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Communiqués de presse Organes conventionnels

Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale examine le rapport des Pays-Bas

19 août 2015

19 août 2015

Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport présenté par les Pays-Bas sur les mesures qui ont été prises dans le pays pour mettre en œuvre les dispositions de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.

Présentant le rapport de son pays, Mme Afke van Rijn, Directrice de la Direction pour la société et l'intégration au Ministère des affaires sociales et de l'emploi des Pays-Bas, a rappelé que le Royaume était constitué de quatre pays, précisant que chacun de ces pays est, dans une large mesure, responsable de ses propres affaires internes. Le droit à l'égalité de traitement et l'interdiction de la discrimination constituent des dispositions fondamentales de la Constitution néerlandaise. La chef de délégation a souligné que le pays avait connu d'importants flux d'immigration depuis les années 1960 et que cela avait entraîné au sein de la société néerlandaise de profonds changements qui avaient suscité des sentiments de crainte et d'aliénation parmi certains segments de la société ainsi qu'un débat nourri sur l'intégration et l'immigration. Les déclarations racistes ne sont toutefois pas acceptées, a assuré Mme van Rijn. Évoquant l'impact de la situation au Moyen-Orient sur la société néerlandaise, elle a dit que les sentiments de tension et d'intolérance au sein de la société semblaient augmenter. Si l'éducation des jeunes issus de l'immigration s'est considérablement améliorée, il n'en va pas de même pour ce qui est de leur situation sur le marché du travail, a-t-elle par ailleurs reconnu.

La délégation néerlandaise était également composée de représentants du Ministère des affaires sociales et de l'emploi, du Ministère de la sécurité et de la justice et du Ministère de l'intérieur, ainsi que de représentants des autorités de Sint Maarten et d'Aruba et du Représentant permanent des Pays-Bas auprès des Nations Unies à Genève, M. Roderick van Schreven. Une représentante de l'Institut national des droits de l'homme des Pays-Bas est également intervenue. La délégation a répondu aux questions qui lui étaient adressées par les membres du Comité s'agissant, notamment, de la structure constitutionnelle des Pays-Bas; de la situation à Aruba, Curaçao et Sint Maarten; des questions d'immigration et d'asile; de l'apatridie; de la lutte contre la discrimination et contre les discours haineux et racistes; de la liberté de religion et de la liberté d'expression; de la situation des Roms et des Sintis; ou encore de la discrimination sur le marché du travail.

Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport des Pays-Bas, M. Ion Diaconu, s'est inquiété qu'il semble que la politique d'intégration appliquée par les Pays-Bas soit basée sur un transfert sur les immigrants de l'essentiel de la responsabilité de l'intégration. Il a par ailleurs relevé que l'approche essentielle suivie par le Gouvernement pour combattre la discrimination consiste à adopter des politiques et des mesures générales visant la population dans son ensemble sans cibler spécifiquement des groupes vulnérables. Il a aussi relevé que des études ont indiqué une réticence des victimes à déposer plainte pour discrimination raciale, en raison notamment de la manière dont la police et les procureurs traitent ces plaintes. Plusieurs sources relèvent que rien n'est fait pour s'attaquer aux causes de la discrimination et pour prendre des mesures préventives. Certaines mesures prises par le Gouvernement en matière d'intégration et les exigences culturelles requises pour l'acquisition de la citoyenneté néerlandaise ne semblent mener qu'à davantage de stéréotypes et de stigmatisation au sein de l'opinion publique. Selon certaines informations, la discrimination sur le marché du travail est très courante et affecte particulièrement les non-occidentaux. Des informations font également état de difficultés dans l'accès au logement, de harcèlement à l'école et de discrimination dans l'accès aux lieux publics.

Les observations finales du Comité sur tous les rapports examinés au cours de la session seront rendues publiques à l'occasion de la séance de clôture des travaux, le vendredi 28 août, qui sera la prochaine réunion publique du Comité dans le cadre de sa présente session.

Présentation du rapport des Pays-Bas

Le Comité est saisi du rapport des Pays-Bas (CERD/C/NLD/19-21), ainsi que de la liste des thèmes à traiter établie par le rapporteur pour le pays (CERD/C/NOR/Q/21-22).

