Communiqués de presse Organes conventionnels
Le Comité auditionne les ong sur l’application de la convention en République tchèque, à Vanuatu, en Haïti et en Tanzanie
22 février 2016
GENEVE (22 février 2016) - Le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes a auditionné, cet après-midi, des représentants d'organisations non gouvernementales au sujet de la mise en œuvre de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes dans les quatre pays dont les rapports seront examinés cette semaine, à savoir la République tchèque, Vanuatu, Haïti et la Tanzanie.
S'agissant de la République tchèque, l’attention a été attirée sur trois questions cruciales pour la condition féminine dans ce pays: le risque très élevé de pauvreté pour les mères célibataires; la protection des droits reproductifs des femmes; et la participation de celles-ci à la vie politique et à la prise de décisions.
En ce qui concerne Vanuatu, a particulièrement été dénoncée la discrimination frappant les femmes handicapées, jugée d’ordre culturel.
Pour ce qui est d’Haïti, les ONG se sont inquiétées de la violence domestique et des campagnes médiatiques et de dénigrement - jusqu’au plus haut niveau de l’État - ciblant des militantes féministes. Ont également été dénoncées les multiples discriminations auxquelles sont confrontées les femmes handicapées.
S’agissant enfin de la Tanzanie, il a été souligné que le droit coutumier local demeure discriminatoire. Il a également été déploré que les jeunes filles puissent être mariées précocement, dès l’âge de 14 ans et que cette pratique soit effectivement répandue.
Demain matin, à 10 heures, le Comité entamera l’examen du rapport de la République tchèque (CEDAW/C/CZE/6).
Audition des organisations non gouvernementales
S’agissant de la République tchèque
Czech Women’s Lobby, au nom de 28 organisations de la société civile, a abordé trois sujets: le risque de pauvreté pour les mères célibataires; la protection des droits reproductifs des femmes; et la participation de celles-ci à la vie politique et à la prise de décisions. Les mères célibataires font en effet partie de l’un des groupes sociaux les plus vulnérables: une sur trois se trouve à la limite du seuil de pauvreté, le nombre de sans domicile fixe étant considérable. Trente-huit pour cent des parents condamnés à verser une pension alimentaire ne respectent pas cette obligation. L’ONG a par ailleurs déploré l’échec complet de la République tchèque à garantir la participation des femmes à la vie politique, comme en témoigne notamment le fait qu’il n’y ait que trois femmes au sein du Gouvernement actuel.
Liga Lidskych Prav (LIGA, Ligue des droits de l’homme) a dénoncé le fait que les femmes handicapées puissent être privées de leurs droits civiques, des restrictions qui vont jusqu’à limiter le droit au mariage. Trop souvent elles sont privées de leur droit à donner leur consentement libre et éclairé, l’ONG évoquant même des cas de stérilisations forcées de ces femmes.
European Humanist Federation Roma Rights Centre (ERRC) a indiqué que depuis les années 70, plusieurs milliers de femmes roms et de femmes handicapées avaient été stérilisées contre leur gré dans le cadre d’une pratique soutenue par l’État, lequel, en dépit d’années de promesses, refuse toujours de faire voter une loi d’indemnisation.
En réponse aux interrogations soulevées par des membres du Comité dans le cadre de l’échange de vues qui a suivi ces interventions, une ONG a souligné que la violence faite aux femmes constituait la première des priorités des ONG tchèques. En dehors des grandes villes et dans les banlieues, il est très difficile d’obtenir l’assistance de services sociaux; hors de ces grandes zones urbaines, ils sont pratiquement inexistants ou, s’il y en a, ils sont gérés par des ONG et leur fonctionnement laisse à désirer. En outre, il est très rare de pouvoir obtenir réparation en justice.
Pour ce qui est des stérilisations forcées, les ONG ont fait observer que ces pratiques n’étaient malheureusement pas considérées comme une forme de violence faite aux femmes, ni même comme un acte discriminatoire; or, de telles stérilisations ont souvent été pratiquées sur des femmes roms ou handicapées.
S’agissant de Vanuatu
Disability Promotion and Advocacy Association a déploré que Vanuatu n’ait pas ratifié le Protocole facultatif se rapportant au Pacte. L’ONG a par ailleurs dénoncé la discrimination frappant les personnes handicapées, qui est d’ordre culturel, et a fait observer que trop souvent, les familles se refusent à admettre que l’un de leur membre souffre d’un handicap. D’autre part, la justice n’est pas accessible aux femmes handicapées, a-t-elle ajouté. Elle a attiré l’attention sur les conditions particulièrement dures dans lesquelles vivent les femmes en zones rurales, lesquelles ont connu de grandes difficultés à recevoir l’aide alimentaire à la suite du cyclone tropical Pam, l’an dernier.
