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Communiqués de presse Conseil des droits de l’homme

Le Conseil débat de la promotion d'un ordre international démocratique et équitable et des mesures coercitives unilatérales

Le Conseil entend deux Rapporteurs

13 Septembre 2016

MI JOURNÉE

GENEVE (13 septembre 2016) - Au premier jour de sa trente-troisième session, le Conseil des droits de l'homme s'est penché, ce matin, sur le rapport de l'Expert indépendant sur la promotion d'un ordre international démocratique et équitable, M. Alfred De Zayas, et sur celui du Rapporteur spécial sur les effets négatifs des mesures coercitives unilatérales sur l'exercice des droits de l'homme, M. Idriss Jazaïry.  L'examen de ces rapports s'inscrivait dans le cadre du point de l'ordre du jour relatif à la promotion et protection de tous les droits de l'homme, civils, politiques, économiques, sociaux et culturels, y compris le droit au développement.

Présentant son rapport, M. De Zayas a déploré que les États, qui, d'un côté, ratifient des instruments relatifs aux droits de l'homme, signent, de l'autre, des accords commerciaux qui retardent ou empêchent la mise en œuvre de ces mêmes instruments.  L'Expert indépendant a fait part de sa profonde préoccupation suite à la conclusion de traités tel que l'Accord de partenariat Trans-pacifique, ajoutant qu'il n'est pas nécessaire de créer de tels instruments et de donner ainsi des avantages à quelques catégories de personnes déjà très riches.  Dans ce contexte, M. De Zayas recommande aux États de ne pas s'engager dans des traités commerciaux sans s'assurer, au préalable, que ceux-ci n'auront pas de conséquences néfastes sur les populations.  Il invite aussi les parlements  à ne pas approuver ces accords commerciaux sans avoir vérifié leur compatibilité avec les obligations existantes en vertu de la constitution nationale (du pays concerné) et des traités relatifs aux droits de l'homme.  L'Expert indépendant a aussi demandé que l'Organisation mondiale du commerce (OMC) prenne pleinement en compte les droits de l'homme dans toutes ses activités et fasse en sorte que les traités des droits de l'homme ne soient pas violés. 

Pour sa part, le Rapporteur spécial sur les effets négatifs des mesures coercitives unilatérales sur l'exercice des droits de l'homme a présenté son rapport en recommandant de nouveau la création d'un registre central consolidé qui recense toutes les mesures coercitives unilatérales en vigueur.  Il a souhaité que ce registre soit également rendu public.  Il a en outre observé qu'il existe peu de mécanismes internationaux utilisables en tant que moyens de recours et de réparations pour les victimes des mesures coercitives unilatérales.  Aussi, M. Jazaïry recommande-t-il, dans son rapport, que la responsabilité des États sources (de mesures coercitives unilatérales) soit effectivement mise en œuvre et que le Conseil des droits de l'homme et l'Assemblée générale rappellent, de manière solennelle, l'applicabilité de l'état de droit et les principes de réparation et de compensation pour les victimes de telles mesures.  Enfin, les États touchés par de telles mesures devraient, de l'avis du Rapporteur spécial, considérer les options judiciaires virtuellement disponibles, notamment la Cour internationale de justice.

Au cours du débat interactif qui a suivi la présentation du rapport de M. Jazaïry, de très nombreuses délégations ont dénoncé les mesures coercitives unilatérales, les qualifiant d' «illégales», de «violations du droit international» et d'«arbitraires» et estimant qu'elles avaient des «impacts négatifs» et des «effets pervers» sur le développement des pays, en plus d'être contre-productives et de compromettre la réalisation des objectifs de développement des pays visés.  Loin d'être un moyen pacifique de résolution des conflits, les mesures coercitives internationales sont un moyen de guerre comme les autres, a même ajouté la délégation d'un pays touché par ce type de mesures.   Pour cette raison, nombre de délégations ont souscrit à la recommandation du Rapporteur spécial appelant à la création d'un registre de ces mesures coercitives unilatérales.  Un Groupe d'États a également demandé la mise en place d'un mécanisme de recours accessible aux personnes lésées par de telles mesures.  En attendant ces mesures, il faut limiter les mesures d'embargo pour atténuer les effets de celles-ci sur les droits de l'homme, a plaidé une délégation.

