Communiqués de presse Organes conventionnels
Le Comité des droits des personnes handicapées examine le rapport du Gabon
21 août 2015
21 août 2015
Le Comité des droits des personnes handicapées a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport initial présenté par le Gabon sur les mesures prises par le pays pour mettre en œuvre la Convention relative aux droits des personnes handicapées.
Le rapport a été présenté par le Ministre des droits humains, de l'égalité des chances et des Gabonais de l'étranger, M. Alexandre Désiré Tapoyo, qui a notamment souligné que, parmi les mesures concrètes en faveur des personnes handicapées, les personnes handicapées avaient droit à une réduction des tarifs pour l'accès aux transports publics, aux établissements scolaires publics ou d'utilité publique et aux centres culturels et sportifs. S'agissant des femmes handicapées, le Gabon s'est engagé à réviser toutes les dispositions discriminatoires et à vulgariser davantage les différentes conventions qu'il a ratifiées dans le domaine des droits de la femme. Des campagnes d'information et de sensibilisation sont organisées régulièrement afin d'asseoir les droits des personnes handicapées. Le ministre a reconnu que des «campagnes spécifiques» destinées aux employeurs, ainsi que des campagnes appelant au respect du concept d'aménagement raisonnable devront retenir davantage l'attention des autorités. Il a précisé que le Ministère des droits humains organise avec le Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF) des campagnes sur les droits de l'enfant handicapé. Le chef de la délégation a aussi fait valoir que toute construction d'édifice ou de voies publiques devait répondre aux normes d'accessibilité et de circulation des personnes handicapées en prévoyant des aménagements appropriés.
La délégation gabonaise était également composée de six membres et collaborateurs du ministre. Elle a répondu aux questions qui lui étaient adressées par les membres du Comité s'agissant, notamment, des aménagements favorisant l'accessibilité, la lutte contre les mutilations génitales féminines, les mécanismes de consultation et de participation des personnes handicapées, les dispositions légales contre la discrimination à l'égard des personnes handicapées, leur accès à l'éducation, la question des crimes rituels, la faible diffusion du braille dans le pays. La délégation a notamment mis en avant les mesures concrètes prises depuis la ratification de la Convention, bien qu'aucun texte de loi n'ait été promulgué dans ce domaine depuis lors.
La rapporteuse du Comité pour l'examen du rapport, Mme Diane Kingston, a déploré la faible implication des organisations représentatives des personnes handicapées dans la formulation de politiques et la mise en œuvre de la Convention. Elle a fait part de sa préoccupation face au manque de statistiques fiables. Elle a jugé essentiel que la législation nationale soit harmonisée avec la Convention et que les droits qui y figurent puissent être invoqués devant les tribunaux. Cela n'est possible que si les personnes handicapées sont informées de leurs droits et si elles savent comment procéder pour ce faire. Pour la rapporteuse, cela implique d'adopter des textes de loi relatifs au handicap et à la lutte contre la discrimination. La rapporteuse a aussi constaté que l'accessibilité était l'un des principaux obstacles auxquels étaient confrontés les handicapés aux Gabon.
Le Comité rendra publiques à la fin de ses travaux, le 4 septembre prochain, ses observations finales sur chacun des rapports examinés au cours de la session.
Le Comité entamera lundi après-midi, à 15 heures, l'examen du rapport initial de Maurice CRPD/C/MUS/1), qui se poursuivra mardi matin.
Présentation du rapport du Gabon
Le Comité est saisi du rapport initial du Gabon (CRPD/C/GAB/1), ainsi que de ses réponses préliminaires (CRPD/C/GAB/Q/1/Add.1) à la liste de points à traiter que lui a adressée le Comité (CRPD/C/GAB/Q/1).
M. ALEXANDRE DÉSIRÉ TAPOYO, Ministre des droits humains, de l'égalité des chances et des Gabonais de l'étranger, a précisé que son pays avait ratifié la Convention en 2007 et son Protocole facultatif en 2014. Parmi les mesures concrètes qui ont été prises en faveur des personnes handicapées, le ministre a notamment indiqué que les personnes handicapées avaient droit à une réduction de tarifs dans les transports publics, des frais de scolarité dans les établissements publics ou ceux reconnus d'utilité publique, ainsi que du coût d'admission aux centres culturels et sportifs. Le ministre a ajouté que des ordonnances fixent le régime obligatoire d'assurance-maladie, ainsi que le régime de prestations familiales des Gabonais économiquement faibles.
