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Communiqués de presse Organes conventionnels

Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels ouvre les travaux de sa cinquante-huitième session

07 Juin 2016

Comité des droits économiques,
sociaux et culturels

6 juin 2016

Il auditionne des représentants de la société civile concernant les situations en France, en Suède, au Honduras et au Burkina Faso

Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a entamé, ce matin, les travaux de sa cinquante-huitième session en adoptant son ordre du jour et son programme de travail et en entendant une déclaration de Mme Carla Edelenbos, Directrice de la Section des pétitions et des enquêtes au Haut-Commissariat aux droits de l'homme.  Le Comité a ensuite auditionné des représentants de la société civile concernant l'application du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels en France, en Suède, au Honduras et au Burkina Faso – les rapports de ces quatre pays devant en effet être examinés cette semaine. 

Dans sa déclaration d'ouverture, Mme Edelenbos s'est félicitée que le cinquantième anniversaire des deux Pactes internationaux relatifs, l'un, aux droits économiques, sociaux et culturels et, l'autre, aux droits civils et politiques, fournisse l'occasion d'une réunion conjointe des deux Comités chargés de leur application.  Lorsque l'on observe les travaux du Comité des droits économiques, sociaux et culturels et ceux du Comité des droits de l'homme, on constate le lien intrinsèque entre les deux Pactes, a-t-elle relevé.  Selon elle, des indices en provenance des juridictions nationales montrent toutefois que les droits économiques, sociaux et culturels ne bénéficient pas d'une pleine reconnaissance en tant que droits de l'homme.  C'est la raison pour laquelle le Haut-Commissariat continuera de soutenir la ratification du Protocole facultatif au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels par des actions de sensibilisation et par une assistance aux États qui le demandent.

Auditionnant la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH) de la France au sujet de l'application du Pacte dans ce pays, le Comité s'est vu attirer l'attention sur le hiatus existant entre une législation globalement adéquate et sa mise en œuvre.  La CNCDH a déploré la persistance de discriminations en matière d'accès au logement et à l'éducation, s'agissant en particulier des populations roms.  S'agissant aussi de la France, la Confédération générale du travail (CGT) a dénoncé «la criminalisation de l'action syndicale, en recrudescence depuis près de dix ans» dans le pays.  La CGT a par ailleurs rappelé qu'une réforme du droit du travail, dite «loi El Khomri», faisait l'objet d'une vive contestation en France et a indiqué que ce texte de loi, «dont la majorité écrasante de Français ne veut pas», n'a d'autre effet que de tirer les salaires vers le bas.  Cette loi «revient en effet à mettre fin à des droits obtenus après plus de cent ans de bataille, en 1936», a insisté la CGT.  Plusieurs ONG se sont en outre exprimées pour déplorer l'absence de priorité accordée à l'encouragement de l'allaitement maternel; critiquer la discrimination linguistique au détriment des langues régionales; et dénoncer les livraisons d'armes effectuées par la France – ainsi d'ailleurs que par la Suède - à la coalition arabe dirigée par l'Arabie saoudite au Yémen. 

S'agissant précisément de la Suède, une ONG a relevé que les investissements des fonds de pension à l'étranger pouvaient s'avérer néfastes pour les populations locales.  L'attention a en outre été attirée sur la discrimination qui existe dans le pays à l'égard des Roms et du peuple sami. 

En ce qui concerne le Honduras, il a notamment été rappelé que ce pays est celui ayant le plus haut niveau d'inégalités et de pauvreté en Amérique latine.  Des inquiétudes ont par ailleurs été exprimées au sujet de la situation des défenseurs des droits économiques, sociaux et culturels au Honduras – situation qualifiée de «chronique d'une mort annoncée» par une ONG. 

Enfin, une ONG a mis en cause la loi foncière du Burkina Faso, qui favoriserait l'industrie agroalimentaire au détriment des exploitations familiales.

 

Cet après-midi, à 15 heures, le Comité entamera l'examen du rapport de la France.