MME AFKE VAN RIJN, Directrice de la Direction pour la société et l'intégration au Ministère des affaires sociales et de l'emploi des Pays-Bas, a souligné que son pays était un fervent partisan du maintien et du respect du droit international ainsi que du renforcement de l'ordre juridique international et du cadre des droits de l'homme. Il en découle que le Royaume des Pays-Bas est profondément engagé en faveur de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.

Mme van Rijn a tenu à rappeler que suite à des réformes constitutionnelles, le Royaume des Pays-Bas est désormais composé de quatre pays: les Pays-Bas (qui comportent la partie européenne et une partie caraïbe constituée de Bonaire, Saint-Eustache et Saba), Aruba, Curaçao et Sint Maarten. L'entité des Antilles néerlandaises a été dissoute officiellement en 2010. Bonaire, Saint-Eustache et Saba ont opté pour des liens directs avec les Pays-Bas et constituent désormais «les Pays-Bas dans les Caraïbes», et leur statut équivaut à celui d'une municipalité aux Pays-Bas, avec quelques ajustements visant à refléter leur petite taille, leur éloignement des Pays-Bas et leur localisation dans les Caraïbes. Les quatre pays susmentionnés ont le même statut au sein du Royaume, a précisé Mme van Rijn, et chacun est, dans une large mesure, responsable de ses propres affaires internes.

Mme van Rijn a fait valoir que le droit à l'égalité de traitement et l'interdiction de la discrimination constituent des dispositions fondamentales de la Constitution néerlandaise et le Gouvernement actuel, entré en fonction le 5 novembre 2012, a pris de nombreuses initiatives pour combattre la discrimination.

Les Pays-Bas sont une société très diversifiée où l'on trouve plus de 190 nationalités différentes provenant de tous les continents. Dans les quatre plus grandes villes du pays – Amsterdam, Rotterdam, La Haye et Utrecht – plus de la moitié de la population est d'origine immigrée, a précisé Mme van Rijn. Elle a rappelé que le pays avait connu d'importants flux d'immigration depuis les années 1960 et que cela avait entraîné au sein de la société néerlandaise de profonds changements qui avaient suscité des sentiments de crainte et d'aliénation parmi certains segments de la société ainsi qu'un débat nourri sur l'intégration et l'immigration. Les déclarations racistes ne sont toutefois pas acceptées, a assuré Mme van Rijn, affirmant que les dirigeants politiques et l'ensemble de la société s'élèvent de plus en plus ouvertement contre l'intolérance et la discrimination, les responsables de discrimination étant traduits en justice lorsque cela est possible.

La situation au Moyen-Orient, notamment la montée de l'État islamique et le conflit israélo-palestinien, ont eu un impact sur la société néerlandaise comme dans d'autres pays européens, a poursuivi Mme van Rijn. Les sentiments de tension et d'intolérance entre les différents groupes de la société et en leur sein même semblent augmenter. Les synagogues doivent être protégées par crainte d'attaques et les juifs craignent de porter la kipa dans la rue; de la même manière, les mosquées et les femmes portant des foulards sont confrontées à des incidents discriminatoires, a déploré la chef de la délégation néerlandaise. Elle a ajouté que le Gouvernement néerlandais rejette et condamne toutes les formes de discrimination et de racisme et reconnaît que les formes directes et indirectes de discrimination constituent dans la société néerlandaise un sujet de préoccupation majeure qui doit être traité de manière hautement prioritaire. Un travail de recherche dans ce domaine s'impose en vue de prendre des mesures ciblées dans le cadre d'une approche globale.

Mme van Rijn a ensuite attiré l'attention sur la charte de la diversité qu'ont récemment signée le Ministère des affaires sociales et de l'emploi, les quatre plus grandes villes du pays et la police nationale, s'engageant ainsi à promouvoir la diversité dans leurs effectifs. Le Gouvernement s'est en outre engagé à rompre ses contrats avec toute entreprise condamnée pour discrimination. Enfin, le Gouvernement s'est engagé à assurer l'égalité d'accès à ses services, notamment pour ce qui est des soins aux enfants et des services de santé. Les 393 municipalités des Pays-Bas disposent d'un service antidiscrimination qui aidera toute personne déposant plainte pour discrimination, a rappelé Mme van Rijn.

