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Communiqués de presse Conseil des droits de l’homme

Le Conseil des droits de l'homme se penche sur la question de la bonne gestion des rassemblements

Le Conseil se penche sur la question de la bonne gestion des rassemblements

09 Mars 2016

APRES MIDI

Il examine un rapport conjoint sur la question présenté par les Rapporteurs spéciaux sur le droit de réunion pacifique et sur les exécutions extrajudiciaires

GENEVE (9 mars 2016) - Le Conseil des droits de l'homme a tenu, cet après-midi, un débat interactif avec le Rapporteur spécial sur le droit de réunion pacifique et la liberté d'association, M.  Maina Kiai, et avec le Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, M.  Christof Heyns, qui ont présenté leur rapport conjoint contenant, à l'intention des gouvernements, des recommandations pratiques sur la manière de bien gérer les rassemblements et les réunions publiques.

Présentant ce rapport, M.  Kiai a souligné l'importance de bien comprendre quelles normes du droit international des droits de l'homme s'appliquent aux réunions et assemblées.  Le rapport montre qu'une bonne gestion des rassemblements suppose la protection et la jouissance de nombreux droits par toutes les parties concernées.  Les coauteurs du rapport estiment, à cet égard, que même si des participants à un rassemblement ne se comportent pas de manière pacifique – perdant ainsi leurs prérogatives au titre du droit de réunion pacifique – ils n'en conservent pas moins leurs autres droits fondamentaux.  M.  Heyns a quant à lui souligné que le recours à la force contre des manifestants doit toujours être proportionné et strictement nécessaire.  Dans ce contexte, il est nécessaire que les États fournissent aux forces de l'ordre les équipements, l'entraînement et les instructions adaptés.  La collecte d'informations personnelles à l'occasion d'une réunion, via des systèmes de surveillance ou le recours à des agents infiltrés, ne doit pas interférer de manière illégale avec le droit à la vie privée et d'autres droits.  Enfin, les États ont l'obligation d'accorder rapidement des réparations adéquates à ceux dont les droits ont été bafoués dans le contexte d'un rassemblement.  Dans cette optique, les Rapporteurs spéciaux proposent la création de mécanismes indépendants de suivi non judiciaire. 

De nombreuses délégations* ont pris part au débat qui a suivi la présentation de ce rapport conjoint.  Nombre d'entre elles ont fait observer que l'exercice du droit à la liberté de réunion exige la considération des intérêts légitimes de toutes les parties impliquées, y compris ceux des autorités.  L'exercice des droits entraîne des responsabilités, ont répété de nombreux intervenants, pour lesquels le droit au rassemblement ne dispense pas les citoyens de respecter la loi.  D'autres délégations ont préféré souligner que le droit de réunion et d'association pacifiques n'est pas un privilège mais un droit qui, de plus, contribue à la vie démocratique: ce droit ne devrait donc pas être considéré comme une menace.  Au cours du débat, a également été soulevée la question de la liberté de rassemblement pacifique en ligne.  Dans des remarques de conclusion, M.  Heyns a estimé que les forces armées ne devraient pas être mobilisées dans le cadre de rassemblements: elles ne sont pas formées à l'action dans ce type de contextes. 

En fin de séance, la Fédération de Russie et l'Éthiopie ont exercé leur droit de réponse.

Demain à partir de 9 heures, le Conseil tiendra ses dialogues interactifs croisés avec le Rapporteur spécial sur la promotion et la protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste et avec la Rapporteuse spéciale dans le domaine des droits culturels.

Toute la documentation relative à la présente session du Conseil peut être consultée sur la page web dédiée du site internet du Haut-Commissariat aux droits de l'homme. 

Promotion et protection de tous les droits de l'homme dans le contexte de manifestations pacifiques

Le Conseil des droits de l'homme est saisi d'un rapport conjoint du Rapporteur spécial sur le droit de réunion pacifique et la liberté d'association et du Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, dans lequel figure un ensemble de recommandations pratiques pour la bonne gestion des rassemblements qui s'appuie sur les meilleures pratiques et les enseignements à retenir (A/HRC/31/66, à paraître en français).

