctionnées par l’Union européenne.  Au niveau des Nations Unies, enfin, certains mécanismes sont pertinents pour recevoir des plaintes de personnes dont les droits ont été bafoués par les mesures coercitives unilatérales; mais ils ne sont pas pertinents si les pays qui ont mis en œuvre ces mesures coercitives unilatérales n’ont pas ratifié les conventions dont ces mécanismes relèvent.

M. Jazaïry a ensuite expliqué que les États doivent rendre des comptes et respecter leurs obligations extraterritoriales.  Lorsqu’un État impose des sanctions, il doit assumer les responsabilités lorsque des violations de droits de l’homme en découlent, a souligné le Rapporteur spécial.  Enfin, M. Jazaïry a ajouté qu’il était toujours possible de recourir à une forme de « commission d’indemnisation » comme les Nations Unies en ont déjà créée il y a quelques années; les États ayant imposé des mesures coercitives unilatérales pourraient alors être amenés à verser des fonds à une telle commission.

MME ALENA DOUHAN, Vice-Recteur et Directrice du département du droit international de l’Université international MITSO de Minsk (Bélarus), s’est penchée sur la question des ressources et moyens de promouvoir la redevabilité (obligation redditionnelle) et des réparations.  Elle a assimilé l’impact des mesures coercitives unilatérales à d’autres menaces à la paix et la sécurité internationales: effet négatif de déstabilisation, ou encore répercussions néfastes sur le développement socioéconomique de tous les peuples,  sur les droits de l’homme et sur l ‘état de droit en général.  Rappelant les résolutions du Conseil mettent l’accent sur le caractère illégal de telles mesures, elle a souligné que ce n’est qu’à une date relativement récente que l’on a commencé à parler des ressources et moyens nécessaires à la promotion de la redevabilité et des réparations. La panéliste a rappelé à ce propos les mécanismes préconisés par le Rapporteur spécial sur les effets négatifs des mesures coercitives unilatérales dans son rapport de 2016 (A/HRC/33/48).  Toutefois, a-t-elle souligné, si l’on souhaite se pencher sur les réponses à apporter à l’application de mesures coercitives unilatérales, il convient de relever que ces réponses dépendront du type de mesures appliquées (mesures visant un État ou mesure visant une entité juridique, par exemple) ainsi que de leur caractère (réponses immédiates ou à long terme).

Quoi qu’il en soit, a ensuite souligné Mme Douhan, il est nécessaire avant tout de définir le sujet de notre discussion, c’est-à-dire de définir ce que sont les mesures coercitives unilatérales, faute de quoi nous resterions dans le domaine de la réflexion philosophique et non dans celui du droit et nous resterions incapables d’exiger quelque recours légal que ce soit.  Aussi, Mme Douhan a-t-elle proposé la définition suivante : les mesures coercitives unilatérales sont des « mesures, appliquées à des États, des individus ou des entités par des États, des groupes d’États ou des organisations régionales sans ou outrepassant l’autorisation du Conseil de sécurité, en vue de modifier une politique ou un comportement d’États directement ou indirectement ciblés ». 

M. JEAN ZIEGLER, membre du Comité consultatif des droits de l'homme, a déclaré que les mesures coercitives unilatérales, quelles qu’elles soient et quel que soit le pays touché, violent tous les droits de l'homme.  C’est la position constante du Comité consultatif, telle qu’il l’a toujours exprimée dans ses rapports au Conseil des droits de l'homme, a-t-il rappelé.  Selon le panéliste, ces sanctions, en plus d’avoir un impact direct sur les populations, ont trois niveaux d’implications. D’abord, elles coupent les pays qui en sont victimes du cadre international, en empêchant que d’autres États puissent faire commerce avec eux. Prenant exemple des sanctions qui frappent le Venezuela, il a observé qu’en raison des sanctions des États-Unis, ce pays ne peut plus vendre des obligations internationales, ni vendre son or sur les marchés pour réduire son immense dette.  Le second niveau est celui de l’ingérence, avec des tentatives de déstabilisation des États ciblés, comme le montre une fois de plus l’exemple vénézuélien.  Selon M. Ziegler, on retrouve dans la crise politique que traverse actuellement le Venezuela les mêmes protagonistes qui dans le passé avaient tenté, avec l’appui de forces étrangères, un coup d’État contre l’ancien Président Hugo Chavez; on les retrouve aujourd’hui à la tête des mouvements violents qui frappent le pays, a-t-il affirmé.