Si l'éducation des jeunes issus de l'immigration s'est considérablement améliorée, il n'en va pas de même pour ce qui est de leur situation sur le marché du travail, a reconnu Mme van Rijn, précisant que cela est dû à différents facteurs, dont la discrimination. Aussi, un plan d'action de 42 mesures visant à remédier à la discrimination sur le marché du travail a-t-il été lancé en 2014. Par ailleurs, le Plan national d'action contre la discrimination, qui date de 2010, sera remplacé cette année par un nouveau plan d'action, les premières consultations informelles avec la société civile concernant ce nouveau plan ayant déjà été engagées.

MME OLIVIA CROES, Conseillère juridique au Département des affaires étrangères d'Aruba, a rappelé que la population d'Aruba s'est constituée par vagues migratoires en provenance du monde entier, ce qui a donné une communauté aujourd'hui très diverse. La population actuelle d'Aruba est composée de 96 nationalités différentes et de personnes provenant de 133 pays de naissance. Ces dernières décennies, les mariages interculturels à Aruba sont devenus courants, a ajouté Mme Croes, précisant que selon les informations disponibles, environ un tiers des mariages contractés entre 2008 et 2013 l'ont été par des couples d'origine mixte (une personne locale et une personne étrangère), contribuant ainsi à l'intégration sociale dans la société multiculturelle d'Aruba. Un autre facteur important d'intégration a trait au papiamento, la langue la plus parlée par l'ensemble de la population, suivie de l'espagnol, de l'anglais et du néerlandais, qui sont les autres langues communément parlées à Aruba. Le système éducatif est également l'un des principaux mécanismes d'intégration fructueuse des jeunes à Aruba, a poursuivi Mme Croes, assurant que les migrants s'en sortent bien dans l'éducation secondaire et supérieure. D'autre part, la participation des migrants sur le marché du travail à Aruba est importante. Les soins de santé sont accessibles à tous les résidents, locaux comme migrants, a aussi fait valoir la représentante d'Aruba. Elle a en outre fait observer que l'élargissement de l'interdiction de la discrimination raciale dans le code pénal de 2012 a permis une meilleure protection contre la discrimination à Aruba. Mme Croes a ajouté que le Gouvernement d'Aruba appliquait des stratégies visant à améliorer de manière concrète la vie de tous ses citoyens, à promouvoir la diversité culturelle et à renforcer la coexistence pacifique.

MME DANAË DAAL, Juriste spécialiste des traités à la Direction des affaires étrangères de Sint Maarten, a souligné que le pays est l'une des îles des Caraïbes les plus ethniquement, culturellement et racialement diverses, avec quelque 110 nationalités différentes. À Sint Maarten, la tolérance est davantage qu'un mot appris dans les traités internationaux, elle fait partie intégrante, au quotidien, de l'existence du pays et constitue la pierre angulaire d'un vieil adage selon lequel Sint Maarten est «l'île amicale». En tant que plus récent pays du Royaume des Pays-Bas, Sint Maarten s'attache actuellement à créer le cadre et les institutions nécessaires à un pays socialement et économiquement fort, a poursuivi Mme Daal. La Constitution, les lois et les politiques de Sint Maarten s'efforcent de garantir les droits de chacun et d'assurer que les gens soient traités sur un pied d'égalité en toute circonstance. Avec l'introduction de l'éducation obligatoire, tous les élèves ont droit à l'éducation quelle que soit leur identité ethnique ou raciale.

Examen du rapport

Questions et observations des experts

M. ION DIACONU, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport des Pays-Bas, a salué la création de l'Institut national des droits de l'homme et s'est félicité de son plan d'action sur les droits de l'homme. Il a ensuite évoqué un certain nombre de problèmes structurels liés à des questions politiques et qui, selon lui, ont un certain impact sur la mise en œuvre de la Convention. Il a ainsi fait observer que le rapport présenté ne traite pas de la même manière es différentes parties du Royaume des Pays-Bas, au sujet desquelles les informations présentées sont incomplètes: par exemple, rien n'est dit au sujet des îles de Bonaire, Saint-Eustache et Saba et l'information relative aux trois autres pays n'est que partielle. Le Comité a besoin de disposer d'un rapport consolidé sur toutes les parties du territoire, en particulier eu égard au fait qu'il existe des différences entre les populations concernées et les dispositions légales appliquées, a souligné M. Diaconu. Tout en saluant la décentralisation dont témoigne le transfert aux municipalités des compétences en matière de respect des droits de l'homme et des libertés, il a souligné qu'un tel transfert requiert des mesures visant à assurer que la tâche est effectivement menée à bien, le rapporteur insistant sur la responsabilité qui incombe aux autorités centrales en termes d'application de la Convention.