Par ailleurs, les handicapés jouissent de tous les droits reconnus à l'ensemble de la population, notamment celui de créer des associations et de participer aux élections et à la vie publique. S'agissant des femmes handicapées, le Gabon s'est engagé à réviser toutes les dispositions discriminatoires et à vulgariser davantage les différentes conventions qu'il a ratifiées dans le domaine des droits de la femme. Le Gouvernement a mis en place un Observatoire des droits des femmes et de la parité. En outre, le Gouvernement et la Fondation Sylvia Bongo Ondimba œuvrent à l'amélioration de la santé maternelle et à la lutte contre le VIH/sida, notamment s'agissant des femmes handicapées. La Coordination des organisations non gouvernementales et des associations féminines veillent au respect des droits des femmes, de la famille et de l'enfant.
La Caisse nationale d'assurance-maladie et de garantie sociale octroie des allocations familiales aux enfants handicapés. Un établissement public, l'École nationale des enfants déficients auditifs se charge de l'enseignement aux enfants handicapés. Par ailleurs, un établissement privé, la Fondation Horizons nouveaux s'adresse aux déficients visuels avec intelligence normale, aux handicapés déficients intellectuels comme les trisomiques et à ceux qui ont des troubles du développement comme les autistes.
Des campagnes d'information et de sensibilisation sont organisées régulièrement afin d'asseoir les droits des personnes handicapées. Le ministre a reconnu que des «campagnes spécifiques» destinées aux employeurs devront faire l'objet d'une attention particulière. Il a aussi reconnu que des campagnes appelant au respect du concept d'aménagement raisonnable devront «faire l'objet d'une attention plus soutenue». Le Ministère des droits humains organise avec le Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF) des campagnes sur les droits de l'enfant handicapé.
Un projet de loi réprimant les agressions sexuelles a été adopté, a aussi indiqué le Ministre, qui a également indiqué que de nombreuses instances œuvraient en vue d'une prise de conscience nationale pour la protection des citoyens face aux crimes rituels.
La reconnaissance de la personnalité juridique dans des conditions d'égalité est reconnue dans la Constitution et dans le code civil. Les personnes handicapées bénéficient de l'accès à la justice, sans discrimination aucune. La Constitution précise par ailleurs que «nul ne peut être pénalement privé de sa liberté sous le prétexte d'un handicap». Par ailleurs, un projet de loi d'orientation de la politique de prise en charge et de protection des malades mentaux prévoit notamment l'amélioration de la prise en charge médicale.
M. Tapoyo a fait valoir que toute construction d'édifice ou de voies publiques doit répondre aux normes d'accessibilité et de circulation des personnes handicapées en prévoyant des aménagements appropriés. La réhabilitation des voiries de Libreville a intégré la préoccupation relative à la mobilité personnelle. La première dame, Mme Bongo Ondimba, a remis en 2010 et 2012 un très important lot de matériel roulant composé de plusieurs fauteuils, des scooters et des béquilles (cannes anglaises), et a rendu possible la mise en place d'une formation au code de la route et d'un atelier de service d'entretien des fauteuils, au profit des personnes handicapées sur tout le territoire.
En matière d'éducation, le Gabon dispose de six structures spécialisées. M. Tapoyo a précisé que l'État disposait de deux outils essentiels, une commission technique spéciale chargée d'orienter les enfants handicapés vers les structures spécialisées, avec l'attribution de bourses, et une Commission technique des infrastructures qui définit les critères d'accessibilité aux équipements collectifs.
En matière de santé, l'État a aussi mis en place une commission technique chargée de concevoir et d'élaborer, en collaboration avec la Commission nationale de coordination de la santé, la politique en faveur des personnes handicapées. Quant à l'adaptation et la réadaptation, elles sont sous la responsabilité d'une commission technique de réadaptation et de rééducation fonctionnelle qui est chargée d'orienter les personnes handicapées physiques, moteurs ou sensoriels vers les structures médicales spécialisées, et de favoriser l'accès aux soins.