 

Déclaration d'ouverture

MME CARLA EDELENBOS, Directrice de la Section des pétitions et des enquêtes au Haut-Commissariat aux droits de l'homme, s'est félicitée du fait que le cinquantième anniversaire des deux instruments majeurs en matière de droits fondamentaux que constituent le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques fournisse l'occasion d'une réunion conjointe des deux Comités chargés de leur application.  Lorsque l'on observe les travaux du Comité des droits économiques, sociaux et culturels et ceux du Comité des droits de l'homme, on constate le lien intrinsèque entre les deux Pactes, a-t-elle relevé.  Ce lien constitue aussi un rappel de l'indivisibilité et de l'interdépendance de tous les droits humains, un rappel qu'il convient de faire régulièrement, a-t-elle insisté.  En effet, alors que l'entrée en vigueur du Protocole facultatif au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels a contribué de manière significative à ce rappel, des indices en provenance des juridictions nationales montrent que les droits économiques, sociaux et culturels ne bénéficient pas d'une pleine reconnaissance en tant que droits de l'homme.  C'est la raison pour laquelle le Haut-Commissariat continuera de soutenir la ratification du Protocole facultatif, par des actions de sensibilisation et par une assistance aux États qui le demandent.  Mme Edelenbos a fait part de sa satisfaction du fait que le nombre de communications (plaintes soumises au titre du Protocole) ait plus que doublé au cours de l'année écoulée, passant de trois en 2014 à huit aujourd'hui.

Par ailleurs, Mme Edelenbos a rappelé l'Initiative pour le changement (Change Initiative) lancée par le Haut-Commissaire aux droits de l'homme en 2014, qui a donné lieu à une restructuration du Haut-Commissariat afin, notamment, d'améliorer le soutien apporté aux travaux des organes conventionnels.  Elle s'est dit convaincue que cette réorganisation contribuerait à renforcer le soutien aux organes conventionnels au cours du processus conduisant à la réforme du système envisagée pour 2020 par l'Assemblée générale de l'ONU.

Audition de la société civile au sujet des rapports examinés cette semaine

S'agissant de la France

La Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH) de la France a abordé les problèmes d'entraves à la jouissance des droits, en prenant l'exemple de l'accès au logement.  La CNCDH constate en effet un fossé parfois immense en France entre les droits formels, théoriques, et l'accès à ces droits.  Si le cadre juridique français est souvent satisfaisant, «nous déplorons cependant l'existence d'obstacles législatifs ou d'entraves tenant aux pratiques administratives ou aux délais de procédure qui conduisent les bénéficiaires de ces droits à renoncer à en obtenir la jouissance», a-t-elle expliqué.  L'une des entraves les plus importantes à la jouissance effective des droits tient au fait d'imposer aux bénéficiaire de déclarer une adresse stable, une domiciliation, condition érigée en prérequis pour l'exercice de nombreux droits.  «Le mal logement exclut de fait les plus pauvres de bon nombre de dispositifs, alors même que ce sont eux qui en ont le plus besoin», a-t-elle observé, renvoyant plus particulièrement à la situation des populations roms et des gens du voyage. 

Par ailleurs, la Commission note que les pratiques administratives et les discours politiques se révèlent parfois discriminants à l'égard des pauvres, comme cela est le cas lorsqu'un maire préfère payer une amende plutôt que de construire des logements sociaux, estimant ainsi protéger sa commune alors que les pauvres sont perçus comme une source d'insécurité.  La CNCDH s'est toutefois réjouie de l'existence d'une proposition de loi visant à intégrer au Code pénal l'interdiction de la discrimination au motif de la précarité sociale. 

La CNCDH a aussi évoqué le droit à l'éducation, rappelant qu'elle dénonçait régulièrement les problèmes d'exclusion scolaire des enfants roms allophones ou nouvellement arrivés dans des bidonvilles.  Elle a cité «les demandes exorbitantes de documents de la part des mairies et les refus d'inscription scolaire, au motif de l'instabilité de domiciliation».  Concernant les droits des personnes handicapées, la Commission s'est dite inquiète d'un manque de volonté politique pour développer une conception du handicap qui soit en phase avec la Convention relative aux droits des personnes handicapées.  D'une manière générale, la France «doit cesser d'organiser une situation que le Premier Ministre qualifie d'apartheid territorial, social, ethnique».  Or, malgré ce diagnostic, les organisations de la société civile alertent sur les stigmatisations croissantes et la défiance à l'égard de certaines catégories de la population, a relevé la Commission.