Le troisième niveau est quant à lui médiatique, avec des campagnes de diabolisation des pays sous sanctions, a poursuivi M. Ziegler.  Pour convaincre les délégations, il les a invitées à lire la presse suisse ou française pour voir comment sont traités, aujourd’hui le Venezuela et son Président démocratiquement élu, Nicolas Maduro ; cette campagne décrit un pays au bord du gouffre avec un «dictateur» à sa tête, a-t-il indiqué.  Concluant son intervention, M. Ziegler a fait observer que les archives de la Bibliothèque de l’Office des Nations Unies à Genève contiennent des coupures de presse montrant que cette campagne de dénigrement est la même que celle qui avait précédé le coup d’État du 11 septembre 1973 ayant entraîné la mort du Président Salvador Allende et porté le général Augusto Pinochet à la tête du Chili.

M. ALFRED-MAURICE DE ZAYAS, Expert indépendant sur la promotion d'un ordre international démocratique et équitable, a expliqué que l’imposition de mesures coercitives unilatérales menace la réalisation d’un ordre démocratique et équitable car ces mesures causent des dommages aux populations les plus vulnérables du monde et donnent davantage de pouvoirs aux plus puissants. Dans un monde interconnecté et instable, les mesures coercitives unilatérales d’un État unique peuvent avoir des répercussions très importantes dans le monde. Les droits fondamentaux à la vie, la santé, l’éducation ou encore à l’eau potable peuvent être bafoués lorsque des mesures prises par un État restreignent l’accès à la nourriture ou aux médicaments. 

Plus d’une vingtaine de résolutions de l’Assemblée générale dénoncent les mesures coercitives unilatérales prises à l’encontre de Cuba par les États-Unis, a rappelé l’Expert indépendant. Il en est de même pour le blocus à Gaza. Ces mesures enfreignent la sécurité internationale. L’imposition de mesures coercitives unilatérales va à l’encontre de résolutions fondamentales des Nations unies, notamment de la Résolution 2625 de l’Assemblée générale sur les relations amicales entre États. Les relations amicales sont une condition sine qua non pour une relation pacifique entre les États. La Charte de l’ONU stipule par ailleurs que le Conseil de sécurité est la seule autorité à pouvoir imposer des sanctions, a rappelé l’Expert indépendant.  En outre, a-t-il ajouté, la jusqu’ici sous-utilisée procédure de plainte interétatique prévue par les instruments dont les organes de traité ont la charge pourrait être utile lorsque son utilisation pourrait être de nature à faciliter des négociations et la résolution à l’amiable de différends.

Lorsque les sanctions débouchent sur des violations des droits de l’homme, l’obligation de rendre des comptes s’ensuit immédiatement, a souligné M. de Zayas.  Le problème, c’est que la volonté politique ne suit pas, raison pour laquelle la communauté internationale devrait mettre en place des mécanismes qui garantiront le recours et les réparations pour les communautés qui souffrent des conséquences des mesures coercitives unilatérales prises par un État.

Débat

Le Pakistan, au nom de l’Organisation de la coopération islamique (OCI) a exprimé la profonde inquiétude des membres de l’OCI face aux mesures coercitives unilatérales qui vont à l’encontre de la pleine mise en œuvre de la Déclaration sur le droit au développement.  Il a insisté sur la nécessité de disposer de mécanismes permettant des voies de recours efficaces, surtout lorsque les mesures coercitives sapent la dignité humaine et ont un impact dévastateur sur les prestations socioéconomiques fournies aux populations.

La Tunisie, au nom du Groupe des pays africains, a souligné que les mesures coercitives unilatérales sont illégales et contreviennent au droit international car elles empêchent la pleine réalisation des droits de l’homme.  Il est essentiel pour les États affectés d’être indemnisés.  Ces mesures ont des répercussions importantes sur les secteurs de la santé, de l’éducation, des transports et du développement, a renchéri l’Égypte, au nom du Groupe des pays arabes. Plus spécifiquement, le Mouvement des non-alignés, par la voix du Venezuela, a mis en exergue l’impact disproportionné de ces mesures sur les pauvres et les groupes les plus vulnérables, notamment dans les pays en développement qui constituent la majorité des pays visés par des sanctions. En dépit des résolutions pertinentes des différents organes des Nations Unies, ce type de mesures persiste et il est impératif dans ce contexte de mettre sur pied un mécanisme onusien de recours et de réparations, a insisté le Venezuela. 