Examen du rapport
Questions et observations des membres du Comité
MME DIANE KINGSTON, rapporteuse du Comité pour l'examen du rapport du Gabon, a remercié la délégation gabonaise pour la présentation de son rapport et les réponses apportées à la liste de questions que lui a adressée le Comité. Elle s'est aussi félicitée de la contribution des organisations non gouvernementales pour l'information qu'elles lui ont apportée afin de mettre le Comité au fait des réalités du terrain. Elle a ajouté que le Gouvernement de Libreville devait être félicité pour avoir ratifié sept instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme, dont la Convention, ainsi que quatre Protocoles facultatifs, ce qui démontre un engagement fort pour les droits de l'homme d'une manière générale. Elle a aussi souligné que la première dame, Sylvia Bongo Ondimba était à l'origine d'un certain nombre d'initiatives philanthropiques en faveur des personnes handicapées.
La rapporteuse a toutefois estimé que, jusqu'à présent, l'implication des organisations représentatives dans la formulation de politiques et la mise en œuvre de la Convention au Gabon «laissait à désirer». Pour que la situation des personnes handicapées soit améliorée, celles-ci doivent être invitées à participer aux décisions qui les concernent. Elle a fait part de sa préoccupation face au manque de statistiques sur la situation des personnes handicapées dans le pays. Selon les données disponibles, les personnes handicapées ne représentent que 2% de la population, un pourcentage qui semble sous-estimé.
De même est-il essentiel que la législation nationale soit harmonisée avec la Convention; il est tout aussi essentiel que les droits stipulés par celle-ci puissent être invoqués devant les tribunaux. Cela n'est possible que si les personnes handicapées sont informées de leurs droits et savent comment procéder pour ce faire. Cela implique d'adopter des textes de loi relatifs au handicap, à la lutte contre la discrimination, et s'agissant des femmes et des filles, que soit définie la discrimination envers elles.
La rapporteuse a aussi relevé des lacunes en matière d'éducation. Ainsi, les statistiques fournies lors de l'Examen périodique du Gabon par le Conseil des droits de l'homme en 2008 indiquent que sur 705 enfants aveugles, quatre étaient scolarisés au niveau primaire, deux au secondaire et aucun à l'université. «Cela ne peut durer», a-t-elle estimé, car sans accès à l'éducation, les possibilités de trouver un travail ou d'avoir ne serait-ce qu'une formation sont d'autant plus limitées. Le taux d'emploi des personnes handicapées demeure en effet extrêmement bas et la rapporteuse a voulu savoir si les autorités avaient l'intention d'y remédier.
Par ailleurs, l'identification précoce des enfants handicapés est capitale pour pouvoir intervenir tôt dans leurs retards de développement, a-t-elle rappelé. Or, il semble y manquer de coordination pour permettre une approche cohérente et efficace. La fourniture de matériel d'assistance semble nettement insuffisante, dépendant exagérément d'initiatives ponctuelles. Par ailleurs, les allocations pour handicapés semblent insuffisantes pour jouer le rôle de filet de protection contre la grande pauvreté, particulièrement dans les campagnes.
La rapporteuse a constaté que l'accessibilité était l'un des principaux obstacles auxquels étaient confrontés les handicapés aux Gabon et a voulu savoir ce que prévoyaient les autorités dans le domaine de la réglementation des nouveaux édifices. Enfin, Mme Kingston a demandé quelles mesures étaient envisagées pour permettre aux personnes handicapées d'exercer leur droit de vote sans devoir le déléguer à un tuteur.
Parmi les autres membres du Comité, un expert a souligné que le Gabon n'avait pas défini dans sa législation la notion d'«aménagement raisonnable» prévue par la Convention (Article 2 sur les définitions). Une experte a fait part de sa vive préoccupation de ce qu'aucun texte ne fasse référence à la discrimination envers les femmes handicapées. Elle a demandé dans quelle mesure le Gabon avait l'intention d'introduire de nouvelles normes à cet égard. Elle s'est également dite étonnée de l'absence des femmes handicapées dans la lutte en faveur de l'égalité hommes-femmes.