Enfin, tout en saluant enfin le Plan de lutte contre la traite des êtres humains (2014), la Commission déplore que sa mise en œuvre demeure loin d'être effective.  De plus en plus de victimes n'ont pas accès à un hébergement sécurisé; quant au financement de cette politique de lutte contre la traite, le Plan prévoyait la mise en place d'un fonds qui n'a toujours pas vu le jour.  Alors que le pays est divisé par une importante contestation sociale, il convient d'appeler la France à se doter d'une plus grande ambition car elle a les moyens de donner corps et vie aux droits consacrés par le Pacte, a conclu la CNCDH.

The Global Initiative for Economic, Social and Cultural Rights s'est exprimée sur le financement des initiatives françaises dans le domaine de l'éducation en Haïti, déplorant une approche à courte vue qui va dans le sens de la privatisation du secteur à long terme.  Les écoles publiques sont affectées de manière négative par cette politique. 

Women's International League for Peace and Freedom (WILPF) a dénoncé les exportations d'armes par la France et la Suède à destination des membres de la coalition arabe dirigée par l'Arabie saoudite au Yémen.  Cette coalition utilise des munitions explosives dans des zones peuplées et la France et la Suède contribuent donc à ces violations des droits de l'homme de par leurs livraisons d'armes. 

International Baby Food Action Network a déclaré que l'allaitement maternel était essentiel, non seulement pour assurer la survie de l'enfant, mais aussi pour renforcer ses défenses immunitaires, tout en évitant l'obésité.  L'ONG a rappelé que les États avaient l'obligation de soutenir l'allaitement maternel et a déploré que la France promeuve très peu cette pratique.  Les dix semaines de congé maternité sont insuffisantes (pour permettre un allaitement maternel adéquat) et la législation ne permet pas de pause rémunérée pour l'allaitement, a souligné l'ONG.

La Confédération générale du travail (CGT) a dénoncé «la criminalisation de l'action syndicale, en recrudescence depuis près de dix ans» en France.  Celle-ci a pris un tour inacceptable cette année avec la condamnation à de lourdes peines de plusieurs syndicalistes issus de la première centrale syndicale du pays.  La CGT a condamné les atteintes au droit de manifester, à la diffusion d'informations syndicales ou encore au droit de grève.  Elle a par ailleurs rappelé qu'une réforme du droit du travail, dite «loi El Khomri», faisait l'objet d'une vive contestation en France et a indiqué que ce texte de loi, «dont la majorité écrasante de Français ne veut pas», n'a d'autre effet que de tirer les salaires vers le bas.  Cette loi «revient en effet à mettre fin à des droits obtenus après plus de cent ans de bataille, en 1936», a insisté la CGT.  

European Language Equality Network, réseau européen pour l'égalité des langues, a dénoncé la discrimination linguistique existant en France au détriment des langues régionales.  L'ONG a notamment attiré l'attention sur les obstacles mis au développement des écoles associatives immersives en langues régionales, en dépit de la reconnaissance officielle de ces idiomes.  Les six langues régionales existantes en métropole doivent se partager 300 heures annuelles, seulement, d'émission dans les médias.  La situation est pire encore dans les territoires d'outre-mer où le système éducatif ne tient absolument pas compte de la langue et de la culture des populations.

Dans le cadre du dialogue qui s'est noué à l'issue de ces déclarations, un membre du Comité s'est enquis de ce que faisait l'État français face aux entraves volontaires à la scolarisation des enfants.  Un expert a souhaité connaître la position de la CNCDH au sujet de l'éventuelle collecte de statistiques ethniques.  Un autre expert a souligné que l'absence de statistiques ethniques rendait effectivement très difficile l'établissement d'un diagnostic sur les racines des maux, sur les causes des discriminations. 

La CNCDH a indiqué être opposée au recueil de données ethniques, tout en étant favorable à la prise en compte d'informations telles que le lieu de naissance des parents, par exemple.  Elle a en outre rappelé qu'elle avait dénoncé les dérives de l'état d'urgence, s'agissant notamment de l'obligation faite à certaines personnes de pointer plusieurs fois par jour au commissariat.  L'accusation selon laquelle les pauvres profiteraient du système s'avère fallacieuse lorsque l'on constate qu'un demi-million de personnes seulement bénéficient d'aides au logement, alors que le pays compte 3,5 millions de mal logés.  Le droit pénal ne permet pas en l'état de s'attaquer aux discriminations multiples, a par ailleurs fait observer la CNCDH. 

La CGT a quant à elle souligné que 90% des nouveaux emplois offerts étaient des emplois précaires.  Elle a estimé nécessaire de la part des pouvoirs publics de mettre un terme à la délégitimation des organisations syndicales et d'opter pour le dialogue. 