Au nom de seize pays du Groupe d’États animés du même esprit, Cuba s’est catégoriquement prononcée contre l’imposition de mesures coercitives unilatérales, lesquelles vont à l’encontre des normes et principes régissant les relations pacifiques entre États, de la Charte de l’ONU, ainsi que de la souveraineté et de l’indépendance des États.  Les mesures coercitives unilatérales obéissent, dans la majorité des cas, à des motivations politiques et économiques et visent des pays en développement. Cuba a exhorté les États qui continuent à en appliquer à s’abstenir de le faire, conformément à la Charte et au droit international.

La Chine a constaté que certains pays imposent des mesures coercitives unilatérales de façon régulière et surtout à l’encontre de pays en développement.  Se prononçant contre l’imposition de telles mesures, la Chine a exhorté à saisir le Conseil de sécurité et à veiller à étudier la manière de remédier à ces mesures et d’en réduire l’impact. Ces mesures auraient-elles un impact négatif sur un ordre international équitable et démocratique, a-t-elle demandé?  L’État plurinational de Bolivie a affirmé que les mesures coercitives unilatérales prises, généralement contre les pays en développement, étaient illégales compte tenu de leurs effets négatifs sur les femmes, les enfants, les paysans – soit autant de populations qui ont besoin d’un soutien. Même si le droit au développement est reconnu sur le papier par ceux-là même qui imposent des sanctions, il est clair que les mesures coercitives entravent le développement des peuples, a pour sa part déclaré la République islamique d’Iran, insistant sur la nécessité de reconnaître le caractère illégal de telles mesures. L’Égypte a appelé à empêcher l’interruption de l’approvisionnement alimentaire pour les populations des pays se trouvant sous le coup de mesures coercitives unilatérales.

La Fédération de Russie a reconnu que les sanctions font partie des mécanismes efficaces, mais a souligné que la prérogative de leur application incombe au Conseil de sécurité.  Dans de nombreux cas, ces mesures sont imposées en contournant le Conseil de sécurité, a déploré la délégation russe, ajoutant que de telles actions à motivation politique violent les droits de l’homme et doivent donc cesser.  De telles mesures ont en outre un impact négatif sur la réalisation des Objectifs de développement durable, a ajouté la Fédération de Russie.

L’Équateur a affirmé que les mesures coercitives unilatérales vont à l’encontre de la paix, car elles sont « unidirectionnelles », étant en effet appliquées « par les plus forts contre les plus faibles ». Ce sont généralement les populations que ces mesures sont censées protéger qui en subissent les méfaits, a ajouté l’Équateur.

Le Qatar, qui a rappelé faire l’objet de mesures coercitives unilatérales allant à l’encontre de tous les droits de l’homme, a détaillé de son côté les répercussions néfastes des sanctions sur le bien-être des populations et sur l’exercice des droits de l’homme.  Le pays a demandé à MM. Ziegler et de Zayas quels seraient selon eux les éventuels moyens de recours et réparations face au blocus dont le Qatar fait l’objet. 

Le Soudan a insisté sur la nécessité de renouveler le mandat du Rapporteur spécial sur les mesures coercitives unilatérales et a souligné que ces mesures sont contraires à la Charte des Nations Unies et à tous les instruments internationaux. Le Zimbabwe a pour sa part rappelé que le Conseil des droits de l’homme avait lui-même estimé que les mesures coercitives unilatérales étaient contraires au droit international. Le Conseil et l’Assemblée générale ont en outre appelé à mettre fin aux mesures coercitives unilatérales et à en réduire l’impact négatif.  Le Venezuela a dénoncé les mesures coercitives unilatérales qui sont invariablement prises contre des pays en voie développement.  Le Pakistan estime que tout exercice de pouvoir qui a impact sur la vie de la population doit donner lieu à un contrôle démocratique et être conforme à la Charte des Nations Unies. L’Algérie a souligné que les mesures coercitives unilatérales ont un impact sur la souveraineté des États et entravent par ailleurs le développement.

Le Soudan a également souligné que les mesures coercitives unilatérales ont un impact sur la vie quotidienne des populations. Le Pakistan et l’Algérie soulignent en outre que ces mesures sont contreproductives car ce sont les personnes les plus vulnérables qui en souffrent le plus. Les Fidji ont souligné que les mesures coercitives unilatérales ont un impact important sur les droits de l’homme des populations touchées ; elles impactent notamment les droits à la santé, à l’alimentation et à l’éducation. L’Iraq a rappelé avoir souffert dans les années 1990 de telles mesures et sanctions économiques qui ont nui à la population iraquienne, en particulier aux femmes, aux enfants, aux personnes âgées et aux personnes qui ont en fait le plus besoin de soutien; en revanche, ces mesures ne portent pas atteinte aux dirigeants des pays visés.

