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Communiqués de presse Procédures spéciales

Un expert des Nations Unies invite les gouvernements à cesser de "diaboliser " les médias critiques et à protéger les journalistes

Journée de la liberté de la presse

02 Mai 2017

Journée mondiale de la liberté de la presse – Jeudi 3 mai 2017

GENÈVE (2 mai 2017) – S’exprimant en amont de la Journée mondiale de la liberté de la presse, David Kaye, Rapporteur spécial sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression, qui a été nommé par le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies pour surveiller la liberté des médias et la sécurité des journalistes dans le monde, a rendu publique la déclaration suivante:

" En cette Journée mondiale de la liberté de la presse, le monde reconnait le rôle joué par les médias libres dans une société démocratique. Pourtant, tous les jours de l’année, y compris la Journée mondiale de la liberté de la presse, ceux qui pratiquent le journalisme sont confrontés à la censure, à la criminalisation, au harcèlement et, souvent, aux attaques physiques et au meurtre. Les gouvernements doivent agir pour garantir la liberté de la presse, libérer les journalistes détenus et mettre fin à la diabolisation publique des médias critiques.

Il est certain que les journalistes eux-mêmes ont de quoi faire pour maintenir ou instaurer la confiance au sein de nos propres sociétés. Dans certaines régions, la nature expansionniste et décentralisée des médias contemporains qui reposent fortement sur la publicité, le spectacle et les thèmes dont l’objectif principal est d’attirer l’attention vers les sites Internet, a forcé les organes de presse à prendre des risques qui ne sont pas toujours payants.

Dans d’autres domaines, la concentration des médias et la domination étatique sur les médias écartent les reportages indépendants. Partout, les journalistes indépendants doivent composer avec des récits délibérément trompeurs ou malhonnêtes (tels que les fausses informations et la désinformation) et sont contraints de consacrer leurs ressources déclinantes à apporter les corrections nécessaires et donner accès à des informations précises.

Le travail du journalisme comme observateur critique du gouvernement devient de plus en plus difficile, mais revêt de plus en plus d’importance à l’ère du numérique.

En cette Journée mondiale de la liberté de la presse, tout en reconnaissant l’ampleur de la tâche que les journalistes et les éditeurs doivent encore réaliser pour renforcer leur rôle essentiel dans l’accès à l’information, il est bien plus important d’attirer l’attention vers les gouvernements et les dirigeants politiques qui n’ont de cesse de fragiliser non seulement la pratique du journalisme mais aussi le droit de chacun, en vertu du droit international des droits de l’homme, de rechercher, recevoir et diffuser des informations et des idées de toute sorte, sans considération de frontières et quels que soient les médias.

De trop nombreux dirigeants considèrent le journalisme comme un ennemi, les journalistes comme des voyous, les utilisateurs de Twitter comme des terroristes et les bloggeurs comme des blasphémateurs.

Le harcèlement des médias par les gouvernements est une crise mondiale. Dans cette crise, je demande à tous les gouvernements de prendre des mesures pour protéger et promouvoir le journalisme indépendant. J’invite en particulier les personnes ayant autorité:

  • à libérer tous ceux qui sont détenus pour avoir exercé leur droit à la liberté d’expression. Aujourd’hui, dans le monde entier, des centaines de journalistes sont incarcérés, mais on ne devrait pas être emprisonné pour cette raison.
  • à abroger les lois clairement incompatibles avec la liberté d’expression. De trop nombreux États légifèrent selon des procédés qui fragilisent le journalisme et la liberté d’expression. Ils doivent abroger les lois qui, entre autres, criminalisent la diffamation, notamment les lois qui sanctionnent l’insulte au gouvernement ou le crime de lèse-majesté; qui permettent d’enquêter ou de poursuivre les journalistes qui informent sur le terrorisme; et qui criminalisent la publication de " fausses informations " ou la " propagation de rumeurs ".
  • à prendre des mesures pour enquêter et poursuivre tous les responsables des attaques contre les journalistes. Cette dernière année a connu de nombreuses attaques à l’encontre des journalistes, faisant de nombreux morts et blessés. Bien souvent, les groupes terroristes commettent ces attentats pour museler l’opposition, les laïcs et les athées. Trop souvent, à ces menaces il n’est pas apporté de réponse efficace en termes de protection par les forces de maintien de l’ordre ou, une fois qu’elles ont été mises à exécution, elles ne sont pas suivies de véritables enquêtes ni de poursuites. Les États doivent faire de l’obligation de rendre des comptes une priorité.
  • à résister à la tentation d’ordonner à des sites web critiques de supprimer du contenu ou de bloquer des sources d’information en ligne. De plus en plus souvent, les États bloquent les sites Internet, imposent aux plateformes de supprimer des contenus, voire, dans certains cas, la fermeture des services de réseaux. Alors que l’expression qui incite à la violence peut faire l’objet d’une interdiction et que des restrictions peuvent être imposées, si nécessaire et de manière proportionnée, pour protéger des intérêts légitimes, bien souvent ces restrictions ne répondent pas à ces critères de base. Les suppressions et les fermetures interfèrent généralement avec la liberté des médias et refusent aux particuliers l’accès mondial aux informations d’intérêt public.
  • à éviter de surveiller des journalistes. Les gouvernements ont étendu leur autorité légale et leur capacité technique afin de collecter des renseignements sur les journalistes et sur leurs sources. Une telle surveillance se paie d’un coût élevé dans nos sociétés démocratiques, avec une incidence négative pour la liberté d’expression et elle menace les sources et les lanceurs d’alerte que préoccupe l’obligation de rendre des comptes.
  • à cesser la diabolisation publique des médias critiques. Les dirigeants politiques décrivent de plus en plus souvent en termes dégradants les journalistes et autres qui collectent et diffusent les informations. Attiser la haine contre les médias peut servir les ambitions des puissants à court terme, mais à long terme, les conséquences sur le droit à l’information et sur le processus démocratique seront délétères. "

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M. David Kaye (États-Unis) a été nommé Rapporteur spécial sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression en août 2014 par le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies. En sa qualité de Rapporteur spécial, il fait partie de ce que l’on nomme les procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme. Le terme " procédures spéciales ", qui désigne le plus grand corps d’experts indépendants au sein du système onusien des droits de l’homme, est généralement attribué aux mécanismes indépendants d’enquête et de supervision mis en place par le Conseil des droits de l’homme afin de traiter de la situation spécifique d’un pays ou de questions thématiques dans toutes les régions du monde. Les experts des procédures spéciales travaillent bénévolement; ils n’appartiennent pas au personnel de l’ONU et ne perçoivent pas de salaire pour leur travail. Ils sont indépendants de tout gouvernement ou de toute organisation et siègent à titre personnel.

Le rapport de M. Kaye à l’Assemblée Générale des Nations Unies en octobre 2016 a mis en évidence tout un éventail de menaces à la liberté d’expression dans le monde.

Rapport de M. Kaye d’octobre 2015 sur la protection des sources et des dénonciateurs.

Pour de plus amples informations et les demandes des médias, veuillez contacter Mme Azin Tadjdini (+41 22 917 9400 / atadjdini@ohchr.org) ou écrire à freedex@ohchr.org.

Pour les requêtes des médias relatives à d’autres experts indépendants de l’ONU:
Xabier Celaya – Unité Médias, HCDH (+ 41 22 917 9383 / xcelaya@ohchr.org)

Vous pouvez accéder à cette déclaration aux médias en ligne

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