S'agissant de la Suède

Swedish Foundation for Human Rights a souligné que les droits économiques, sociaux et culturels ne bénéficiaient pas de la même protection que les droits civils et politiques, de sorte qu'il est difficile d'invoquer ces droits devant les tribunaux.  Il est par conséquent essentiel que la Suède incorpore le Pacte et son Protocole facultatif dans sa législation interne.  L'ONG a en outre attiré l'attention sur la discrimination qui existe dans le pays à l'égard des Roms et du peuple sami.  Elle a en outre fait part de sa préoccupation face aux coupes opérées dans les budgets de l'assistance personnelle aux personnes handicapées.

FIAN Sweden a dénoncé le fait que les fonds de pension suédois continuaient d'investir dans des domaines ayant des retombées négatives sur des droits tels que le droit à une alimentation saine.  L'ONG a jugé indispensable la création d'un mécanisme indépendant de surveillance des fonds de pension, afin d'assurer le respect des principes de transparence, d'inclusion, de participation et de non-discrimination. 

En réponse à une demande de précision d'un membre du Comité quant au type d'investissements visés, FIAN Sweden a cité les activités d'une mine d'or au Guatemala qui ont des retombées négatives en termes d'accès à l'eau, notamment.

S'agissant du Honduras

La Plateforme EPU a souligné que les ONG qu'elle représente n'avaient pas participé à l'élaboration du rapport du Honduras.  Elle a rappelé que ce pays était celui ayant le plus haut niveau d'inégalités et de pauvreté en Amérique latine.  Les mesures prises ces dernières années par l'État pour lutter contre le chômage n'ont pas permis d'assurer une stabilité pour les travailleurs, favorisant plutôt les emplois temporaires, a poursuivi la Plateforme.  Par ailleurs, la politique économique et le modèle de développement «extractiviste» actuellement suivis par le pays favorisent l'appropriation de terres et de territoires appartenant aux communauté paysannes et autochtones.  La Plateforme rappelle en outre que le Honduras est l'un des pays les plus dangereux du monde pour les défenseurs des droits de l'homme.  Enfin, les ONG honduriennes dénoncent l'absence d'égalité entre les sexes, illustrée par une violence systématique et structurelle.  Entre 2003 et 2015, plus de 5000 femmes sont mortes de manière violente, tandis que plusieurs centaines disparaissent chaque année.  La Plateforme EPU a également dénoncé la discrimination dont sont victimes les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexuées et a estimé nécessaire la ratification du Protocole facultatif à la Convention.

La Plateforme internationale contre l'impunité s'est inquiétée de la situation des défenseurs des droits économiques, sociaux et culturels au Honduras, qu'elle a qualifiée de «chronique d'une mort annoncée».  Elle a mentionné 16 cas d'assassinats de tels militants depuis 2001, dont celui de la militante internationalement connue Berta Cáceres.   

Dans le cadre du dialogue qui a suivi ces déclarations, plusieurs experts sont revenus sur les atteintes aux droits fondamentaux au Honduras, les ONG évoquant plus particulièrement l'assassinat de Berta Cáceres et indiquant que des actions seraient menées devant les ambassades honduriennes afin de réclamer que justice soit faite en commençant par donner aux avocats accès au dossier. 

S'agissant du Burkina Faso

FIAN-Burkina Faso pour le droit à une alimentation adéquate a estimé que le droit d'accès à la terre des producteurs familiaux avait été fragilisé par les effets pervers d'une loi de 2009 sur le foncier rural.  Dans les faits, ce texte a accéléré le phénomène d'accaparement des terres par des acteurs non agricoles au détriment des petits producteurs familiaux, a expliqué l'ONG.  Ce phénomène est aggravé par la démultiplication des sites miniers qui occupent de plus en plus d'espaces agricoles.  En outre, le droit à l'alimentation n'est pas expressément consacré dans la Constitution , ni dans aucun autre texte législatif ou réglementaire, a relevé l'ONG. 

Dans le cadre du dialogue qui a suivi cette présentation, FIAN-Burkina Faso a - en réponse à un membre du Comité – fourni des précisions sur la teneur de la loi foncière en vigueur dans le pays et a évoqué plus particulièrement les zones du territoire échappant à la réglementation de l'État. 

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Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

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