Un expert a souhaité savoir si les normes en matière d'accessibilité avaient un caractère obligatoire. Des sanctions sont-elles prévues en cas de non-respect. Si les membres du Comité se déplaçant en fauteuil roulant se rendaient à Libreville, pourraient-ils se déplacer sans difficulté dès leur sortie de l'avion? Pourraient-ils se déplacer sans difficulté dans le bâtiment du Ministère des droits humains?
Un membre du Comité a jugé préoccupant que les lois relatives au handicap dataient d'avant la ratification de la Convention et n'ont donc pas été adaptés et harmonisés en vertu de ses dispositions. Quelles initiatives législatives sont-elles à l'ordre du jour à cet égard pour adapter les lois gabonaises à la Convention, ont demandé les experts. Ils ont aussi souhaité savoir si des consultations étaient organisées entre les autorités et les organisations représentatives de personnes handicapées, s'agissant en particulier des programmes susceptibles de concerner les femmes et les enfants. Quelles sanctions sont-elles prévues pour discrimination fondée sur le handicap et combien de sanctions ont-elles été infligées?
Une experte a demandé ce qui était fait contre les agressions sexuelles dont les femmes et filles handicapées sont beaucoup plus souvent victimes que leurs sœurs non handicapées.
Un membre du Comité s'est intéressé à l'accès à l'Internet et à la téléphonie mobile, souhaitant savoir si le Gouvernement prévoyait des mesures pour que les personnes handicapées n'en soient pas exclues. Il a aussi souhaité connaître la proportion des émissions de télévision bénéficiant d'une interprétation en langue des signes.
Il semble que la législation locale soit insuffisante pour que les personnes handicapées puissent faire valoir leurs droits, a relevé un autre expert. Concrètement, en matière d'accessibilité, les toilettes sont-elles accessibles aux personnes en chaise roulante, a demandé un autre membre du Comité.
La Présidente du Comité, Mme María Soledad Cisternas Reyes, a constaté qu'aucune action n'était menée contre les mutilations génitales féminines pratiquées sur des étrangères résidant au Gabon, sous le prétexte du respect des coutumes individuelles. Elle a rappelé que les mutilations génitales féminines étaient universellement considérées comme inacceptables.
Une experte a souligné que la promulgation de lois était rarement suffisante, en particulier s'agissant des violences faites aux femmes, un phénomène souvent ancré profondément dans les sociétés. Sans campagnes de sensibilisation, on ne peut combattre cette culture de violence et l'experte a voulu savoir si le Gabon avait des projets en la matière.
Un expert a souhaité savoir ce qui était fait contre les crimes rituels dont seraient couramment victimes des enfants. Un autre expert a demandé si des efforts sont menés pour lutter contre la croyance populaire selon laquelle un malade du VIH/sida pouvait se libérer du virus en ayant un rapport sexuel avec une personne handicapée.
Dans quels cas une personne handicapée est-elle déclaré incompétente lors d'une action en justice ou irresponsable et donc non punissable en cas de procès, a voulu savoir un membre du Comité.
Dans le cadre de questions complémentaires posées par les membres du Comité, une experte a fait part de sa préoccupation face nombreux préjugés concernant le handicap. Ceux-ci peuvent s'expliquer par une absence d'information sur les droits des personnes handicapées. D'où l'utilité de mener des campagnes de sensibilisation. Elle a notamment mentionné le droit d'être mère ou père pour les personnes handicapées. Elle a estimé nécessaire de créer un mécanisme de suivi de l'application de la Convention.
Un autre membre du Comité a posé une question sur les plans de prévention de catastrophe, soulignant que les mesures prises devaient aussi être communiquées à la population dans des formats adaptés, y compris aux handicapés, notamment en braille. Des mesures législatives sont-elles prévues pour faire en sorte que les enfants handicapés soient scolarisés? En matière d'emploi, il semble qu'il soit courant de rejeter la candidature de personnes handicapées sur le seul motif qu'elles sont handicapées, a observé le même expert. L'encouragement affiché des autorités à employer des personnes handicapées a-t-il produit des résultats?