S'agissant de la promotion d'un ordre international, démocratique et équitable, il a notamment été affirmé que l'ordre international actuel n'était ni juste, ni équitable, loin s'en faut.  En effet, les accords commerciaux actuels, avantageux pour les entreprises transnationales, ne sont pas signés sur un pied d'égalité et favorisent même le non-respect des droits de l'homme, a-t-il été souligné.  Les règles de l'Organisation mondiale du commerce, de même que l'absence de représentativité des pays en développement dans les processus de décisions constituent un autre exemple de ce déséquilibre mondial au profit de certains pays, a-t-il été relevé.  Dans ce contexte, de nombreuses délégations ont appuyé les recommandations de l'Expert indépendant invitant notamment à une réflexion sur les répercussions négatives des accords commerciaux sur les droits de l'homme et à des réformes démocratiques dans la gouvernance internationale.  A également été soutenue l'adoption d'un instrument international juridiquement contraignant concernant les activités des entreprises multinationales, afin qu'elles assument effectivement leurs responsabilités en matière de droits de l'homme.

Le Conseil doit poursuivre ses travaux, cet après-midi, en se penchant sur les rapports du Rapporteur spécial sur le droit à l'eau et à l'assainissement et du Groupe de travail sur la détention arbitraire.  

Ordre international démocratique et équitable et effets négatifs des mesures coercitives unilatérales sur l'exercice des droits de l'homme

Présentation des rapports

Le Conseil est saisi du rapport de l'Expert indépendant pour la promotion d'un ordre international démocratique et équitable (A/HRC/33/40). 

Le Conseil est également saisi du rapport du Rapporteur spécial sur les effets négatifs des mesures coercitives unilatérales sur l'exercice des droits de l'homme (A/HRC/33/48) et de l'additif 1 à ce rapport (A/HRC/33/48/Add.1) concernant sa visite au Soudan.

Présentant son rapport, M. ALFRED DE ZAYAS, Expert indépendant pour la promotion d'un ordre international démocratique et équitable, a souligné que durant les dix premières années, le Conseil a accompli des progrès significatifs.  Les organes spéciaux ont présenté des centaines de rapports, mais il n'en reste pas moins que le manque de suivi de ces rapports met en péril la cohérence même du système.

L'Expert indépendant a expliqué que les rapports et les recommandations sont souvent rangé dans les tiroirs et n'ont pas des effets concrets sur le terrain. 

Il a attiré l'attention sur le fait que les États qui ratifient des traités relatifs aux droits de l'homme, signent des accords commerciaux qui retardent ou empêchent la mise en œuvre des traités relatifs aux droits de l'homme.  Le respect de la Charte des Nations Unies doit rester la priorité des États lorsqu'ils signent des traités commerciaux.

M. De Zayas a noté que les marchés non règlementés ont notablement creusé les inégalités, aggravé le chômage et conduit à des crises récurrentes.  Certaines populations sont totalement privées de leurs droits démocratiques.

Il s'est dit profondément préoccupé par la conclusion de mégas traités tel le TPP.  Pour l'Expert indépendant, il importe de ne pas créer des «méga traités» et d'accorder des avantages à certaines catégories de personnes, déjà très riches.

Le rapport de l'Expert a examiné les règles de fonctionnement de l'Organisation mondiale du commerce et il est critique s'agissant de l'impartialité de certains groupes d'experts, constatant par exemple que certaines anciennes règles internationales empêchent les gouvernements d'adopter certaines politiques, en matière d'énergie solaire et renouvelable notamment, ce qui est contraire aux engagements pris en faveur de la lutte contre le réchauffement climatique.

Dans ses recommandations, De Zayas invite les États à s'abstenir de s'engager dans des traités commerciaux sans s'assurer qu'il n'y ait pas de conséquences néfastes pour les populations.  Il explique que les droits de l'homme et les impacts sur la santé ou l'environnement devaient être pris en compte lors du processus de négociation des traités.  L'Expert insiste par ailleurs pour que les parlements n'approuvent pas des accords commerciaux sans avoir contrôlé la compatibilité de tels accords avec les obligations de la constitution nationale et des traités relatifs aux droits humains.  Le titulaire de mandat a aussi demandé que l'Organisation mondiale du mommerce prenne en compte les droits de l'homme dans toutes ses activités et veille au plein respect des instruments relatifs aux droits de l'homme. 

M. De Zayas a en outre souhaité que le Conseil devienne l'arène internationale au sein de laquelle les gouvernements montrent dans quelle mesure ils appliquent les droits de l'homme de manière encore plus effective, renforcent les règles du droit et parviennent à la justice sociale.

L'Expert indépendant a enfin proposé au Conseil la création d'un mécanisme qui serait chargé du suivi des recommandations des groupes de travail, des rapporteurs et des experts indépendants. 

Présentant son rapport, M. IDRISS JAZAÏRY, Rapporteur spécial sur les effets négatifs des mesures coercitives unilatérales sur l'exercice des droits de l'homme, a indiqué qu'en dépit de ses relances, seuls treize pays avaient répondu à ses demandes d'informations sur les mesures coercitives unilatérales en vigueur; aussi, a-t-il encouragé tous les États Membres à lui fournir ces informations.  Il a aussi indiqué qu'actuellement, un tiers de l'humanité vit dans des pays frappés par de telles mesures coercitives unilatérales. 