Présentation du rapport

M.  MAINA KIAI, Rapporteur spécial sur le droit de réunion pacifique et la liberté d'association, a présenté la première partie du rapport conjoint en rappelant que les réunions et assemblées, sous diverses formes, jouaient un rôle prééminent dans le monde.  Il est donc essentiel de comprendre clairement le droit international des droits de l'homme et les normes qui leur sont applicables, ainsi que les leçons apprises sur la base des « bonnes pratiques» de gestion de ces rassemblements.  Le rapport fait suite à toute une série de consultations qui ont rassemblé plus de 90 experts et 54 États.  Il présente des recommandations concrètes sur la base des informations reçues.  Ce processus doit être l'occasion d'examiner l'ensemble des droits concernés par les rassemblements et de mettre en évidence la nécessité de nouvelles orientations. 

Les recommandations sont organisées en fonction de dix principes fondamentaux.  Le rapport affirme ainsi que la réunion est un élément vital du développement personnel et social, de l'expression d'idées et de la participation active à la citoyenneté.  Une bonne gestion des rassemblements suppose la protection et la jouissance de nombreux droits par toutes les parties concernées.  Même si les participants à un rassemblement ne se comportent pas de manière pacifique et perdent ainsi leurs prérogatives au titre du droit de réunion pacifique, ils conservent leurs autres droits.  De ce fait, aucune réunion ne peut être considérée comme « non protégée». 

M.  Kiai a rappelé que les réunions pacifiques sont un droit et non un privilège.  Les États doivent respecter ces réunions et protéger les droits de toutes les personnes assemblées.  La liberté d'organiser ces manifestations et d'y participer doit être garantie à tous: individus, associations, groupes non enregistrés, et autres.  Chacun a le droit inaliénable d'y participer.  Les réunions doivent être présumées légales.  Comme la liberté de réunion pacifique est un droit fondamental, il faut en limiter les restrictions au strict minimum.  Ces restrictions doivent être conformes au droit international des droits de l'homme.  Il en résulte une obligation positive des États de faciliter ces réunions, tandis que la force ne doit être utilisée lors d'une réunion que lorsqu'elle est strictement inévitable.  

M.  CHRISTOF HEYNS, Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, a souligné que le recours à la force, dans la mesure où il est inévitable, doit être proportionné et nécessaire, et donc résulter d'une évaluation factuelle de chaque situation.  En outre, la dispersion forcée d'une réunion contient, en soi, des risques de violations de la liberté d'expression, de du droit réunion pacifique et du droit à l'intégrité corporelle, a relevé l'expert. 

C'est avec ces principes à l'esprit que le rapport recommande que les États fournissent aux forces de l'ordre les équipements, l'entrainement et les instructions adaptés, y compris en ce qui concerne l'utilisation d'armes dites sublétales.  Les systèmes d'armes autonomes qui ne nécessitent pas une intervention humaine devraient être interdits; ceux qui dépendent d'un contrôle humain à distance  devraient être utilisés avec la plus grande prudence.

Toute personne a en outre le droit d'observer, de suivre et d'enregistrer des réunions pacifiques.  Les États doivent prendre des mesures pour empêcher les interférences, sauf en cas d'action sur requête d'un juge, si celui-ci considère que la saisie des enregistrements peut avoir une valeur probatoire.  La collecte d'informations personnelles à l'occasion d'une réunion, via des systèmes de surveillance ou le recours à des agents infiltrés, ne doit pas interférer de manière illégale avec le droit à la vie privée et d'autres droits.  Enfin, toute personne doit pouvoir accéder aux informations liées à une réunion.

Le rapport aborde également la responsabilité des entreprises privées dans le contexte des réunions.  Celles-ci doivent veiller à ne pas nuire aux droits de l'homme.  À cet égard, le rôle croissant joué par des entreprises privées dans la « gestion policière» des réunions requiert des États qu'ils protègent les individus contre toute violation de leurs droits par ces entreprises privées. 

