Communiqués de presse Haut-Commissariat aux droits de l’homme
Les violences croissantes d’une milice « pourraient faire basculer le Burundi » – Zeid Ra’ad Al Hussein
Burundi: violences croissantes d’une milice
09 juin 2015
GENEVE (9 juin 2015) – Le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme Zeid Ra’ad Al Hussein a fait part mardi de sa préoccupation face aux actions de plus en plus violentes et menaçantes d’une milice pro-gouvernementale au Burundi, indiquant qu’ « elles pourraient faire basculer une situation déjà extrêmement tendue ». Il a exhorté les autorités à prendre des mesures concrètes et immédiates pour la mettre au pas.
« Chaque jour, nous recevons 40 à 50 appels de tout le pays lancés par des gens terrifiés, à la recherche d’une protection ou souhaitant rapporter des abus », a indiqué le Haut-Commissaire. « Nous avons aussi recueilli des témoignages inquiétants de réfugiés burundais ayant fui dans les pays voisins, portant sur des violations graves des droits de l’homme qui auraient été commises par une milice rattachée au mouvement pro-gouvernemental connu sous le nom d’Imbonerakure. Ces violations présumées, qui auraient eu lieu à Bujumbura mais aussi dans plusieurs provinces, incluent des exécutions sommaires, des enlèvements, des tortures, des coups, des menaces de morts et d’autres formes d’intimidation. »
Zeid Ra’ad Al Hussein a en partie fondé ses remarques sur le témoignage détaillé de 47 réfugiés interviewés ces dernières semaines par du personnel des droits de l’homme dans des camps de réfugiés situés au Rwanda et en République démocratique du Congo.
Un réfugié de 19 ans originaire de la province de Makamba a expliqué que sa maison avait été attaquée et pillée de nuit par des membres des Imbonerakure et que son père avait été poignardé à mort parce qu’il avait refusé de rejoindre le parti au pouvoir, le CNDD-FDD.
Un autre réfugié de la ville de Rugongo, dans la province de Citiboke, a dit au personnel onusien des droits de l’homme avoir été enlevé le 15 avril par quatre membres des Imbonerakure qui l’accusaient de soutenir un parti d’opposition, le FNL. Il a déclaré avoir été emmené dans un bâtiment où il a été torturé par ces quatre hommes, qui l’ont battu avec une tige en fer. Des marques étaient encore visibles sur son corps au moment de l’entretien.
Une réfugiée originaire de la même ville a déclaré qu’elle et son mari avaient également été battus de nuit dans leur maison par des Imbonerakure, qui ont demandé pourquoi son mari ne participait pas aux réunions organisées par le parti au pouvoir, le CNDD-FDD. Son mari a ensuite été kidnappé et son sort reste inconnu.
Un réfugié de 32 ans du district de Mubine, dans la province de Bujumbura rural, a décrit comment il avait été arrêté par deux Imbonerakure et un policier, et détenu pendant deux semaines dans une prison, après avoir cessé de participer à des formations idéologiques organisées par le parti au pouvoir.
De nombreux réfugiés ont déclaré que des menaces avaient été écrites sur les portes ou murs de leurs maisons ou sur celles d’autres personnes. Quatre réfugiés se trouvant au Rwanda ont, par exemple, expliqué avoir vu des maisons marquées d’une croix, apparemment pour identifier des personnes devant être prises pour cible ou attaquées, ou afin de semer la terreur. Un réfugié interviewé en RDC a déclaré avoir trouvé le message suivant sur sa porte: « Tu peux fuir où tu veux mais nous te retrouverons ». Un autre réfugié de la province de Citiboke a dit avoir vu les maisons de cinq familles marquées au rouge avec un message disant: « Acceptez-vous d’appartenir au CNDD-FDD? »
« Ces rapports sont vraiment effrayants, en particulier dans un pays avec une histoire comme celle du Burundi », a déclaré Zeid Ra’ad Al Hussein, en ajoutant que le personnel des Nations Unies chargé des droits de l’homme dans la région avait reçu des allégations persistantes faisant état de collusion entre des membres de la milice Imbonerakure et les forces de police et de renseignement officielles.
« Nous avons reçu des témoignages concordants indiquant que les membres des Imbonerakure agissent en suivant les instructions du parti au pouvoir et avec le soutien de la police nationale et des services de renseignement, qui leur fournissent des armes, des véhicules et parfois des uniformes », a-t-il dit. « Si ces allégations sont vraies, ne serait-ce qu’en partie, elles indiquent un effort extrêmement dangereux pour aggraver les peurs et les tensions. Si les autorités étatiques sont en effet en collusion avec une milice violente et sans loi, elles jouent avec l’avenir du pays de la manière la plus irresponsable qui puisse être imaginée. »
« Je suis profondément alarmé par ces allégations très graves. En avril dernier, lors de ma visite au Burundi, j’avais mis en garde contre les activités extrémistes de cette milice et rappelé au gouvernement qu’il avait l’obligation de protéger tous les citoyens et résidents contre les intimidations et violences commises par toute personne ou tout groupe. Aujourd’hui, plus que jamais, il est essentiel que les autorités burundaises montrent leur engagement en faveur de la paix en se dissociant clairement de leurs partisans violents et en garantissant que justice soit rendue pour tout crime ou toute violation des droits de l’homme qu’ils aient pu commettre », a déclaré le Haut-Commissaire.
Il a aussi demandé aux dirigeants de l’opposition de freiner les éléments violents qui pourraient se former de leur côté.
« Alors que jusqu’à présent, il n’y a eu que très peu d’actes violents commis par des éléments de l’opposition, des signes montrent des tentatives de plus en plus coercitives pour pousser les gens à soutenir activement l’opposition », a déclaré Zeid Ra’ad Al Hussein. « J’exhorte les dirigeants de l’opposition à faire un énorme effort pour s’assurer que leurs partisans protestent pacifiquement et ne recourent pas à la violence. »
« La dernière chose dont a besoin le Burundi après une décennie de consolidation progressive et largement réussie de la paix, c’est d’être catapulté dans une guerre civile du fait de la détermination impitoyable d’un petit nombre de personnes à garder ou prendre le pouvoir à tout prix », a ajouté le Haut-Commissaire.
FIN
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