M. Jazaïry a ensuite réitéré sa recommandation émise l'an dernier visant à la création, auprès du Conseil de sécurité et du Secrétariat général, d'un registre central consolidé recensant toutes les mesures coercitives unilatérales en vigueur.  Ce registre devrait être rendu public et conservé en conformité avec les règles actuellement appliquées aux régimes de sanctions du Conseil de sécurité.  Les États et groupes d'États devraient être invités à notifier au Conseil de sécurité ou au Secrétariat général les mesures coercitives unilatérales qu'ils appliquent ainsi que leur évolution.  Les pays cibles devraient être également invités à faire rapport sur les conséquences de ces mesures, a encore déclaré le Rapporteur spécial.

Concernant son rapport, M. Jazaïry a expliqué qu'il contient un examen des différents mécanismes internationaux disponibles pour aborder les moyens de recours et de réparations des dommages causés aux victimes.  Le rapport contient donc huit observations et recommandations.  Il observe par exemple qu'il existe peu de mécanismes internationaux utilisables pour aborder les moyens de recours, de réparations ou de compensations; pour ceux qui existent, leur efficacité est par ailleurs très souvent limité.  Parmi ces mécanismes, il y a les juridictions européennes et notamment la Cour européenne des droits de l'homme.  Dans ce contexte, il recommande que, compte tenu des effets négatifs de ces mesures coercitives unilatérales sur les droits de l'homme, des mécanismes internationaux spécifiques soient mis sur pied. 

La responsabilité des États sources (des mesures coercitives unilatérales) devrait également être mise en œuvre, y compris dans le cadre de l'Examen périodique universel; ils devraient par exemple être invités à fournir des informations sur les mesures prises à l'encontre d'États tiers, suggère encore le rapport.  Le Conseil des droits de l'homme, de même que l'Assemblée générale devraient pour leur part rappeler aux États, de façon solennelle et par le biais d'une déclaration, l'applicabilité de l'état de droit et les principes de réparation et de compensation pour les victimes de ces mesures coercitives.  Par ailleurs, les États ciblés et affectés par ces mesures doivent considérer les options judiciaires virtuellement disponibles par l'entremise des traités internationaux en vigueur, notamment la Cour internationale de justice, propose encore le Rapporteur spécial.

M. Jazaïry a ajouté que la Déclaration de Vienne, dans son paragraphe 31, ainsi que le Programme de développement durable à l'horizon 2030 appellent tous les États à se garder de prendre de telles mesures coercitives unilatérales, en raison de leur incompatibilité avec la Charte des Nations Unies.  Si les États sources et les États cibles interprètent différemment ces mesures, les uns arguant que certaines mesures sont implicitement autorisées par le droit international et les autres que toutes sont illégales, il s'avère indispensable d'éliminer cette brouille diplomatique dans le cadre des discussions sur le sujet.

Au sujet de la visite qu'il a effectuée au Soudan, le Rapporteur spécial  a indiqué avoir examiné les effets négatifs des sanctions imposées à ce pays, principalement par le Canada et les États-Unis depuis 1997, mais aussi mises en œuvre par l'Union européenne et de nombreuses institutions financières internationales, faisant du Soudan l'un des pays les plus touchés par les mesures coercitives unilatérales.  A cause de ces mesures, la situation est critique, notamment dans le domaine de la santé, a confié le Rapporteur spécial, qui a invité l'Organisation mondiale de la santé (OMS) à mener une enquête pour évaluer l'impact de ces mesures sur la santé de la population soudanaise.  Au cours des consultations qu'il a eues et durant sa visite au Soudan, tous les acteurs sont tombés d'accord sur le fait que le maintien des sanctions contre ce pays était  inefficace, d'autant qu'elles n'ont pas changé au fil du temps et ne tiennent nullement compte des évolutions de la situation au Soudan depuis vingt-deux ans.  Il apparaît clairement qu'il y a une dichotomie entre les buts de ces sanctions et leurs effets sur la population, d'autant que ces sanctions touchent davantage la population que les responsables gouvernementaux et l'élite, a encore commenté le Rapporteur spécial.

Pays concerné

S'exprimant en tant que pays concerné par le rapport de M. Jazaïry, le Soudan a déclaré que les sanctions imposées par les États-Unis depuis 1997 non seulement sont contraires au droit international, mais ont aussi des effets préjudiciables sur les droits fondamentaux des Soudanais, en dépit des efforts de leur Gouvernement pour y remédier.  C'est en particulier dans le domaine de la santé que ces effets se font le plus ressentir, avec des difficultés pour la fourniture des médicaments.  Les secteurs de l'enseignement, des infrastructures ou même des transports sont touchés, la compagnie aérienne nationale ayant dû mettre la clé sous la porte à cause d'un manque de pièces de rechange pour les avions.  En raison de ces nombreux impacts, la délégation soudanaise appelle à la levée de ces sanctions et demande au Conseil de tenir compte de ces mesures et de leurs effets lorsqu'il examine la situation des droits de l'homme au Soudan. 