Enfin, les États ont l'obligation d'accorder rapidement des réparations adéquates à ceux dont les droits ont été bafoués dans le contexte d'une réunion, y compris en cas d'allégation de violation de leurs droits par des agents de l'État.  Le rapport recommande, pour aider l'État à assumer ses responsabilités, la création de mécanismes nationaux de suivi non judiciaire.  Les États veilleront aussi à ce que les responsables du maintien de l'ordre ne bénéficient pas de l'impunité en cas de mauvaise conduite. 

En conclusion, M.  Heyns a estimé qu'une bonne gestion des réunions contribue à prévenir l'escalade des tensions et les éruptions de violence et facilite l'exercice de droits fondamentaux.  Il incombe aux États de gérer les rassemblements d'une manière qui assure le respect de tous les droits en jeu, y compris le droit à l'intégrité corporelle et le droit d'expression.  M.  Heyns a exhorté les États à appliquer les recommandations de son rapport et a encouragé les organisations internationales, les entreprises privées et la société civile à appuyer ces efforts.  Le Conseil des droits de l'homme a un rôle important à jouer dans ce processus en assurant le suivi du respect des recommandations, notamment par le biais de l'Examen périodique universel et des autres procédures spéciales, a conclu le Rapporteur spécial. 

Débat interactif

La Fédération de Russie a refusé les interprétations larges que donnent les deux Rapporteurs spéciaux du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et des résolutions pertinentes des Nations Unies.  Pour la Fédération de Russie, l'adjectif «pacifique» doit être évalué dans le contexte où il s'applique.  Elle a regretté que le rapport conjoint n'émette aucune recommandation à l'intention des organisateurs de manifestations, notamment en termes de prévention de débordements.  Ces personnes doivent dans tous les cas respecter les lois nationales, a insisté la Fédération de Russie.  La Chine s'est dite, elle aussi, d'avis que les citoyens doivent respecter les lois, y compris lors de manifestations.  S'agissant des châtiments corporels auxquels le rapport conjoint fait référence, la Chine pense que la communauté internationale a besoin d'une meilleure compréhension de cette question, tenant compte des spécificités et des contextes socioculturels des pays.  En Afrique du sud, même si la Constitution reconnaît à chacun le droit de manifestation pacifique et de pétition, ce droit n'est pas absolu: l'exercice des droits oblige aussi à assumer des responsabilités.  L'Afrique du Sud a demandé aux Rapporteurs spéciaux d'en dire davantage sur la responsabilité des détenteurs de droits. 

Le Botswana s'est dit en désaccord avec les Rapporteurs spéciaux lorsqu'ils soulignent que l'autorisation des autorités n'est pas nécessaire pour convoquer une réunion: au Botswana, toute réunion qui serait organisée sans autorisation est un délit.  Cette disposition permet à l'État d'accomplir sa mission de protection de la population.  La République islamique d'Iran a fait valoir la prérogative des États de collecter et d'évaluer des renseignements pour prévenir tout risque de violence.  L'Iran a aussi condamné la référence à la question controversée des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexuées sous le prétexte du droit aux rassemblements pacifiques, et demandé aux Rapporteur spéciaux de se concentrer sur leur mandat.

L'Inde a observé que la protection et la promotion du droit de réunion pacifique et de la liberté d'association exigent la considération des intérêts légitimes de toutes les parties impliquées, y compris les autorités.  L'Inde a relevé que l'exercice des droits comporte toujours un certain nombre de responsabilités.  Une position défendue aussi par la Turquie, pour qui la pratique des libertés s'inscrit, pour les individus au même titre que pour les États, dans un cadre de droits et d'obligations défini par l'état de droit et par le bon sens.  Pour le Nigéria, les participants aux manifestations doivent, dans l'expression de leurs points de vue, se conformer aux lois et règlements nationaux. 