M. Diaconu a ensuite souhaité savoir combien parmi les personnes considérées comme étant d'origine étrangère ou immigrée sont des citoyens néerlandais; il a également souhaité savoir de quelle manière les enfants de ces personnes peuvent acquérir la citoyenneté néerlandaise.

Existe-t-il encore des peuples autochtones dans les territoires des Antilles néerlandaises, a par ailleurs demandé M. Diaconu, s'agissant notamment des Arawaks? Il s'est par ailleurs inquiété du manque de visibilité des personnes d'ascendance africaine et du silence du rapport à leur sujet.

Plusieurs informations relèvent, dans la politique d'intégration appliquée par les Pays-Bas, un transfert sur les immigrants de l'essentiel de la responsabilité de l'intégration, a d'autre part fait observer M. Diaconu. Le Gouvernement estime-t-il que les immigrés peuvent pleinement s'intégrer par eux-mêmes sans aucune assistance, a demandé l'expert? Il a par ailleurs relevé que l'approche essentielle suivie par le Gouvernement pour combattre la discrimination consiste à adopter des politiques et des mesures générales visant la population dans son ensemble sans cibler spécifiquement des groupes vulnérables. Le Gouvernement n'envisage-t-il pas de prendre la moindre mesure spéciale, a demandé le rapporteur?

S'agissant de la législation en vigueur, M. Diaconu a relevé que la Constitution et la loi sur l'égalité de traitement contiennent une interdiction générale de la discrimination fondée sur la race; mais aucune référence n'est faite à l'origine ethnique ni à la couleur en tant que motifs de discrimination, a-t-il regretté. La seule définition de la discrimination raciale la législation néerlandaise figure au code pénal et, si elle couvre la plupart des aspects visés à l'article 4 de la Convention, elle ne couvre que la discrimination fondée sur la race et non sur l'origine ethnique, l'ascendance ou la couleur. Il semble qu'il existe une réticence aux Pays-Bas à faire référence, dans les lois et dans les rapports, à l'origine ethnique et à la couleur comme motifs de discrimination interdite, alors qu'il s'agit là d'un langage courant dans nombre de documents européens et internationaux pourtant obligatoires pour le pays. M. Diaconu a en outre relevé que le code pénal ne contenait pas de disposition explicite faisant de la motivation raciale d'un crime une circonstance aggravante.

Le rapporteur s'est inquiété d'informations faisant état d'une réticence des victimes à déposer plainte pour discrimination raciale en raison de la manière dont la police et les procureurs traitent ces plaintes et des difficultés à prouver la discrimination raciale.

Si le Gouvernement est disposé à admettre que la discrimination et l'inégalité de traitement existent et devraient se voir accorder davantage d'attention, plusieurs rapports sur la situation aux Pays-Bas relèvent que rien n'est fait pour s'attaquer aux causes de la discrimination, notamment par des mesures préventives, a poursuivi le rapporteur. Certaines mesures prises par le Gouvernement en matière d'intégration et les exigences culturelles requises pour l'acquisition de la citoyenneté néerlandaise ne semblent mener qu'à davantage de stéréotypes et de stigmatisation au sein de l'opinion publique. De récentes études attestent de manifestations d'antisémitisme et d'anti-islamisme fondées sur l'origine ethnique et la religion, a-t-il ajouté. Le rapporteur a insisté sur la nécessité pour les Pays-Bas d'adopter un Plan d'action contre la discrimination raciale.

Déplorant par ailleurs le manque de statistiques ventilées en fonction des différents groupes de population, M. Diaconu a fait observer que certaines informations faisaient état d'un taux de chômage parmi les ressortissants étrangers qui serait trois fois supérieur à la moyenne nationale. Selon certaines informations, a-t-il ajouté, la discrimination sur le marché du travail est très courante et touche les non-occidentaux et autres immigrés. Des informations font également état de difficultés dans l'accès au logement, de harcèlement à l'école et de discrimination dans l'accès aux lieux publics tels que les clubs et les bars. Quand l'État entend-il examiner les causes de ces situations et prendre des mesures pour les prévenir et les éliminer, a demandé l'expert?