Débat interactif

Le Pakistan, au nom de l'Organisation de la coopération islamique (OCI), s'est dit favorable à la création d'un registre central des mesures coercitives multilatérales, dont il dénonce les effets pervers sur le développement des pays. 

Le Soudan, au nom du Groupe arabe, a souligné l'impact très négatif de ces mesures sur l'exercice des droits de l'homme, en particulier sur le droit au développement. 

L'Afrique du Sud, au nom du Groupe africain, a  fermement soutenu le mandat du Rapporteur spécial, estimant que les mesures coercitives unilatérales compromettent la réalisation des objectifs de développement des pays visés et constituent des entraves au droit à la paix.

La République islamique d'Iran, au nom du Mouvement des Non-alignés, a pointé du doigt les répercussions des mesures coercitives unilatérales sur la jouissance des droits fondamentaux des populations concernées, en particulier le droit à la santé.  Le Mouvement des Non-alignés a également recommandé la création d'un mécanisme de recours accessible aux personnes lésées par des mesures coercitives unilatérales.

Les Iles Fidji ont dénoncé les mesures coercitives unilatérales, notamment les mesures de rétorsion économique, qui bafouent les grands principes régissant la vie de la communauté internationale.  Les Fidji appuient la recommandation du Rapporteur spécial de créer un registre systématique des mesures coercitives unilatérales.

Le Pakistan a expliqué que les mesures coercitives unilatérales ont un effet néfaste sur le respect des droits de l'homme.  Il a également appuyer l'adoption d'une convention multilatérale sous l'égide des Nations Unies, une enceinte qui ferait que toutes personnes souffrant de mesures coercitives internationales puissent porter plainte.

Cuba a expliqué que les dégâts provoqués pour les populations frappées par les mesures coercitives internationales sont innombrables.  Cuba, dont le peuple a souffert de l'embargo américain, ne connaît que trop bien les dégâts occasionnés par de telles mesures qui constituent une violation du droit international, a souligné cette délégation. 

Le Sierra Leone a expliqué que les mesures coercitives unilatérales auront toujours des effets néfastes sur le respect des droits de l'homme.  Il faut limiter les mesures d'embargo notamment pour atténuer les effets de celles-ci sur les droits de l'homme. 

La Fédération de Russie a souligné que les restrictions unilatérales sous prétexte de non-respect des droits de l'homme a des conséquences négatives sur les droits économiques et sociaux.  La Fédération de Russie condamne ce type de mesures.

La République arabe syrienne a jugé intéressante que la proposition de recourir à un avis consultatif de l'Assemblée générale est intéressante.  Les mesures coercitives internationales ne sont pas un moyen pacifique de résoudre les conflits mais c'est un moyen de guerre comme les autres.  La République arabe Syrienne a encouragé l'Expert indépendant à visiter les pays touchés par ces mesures, notamment la Syrie,  pour se rendre compte des conséquences directes des mesures coercitives unilatérales sur le terrain.

L'Algérie a expliqué que le rapport avait démontré les limites des mécanismes de recours existants, que ce soit leur nombre ou leur compétence et capacités réelles de rendre justice aux victimes concernant les mesures coercitives internationales.  L'Algérie a souhaité savoir davantage sur ce qu'on appelle «la compétence universelle des juridictions nationales» revendiquée par certains systèmes judiciaires quand il s'agit des cas de violations graves des droits de l'homme, et son applicabilité potentielle en faveur des victimes des mesures coercitives unilatérales. 

Le Venezuela a expliqué que les mesures coercitives internationales violent le droit international, et exhorté les États qui les pratiquent à les abolir.  L'Amérique Latine a été victime de ces mesures de coercition, notamment le Venezuela qui a souffert des mesures prises par le Gouvernement américain.  Le Venezuela rejette ses mesures arbitraires, mesures condamnées par les pays du Mouvement des non-alignés.

La Chine a réaffirmé sa position de principe, à savoir qu'elle s'oppose avec force aux mesures coercitives unilatérales en raison de leur caractère illégal au regard du droit international, ce que l'Assemblée générale n'a eu cesse de rappeler, a déclaré la délégation.  Pour ces raisons aussi, l'Égypte soutient la recommandation du Rapporteur spécial suggérant aux États d'envisager des recours judiciaires lorsqu'ils sont la cible de mesures coercitives unilatérales, ajoutant que depuis plus de vingt ans, le Soudan a perdu 350 milliards de dollars à cause des sanctions qui pèsent sur lui.  Ces sommes auraient considérablement contribué à un changement significatif si elles avaient servi à la promotion des droits de l'homme et au développement, a commenté le représentant égyptien. 