Un autre experte a souligné qu'il y avait semble-t-il peu de possibilités d'emploi pour les personnes ayant des déficiences intellectuelles ou psychosociales.
Un expert a noté que le Gabon n'avait pas de loi contre la discrimination sur la base du handicap. Il a demandé si les autorités de Libreville seraient intéressées par une assistance technique dans ce domaine. Il a aussi demandé quelle était la situation s'agissant de l'accessibilité des sites touristiques au Gabon.
Quels sont les aménagements raisonnables mis en place au Gabon, a demandé un membre du Comité. Un autre a constaté que la plupart des établissements scolaires n'étaient pas accessibles aux enfants handicapés. On est d'autant moins incité à adapter les locaux à leurs besoins que l'immense majorité de ces enfants demeurent cachés à la maison, entamant ainsi dès leur enfance une vie d'exclusion.
Un membre du Comité a dit sa conviction que les politiques portant sur le handicap pouvaient être améliorées au Gabon en mettant à profit l'apport que peuvent fournir les organisations représentant les personnes handicapées. Par ailleurs, de quelle manière s'assure-t-on de la non-discrimination sur le lieu de travail? Des sanctions sont-elles prévues et appliquées?
Il a été demandé à la délégation si elle disposait d'informations sur l'incitation à pratiquer du sport et l'encouragement des athlètes handicapés à participer aux Jeux paralympiques, par exemple. Un expert a souligné la nécessité de reconnaître la langue des signes plutôt que de pousser les enfants sourds à s'exprimer uniquement oralement.
Les enseignants sont-ils encouragés à fournir une éducation inclusive? Est-il possible de lever les obstacles plutôt que de se concentrer sur des interventions purement médicales, a-t-il encore été demandé.
La prévalence du VIH/sida était de 5,2% de la population en 2009; ce chiffre a-t-il été actualisé? Les mesures de prévention touchent-elles les femmes handicapées, particulièrement celles vivant en milieu rural? Quant à l'absence de statistiques fiables, elle semble être illustrée par le fait que le pourcentage officiel du nombre de personnes handicapées est de 2% au Gabon, alors que les chiffres moyens de l'Organisation mondiale de la santé et de la Banque mondiale se situent généralement autour de 15%.
Une experte a noté que les violences sexuelles faisaient l'objet de sanctions très lourdes: la délégation peut-elle citer des jugements en justice en faveur de femmes handicapées qui en auraient été victimes? Une autre experte a demandé comment le Gabon comptait inclure les personnes handicapées dans le nouveau cadre de développement pour l'après-2015.
Réponses de la délégation
«Preuve de la non-indifférence des autorités envers les questions relatives aux droits de l'homme en général et au handicap en particulier», M. Tapoyo a attiré l'attention sur la création récente d'un ministère des droits humains. Il a aussi souligné qu'en 2014, le chef de l'État avait nommé comme ministre de la santé une personne ayant souffert de la poliomyélite. Son propre ministère, qui abrite aussi celui des droits humains, a été aménagé non seulement avec un ascenseur adapté mais aussi pour permettre aux malvoyants de s'y déplacer. Si aucun nouveau texte relatif aux droits des handicapés n'a été promulgué depuis 2007, cela ne signifie pas que rien n'ait été fait en la matière. Le ministre a par la suite ajouté qu'en prenant la tête de ce nouveau ministère créé il y a seulement un an et demi, il avait réalisé que face aux annonces gouvernementales, du point de vue des populations, «la caravane passait et il ne se passait plus rien» par la suite. Le ministre a assuré que tout serait mis en œuvre pour que tous les Gabonais et Gabonaises soient pris en compte à terme, rappelant que le Gabon s'était fixé l'horizon 2025 en tant que futur pays émergent.