Le Pakistan, le Soudan, les Fidji et le Nicaragua ont estimé qu’il fallait mettre en place au sein des Nations Unies un mécanisme prévoyant des voies de recours et l’octroi de réparations aux victimes. L’Algérie a expliqué que l’absence de recours alourdit les conséquences pour les victimes des mesures coercitives unilatérales.

Les États-Unis ont tenté d’imposer leur volonté au Venezuela en confisquant des actifs sur leur territoire ; c’est là une attitude qui met en danger la sécurité et la paix, a déclaré la délégation vénézuélienne.

Les Émirats arabes unis, au nom d’un groupe de pays, ont affirmé que les mesures prises contre le Qatar sont des mesures souveraines et ne sont en rien un blocus mais un boycott.  Ce boycott fait suite au comportement inacceptable du Qatar qui accueille des terroristes. Par ailleurs, ont fait observer les Émirats arabes unis, de hauts responsables qatariens ont expliqué que la coupure des relations diplomatiques n’avait eu aucune répercussion sur la population. Le Qatar ne fait aucun effort pour mettre fin au terrorisme, a ajouté la délégation émirienne.

En tant qu’institution nationale des droits de l'homme Comité national des droits de l'homme du Qatar a évoqué les mesures coercitives unilatérales imposées au Qatar par plusieurs pays, qui affectent de nombreux droits de l’homme, notamment les droits politiques, économiques, sociaux et culturels, et violent plusieurs droits, notamment en matière de résidence, de travail, de santé et d’éducation.  La Commission nationale qatarienne des droits de l'homme a indiqué avoir répertorié et publié dans des rapports les différents types de violations des droits de l’homme découlant de ces sanctions. Elle a demandé aux panélistes quels sont les mécanismes internationaux et les recours disponibles pour que les victimes obtiennent réparation.

Plusieurs organisations non gouvernementales (ONG) sont ensuite intervenues.  Verein Sudwind Entwicklungspolitik a évoqué l’impact des sanctions contre l’Iran sur la population de ce pays qui souffre de problèmes de santé et a par conséquence des difficultés à accéder aux médicaments.  L’ONG a aussi dénoncé la corruption qui s’est répandue dans de nombreux secteurs de la société en raison de ces sanctions.

L’ONG United Nations Watch s’est étonnée de l’accord régnant entre tous les panélistes et a regretté que les points de vue ne soient pas plus variés, notamment à propos des pays victimes de sanctions. L’ONG a demandé à Mme Hicks comment le panel avait été constitué.

Iraqi Development Organization a souligné que l’impact négatif est évident dans le cas des mesures coercitives unilatérales imposées au Yémen, qui privent la population de produits essentiels comme la nourriture et les médicaments et ont en outre interrompu le dialogue politique, exacerbant la menace pour la stabilité régionale. L’ONG a demandé aux panélistes quels mécanismes ils suggéraient pour remédier à ces sanctions qui constituent une violation des droits de l’homme.

Fondation Maarij pour la paix et le développement, s’exprimant également au nom de Eastern Sudan Women Development Organization, a soutenu toutes les recommandations formulées par le Rapporteur spécial, M. Jazaïry. L’ONG a appelé le Conseil à élaborer un traité international pour empêcher les mesures coercitives unilatérales, assorti d’un comité permanent qui pourrait en surveiller la mise en œuvre, recevoir des plaintes et octroyer réparation et indemnisation. 

Le Conseil international pour le soutien à des procès équitables et aux droits de l’homme a souligné qu’aucun État n’a le droit d’encourager les mesures coercitives unilatérales. Il a dénoncé les sanctions prises, en particulier, contre le Qatar, accusant Abu Dhabi et l’Arabie saoudite d’imposer des mesures qui ont en fait affecté les pauvres et les plus vulnérables. L’ONG a soutenu l’appel du Qatar afin que la communauté internationale fasse comprendre à l’Arabie saoudite que les droits de l’homme sont universels. Elle a en outre défendu les Sahraouis du Sahara occidental, les Rohingyas du Myanmar et le Venezuela.

Réponses et conclusions des panélistes

M. JAZAÏRY a rappelé que les résolutions du Conseil des droits de l'homme stipulent clairement que les mesures coercitives unilatérales sont contraires au droit  international, comme l’atteste par exemple le texte de la résolution 34/13.  Mais il y a une controverse sur le sujet, a-t-il observé: certains États estiment que ces sanctions sont incompatibles avec le droit international, tandis que d’autres disent au contraire qu’elles lui sont compatibles.  Le Rapporteur spécial a par ailleurs indiqué que l’Union européenne l’avait informé du fait qu’elle refuse d’appliquer les mesures restrictives au droit international ; il a ajouté qu’il souhaiterait qu’elle précise s’il s’agit pour elle des mesures restrictives ou des mesures contraires au droit international.