Les Émirats arabe unis ont souligné la gravité des mesures coercitives unilatérales.  Ils ont aussi déploré l'absence de données précises et ordonnées, ce qui empêche de dûment faire ressortir les méfaits de telles mesures sur les populations.  Par souci de transparence, les Émirats arabes unis ont également appuyé l'établissement d'un registre global des mesures coercitives unilatérales. 

Le Bélarus a quant à lui déclaré que de telles mesures, contraires au droit international, sont contreproductives et sapent la confiance en le système international.  Elles aggravent la situation humanitaire des populations visées qui n'ont aucun moyen de se défendre. 

La République islamique d'Iran a défendu le droit des individus ou des groupes, qui subissent de plein fouet les conséquences des mesures coercitives unilatérales, à être en mesure de porter plainte.  Les mécanismes existants d'indemnisation sont rares, tout autant que les possibilités d'obtenir des dédommagements.  Le Nigéria a à son tour appuyé la proposition de créer un registre central qui reprendrait l'ensemble des mesures coercitives unilatérales, ainsi que la mise sur pied d'une commission d'indemnisation sous l'égide du Conseil de sécurité.  Rappelant que  les mesures coercitives unilatérales étaient contraires à la Charte des Nations Unies, l'État plurinational de Bolivie a fait valoir qu'aucune sanction n'est prévue contre ce type de mesures et qu'il est nécessaire de créer un mécanisme de recours approprié. 

La Namibie a souligné que depuis de nombreuses années, de nombreuses résolutions condamnent les mesures coercitives unilatérales; aussi, le pays appuie-t-il la recommandation visant la création d'un registre central renforcé.  Le Nicaragua a lui aussi condamné l'atteinte aux droits des peuples que constituent les mesures coercitives unilatérales.  Sa délégation juge même déplorable que les pays qui s'érigent en défenseurs des droits de l'homme n'hésitent pas à appliquer de telles mesures.  Pour ces raisons, le Nicaragua appuie les mécanismes de reddition de comptes, de recours et de réparations. 

Parmi les organisations non gouvernementales à s'exprimer sur cette question, American Association of Jurists a appuyé l'idée selon laquelle les États et les individus doivent avoir accès à certains recours lorsqu'ils sont victimes de mesures coercitives unilatérales. 

L'Organization for Defending Victims of Violence a dénoncé les effets pervers des mesures coercitives unilatérales sur la population syrienne, ainsi que la destruction de biens et d'infrastructures vitaux au Yémen.  Dans ces deux pays, les mesures coercitives unilatérales constituent des punitions collectives au regard du droit international, a déclaré l'ONG.

Iuventum a énuméré les nombreux problèmes engendrés par les mesures coercitives unilatérales et dit appuyer les recommandations de l'Expert indépendant s'agissant de la protection des populations contre leurs effets pervers.

La Fundación Latinoamericana por los Derechos Humanos y el Desarrollo Social a dénoncé la complicité des tribunaux dans la recherche effrénée de gains par les sociétés transnationales.  La Fondation a salué au contraire les efforts du Gouvernement du Venezuela en faveur des droits de l'homme.  Elle a demandé à  M. Jazaïry de se pencher sur le blocus illégal imposé au Venezuela.

Le Pakistan, au nom de l'Organisation de la coopération islamique, a pris bonne note des recommandations aux États s'agissant de l'adoption d'un instrument juridique contraignant relatif à l'instauration d'un ordre international démocratique et équitable

Les Maldives ont défendu les principes de l'État de droit et de la démocratie, se félicitant entre autres des mesures prises au sein de l'Organisation mondiale du commerce pour mieux tenir compte des besoins des petits États, même s'il demeure un risque de comportements prédateurs contre les intérêts des États les plus faibles. 

L'Équateur a salué l'étude de l'Expert indépendant qui montre très clairement les déséquilibres engendrés par certains types d'investissements dans les pays en développement, au profit de grands projets et au détriment des investissements dans les services de base et la protection de l'environnement.  L'Équateur demande au Conseil de se pencher sur le problème de l'évasion fiscale internationale.

La Libye a relevé l'importance d'encadrer le comportement des multinationales par des règlements fondés sur les droits de l'homme.  Elle a demandé à l'Organisation mondiale du commerce de coopérer davantage avec l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) et avec le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme.

Le Pakistan a insisté sur la nécessité d'un ordre mondial démocratique qui prenne en compte le droit au développement. 