L'Égypte a réaffirmé son soutien au droit de manifestation pacifique et a fait valoir que la loi égyptienne autorise désormais les manifestations sur simple préavis et non plus sur autorisation préalable.  Toutefois, a-t-elle ajouté, l'État a la responsabilité de prendre des mesures pour protéger les personnes et les biens et faire respecter les lois nationales.  L'Angola a souligné que le droit de réunion pacifique et la liberté d'association sont des droits fondamentaux qui doivent pouvoir s'exercer sans restriction, comme le garantit d'ailleurs la Constitution angolaise; mais il doit bien s'agir de réunions pacifiques, a ajouté le pays.  C'est pourquoi l'Angola a restreint certaines manifestations d'organisations politiques, religieuses ou de la société civile lorsque les procédures n'avaient pas été respectées par les organisateurs et, notamment, lorsqu'elles menaçaient l'ordre public.  Lorsque des manifestations sont autorisées, la présence visible de la police n'a pas d'autre but que de maintenir l'ordre et la tranquillité, a indiqué la délégation angolaise.  Le Venezuela a rappelé que chacun dans ce pays pouvait manifester pacifiquement et sans arme, car ce droit est un élément de la vie démocratique garanti par la Constitution vénézuélienne, laquelle consacre aussi le droit de chacun à être protégé par l'État.  Parfois, des manifestations sont utilisées à des fins de déstabilisation par des forces étrangères et leurs alliés nationaux et résultent en actions violentes et terroristes, comme cela a été le cas en 2014 au Venezuela, a poursuivi la délégation vénézuélienne.  Dans de telles circonstances, l'État ne saurait autoriser de telles manifestations, au risque de ne pas assumer sa responsabilité inaliénable de veiller à ce que le droit de rassemblement pacifique soit exercé conformément à la loi, a-t-elle indiqué.  Le Maroc a quant à lui souligné que les recommandations du rapport ne sauraient s'appliquer aux manifestations non pacifiques: il serait illusoire  de mettre sur un pied d'égalité les rassemblements pacifiques et ceux pendant lesquels les manifestants ont recours à la violence.  En revanche, les États ont indéniablement un devoir de protection à l'égard des manifestants pacifiques, a ajouté la délégation marocaine.  Le Maroc rappelle à cet égard l'importance de la procédure de notification des rassemblements, qui permet aux pouvoirs publics de prendre les mesures nécessaires à une bonne gestion de chaque rassemblement.  Pour leur part, les  manifestants doivent faire preuve de responsabilité et d'esprit citoyen.  Cela dit, la contestation pacifique est un élément saillant de la mondialisation et les manifestations pacifiques sont donc appelées à se multiplier et à devenir un fait ordinaire, a fait observer le Maroc.   La Constitution et les lois de l'Algérie garantissent le droit de réunion pacifique et la liberté d'association, y compris au profit de l'opposition parlementaire.  Cependant, a précisé l'Algérie, ce droit est assorti d'obligations, comme le prévoit l'article 22 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. 

Plusieurs délégations ont, à l'instar de la République tchèque, insisté sur le fait que les réunions pacifiques apportent une contribution positive au développement des systèmes démocratiques.  Notant que les Rapporteurs spéciaux ont souligné la nécessité de mettre en œuvre leurs recommandations au niveau national, la délégation tchèque a souhaité savoir si l'application desdites recommandations pourrait faire l'objet d'un rapport de suivi.  Le Portugal a demandé des informations sur la proposition des deux experts de créer un organe de surveillance indépendant chargé de protéger les droits des personnes dans le contexte des réunions pacifiques et d'instruire les plaintes.  Les institutions nationales des droits de l'homme auraient-elles un rôle à jouer à cet égard ?

Le Costa Rica a souligné que les restrictions imposées aux manifestations pacifiques doivent être conformes aux standards internationaux de droits de l'homme.  Elle a souligné que les manifestations pacifiques jouent un rôle dans les systèmes démocratiques au même titre que les élections.  Pour l'Australie, le droit à la liberté de réunion concerne également les formes non-traditionnelles de manifestation, comme les plaidoyers en ligne.

L'Union européenne a dit partager le point de vue des Rapporteurs spéciaux sur le rôle de la société civile s'agissant du droit de réunion pacifique et de la liberté d'association.  Elle a demandé aux experts de donner des exemples concrets de la coordination technique entre le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme et les États pour élaborer des plans d'action nationaux en vue d'appliquer les recommandations figurant dans le rapport conjoint. 