En réponse aux interrogations soulevées par des membres du Comité dans le cadre de l’échange de vues qui a suivi cette intervention, il a été expliqué que le plan d’action sur le handicap avait fait l’objet d’un réexamen, l’avis de la société civile ayant été sollicité. Quant à la pratique du «pardon», qui permet des arrangements à l’amiable, elle demeure largement pratiquée en cas de litige, en dépit du fait qu’elle ne soit pas licite, a expliqué l’ONG.
S’agissant de Haïti
Le Bureau des avocats internationaux , associé à Institute for Justice and Democracy et à Komisyon Fanm Viktim pou Viktim (KOFAVIV), a souligné que si des efforts ont bien été menés par l’État, de gros efforts restent à faire en faveur de l’élimination de la violence envers les femmes. Elle a cité l’exemple d’un père ayant abusé ses trois enfants qui, s’il a bien été arrêté, a pu exercer des représailles sur ses victimes en raison du retard pris pour la tenue de son procès. L’ONG a par ailleurs dénoncé les campagnes médiatiques et de dénigrement – y compris de la part du Président sortant Michel Martelly lui-même – ciblant des femmes leaders de la société civile, deux d’entre elles ayant dû s’exiler. Elle a rappelé que la société haïtienne conservait une forte structure patriarcale, renforcée par un christianisme conservateur et les traditions rurales.
L’Association Filles au soleil et l’Union des femmes à mobilité réduite d’Haïti ont dénoncé les multiples discriminations auxquelles sont confrontées les femmes handicapées, qui ne sont pas consultées dans le cadre des programmes d’action de l’État en faveur de l’égalité. En outre, le système éducatif n’est guère accessible aux personnes handicapées en général et aux femmes handicapées en particulier. Pour ces femmes, l’accès à la vie politique est pratiquement impossible; il en va de même pour l’accès à la justice.
En réponse aux interrogations soulevées par des membres du Comité dans le cadre de l’échange de vues qui a suivi ces interventions, une ONG a mis l’accent sur le «monde de différence» qui existe entre la promulgation des lois et leur mise en œuvre. La loi ne criminalise pas le viol conjugal, alors que l’on sait que la violence domestique est très répandue, a-t-il en outre souligné. Rien n’a été fait par le dernier gouvernement en matière de violence basée sur le genre, a-t-il été déploré. Un appel a été lancé en faveur de l’élaboration d’un plan de protection en faveur des femmes, particulièrement pour celles vivant en milieu rural. L’ONG a par ailleurs affirmé que les casques bleus de la Mission des Nations Unies pour la stabilisation en Haïti (MINUSTAH) avaient commis de nombreuses infractions envers la population. Alors que la justice est dysfonctionnelle, l’obtention de réparations est inaccessible pour la plupart des victimes, a-t-elle en outre souligné. Elle a critiqué l’absence de volonté politique du Gouvernement haïtien à cet égard. Elle a également déploré l’inexistence de programme intégré en faveur de l’alphabétisation des femmes ou encore en matière d’accès à la terre.
S’agissant de la Tanzanie
Women’s Human Rights International Association Legal Aid Center a fait observer que le droit coutumier local demeurait discriminatoire, notamment en matière de droit d’héritage, dont sont couramment privées les veuves. L’ONG a également dénoncé les possibilités de mariage précoce pour les filles dès l’âge de 14 ans. Selon une enquête, 37% des femmes âgées de 20 à 24 ans ont été mariées avant 18 ans. L’oratrice a en outre dénoncé la persistance des mutilations génitales féminines dans certaines zones rurales du pays. Elle a aussi dénoncé le fait qu’une Tanzanienne épousant un étranger ne puisse pas transmettre sa citoyenneté, alors qu’un Tanzanien épousant une étrangère le peut. L’ONG a par ailleurs déploré la passivité de l’État face à l’abandon scolaire des filles.
Musawah, qui a expliqué que son organisation s’inscrivait dans le mouvement mondial en faveur de l’égalité dans la famille musulmane, a dénoncé la persistance de la polygamie en Tanzanie. Bien que la loi sur le mariage de 1971 ait prééminence sur le droit coutumier ou sur la loi islamique, un quart des mariages en Tanzanie sont polygames, a souligné l’ONG, appelant le Comité à recommander aux autorités tanzaniennes d’abolir la polygamie.
En réponse aux interrogations soulevées par des membres du Comité dans le cadre de l’échange de vues qui a suivi ces interventions, une ONG a expliqué que l’avortement demeurait illégal en Tanzanie et n’était autorisé que lorsque la vie de la femme est menacée. Par ailleurs, deux systèmes juridiques coexistent, l’un sur le continent, l’autre à Zanzibar, a-t-il été expliqué.
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