Cuba a expliqué qu'il était nécessaire d'insérer des obligations contraignantes pour les entreprises concernant les droits de l'homme.  Les risques pour les  droits de l'homme doivent être étudiés lors de tout processus visant à l'élaboration d'un traité commercial. 

La Sierra Leone, a expliqué que les accords commerciaux ne couvraient pas les droits de l'homme en général.  L'agriculture est un exemple clé à ce propos.  Les pays riches pratiquent une concurrence déloyale au détriment des populations les plus pauvres.  Les États gagneraient à être plus vigilants concernant le principe «de ne pas nuire». 

La Fédération de Russie a expliqué qu'il était inacceptable d'utiliser la question de droits de l'homme pour permettre une concurrence déloyale entre les pays. 

L'Algérie a rappelé que l'Expert indépendant avait souligné l'obligation pour les États de ne pas conclure des accords commerciaux ou d'investissements susceptibles de retarder, de contourner, de compromettre ou de rendre impossible l'exécution des obligations des traités internationaux.  L'Algérie a demandé quelles étaient les démarches à suivre et les moyens que l'Expert pourrait recommander aux populations afin de remettre en cause des accords commerciaux qui ne respectent pas les droits légitimes des personnes.

Le Venezuela a expliqué que le régime d'investissement international n'est pas compatible avec les droits de l'homme.  Il est impossible d'aboutir à un ordre international équitable lorsque perdure un système inéquitable et inhumain.  Le Venezuela est pour un cadre international contraignant qui permette un ordre social démocratique et équitable dans lequel les normes démocratiques soient respectées. 

L'Inde a jugé «anormale» la concurrence institutionnelle qui oppose les Nations Unies à d'autres acteurs internationaux, dont l'Organisation mondiale du Commerce (OMC) dans la  promotion des objectifs de développement durables.  Au lieu de cette concurrence, il faudrait une meilleure coordination mondiale, dans le plein respect des priorités et spécificités nationales, a plaidé le représentant, rejoint en cela par la Chine.  Le Maroc partage pour sa part l'avis de M. De Zayas selon lequel la bonne volonté des États membres à l'OMC est un point de départ pour la réalisation des objectifs communs de solidarité internationale.  Les échanges commerciaux doivent être régis par des accords équitables et des règles applicables à tous sans distinction aucune.  La délégation aimerait donc savoir comment la proposition de l'Expert indépendant sur une plus grande intégration des valeurs des droits de l'homme au sein de l'OMC pourrait se dérouler et avec quel ordre de priorités. 

L'Égypte demande de son côté que les règles de l'OMC sur le commerce et les tarifs laissent aux pays en développement une plus grande marge de manœuvre dans l'élaboration des mesures nécessaires à leur développement économique et social.  C'est pour cela que la délégation réitère que toute tentative d'aborder les effets négatifs des accords commerciaux, qui ne tiendrait pas compte des déséquilibres existants dans les structures économiques et financières mondiales, serait incomplète si elle n'aborde pas également la question des réformes de ces structures, avec pour objectif avoué celui d'une représentation équitable des pays en développement dans les processus de décisions. 

La République islamique d'Iran a mis l'accent sur la nécessité d'une réflexion axée sur les répercussions négatives des accords commerciaux sur les droits de l'homme.  Le Nigéria a reconnu, quant à lui, que les accords conclus par des partenaires qui ne sont pas sur un pied d'égalité favorisent le non-respect des droits de l'homme.  Ce pays a exprimé sa préoccupation face à certaines activités de sociétés multinationales qui s'immiscent dans les affaires des États.  Pour l'État plurinational de Bolivie, un ordre économique équitable ne peut être réalisé par une dérégulation du commerce et des échanges.  Le système international actuel favorise l'enrichissement de quelques-uns au détriment de la protection des populations.  Ce système est déséquilibré et a  provoqué de graves conflits.  Partant, les investissements étrangers doivent respecter les droits de l'homme et veiller à la protection de la santé.  Dans cette logique, il est essentiel de mettre en place un traité contraignant sur la responsabilité des entreprises internationales dans le domaine des droits de l'homme, a conclu la Bolivie.  Le Bangladesh a insisté sur la nécessité de veiller à ce que les accords applicables aux échanges régionaux permettent la jouissance des droits de l'homme; il convient dans ce contexte de remédier aux conséquences négatives des investissements.  A cet égard, le pays a préconisé des réformes démocratiques dans le système de gouvernance internationale et a plaidé pour une croissance économique favorable aux pauvres. 

La Tunisie a plaidé pour une approche multilatérale et conjointe, car aucun pays ne peut faire comme s'il était seul au monde; par conséquent, la participation et la collaboration des États, quel que soit leur niveau de développement, est primordiale.