M. Jazaïry a ensuite souligné que le droit international devrait pouvoir protéger les gens en temps de paix, tout comme le droit humanitaire les protège en temps de guerre. Ce n’est actuellement pas le cas, a-t-il déploré. Par ailleurs, lors de l’adoption du Programme de développement durable à l’horizon 2030, les États se sont tous engagés à protéger et promouvoir les droits de l'homme et l’état de droit ; il faudrait donc revenir à cet esprit, a-t-il affirmé. Le Rapporteur spécial a également expliqué que sa proposition de déclaration des Nations Unies sur les mesures coercitives unilatérales vise à créer un cadre de prévention contre ces mesures, car, a-t-il souligné, mieux vaut prévenir que guérir.

MME DOUHAN a souligné que l’on doit savoir ce qui est légal et ce qui ne l’est pas. Le problème est que beaucoup de gens ne veulent même pas en débattre, a-t-elle observé, ajoutant que le droit international permet pourtant de dégager une certitude dans un tel débat.  La Cour internationale de justice, par exemple, a interdit le recours à la force pour résoudre les différends internationaux, établissant une sorte de jus cogens sur le recours à la force, qui ne peut être contourné que par le Conseil de sécurité, au titre du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies, qui traite précisément du recours à la force.  Il devrait en être de même pour les mesures coercitives unilatérales, a affirmé Mme Douhan.

Mme Douhan a ensuite affirmé, à l’instar de M. Ziegler, que les moyens de pressions d’un État sur un autre ne sont pas en eux-mêmes illégaux, tant qu’aucun principe du droit international ou des droits de l'homme n’est violé et que ces mesures sont proportionnées.  Si les moyens envisagés ne respectent pas ces trois critères, alors ils sont illégaux, a-t-elle indiqué. Par ailleurs, avant d’envisager quelque moyen de recours que ce soit, il faut un dialogue; or, il n’existe pas, a-t-elle déploré, observant qu’au cours de ce débat ne se sont exprimés que les pays victimes de mesures coercitives unilatérales et aucun de ceux qui les imposent.

M. ZIEGLER, en réponse à la délégation du Qatar, a affirmé que le blocus imposé au Qatar par l’Arabie saoudite est naturellement illégal, en plus de causer des problèmes humanitaires. Répondant à une organisation non gouvernementale, M. Ziegler précisé que ce ne sont pas les sanctions en elles-mêmes qui sont illégales, mais plutôt l’ensemble de mesures visant à mettre à genou un peuple et un gouvernement qui ne plaît pas au pays qui impose ces sanctions. Pour l’expert, l’illégalité réside dans cette volonté d’agresser des pays, comme le font par exemple les États-Unis à l’encontre de Cuba et du Venezuela.  C’est une forme de «déclaration de guerre», a insisté M. Ziegler. 

M. Ziegler a par la suite constaté que rien ne bouge concernant cette question des mesures coercitives unilatérales.  Le peuple de Gaza continue de subir le blocus israélien et Cuba « résiste héroïquement » depuis 55 ans au blocus des États-Unis, a-t-il déclaré.  La responsabilité de la communauté internationale est de faire changer cette situation, a-t-il ajouté, faisant observer que c’est la tâche à laquelle s’attelle le Comité consultatif dont il est Vice-Président.

M. ALFRED DE ZAYAS, a déclaré que l’ordre international est victime d’un sabotage lorsqu’un État impose des sanctions ou un blocus à un autre sans l’aval du Conseil de sécurité. Une des façons de remédier à cette situation est non seulement la levée des sanctions, mais aussi de faire en sorte que des réparations soient octroyées aux pays touchés, ainsi qu’aux pays tiers qui pourraient aussi être impactés par ces sanctions.  L’Expert indépendant a lui aussi affirmé que les sanctions imposées au Qatar sont contraires aux principes de base de la Charte des Nations Unies et aux résolutions onusiennes.  Pour toutes ces raisons, il a suggéré la saisine de la Cour internationale de Justice pour qu’elle donne un avis consultatif sur la licéité des sanctions. 

M. de Zayas a ensuite insisté sur le fait que les sanctions et mesures coercitives unilatérales violent plusieurs principes du droit international, dont – entre autres – celui de pacta sunt servanda, selon lequel les conventions doivent être respectées de bonne foi.  Il a par ailleurs fait observer que si les investisseurs ont besoin d’être protégés, les États eux aussi ont besoin de protection.

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Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

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