La Lettonie a prié les Rapporteurs spéciaux de donner des indications sur la manière dont les États peuvent garantir le droit de réunion et d'association pacifiques dans des situations d'urgence ou lors de menaces d'attaques terroristes.  Pour la Géorgie, le droit de réunion et d'association contribue à la vie démocratique et ne devrait pas être considéré comme une menace.  La Norvège a recommandé aux États d'élaborer et de diffuser des normes et des techniques pour la gestion des manifestations pacifiques.  Les États-Unis se sont interrogés sur le rôle des autres parties prenantes, notamment la société civile, dans l'élaboration des politiques sur le droit de réunion pacifique et la liberté d'association.

Au Pakistan, le droit de réunion pacifique et la liberté d'association sont garantis par la Constitution.  Ces droits sont respectés: un parti d'opposition a pu organiser une manifestation longue de 126 jours à Islamabad, a indiqué la délégation.  Le droit de réunion et d'association a joué fondamental dans l'histoire démocratique du Paraguay, à tel point qu'aujourd'hui l'article 32 de la Constitution autorise l'organisation de manifestations sans accord préalable des autorités, a fait savoir la délégation de ce pays.  En coopération avec le Comité international de la Croix-Rouge, les forces de police reçoivent une formation aux règles internationales en matière de de gestion des manifestations et des rassemblements.  Pour l'Espagne, les forces de sécurité et de police doivent en effet être formées aux méthodes de gestion des manifestations pacifiques.  Dans ce contexte, quelles mesures de prévention les Rapporteurs spéciaux recommandent-ils, a demandé la délégation. 

La Suisse a regretté que les manifestations, qui jouent pourtant un rôle essentiel pour l'exercice des droits de l'homme, soient «trop souvent la scène de violations des droits de l'homme».  Elle se réjouit que la compilation des Rapporteurs spéciaux vise à aider les États à améliorer la gestion des manifestations dans des domaines concrets, y compris dans celui, délicat, de l'usage de la force par les forces de l'ordre.  Enfin, la Pologne a appuyé les recommandations formulées par les Rapporteurs spéciaux s'agissant de veiller à ce que les réunions soient menées de sorte à assurer la protection des droits des participants.  Elle a indiqué avoir adopté un cadre juridique cohérent relatif à l'organisation des réunions, qui reconnaît, en outre, le droit à convoquer des réunions pacifiques spontanées.

La République de Corée a déclaré avoir pris diverses mesures pour garantir le droit de réunion pacifique et a rappelé qu'elle s'était jointe aux résolutions pertinentes du Conseil des droits de l'homme et de l'Assemblée générale.  Elle a en outre indiqué attendre la présentation, lors de la prochaine session du Conseil (en juin 2016), du rapport de M.  Kiai concernant la visite qu'il a effectuée en janvier dernier en République de Corée. 

L'Équateur a souligné que les réunions ne doivent pas être considérées comme une menace mais comme des espaces de dialogue et d'expression de divers groupes, en particulier ceux qui sont, sinon, marginalisés.   

Cuba a regretté que l'importante résolution sur laquelle est fondé le rapport conjoint des deux Rapporteurs spéciaux n'ait pas obtenu un soutien plus grand.  Cuba s'interroge par ailleurs sur certains aspects de ce rapport, s'agissant notamment de la question des équipements dont auraient besoin les services d'ordre; en effet, ceux de ces équipements qui sont cités ne sont pas nécessaires face à des manifestations pacifiques, a fait observer la délégation cubaine.  À Cuba, les seules restrictions à la liberté de réunion sont celles qui visent à protéger la population et la légalité, a-t-elle ajouté.  

La Belgique a fait observer que dans un trop grand nombre d'États, on assistait en période pré-électorale à des restrictions excessives à la liberté de rassemblement – et même parfois à des répressions.  Ce climat de rétrécissement de l'espace démocratique fait obstacle au débat démocratique, met en péril l'organisation d'un scrutin crédible et nuit évidemment à la légitimité politique des gouvernements en place.  La Belgique a en outre interpellé les Rapporteurs spéciaux sur des situations dans lesquelles des rassemblements pacifiques seraient infiltrés par des groupes qui en profiteraient pour faire passer des messages radicaux auxquels la majorité des manifestants ne souscrit pas.  Comment s'assurer que les données filmées, y compris par des personnes privées, ne fassent l'objet de montages et de manipulations et que leur utilisation, en procédant notamment à des amalgames, n'enfreigne pas le droit à la liberté d'expression et le droit à la vie privée des personnes concernées, a par ailleurs demandé la Belgique? 