M. Diaconu a d'autre part souhaité savoir si les Pays-Bas acceptaient le concept de diversité culturelle et ses conséquences en termes de respect de toutes les cultures. Relevant que les Pays-Bas comptent une importante population d'ascendance africaine, essentiellement composée de citoyens néerlandais, le rapporteur a insisté sur la responsabilité de l'État de prendre toutes les mesures nécessaires afin d'éviter toute différence de traitement illégitime ou injuste les affectant.

Les enfants issus des groupes minoritaires sont également confrontés à des situations difficiles en matière d'éducation, a poursuivi M. Diaconu, déplorant notamment les difficultés rencontrées par les enfants migrants et requérants d'asile à être scolarisés, bien que l'éducation primaire soit obligatoire pour tous. Il y a des problèmes d'éducation qui se posent à Aruba, Curaçao et Sint Maarten, à commencer par l'étude des langues maternelles et de l'histoire des populations et de leurs territoires.

Quant aux Roms et aux Sintis, des informations indiquent qu'il n'y a pas de politique spéciale visant à améliorer leur situation défavorable, a fait observer M. Diaconu. La Stratégie nationale d'intégration des Roms renvoie à des politiques génériques et attirent l'attention sur les problèmes causés par ce groupe (criminalité, nuisance publique, exploitation des enfants) mais pas sur les difficultés et la discrimination auxquelles ses membres sont confrontés.

M. Diaconu a enfin dénoncé les activités d'entreprises néerlandaises impliquées, dans des pays en développement, dans des projets de développement qui s'accompagnent de pollution de rivières et de sols, touchant principalement des groupes minoritaires et des peuples autochtones.

Parmi les autres membres du Comité, un expert a attiré l'attention sur la présence de quelque 328 000 personnes originaires du Suriname aux Pays-Bas, alors que la population du Suriname ne compte que 450 000 habitants. Il a voulu savoir quelles mesures étaient prises par les autorités néerlandaises pour permettre à ces personnes de maintenir leur propre langue, eu égard à l'importance de leur nombre. Selon les dernières statistiques disponibles (2014), il y aurait plusieurs milliers d'apatrides aux Pays-Bas, s'est en outre inquiété l'expert.

Un autre membre du Comité s'est enquis de la part des juifs dans la population des Pays-Bas. Par ailleurs, il s'est inquiété d'informations faisant état de présence disproportionnée de certaines communautés parmi la population carcérale. Il a souhaité en savoir davantage au sujet des mesures prises par le pays dans le contexte de la Décennie internationale des personnes d'ascendance africaine.

Un expert s'est inquiété d'informations indiquant que les agences de travail temporaire filtrent les candidatures émanant des membres de certaines minorités ethniques parce que des employeurs leur ont demandé de ne pas leur transmettre de candidatures de personnes appartenant à certaines minorités ethniques telles que les Turcs et les Marocains.

Des préoccupations ont été exprimées face aux informations faisant état de pratiques de profilage ethnique par les forces de l'ordre dans les hôpitaux. L'incrimination de l'insulte à caractère discriminatoire, énoncée à l'article 137 du code pénal, ne s'appliquerait pas sur la scène politique, religieuse et artistique, s'est étonné un membre du Comité.

Une experte a demandé si les Pays-Bas envisageaient de ratifier la Convention n°189 de l'Organisation internationale du travail sur les travailleuses et travailleurs domestiques, ce qui contribuerait à la lutte contre les discriminations dont souffrent nombre de femmes dans ce secteur. Quels objectifs les autorités se sont-elles fixés afin d'assurer le respect des droits des Roms, a en outre demandé l'experte?