La Namibie qui n'est partie à aucun accord d'investissement bilatéral, entend continuer à examiner les effets de ces accords sur les droits de l'homme, compte tenu de l'expérience de certains autres pays.  Le Ghana appelle pour sa part à mener des études sur les effets délétères de ces accords sur les droits de l'homme et demande aux parlements nationaux de ne pas adopter de tels traités bilatéraux dès lors qu'ils empiètent sur les droits de l'homme.

Parmi les organisations non gouvernementales qui se sont exprimées sur cette question, Centre Europe Tiers-monde observe que les accords transnationaux sont devenus un outil et même une arme pour imposer une suprématie économique sur les pays les plus pauvres.  Ces accords créent un déséquilibre normatif auquel il est urgent de remédier.  Il faut que ces entreprises soient tenues responsables des violations des droits de l'homme qu'elles commettent.   À l'instar de l'Association américaine de juristes, l'ONG a plaidé pour un instrument international juridiquement contraignant concernant les activités des entreprises transnationales.  Pour le droit à se nourrir - FIAN a soulignéque les États ont l'obligation de réfléchir aux effets délétères des accords qu'ils passent avec d'autres, de même que la responsabilité transnationale doit être mise en œuvre.   La Fédération internationale islamique d'organisations d'étudiants a déclaré que les droits des populations du Jammu-Cachemire sont bafoués par le biais de tels accords commerciaux.   International Muslim Women's Union a invité la communauté internationale à prêter attention à la situation des droits de l'homme au Cachemire, une région qui traverse une véritable crise humanitaire.  Sa population vit sous couvre-feu et est privée de ses droits fondamentaux.

Alliance Defending Freedom  a déclaré que les États devraient donner plus de pouvoir aux familles, ainsi que le préconise le rapport de M. de Zayas.  Les familles devraient en particulier être en mesure de résister aux mesures et pressions qui, associées à des mesures d'aide, visent à imposer des valeurs étrangères.  International Association of Democratic Lawyers a déploré l'impunité dont jouissent les sociétés transnationales depuis plusieurs décennies.  L'association a plaidé pour l'adoption d'un traité sur la responsabilité des entreprises. 

La Commission arabe pour les droits de l'homme, au nom également du CIRID (Centre Indépendent de Recherches et d'Initiatives pour le Dialogue) s'est félicitée des recommandations relatives à la lutte contre la corruption des gouvernements par des entreprises transnationales.  La Commission a dénoncé les sanctions collectives chroniques imposées au peuple palestinien, demandant à M. de Zayas quelles mesures de protection il préconise en leur faveur.

International-Lawyers.Org a soutenu les propositions relatives au dédommagement des personnes victimes des mesures coercitives unilatérales.  Elle a salué la suspension par l'Union européenne des négociations sur le traité de commerce transatlantique, vu les violations des droits de l'homme potentielles qu'il pourrait susciter pour les citoyens européens.

Le Conseil international pour le soutien à des procès équitables et aux droits de l'homme a souligné que l'instauration d'un ordre international équitable sera impossible faute de coopération internationale.  L'organisation a salué la volonté affichée du Gouvernement de Bahreïn de donner suite aux recommandations formulées lors de l'examen périodique universel de ce pays. 

L'Organisation internationale pour l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale a condamné les pertes sociales et les dommages humains et environnementaux irréparables engendrés par les accords commerciaux.  Il a invité l'Expert indépendant à préciser la doctrine à ce propos et a invité les États à offrir des sauvegardes environnementales suffisantes.

Khiam Rehabilitation Center for Victims of Torture a dénoncé les persécutions de responsables religieux chiites à Bahreïn et a plaidé pour la recherche, avec l'aide de la communauté internationale, de solutions pacifiques aux demandes formulées par le peuple de ce pays. 

Réponses et conclusion des titulaires de mandats

M. DE ZAYAS a dit avoir constaté, au fil de ses travaux, que les entreprises ne sont pas toujours conscientes des enjeux de droits de l'homme.  Il est indispensable de faire connaître les obligations des États, voire de solliciter les avis de la Cour internationale de justice dans les situations où les traités commerciaux risquent de compromettre la jouissance des droits de l'homme. 

Dans la mesure où les traités contredisent le principe de souveraineté des États, ou toute autre disposition de la Charte, ils doivent être révisés, a en outre estimé l'Expert.  Les parlements peuvent à cet égard user de leur pouvoir de contrôle pour refuser de ratifier des traités qui ne respectent pas suffisamment les droits de l'homme.  Certaines entreprises sont responsables de violence à l'encontre des militants pour l'environnement, par exemple.  Des dirigeants d'entreprises allemandes ayant collaboré avec les nazis ont été poursuivis au procès de Nuremberg, a rappelé l'Expert.  Un traité international permettrait au moins d'instaurer un processus démocratique pour aider les peuples à obtenir réparation suite à des violation de leurs droits. 