L'Irlande a fait part de ses inquiétudes s'agissant de la liberté de rassemblement pacifique en ligne, estimant que les espaces de dialogue y étaient de plus en plus restreints et surveillés et que les organisateurs et participants s'exposaient à des intimidations, voire à des attaques.   L'Irlande serait en outre intéressée par des exemples de bonnes pratiques relatives à la protection de membres de la société civile ou de défenseurs des droits de l'homme contre des attaques venues d'acteurs non étatiques, telles que les entreprises privées.  La Tunisie a jugé utile le rappel des normes internationales applicables pour les autorités confrontées, parfois d'une façon quasi-quotidienne, à des manifestations plus ou moins pacifiques et plus ou moins légitimes.  L'expérience de la Tunisie atteste de la véracité de l'affirmation selon laquelle la liberté est vitale pour le développement du système démocratique.  Il faut, pour que la liberté de réunion puisse s'exercer, qu'existe un environnement propice et sans danger pour le grand public, y compris pour les défenseurs des droits de l'homme et la société civile, a insisté la délégation tunisienne.  C'est dans cet esprit que la Tunisie s'associera à l'Irlande dans le cadre du projet de résolution portant sur la société civile et à la Roumanie dans le cadre de celui portant sur la démocratie et l'état de droit.  Les Maldives ont elles aussi mis l'accent sur l'importance d'un environnement favorable aux rassemblements, avant de faire observer que des manifestations initialement pacifiques peuvent rapidement devenir violentes.  Les Maldives rappellent en outre que la bonne gestion des rassemblements et l'obligation redditionnelle n'incombent pas seulement aux autorités mais aussi aux organisateurs (des rassemblements), aux entreprises et à la société civile qui, tous, doivent éduquer les personnes qui participent aux réunions pacifiques à leurs droits et à leurs responsabilités. 

Pour la France, l'encadrement de la liberté de réunion et de rassemblement ne peut se faire que sur la base d'un respect strict de droits de l'homme.  La France soutient les recommandations du rapport conjoint appelant à ne jamais utiliser d'armes automatiques contre des assemblées pacifiques, à n'user de la force qu'en tout dernier recours et à ne pas profiter des manifestations pour récolter des données qui mettraient en cause le droit à la vie privée des participants.  L'Irlande a expliqué être en train d'élaborer un document sur les entreprises et les droits de l'homme: elle a demandé aux Rapporteurs spéciaux des conseils sur la manière d'y intégrer la question de la relation entre les entreprises et le droit à la liberté de réunion pacifique et d'association.  Le Panama a précisé n'imposer aucune autorisation préalable pour organiser une manifestation pacifique: il suffit d'en aviser les autorités locales. 

L'Ukraine a dénoncé devant le Conseil les violations des droits de l'homme commises en Crimée, en particulier dans le Donbass, du fait de l'occupation par des forces armées soutenues par la Fédération de Russie.  L'Ukraine a demandé aux deux Rapporteurs spéciaux de veiller à ce que ces violations des droits de l'homme ne restent pas impunies.  La Libye a attiré l'attention du Conseil les violations des libertés publiques commises sur son territoire par des groupes terroristes.  Elle a demandé à la communauté internationale de l'aider à se débarrasser de groupes.

Un certain nombre d'organisations non gouvernementales ont aussi pris part au débat.  Le Centro de Estudio Legales y Sociales Associacion Civil a déclaré que les manifestations ne devraient pas être soumises à une autorisation préalable et que l'absence d'autorisation ne saurait constituer un prétexte pour disperser violemment des manifestants.  Pour le Centre Europe-Tiers Monde, au nom également de l'Association internationale des juristes démocrates, les forces de police ne devraient jamais bénéficier de l'impunité pour les crimes qu'elles commettent, quels qu'en soient les donneurs d'ordre et les exécutants. 