Plusieurs membres du Comité ont dénoncé la connotation raciale inacceptable, selon eux, de la tradition de célébration du Zwarte Piet (Pierre le Noir – ou le Père Fouettard). Un expert s'est toutefois inscrit en faux contre cette prise de position, estimant qu'i s'agit d'une tradition solidement ancrée dans la culture de pays comme la Belgique et les Pays-Bas, bien antérieure à l'esclavage ou au colonialisme européens, et associée à la célébration du Père Noël. Un autre expert a pour sa part estimé que certaines traditions ou coutumes doivent absolument être modifiées et a déploré que lorsqu'il s'agit des pays développés, il n'est jamais possible de parvenir à leur faire changer une coutume. Même s'il n'y a pas de coutume intrinsèquement discriminatoire dans la célébration du Zwarte Piet, les effets ressentis de cette tradition sont aujourd'hui discriminatoires et il conviendrait donc pour les Pays-Bas de revenir sur cette tradition.

Un expert s'est inquiété que le terme utilisé dans le pays pour parler des personnes d'ascendance africaine se traduit littéralement par: «Pas d'ici», ce qui semble révélateur d'un comportement assez troublant vis-à-vis de cette communauté.

Des préoccupations ont été exprimées s'agissant d'informations sur le refoulement de réfugiés sur la base de leur orientation sexuelle. Un expert s'est également inquiété de disparitions d'enfants des centres d'accueil, qui pourraient présenter des risques de traite.

Un autre membre du Comité a regretté qu'il semble que le Comité devra présenter les mêmes observations finales que celles adoptées lors de l'examen de rapports précédents et a souligné que cela irait à l'encontre de la raison d'être du présent dialogue.

Une experte a demandé si les autorités néerlandaises avaient l'intention d'inclure dans les manuels d'enseignement l'histoire de l'esclavage et du colonialisme. Elle s'est par ailleurs inquiétée que la prostitution légale favorise la traite de personnes.

Déclaration de l'Institut national des droits de l'homme des Pays-Bas

Une représentante de l'Institut national des droits de l'homme des Pays-Bas a fait observer que plusieurs études ont conclu que la discrimination raciale aux Pays-Bas ne se résumait pas à une série d'incidents inévitables. Le chômage parmi les personnes d'origine non occidentale est trois fois plus élevé que parmi les personnes d'origine néerlandaise, a-t-elle souligné. En outre, les Roms et les Sintis constituent un groupe défavorisé dans plus domaines, notamment dans l'éducation et sur le marché du travail. La discrimination fondée sur l'origine coïncide souvent avec la discrimination fondée sur la religion.

La représentante de l'Institut néerlandais des droits de l'homme a par ailleurs souligné que l'accès aux lieux publics tels que les bars et les discothèques était trop souvent refusé à des personnes sur la base de leur origine ethnique ou de leur couleur. Elle a en outre déploré que plusieurs municipalités des Pays-Bas aient adopté des politiques qui empêchent les gens du voyage de vivre dans leur caravane alors que cela fait partie de leurs traditions.

Le recours au profilage ethnique dans le travail de la police est aujourd'hui reconnu comme étant une pratique qui existe aux Pays-Bas. Des discours discriminatoires dans les lieux publics, y compris sur Internet, sont fréquemment rapportés dans le pays. Plus de 3600 incidents de discrimination ont été rapportés à la police qui n'ont fait l'objet de poursuites que dans 83 cas.

Déplorant que trop souvent, le Gouvernement ait tendance à laisser la société gérer elle-même les questions les plus sensibles, la représentante a toutefois relevé que récemment, il a annoncé qu'il pouvait jouer un rôle de facilitateur d'un dialogue respectueux sur le Zwarte Piet visant à rendre cette figure plus acceptable pour tous.

Le Gouvernement a par ailleurs pris des mesures pour promouvoir l'égalité des chances sur le marché du travail, a ensuite fait valoir la représentante de l'Institut des droits de l'homme. Un grand nombre de personnes ne sont pas conscientes que leur comportement est discriminatoire; c'est pourquoi il convient de promouvoir les campagnes de sensibilisation à cet égard.

Réponses de la délégation

Revenant sur la structure constitutionnelle des Pays-Bas, la délégation a rappelé que les obligations de la Convention étaient contraignantes pour le Royaume. Néanmoins, la mise en œuvre revient à chaque partie autonome du pays et les rapports soumis aux organes conventionnels reflètent toujours les mesures prises par les quatre pays composant le Royaume des Pays-Bas.

Il n'y a pas de projet d'adoption d'un plan d'action sur les droits de l'homme à Curaçao, a reconnu la délégation, qui a toutefois attiré l'attention sur le projet de création d'un institut des droits de l'homme. Tous les résidents légaux à Curaçao ont accès, sur un pied d'égalité, aux services de santé et d'éducation et autres services sociaux, a-t-elle fait valoir.