M. De Zayas a d'autre part indiqué que le problème de l'évasion fiscale internationale, soulevé par l'Équateur, est traité dans son rapport à l'Assemblée générale. 

L'Expert indépendant a ensuite jugé intolérable que des entreprises privées empiètent sur la responsabilité des États d'agir dans l'intérêt du public.  Les États doivent pouvoir agir dans le domaine de l'éducation, par exemple, sans crainte d'être traînés devant les tribunaux.  Il s'agit là d'une exigence de base de l'état de droit, tel que défini par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques. 

L'Assemblée générale peut demander à la Cour de justice internationale de formuler des avis consultatifs, a en outre rappelé l'Expert indépendant: il serait bon que des États en fassent la demande à la prochaine session, a-t-il ajouté.

L'Expert indépendant a d'autre part estimé que tout exercice de pouvoir politique ou économique devrait faire l'objet d'un contrôle juridique.  Les dirigeants devraient, au besoin, être tenus pour personnellement responsables des violations des droits de l'homme de leurs entreprises.  L'Expert indépendant a espéré que la Conférence des Nations Unies pour le commerce et le développement procéderait bientôt à une révision du cadre régissant les investissements internationaux et leurs effets sur les droits de l'homme. 

Prévention, réduction, réparation: telle est, en trois mots, la démarche à adopter face aux mesures coercitives unilatérales, a pour sa part résumé M. JAZAÏRY, avant de défendre, dans ce contexte, le principe de transparence.  Actuellement, on ne sait pas au juste qui applique quelles mesures coercitives, a-t-il constaté; la création d'un «registre clair et transparent» s'impose donc, a-t-il souligné.  Il a  jugé qu'un tel registre serait utile non seulement pour les États mais aussi pour les entreprises elles-mêmes, afin qu'elles sachent ce qu'elles peuvent faire ou non. 

S'agissant de la réduction, le Rapporteur spécial peut essayer de jouer un rôle d'intermédiaire entre les pays cibles et les pays sources, a poursuivi M. Jazaïry.  Le Rapporteur spécial a suggéré d'examiner la question des mesures coercitives unilatérales pendant l'Examen périodique universel.  Au plan institutionnel, il sera peut-être difficile d'adopter un traité, qui implique un accord entre pays sources et pays cibles, a-t-il fait observer.  Les pays sources devraient être encouragés à participer à un dialogue amical pour protéger les droits des personnes les plus vulnérables; ces pays ne se rendent peut-être pas toujours compte des effets collatéraux néfastes de leurs mesures coercitives unilatérales, a-t-il souligné.

Le Rapporteur spécial a ensuite assuré n'avoir d'autre intention que d'améliorer la situation des personnes qui sont les victimes des mesures coercitives unilatérales.  Il a notamment rappelé que le blocus imposé par Israël sur Gaza, depuis 2007, avait été défini par le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme dans les territoires palestiniens occupés comme une sanction collective contraire aux dispositions des Conventions de Genève concernant le traitement des civils. 

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* Les délégations suivantes ont pris la parole dans le cadre du débat interactif: Pakistan (au nom de l'Organisation de la coopération islamique et en son nom propre, Soudan (au nom du Groupe arabe), Afrique du Sud (au nom du Groupe africain), République islamique d'Iran (au nom du Mouvement des Non-alignés et en son nom propre), Fidji, Pakistan, Cuba, Sierra Leone, Fédération de Russie, République arabe syrienne, Algérie, Venezuela, Chine, Égypte, Émirats arabe unis, Bélarus, Nigéria, État plurinational de Bolivie, Namibie, Nicaragua, Maldives, Équateur, Libye, Cuba, Sierra Leone, Fédération de Russie, Algérie, Venezuela, Inde, Bangladesh, Tunisie, Ghana.

** Les organisations non gouvernementales suivantes ont pris la parole dans le cadre du débat interactif: Association américaine de juristes; Centre Europe - Tiers Monde; Fédération internationale islamique d'organisations d'étudiants; Pour le droit à se nourrir - FIAN; Alliance Defending Freedom; International Association of Democratic Lawyers; Commission arabe des droits de l'homme (au nom également du CIRID -Centre Indépendent de Recherches et d'Initiatives pour le Dialogue); International-Lawyers.Org; Organisation internationale pour l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale; Khiam Rehabilitation Center for Victims of Torture; Organization for Defending Victims of Violence; Iuventum; Conseil international pour le soutien à des procès équitables et aux droits de l'homme; International Muslim Women's Union; et Fundación Latinoamericana por los Derechos Humanos y el Desarrollo Social.

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