La Fondation de la Maison des droits de l'homme a fait état de lacunes dans la protection du droit de réunion pacifique et de la liberté d'association en Azerbaïdjan, en Arménie et au Belarus.  Ces trois pays appliquent en effet des lois attentatoires à ces droits, a expliqué la Fondation, les appelant à prendre des mesures correctives.  Franciscain international a attiré l'attention du Conseil sur la situation en Indonésie, où assassinats, emprisonnement et usage excessif de la force contre les manifestants et les défenseurs des droits de l'homme sont la règle.  La situation est identique en Éthiopie, selon East and Horn of Africa Human Rights Defenders Project, les autorités de ce pays arrêtent arbitrairement des personnes ayant participé à des manifestations, y compris des opposants et des journalistes, et que le gouvernement accuse d'appartenir à des «groupes de terroristes armés». 

Sudwind a alerté le Conseil sur la situation des défenseurs des droits de l'homme en République islamique d'Iran.  Pas plus tard que le 17 février dernier, dix-huit personnes ont été condamnées à 91 jours de prison et à 74 coups de fouet pour avoir participé à une manifestation devant la prison d'Evin, à Téhéran.  American for Democracy and Human Rights in Bahrain s'est alarmé de la situation en Arabie saoudite, où des défenseurs des droits de l'homme sont persécutés, voire exécutés, pour avoir défendu leur liberté ou même consulté les réseaux sociaux.  L'organisation a demandé au Conseil s'il avait l'intention de priver l'Arabie saoudite de sa qualité de membre. 

Women's Human Rights International Association a souligné que l'Iran avait exécuté 933 personnes en 2015 et que des mineurs avaient été exécutés, en violation manifeste des obligations du pays au titre de la Convention relative aux droits de l'enfant.  De nombreux hommes ont été exécutés pour toxicomanie au Baloutchistan, a d'autre part indiqué l'ONG.

Comisión Mexicana de Defensa y Promoción de los Derechos Humanos, Asociación Civil a indiqué qu'en dépit de ce que prétendent les autorités mexicaines, les forces de sécurité n'agissent pas, dans ce pays, en conformité avec les directives internationales.  La lutte contre la drogue, menée depuis 2006, a des graves conséquences pour les droits de l'homme, a souligné la Commission. 

Réponses et conclusions des Rapporteurs spéciaux

M.  HEYNS a souligné que la responsabilité première de bien gérer les rassemblements incombe au pays concerné.  Dans ce contexte, un plan d'action, comme l'ont proposé certains intervenants, peut s'avérer utile pour disposer d'une vue globale quant à la manière de procéder en la matière.  S'agissant du recours à la force face aux rassemblements, le Rapporteur spécial a précisé que le problème n'est pas que l'emploi excessif de la force soit délibéré, mais  plutôt qu'il ait des conséquences non intentionnelles.  Il a constaté que l'armée est souvent mobilisée dans les manifestations; or, il peut en résulter un certain flou pour les forces armées, le champ des rassemblements étant radicalement différent de celui de la guerre.  D'une manière générale, M.  Heyns a estimé que les forces armées ne devraient pas être mobilisées dans le cadre de rassemblements: elles ne sont pas formées pour ce type d'activités.  Relevant l'importance des rassemblements pacifiques pour la démocratie, il a fait remarquer que de la même manière que les rues peuvent être momentanément fermées pour un marathon, les rues publiques peuvent être réquisitionnées pour des manifestations.  L'espace public joue un rôle dans la démocratie, non seulement pour se déplacer, mais également pour permettre aux citoyens de participer, a insisté le Rapporteur spécial.  Il a ensuite fait observer que son rapport n'omet pas de reconnaître les droits des agents des forces de l'ordre.  Lorsque l'on parle du droit à la vie, on parle de ce droit pour les manifestants mais aussi pour les forces de l'ordre, a-t-il souligné.  Il a fait remarquer que si les forces de l'ordre ne se sentent pas en sécurité, elles auront tendance à davantage utiliser la force.  Pour conclure, M.  Heyns a indiqué être à la disposition des États qui souhaiteraient une assistance technique, notamment pour évaluer leur législation et faire en sorte qu'elle soit conforme au droit international.