Pour sa part, Aruba est en train de prendre des mesures en vue de l'adoption d'un plan d'action intégré en matière de droits de l'homme. Le Gouvernement d'Aruba s'est en outre engagé, dans le cadre de l'Examen périodique universel du Conseil des droits de l'homme, à créer dans un proche avenir un institut des droits de l'homme conforme aux Principes de Paris et semblable à celui qui existe aux Pays-Bas. La délégation a ajouté qu'il n'y a pas d'autochtones sur l'île. Aruba compte deux langues officielles: le papiamento et le néerlandais. La loi en vigueur à Aruba prévoit que toute personne enregistrée à l'état civil a droit à une couverture médicale; par conséquent, les personnes sans papiers ne sont pas couvertes par cette loi et ne bénéficient que d'un accès temporaire à la couverture médicale. Toutefois, les enfants sans papiers qui en ont besoin reçoivent un traitement médical si nécessaire. D'autre part, il n'y a aucune restriction en matière d'accès à la justice pour qui que ce soit à Aruba. S'agissant de la question du Zwarte Piet, le Gouvernement d'Aruba envisage de promouvoir une forme non traditionnelle du personnage.

Sint Maarten envisage de créer un institut des droits de l'homme. La langue maternelle à Sint Maarten est l'anglais; l'anglais et le néerlandais sont tous deux langues officielles, y compris dans l'enseignement. La loi en vigueur à Sint Maarten énonce le principe de l'école obligatoire, y compris pour les enfants sans papiers. Les enfants sans papiers peuvent être apatrides s'ils refusent de suivre la procédure à leur disposition, mais ils peuvent recevoir la nationalité de leur mère s'ils suivent cette procédure, a expliqué la délégation.

Pour ce qui est de l'apatridie, il convient de souligner qu'un comité consultatif sur l'apatridie s'est penché sur cette question en décembre 2013 et a constaté que la plupart des personnes apatrides aux Pays-Bas sont nées dans le pays et ont le droit d'y résider. Aussi, le Gouvernement a-t-il décidé de mettre en place un processus de détermination du statut d'apatridie: à compter de janvier 2017, toute personne apatride pourra demander au tribunal civil de déterminer son statut.

Le Gouvernement des Pays-Bas insiste auprès de tous les immigrés d'où qu'ils viennent sur l'importance pour eux d'étudier le néerlandais afin d'être en mesure de s'intégrer, a par ailleurs indiqué la délégation. Les directives européennes en matière migratoire n'interdisent pas aux États Membres de l'Union européenne d'imposer des conditions à l'immigration, pour autant que ces conditions soient légales et ne contreviennent pas auxdites directives, a-t-elle ajouté. La délégation a par la suite fait état d'un programme visant à encourager les jeunes migrants à exercer un sport afin de les détourner de la criminalité.

Les requérants d'asile ayant un besoin de protection internationale reçoivent un permis d'établissement et un logement dans les municipalités qui les prennent en charge, a poursuivi la délégation. De nouveaux lieux d'accueil vont être construits afin de disposer de davantage de temps pour le déroulement des procédures de rapatriement.

Le droit pénal est un dernier recours dans la lutte contre la discrimination, a déclaré la délégation. Elle a ajouté que l'accès à la justice était gratuit pour tous les citoyens. Si la loi n'énonce pas explicitement que le motif raciste d'un crime constitue une circonstance aggravante, il n'en demeure pas moins que chaque tribunal peut prendre en considération toute circonstance aggravante lorsqu'il décide d'une sanction; il y a là un pouvoir discrétionnaire qui garantit l'indépendance et l'impartialité du pouvoir judiciaire. Ainsi, le procureur pourra toujours demander que la peine encourue pour les crimes à caractère raciste soit alourdie, par exemple, de 20%, a expliqué la délégation. Le Gouvernement néerlandais rejette toute forme de discrimination et de racisme, a également insisté la délégation.

La police prend les mesures nécessaires, notamment par la sensibilisation de ses effectifs, afin de prévenir le profilage ethnique, a assuré la délégation.