Le Gouvernement s'efforce de mettre à la disposition tant des personnes non handicapées qu'aux personnes handicapées des produits, des équipements, des programmes et des services pouvant être utilisés par tous. Bien qu'encore timides, des mesures sont prises pour assurer une meilleure accessibilité. Le Gouvernement s'est engagé à rendre les lieux publics plus accessibles aux personnes handicapées et des efforts sont faits dans le domaine architectural. La délégation a aussi insisté sur les efforts menés dans le domaine de la communication télévisuelle dans ce domaine, précisant notamment que le journal télévisé était interprété en langue des signes depuis la Coupe d'Afrique des Nations de 2012 à Libreville et Malabo. Ce n'est plus le cas depuis trois mois pour des raisons techniques mais ce service devrait être rétabli d'ici le mois prochain. Autre exemple d'une meilleure accessibilité, l'aéroport international de Libreville est équipé pour permettre aux handicapés de ne pas y rencontrer d'obstacles. Tout nouveau bâtiment doit être rendu accessible dès sa conception. Quant aux bâtiments plus anciens, cette adaptation se fait de manière progressive. Les lieux publics sont rendus eux aussi plus accessibles, cela de manière croissante.
Le Gabon, qui n'est pas un pays pratiquant les mutilations génitales féminines, les interdit néanmoins de manière absolue. Il s'agit de pratiques importées venant de «pays frères» et leur taux de pratique est relativement peu important. Des poursuites sont intentées en cas de flagrant délit.
L'obligation en matière d'accommodements raisonnables existe bien au Gabon. Le Gouvernement s'efforce de modifier et d'ajuster ce qui est nécessaire pour permettre aux personnes handicapées de jouir de leurs droits et des libertés fondamentales, sur la base de l'égalité. Par exemple, dans les administrations, comme dans les entreprises privées, les personnes en situation de handicap se déplaçant en fauteuil roulant se voient octroyer des postes de travail adaptés à leurs besoins. Des efforts sont engagés pour fournir aux personnes handicapées des environnements de travail répondant davantage à leurs besoins.
Le Ministère des affaires sociales se fonde sur des mécanismes de consultation et de participation pour que les personnes handicapées, leurs représentants légaux et les responsables des associations des personnes handicapées soient consultées et entendus chaque fois qu'un aspect de la politique gouvernementale peut les concerner de près ou de loin. Des réunions, sous formes de «plateformes» sont souvent organisées. Les handicapés sont impliqués, par exemple, dans les consultations sur le projet de loi sur la violence faite aux femmes.
En dehors du code du travail, il n'existe pas de loi spécifique réprimant la discrimination à l'égard des personnes handicapées. Cependant, en sus des instruments internationaux ratifiés par le Gabon (six conventions et deux protocoles facultatifs), un arsenal juridique, datant d'avant la ratification de la Convention, donne droit à la solidarité de l'ensemble de la collectivité nationale envers les personnes handicapées, a assuré la délégation. Le code du travail interdit toute discrimination aussi bien dans le recrutement que dans l'évolution des carrières des personnes handicapées. L'employeur doit créer dans la mesure du possible un environnement adapté de manière à ce que le travailleur handicapé n'ait pas plus de difficultés qu'un collègue non handicapé de travailler le plus normalement possible. En outre, le code pénal contribue à la lutte contre les discriminations envers les personnes handicapés, en réprimant notamment toute atteinte à l'honneur ou à la considération de quiconque, qu'il s'agisse ou pas d'une personne handicapée.
Les malades mentaux sont considérés comme atteints d'une incapacité intellectuelle ou psychosociale. Il est exact toutefois qu'au sein de la société, la mentalité ne soit pas ouverte à leur égard, a reconnu la délégation.
Un guide de protection de l'enfance, qui prend en compte la situation des mineurs handicapés, a été élaboré avec l'aide du Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF). Il prend en considération les mauvais traitements susceptibles d'être infligés.
Pour renforcer la notion de droits humains dans le pays, ceux-ci sont enseignés en master 2 à l'Université de Libreville depuis mars 2014. Il est prévu à terme d'instaurer une initiation aux droits de l'homme jusqu'au niveau primaire, afin qu'à la prochaine génération de Gabonais, ceux-ci soient «pétris de droits humains». Les formations données aux policiers, magistrats, personnels de santé intègrent la Convention, dont un exemplaire est remis à chaque fonctionnaire concerné, en droits de l'homme notamment. L'école nationale de la magistrature a mis en place un module sur la Convention, l'école de la police devant en avoir un prochainement.