M.  KIAI a pour sa part souligné que les manifestations et les protestations existent bel et bien et ne disparaîtront pas.  Elles risquent même fort de se multiplier, a-t-il ajouté.  Dans ce contexte, il importe de trouver un système de gestion des rassemblements qui soit utile pour tous et qui encourage les manifestations pacifiques, car c'est bien là l'objectif, a-t-il fait observer.  Le Rapporteur spécial a rappelé que c'est lorsque les possibilités de manifester pacifiquement disparaissent, que l'«on se trouve dans des situations critiques».  De l'avis de M.  Kiai, il est dangereux de rendre responsables des organisateurs; en punissant les organisateurs, le dialogue ne sera pas possible et la situation peut dégénérer, a-t-il averti.  Le Rapporteur spécial a répété que les États doivent veiller à assurer un environnement propice à la société civile, laquelle doit pouvoir s'exprimer.  S'agissant des droits des personnes LGBTI, il a rappelé que les personnes qui ont le plus besoin de se rassembler pacifiquement sont celles qui sont le plus marginalisées; or, les LGBTI en font partie.  Les personnes LGBTI existent, a-t-il insisté; elles sont marginalisées et victimes de discriminations.  «Qu'on les aime ou non, il faut les protéger comme toutes les autres personnes vulnérables», a insisté M.  Kiai.  Pour conclure, le Rapporteur spécial a fait remarquer que la sécurité nationale n'est pas synonyme de sécurité des partis politiques, ni de protection des statuts de premier ministre ou de président, ni de défense des intérêts du gouvernement.

Droit de réponse

La Fédération de Russie s'est dite très préoccupée par le fait que l'Ukraine ait utilisé cette discussion pour faire des déclarations politisées.  Le suivi des droits de l'homme en Crimée est assuré par le bureau régional d'un organe des droits de l'homme.  Toutes les organisations religieuses qui ont présenté le document requis sont enregistrées en Crimée et cela concerne en particulier des madrasas et des mosquées, a ajouté la délégation russe.  En revanche, a-t-elle indiqué, un document des Nations Unies a exprimé des préoccupations face à des discriminations imputables à l'Ukraine à l'égard de certaines religions.

L'Éthiopie, indiquant répondre à l'organisation non gouvernementale Horn of Africa Defenders, a rappelé que le Conseil des droits de l'homme avait adopté une résolution condamnant l'extrémisme violent.  En Éthiopie, des groupes extrémistes ont utilisé la difficile situation liée à la sécheresse pour opérer des tentatives de déstabilisation du pays.  Il existe une différence entre extrémisme ou terrorisme et rassemblement pacifique, a souligné la délégation éthiopienne.
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* Délégations ayant participé au débat interactif sur le droit de réunion pacifique et la liberté d'association et sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires: République de Corée, Équateur, Cuba, Belgique, Irlande, Tunisie, Maldives, Égypte, Angola, Venezuela, Maroc, Fédération de Russie, Chine, Afrique du Sud, Botswana, République islamique d'Iran, Inde, Turquie, Nigéria, Égypte, Angola, Venezuela, Maroc, Algérie, République tchèque, Portugal, Costa Rica, Australie, Union européenne, Lettonie, Géorgie, Norvège, États-Unis, Pakistan, Paraguay, Espagne, Suisse, Pologne, République de Corée, Équateur, Cuba, Belgique, Irlande, Tunisie, Maldives, France, Irlande, Panama, Ukraine, Libye, Women's Human Rights International Association, Commission mexicaine de défense et de promotion des droits de l'homme, Centro de Estudios Legales y Sociales (CELS) Asociación Civil, Centre Europe - Tiers Monde (au nom également de l'Association internationale des juristes démocrates), Fondation de la Maison des droits de l'homme, Verein Südwind Entwicklungspolitik, Americans for Democracy & Human Rights in Bahrain Inc, Franciscain international, East and Horn of Africa Human Rights Defenders Project, Comisión Mexicana de Defensa y Promoción de los Derechos Humanos, Asociación Civil.

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