Les Pays-Bas ne sont pas un pays où la haine raciale prévaut dans la politique, dans la société ou dans les médias, a assuré la délégation. La liberté d'expression ne protège pas ceux qui tiennent des discours haineux ou racistes; la haine raciale et les discours racistes sont passibles de poursuites pénales, a-t-elle souligné.

Les droits de l'homme y compris le droit à la liberté religieuse sont garantis à tous aux Pays-Bas, a poursuivi la délégation. Toutefois, le droit à la liberté de religion n'est pas absolu et peut être limité s'il empiète sur les droits et libertés d'autrui. La liberté d'expression, pas plus que la liberté de religion, ne peut être utilisée à des fins de discrimination ou d'incitation à la haine, a-t-elle insisté.

En ce qui concerne les Roms et les Sintis, la délégation a assuré que le Gouvernement néerlandais était déterminé à assurer l'égalité de droits et de chances à tous les citoyens, y compris aux Roms. Il y a des problèmes de taux de criminalité élevé et d'exploitation des enfants sur lesquels il convient de se pencher pour améliorer la situation de ces communautés, a ajouté la délégation. L'abandon scolaire reste un problème, surtout parmi les filles, et on constate également un problème sur le marché du travail. Les Pays-Bas n'ont en aucun cas une politique d'assimilation, mais l'État ne mène pas non plus d'efforts particuliers visant à promouvoir la culture de ces communautés, estimant qu'il appartient à chacun de le faire. Il n'y a aucune raison pour que le Gouvernement central des Pays-Bas adopte une politique concernant les sites de caravanes, cette question relevant des municipalités, a-t-elle en outre indiqué.

Le Gouvernement des Pays-Bas s'oppose fermement à toute discrimination sur le marché du travail et a lancé pour cela un plan d'action en 42 mesures qui est en cours de mise en œuvre, a rappelé la délégation.

Interpellée au sujet de la question de la ségrégation scolaire, la délégation a indiqué que le Gouvernement favorisait l'intégration en se concentrant sur la qualité de l'éducation. Il prend en outre des mesures visant à prévenir l'abandon scolaire.

Tout citoyen a la possibilité d'adresser directement une plainte à l'Ombudsman national, a d'autre part rappelé la délégation.

Les Pays-Bas sont à l'avant-garde de la protection des droits des lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres, a d'autre part rappelé la délégation, se disant néanmoins consciente du problème soulevé par un expert s'agissant de cas de refoulement de réfugiés sur la base de leur orientation sexuelle.

La délégation a également indiqué être consciente du problème de la traite d'enfants dont s'est inquiété un membre du Comité s'agissant des centre d'accueil de migrants.

S'agissant de l'incrimination de l'insulte, la délégation a expliqué que l'approche en la matière, issue de la jurisprudence, se fonde sur un modèle en trois étapes. Dans un premier temps, il s'agit de vérifier si la déclaration faite constitue véritablement une insulte au sens de l'article 137c du code pénal, c'est-à-dire qu'elle exprime publiquement et délibérément un point de vue insultant envers un groupe de personnes. Si tel est le cas, il conviendra de déterminer si le contexte dans lequel les propos ont été tenus leur retire leur caractère insultant. Comme l'explique le paragraphe 62 du rapport, si le contexte retire aux propos leur caractère insultant, l'infraction pénale ne sera constituée que si son caractère offensant et gratuit est établi; des propos ne seront considérés comme particulièrement offensants et comme constituant une infraction pénale que si leur caractère particulièrement offensant est disproportionné par rapport à l'objectif visé - participation au débat public, expression de convictions religieuses ou expression artistique. En revanche, des propos qui constituent une menace pour l'intégrité physique d'une personne sont constitutifs d'infraction pénale et la liberté d'expression ou la participation au débat public ne sauraient être invoquées pour minimiser le caractère répréhensible de tels propos.

Conclusion du rapporteur

M. DIACONU a jugé très constructif le dialogue entre les membres du Comité et la délégation néerlandaise. Toutes les questions importantes ont été abordées au cours des échanges et des réponses y ont été apportées, même s'il de n'était pas toujours celles attendues par le Comité. Le rapporteur pour l'examen du rapport des Pays-Bas a exprimé l'espoir que les problèmes soulevés par les experts recevront aux Pays-Bas toute l'attention qu'ils méritent.

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