Le ministre a reconnu que de nombreuses familles avaient tout simplement honte d'avoir un handicapé en leur sein: on les cache, ils n'ont pas accès à l'éducation et on ne peut parfois compter que sur la dénonciation de tiers pour que ces exclus soient reconnus.
S'agissant des crimes rituels, ceux-ci ne sont pas particulièrement liés au handicap, contrairement ce que semblait dire un expert. Il a confié qu'en 2013, sa petite fille de cinq ans avait été enlevée et qu'il avait fallu 104 jours pour la retrouver. «Et ce que j'ai découvert à cette occasion sur les crimes rituels n'est pas glorieux», a commenté le Ministre. Selon lui, les crimes rituels peuvent être classés en trois catégories. Il s'agit pour les auteurs de s'approprier l'esprit d'enfants brillants afin de capter leur esprit à des fins fétichistes; le deuxième type de crimes vise le prélèvement d'organes sur des personnes généralement bien portantes; le troisième type concerne des crimes purement crapuleux présentés comme rituels.
Les familles ont honte de leur enfant handicapé qui est rejeté comme s'il était une tare difficile à porter. Même si les textes en vigueur condamnent les discriminations, dans la vie quotidienne les préjugés perdurent. Les actions menées avec le concours de la société civile et du Comité lui-même, avec la foi en Dieu, permettront sinon d'éradiquer ces discriminations du moins de les diminuer, a souligné le ministre, qui a précisé qu'un projet de loi amenderait le code de la sécurité sociale en vue d'interdire toute discrimination.
Le problème évoqué selon lesquels les handicapés seraient empêchés d'avoir des enfants n'existe pas au Gabon, a-t-il précisé, assurant que de nombreux handicapés avaient des enfants.
S'agissant de la diffusion du braille, il s'est félicité de la suggestion du Comité en faveur d'une demande d'assistance afin de faire de la langue et de l'écriture des sourds une réalité au Gabon. Il est envisagé d'encourager le développement de l'interprétariat, cette activité relevant actuellement plutôt du sacerdoce que d'une profession reconnue au Gabon.
La quote-part du PIB en faveur des personnes handicapées n'est pas connue, a reconnu la délégation, qui a indiqué que la Caisse nationale d'assurance maladie et de garantie sociale était dotée d'un milliard de francs CFA.
Les enfants handicapés sont enregistrés comme les autres, sans que soit mentionné leur handicap éventuel, d'autant que celui-ci n'est pas toujours évident à la naissance. Cet enregistrement est manuel mais il est prévu qu'il devienne biométrique, ce qui devrait permettre d'ajouter de telles données.
Le ministre a assuré que les sportifs handicapés étaient reconnus au sein d'une Fédération spécifique. Ils prennent part à diverses épreuves concernant plusieurs disciplines.
La délégation a reconnu que l'absence de lois spécifiques constituait une faiblesse dans la législation nationale. Elle est suppléée néanmoins par un cadre juridique complet, la délégation citant notamment la législation sur la santé et la sécurité au travail ou bien les modalités de prise en charge des malades dans le secteur public hospitalier. Elle a souligné que le code pénal couvrait les amputations, la cécité provoqué par autrui. Le reproche selon lequel peu a été fait depuis la ratification de la Convention doit ainsi être nuancé, selon la délégation. Un décret de 2012 a créé une matrice d'indicateurs pour la protection de l'enfance, y compris les enfants handicapés. L'année 2010 a vu la création de juridictions pour mineurs.
Le code du travail stipule que les entreprises doivent employer un quota de travailleurs handicapés qui est fixé à un quarantième de l'effectif au minimum. Cela doit faire l'objet d'une déclaration annuelle relative aux effectifs de chaque entreprise. Deux cents millions de francs CFA ont permis de financer en 2011 196 projets de création d'emplois en faveur d'handicapés – dans les domaines des soins de beauté, de la coiffure ou pour la création de cyber-cafés.
La délégation s'est surprise de la proportion de 15% de personnes handicapées mentionnée par un expert. En matière statistique, il est en effet estimé que 2% de la population est handicapée: 15 000 femmes et 12 500 femmes pour un total de 27 500 de personnes handicapées au Gabon; 37% vivent dans la province de la capitale; 65% vivent en milieu urbain (18 000 en ville, 9 500 en milieu rural), contre 80% pour la population dans son ensemble. La proportion est de 118 hommes pour 100 femmes handicapées. La majorité d'entre elles sont âgées de 10 à 14 ans et au-dessus de 65 ans. Enfin, 8000 personnes handicapées ont une activité rémunératrice.
La délégation a assuré que les mécanismes de concertation permettent de consulter les représentants des personnes handicapées, notamment les femmes. Toutefois, l'intégration des femmes handicapées dans les politiques publiques reste «perfectible», ce à quoi s'attelle le Gouvernement.
S'agissant de la prévalence du VIH/sida, la délégation a indiqué que le nombre de personnes infectées s'établissait à 64 000. Un plan stratégique de prise en charge des malades et de prévention par la distribution de préservatifs a été mis en œuvre. Un budget de 2,5 milliards de francs CFA est consacré à l'achat d'antirétroviraux. Les tests de dépistage sont gratuits. La redynamisation du Comité de lutte contre le VIH/sida est effective, a assuré la délégation.
Répondant à diverses autres questions posées, la délégation a indiqué qu'une commission pour l'adaptation et la réadaptation était prévue, projet qui a été mis en sommeil pour des raisons budgétaires. Le Gouvernement prévoit de le réactiver dans les délais les plus proches. S'agissant de la gestion des catastrophes, un plan national de gestion des catastrophes relevant du Ministère de l'intérieur est en place depuis deux ans. Les violences faites aux femmes et aux handicapées sont des crimes en vertu du code pénal, a-t-il été rappelé. L'Association de prévention de la torture et le Rapporteur spécial sur la torture ont été consultés afin de trouver conseil pour la création d'un mécanisme national de prévention de la torture. Sur la question de l'accès aux services bancaires, la délégation a assuré qu'une une personne handicapée sous curatelle a le droit d'avoir un compte.
Conclusions
M. TAPOYO a estimé que «le sacerdoce des membres du Comité était de nature divine». Il a ajouté que «Ne pas aimer ne peut pas être un choix», il s'agit d'aimer Dieu et son prochain. Le Ministre gabonais a considéré qu'il convenait de se mettre à la disposition de Dieu pour combattre les discriminations.
MME KINGSTON a fait part de son inquiétude face aux informations fournies par l'État partie d'une part et par les institutions de l'ONU d'autre part, car elles ne concordent pas. La rapporteuse pour l'examen du rapport a souligné l'importance de respecter l'article 4.3 de la Convention, relatif à la nécessité d'une consultation étroite des parties intéressées tout en impliquant davantage les organisations non gouvernementales. Elle a appelé aussi à déployer davantage d'efforts pour l'emploi des personnes handicapées. À quoi sert l'éducation si on ne peut travailler, si on n'a aucun accès aux différents lieux, a-t-elle demandé. Il faut en effet respecter la lettre et l'esprit de la Convention, comme l'a dit la délégation, mais cela ne saurait suffire. Il faut adopter des mesures, celles annoncées par la délégation n'en étant qu'à leurs prémices. Il faut pour cela que le Gabon fasse appel à l'assistance technique.
La rapporteuse juge extrêmement important de bien faire la distinction entre les différentes catégories de handicap. La ghettoïsation des personnes handicapées à Libreville est une question qui doit être résolue de toute urgence, a-t-elle ajouté, notant que le Gabon n'était pas le seul pays à faire face à ce phénomène en Afrique subsaharienne. En outre, le plan national de gestion des catastrophes que la délégation a mentionné doit se concrétiser au plus tôt.
Mme Kingston continue de penser que la proportion de 2% de personnes handicapées est grandement sous-estimée. S'agissant de la mise à la disposition de matériel adapté, cela ne doit pas relever uniquement de la première dame et des actions de bénévolat: il s'agit d'une claire responsabilité de l'État. En ce qui concerne le VIH/sida, le dépistage libre et gratuit doit être disponible aux personnes handicapées, avec notamment la mise à la disposition de documents en braille. Elle a souhaité l'amour, la paix et l'unité à toutes les personnes handicapées du Gabon.
__________
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel