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Communiqués de presse Conseil des droits de l’homme

Le Conseil des droits de l'homme examine des rapports sur les droits de l'homme des migrants et sur la situation des roms dans le monde

15 Juin 2015

SOIR

15 juin 2015

Le Conseil des droits de l'homme a examiné en soirée les rapports annuels présentés par le Rapporteur spécial sur les droits de l'homme des migrants, M. François Crépeau, et la Rapporteuse spéciale sur les droits des minorités, Mme Rachel Izsák, qui soumet cette année une étude sur la situation des Roms.

M. Crépeau a estimé que l'inefficacité et les paradoxes de la gestion des frontières par l'Union européenne et le manque d'approche cohérente axée sur les droits de l'homme ont été démontrés de manière frappante par les nombreux décès de migrants depuis le début de l'année. Il a vu dans ces événements un signe clair que l'Union européenne perd le contrôle de sa gestion des migrations malgré des efforts soutenus. Il a jugé que le statu quo actuel n'était pas viable car il se concentre sur un système inefficace de contrôle du territoire. Pour le Rapporteur spécial, l'Union européenne devrait au contraire miser sur la mobilité et pratiquer une plus grande solidarité entre ses membres, à l'encontre de l'actuel système dit de Dublin. Le Rapporteur spécial a par ailleurs présenté un rapport sur sa récente visite à Sri Lanka, en Italie et à Malte. Ces trois pays, ainsi que l'Union européenne, sont intervenus à titre de parties concernées.

Lors du débat interactif qui a suivi, les délégations* ont exprimé leur préoccupation face au sort des migrants, en particulier en Méditerranée, et ont appelé au respect de leurs droits. D'autres ont mis l'accent sur l'ampleur des défis que représente l'afflux actuel des migrants dans plusieurs parties du monde. Si la plupart ont insisté sur l'apport positif des migrants tant au pays d'accueil qu'aux pays de départ, certains ont insisté sur la nécessité d'un contrôle des frontières.

Mme Izsák a présenté une étude approfondie sur la situation des droits de l'homme des Roms dans le monde et plus particulièrement sur le phénomène de l'antitsiganisme. Pour la Rapporteuse spéciale, la discrimination dont sont victimes les communautés roms en Europe est profondément ancrée et revêt un caractère structurel. Le «problème rom» ne tient pas seulement à la pauvreté et les communautés concernées doivent bénéficier, au titre de communautés minoritaires, d'un ensemble de mesures de protection. Il s'agit de protéger les Roms dans leur existence même et dans leur identité. Il faut en outre accorder une attention particulière aux Roms victimes de plusieurs formes de discriminations: femmes et jeunes filles, personnes déplacées et apatrides. Enfin, les États devront œuvrer à la participation des Roms à la vie politique.

Dans le cadre du débat qui a suivi, les orateurs** ont dénoncé les discriminations et la stigmatisation dont sont victimes les Rom. Plusieurs ont rappelé les tentatives de destruction dont la communauté a été la cible en Europe au vingtième siècle. Plusieurs délégations ont présenté les mesures prises par leur gouvernement dans le cadre de stratégies d'intégration des Roms.

En fin de séance, le Burundi, le Japon, Bahreïn, l'Égypte et la République populaire démocratique de Corée ont exercé le droit de réponse s'agissant de déclarations faites au cours de la journée par d'autres délégations.

Demain mardi 16 juin, à partir de 9 heures, le Conseil des droits de l'homme achèvera son débat interactif avec les deux rapporteurs spéciaux. Il tiendra ensuite un autre dialogue interactif avec le Groupe de travail sur les droits de l'homme et les sociétés transnationales et le Rapporteur spécial sur la traite des êtres humains.

Rapport du Rapporteur spécial sur les droits de l'homme des migrants

Le Conseil était saisi du rapport du Rapporteur spécial sur les droits de l'homme des migrants, M. François Crépeau, (A/HRC/29/36) ainsi que des additifs consacrés à ses missions à Sri Lanka (A/HRC/29/36/Add.1), en Italie (A/HRC/29/36/Add.2) et à Malte (A/HRC/29/36/Add.3) et aux commentaires de ces pays ( Sri Lanka: A/HRC/29/36/Add.4, disponible en anglais; Malte A/HRC/29/36/Add.5, disponible en anglais; Italie A/HRC/29/36/Add.6, disponible en anglais).

M. FRANÇOIS CRÉPEAU, Rapporteur spécial sur les droits de l'homme des migrants, a estimé que l'inefficacité et les paradoxes de la gestion des frontières par l'Union européenne et le manque d'approche cohérente axée sur les droits de l'homme ont été démontrés de manière frappante par les nombreux décès de migrants depuis le début de cette année. Il y a vu un signe clair que l'Union européenne perd le contrôle de sa gestion des migrations, en dépit d'efforts soutenus. Selon lui, le statu quo, qui se concentre sur un système inefficace de contrôle du territoire, n'est pas viable. Les frontières ont toujours été poreuses et les sceller est une chimère, a insisté le Rapporteur spécial, pour qui il faudrait au contraire miser sur la mobilité. Les autorités doivent accepter le fait que les migrants viendront, quelles que soient les raisons – fuite de leur pays d'origine ou grande attractivité des pays de destination, a souligné M. Crépeau. Il a jugé paradoxal que les États européens aient perdu le contrôle de certaines de leurs frontières au nom même de leur gestion et ce, au profit de réseaux de contrebande qui aggravent le caractère précaire de la migration. Le Rapporteur spécial a estimé que la requête présentée par l'Union européenne au Conseil de sécurité des Nations Unies au titre du Chapitre VII de la Charte de l'ONU relevait d'une politique à courte vue qui ne peut qu'aggraver les violations des droits de l'homme. L'Union européenne doit miser sur la mobilité, a insisté M. Crépeau. Il a reconnu les difficultés que de tels programmes représentent pour l'Union européenne et ses États membres, comme le démontre l'opération Triton, laquelle a finalement vu son budget tripler. Pour aider les États qui se trouvent en première ligne, comme l'Italie, Malte et la Grèce, une plus grande solidarité européenne est nécessaire, alors que les arrivées par bateau ne cessent d'augmenter, notamment en provenance de Syrie et d'Érythrée, a souligné le Rapporteur spécial. Il s'est félicité de l'adoption par l'Union européenne d'un plan de réinstallation mais a jugé le nombre de places prévues – 20 000 sur deux ans – totalement insuffisant. Selon M. Crépeau, l'Union européenne rate actuellement une grande opportunité de prendre le leadership d'une grande politique en faveur des immigrés.

Les mécanisme de Dublin empêchent les États européens de partager les responsabilités, aux dépens des États d'accueil, et ne font qu'encourager les migrants à recourir aux contrebandiers, a poursuivi le Rapporteur spécial. Il a jugé impératif de permettre aux migrants, après enregistrement dans le pays de première arrivée, de circuler librement à travers l'Union. Il faut donc inverser la logique actuelle; la logique de Dublin s'est effondrée car on se rend compte que le renvoi vers le pays de première inscription représente une punition à la fois pour le migrant et pour le pays de premier accueil, a-t-il insisté. M. Crépeau a ajouté que le plus grand échec du programme européen pour les migrants est qu'il n'offre pas de perspectives aux migrants non qualifiés. Les migrants ne cherchent pas l'aumône, mais ils veulent travailler, a-t-il souligné. Les pays européens devraient reconnaître leurs besoins réels en termes de main-d'œuvre non qualifiée et adopter des politiques migratoires qui permettent de lutter contre les réseaux et le recours au travail clandestin, a-t-il indiqué.

Le Rapporteur spécial a jugé impératif pour l'Europe de faire preuve de leadership politique et moral en luttant contre le populisme nationaliste. Il a cité comme exemples l'attitude de la Suède à l'égard des migrants syriens et la position adoptée par la Chancelière allemande face aux mouvements anti-immigrés en Allemagne. M. Crépeau a préconisé un discours commun qui célèbre la mobilité et la différence.

Le Rapporteur spécial a ensuite présenté les résultats de la mission qu'il a effectuée en mai 2014 à Sri Lanka, pays d'origine de migrations. Il a relevé que les envois de fonds des émigrés sri-lankais jouent un rôle important pour le développement de l'économie nationale, tout en faisant observer que l'exploitation des travailleurs migrants commençait souvent dès leur recrutement dans le pays de départ. L'importance des transferts pour l'économie nationale ne doit pas empêcher de faire respecter les droits de ces personnes, a-t-il souligné. Il a estimé que le pays avait adopté de bonnes politiques qui, sous réserve qu'elles soient effectivement mises en œuvre, pourraient effectivement prévenir certains abus que les migrants subissent actuellement dans le processus de migration.

Enfin, M. Crépeau a indiqué avoir prévu une visite en Australie fin septembre prochain. Il a précisé avoir demandé depuis plusieurs mois à se rendre à Nauru et en Papouasie-Nouvelle-Guinée, où l'Australie a établi des centres de détention pour migrants illégaux, mais sans aucune réponse à ce jour. Il a annoncé avoir l'intention de présenter en octobre prochain à l'Assemblée générale son rapport sur les pratiques de recrutement et a indiqué que son étude thématique de l'an prochain serait consacrée aux migrants dans les accords régionaux et bilatéraux.

Rapport de la Rapporteuse spéciale sur les questions relatives aux minorités

Le Conseil était saisi de l'étude approfondie de la Rapporteuse spéciale sur les questions relatives aux minorités, Mme Rita Izsák, sur la situation des droits de l'homme des Roms dans le monde et plus particulièrement sur le phénomène de l'antitsiganisme (A/HRC/29/24).

MME RITA IZSÁK, Rapporteuse spéciale sur les questions relatives aux minorités, a précisé que sa recherche avait porté sur tous les groupes qui se qualifient eux-mêmes de Roms, Sinti, Kale, Gens du voyage ou Tsiganes, ainsi que sur les Lyuli d'Asie centrale et les Dom au Moyen-Orient. La discrimination dont sont victimes les communautés roms en Europe est profondément ancrée et revêt un caractère structurel, ce qui justifie que l'on parle d'un véritable «antitsiganisme», a déclaré la Rapporteuse spéciale, précisant que ce dernier est défini par le Conseil de l'Europe comme une forme spécifique de racisme, une idéologie basée sur l'idée de supériorité raciale, une forme de déshumanisation et de racisme institutionnel. L'«antitsiganisme» recouvre des préjugés et des stéréotypes très forts, y compris ceux qui entraînent la qualification en bloc de tous les Roms comme autant de criminels, a poursuivi Mme Izsák. D'origine européenne, ce phénomène renvoie à une forme de discrimination qui se manifeste dans d'autres régions également, a-t-elle ajouté.

Le «problème rom» ne tient pas seulement à la pauvreté, a ensuite souligné la Rapporteuse spéciale, rappelant que les communautés concernées doivent bénéficier d'un ensemble de mesures de protection en tant que communautés minoritaires. Cette protection doit revêtir quatre aspects, a-t-elle précisé. Tout d'abord, les Roms doivent être protégés dans leur existence même. Il s'agira à ce titre de commémorer l'extermination des Roms pendant la Seconde guerre mondiale et de rendre hommage aux survivants. Mais la violence n'est pas qu'historique: elle se manifeste aussi, de nos jours, par le harcèlement de la part des forces de police ou par des actes de violence physique directe, a ajouté Mme Izsák. À cet égard, il conviendra de condamner le silence des autorités et figures publiques qui contribuent à perpétuer cette violence, a-t-elle recommandé. Un autre volet de la protection doit porter sur l'identité rom, ce qui oblige les États non seulement à protéger les Roms contre l'assimilation forcée, mais aussi à adopter des mesures positives visant à valoriser la culture, les langues et l'histoire roms. Les États doivent aussi combattre les représentations stéréotypées et les discours de haine à l'encontre des Roms, a souligné la Rapporteuse spéciale. Les Roms sont très désavantagés, en Europe et ailleurs, en termes d'accès au logement, aux soins de santé, à l'emploi et à l'éducation, a-t-elle poursuivi, rappelant que les conditions précaires de logement des Roms sont bien documentées, de même que leur quasi-exclusion du secteur de l'éducation. Les États devront dans ce contexte accorder une attention particulière aux Roms qui sont victimes de discriminations multiples: femmes et jeunes filles, personnes déplacées et apatrides, a souligné Mme Izsák. Quant au quatrième volet de la protection, a-t-elle expliqué, il consistera pour les États à œuvrer à la participation des Roms à la vie politique – facteur crucial pour briser le cycle de la stigmatisation, de la discrimination et de la marginalisation. Mme Izsák a précisé que son étude énumère un certain nombre de «pratiques optimales» pour la mise en œuvre des mesures préconisées au titre des quatre volets décrits ci-dessus. La fin du rapport contient des recommandations visant à aider les États à garantir l'inclusion des Roms et préconise à cet égard l'expression d'une réelle volonté politique, l'intégration de l'histoire et de la culture roms dans les programmes scolaires, la répression des discours de haine et l'instauration des conditions propices à la participation des Roms dans tous les aspects de la vie, a conclu Mme Izsák.

Pays et organisations concernés par le rapport sur les migrants

L'Union européenne a estimé que le rapport de M. Crépeau fera une contribution précieuse à ses débats internes. Elle a rappelé son engagement en faveur des droits de l'homme des migrants, quel que soit le pays concerné: d'origine, de transit ou de destination. La situation actuelle de l'Union européenne à ses frontières méridionales est sans précédent, que ce soit par sa gravité et son ampleur ou par les réactions qu'elle a suscitées, comme le récent sommet européen sur la question. L'Union européenne a adopté des objectifs européens pour la migration pour sauver des vies et pour venir en aide aux pays les plus concernés. En témoignent l'augmentation des budgets des opérations et programmes Frontex et Triton. L'Union européenne veut aussi mieux gérer les migrations à long terme dans le cadre d'une stratégie équilibrée des migrations. Une migration bien gérée peut être profitable à tous.

L'Italie a dit apprécier au plus haut point le travail du Rapporteur spécial, faisant notamment référence au rapport de suivi que le Rapporteur spécial a consacré à l'Italie et dans lequel il reconnaît les efforts considérables consentis par l'Italie face à l'afflux sans précédent de migrants par la Méditerranée. L'Italie a rappelé que l'opération Mare Nostrum avait permis de sauver des dizaines de milliers de migrants sans pour autant attirer davantage de migrants. L'Italie est très attachée à la protection en haute mer et ne recule devant aucun effort pour améliorer le système d'accueil des arrivants tout en luttant contre l'exploitation des travailleurs migrants sans titre de séjour. L'Italie se félicite des objectifs européens de migration et de la volonté de partager le fardeau mais estime qu'il faut aller plus loin. L'Italie est persuadée de l'Union européenne saura montrer la voie.

Malte a indiqué que sa situation géographique la mettait au cœur du drame qui se joue actuellement en Méditerranée et au cours duquel elle a déjà sauvé plusieurs milliers de vies. Malte a engagé une réforme destinée à améliorer les droits des migrants, y compris s'agissant de leur droit de faire appel des décisions les concernant. Le statut des migrants détenus sera aussi réexaminé afin de réduire la durée de la détention et assouplir les conditions de contrôle. La loi précisera la composition de la commission d'appel chargée d'examiner les plaintes et recours de migrants. Malte a largement amélioré les conditions d'hébergement des migrants dont la demande d'asile est à l'examen et, contrairement à ce qu'affirme le Rapporteur spécial, n'autorise pas la détention des enfants.

Sri Lanka a précisé pour sa part que 1,8 million de ses ressortissants, soit 10% de la population totale, travaillent à l'étranger. Vu l'importance que Sri Lanka accorde à ses migrants, les autorités ont ratifié très vite la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leurs familles et son protocole facultatif. Le Parlement a adopté d'autre part la loi portant création de l'institution nationale de droits de l'homme, conforme aux principes de Paris: l'institution améliorera les consultations en cours au sujet des questions relatives aux migrants. Sri Lanka estime que ce sont les trafiquants d'êtres humains, et non les migrants, qui doivent être traités comme des criminels.

Débat interactif sur les droits de l'homme des migrants

L'Algérie, au nom du Groupe africain, a constaté une forte détérioration de la situation des migrants africains qui se rendent vers l'Europe par la Méditerranée. Ces migrants animés d'intentions légitimes sont victimes dans un premier temps des trafiquants avant d'être refoulés par les pays de destination. Le Groupe africain partage les préoccupations du Rapporteur spécial au sujet de l'absence d'une réponse cohérente, fondée sur les droits de l'homme, à la question migratoire, et de la nécessité de réorienter les investissements destinés au système de gestion des frontières actuellement inefficace, pour les affecter à des mesures permettant de sauver des vies. À ce propos, la Sierra Leone a demandé aux autorités européennes de réactiver leur mission de secours Mare Nostrum, pour éviter que des migrants toujours plus nombreux ne perdent la vie en Méditerranée.

De même, pour le Pakistan, au nom de l'Organisation de la coopération islamique, la mort de milliers de migrants en Méditerranée illustre tragiquement les lacunes de la gestion des migrations par l'Union européenne. L'OCI a recommandé que l'Union européenne facilite l'arrivée des migrants par des voies régulières.

La Fédération de Russie a pour sa part attribué une partie de l'immigration massive en Méditerranée à la politique irresponsable de certaines puissances occidentales au Moyen-Orient.

La Communauté des États d'Amérique latine et des Caraïbes a dit son soutien à l'approche des migrations centrée sur les droits de l'homme préconisée par le Rapporteur spécial. La CELAC souligne que les intérêts des enfants migrants voyageant seuls doivent primer toute autre considération.

Le Brésil a recommandé que les politiques migratoires dans le monde soient revues à la lumière des grands principes des droits de l'homme. Le Brésil constate que ces politiques ont pour effet de favoriser l'apparition de réseaux criminels organisant le trafic des êtres humains. Le Paraguay a insisté sur la nécessité de créer des politiques nationales d'intégration des migrants qui assurent la protection des plus vulnérables d'entre eux, notamment les femmes, mais aussi les mineurs isolés.

La Chine a appelé la communauté internationale à mieux coordonner son action dans la gestion des migrations, recommandant l'adoption d'une approche intégrée à ce sujet. L'Australie a souligné elle aussi l'importance d'une approche coordonnée et complète de la gestion des migrations. Elle a mis en avant la nécessité d'une action forte des États contre les réseaux criminels responsables du trafic des êtres humains.

La migration internationale implique tout le monde et a une importance fondamentale pour le développement, a souligné le Mexique, pour qui les réponses à apporter doivent être souples, efficaces et sensibles; il faut lutter contre le trafic illicite des migrants et assurer le bien-être des migrants.

Pour le Soudan, les motifs qui animent les migrants sont trop importants pour que les mesures répressives puissent les arrêter. L'Algérie a estimé qu'il fallait accorder une importance particulière aux causes profondes des mouvements migratoires. Elle a estimé que la tragédie actuelle en Méditerranée ne devait pas occulter d'autres situations de migrations, y compris en Afrique. Elle a appelé une nouvelle fois tous les États, en particulier européens, à ratifier la Convention internationale sur les droits des travailleurs migrants et leurs familles.

La Tunisie considère que la priorité absolue doit être accordée aux opérations de sauvetage en Méditerranée et à la mise à disposition de voies de migration légales. La Tunisie a présenté les mesures qu'elle a prises pour lutter contre la traite des personnes et ses initiatives de collaboration bilatérale avec l'Union européenne et la Suisse.

Pour la Turquie, le rapport du Rapporteur spécial montre très bien que l'accent sécuritaire n'est pas la réponse adéquate aux problèmes rencontrés par les migrants. Comme d'autres intervenants, la Turquie a appelé tous les États à ratifier la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leurs familles.

Le Chili a salué les opérations de recherche et de sauvetage en Méditerranée. Le Chili a demandé au Rapporteur spécial de dire quelles mesures de précaution les États peuvent prendre pour protéger les migrants des agissements des groupes de trafiquants d'êtres humains. La Bolivie a souligné à quel point il est important de dépasser les stéréotypes contre les migrants, compte tenu en particulier de l'apport des migrants à la vie économique des pays d'accueil. Pour l'Argentine, il convient d'adopter une approche axée non plus sur les obsessions sécuritaires des pays de destination, mais bien sur les droits fondamentaux des migrants. Le Venezuela s'est ému du sort des milliers de migrants forcés de quitter leur pays du fait d'un ordre mondial injuste ou d'interventions étrangères. L'émigration fait pourtant pleinement partie de la condition humaine et tout doit être mis en œuvre pour garantir, grâce à la sécurité et la collaboration internationales, la sécurité des migrants. Pour le Costa Rica, les pertes en vies humaines en méditerranée mettent en lumière la nécessité d'une gestion coordonnée des flux migratoires. Il faut en outre trouver des alternatives à la détention de migrants.

La France a assuré que sa priorité et celle de l'Union européenne, face à la situation tragique en Méditerranée, est de sauver des vies. Mais la France estime que la crise migratoire est un drame qui concerne aussi les pays d'origine et de transit. Les migrants sont en effet issus pour l'essentiel de pays confrontés à de graves crises ou à des problèmes majeurs en matière de respect des droits de l'homme. La Grèce a également déclaré que la coopération avec les pays d'origine et de transit était indispensable pour gérer efficacement les migrations. La Grèce a adapté récemment les conditions de l'accueil des migrants, y compris par la formation des fonctionnaires de police. L'Albanie a estimé que l'action collective de la communauté internationale pour agir en Méditerranée était essentielle.

La Suisse a jugé inacceptable et urgente la situation des migrants en Méditerranée. Au-delà de la nécessité immédiate de sauver des vies, la Suisse relève la nécessité de lutter contre la perception négative dont sont victimes les migrants au niveau national et aimerait savoir ce qui peut être fait en ce domaine. D'autre part, la Suisse a demandé comment on pouvait impliquer concrètement le secteur privé sur la question des migrations.

Le Mali a rappelé que nombre de ses citoyens figuraient parmi les migrants décédés en Méditerranée. Le Mali collabore avec les pays de destination dans l'Union européenne pour mieux gérer les migrations. Tous les pays concernés doivent adopter une approche fondée sur les droits de l'homme. Le Burkina Faso, pays de migration, a estimé que les pays d'origine devaient eux aussi adopter des politiques de migration, ce que le Burkina Faso a fait avec le soutien financier de la coopération suisse. Au plan mondial, la gestion durable du phénomène migratoire nécessite un engagement fort des pays tant d'origine que de transit et de destination.

Débat interactif sur les droits des minorités; étude sur les Roms

L'Union européenne a déclaré que la lutte contre la discrimination sous toutes ses formes était une priorité de ses États membres. L'Union européenne a déjà adopté un plan d'action pluriannuel pour favoriser l'intégration des Roms et faciliter leur accès au logement et à l'éducation. L'Union européenne est fermement résolue à adopter des lois contre la discrimination envers les Roms. Le Brésil a fait savoir qu'il avait adopté des politiques publiques destinées à assurer la pleine participation du demi-million de Roms qui vivent sur son sol.

La Bulgarie a estimé que les droits des personnes appartenant à divers groupes religieux, ethniques ou linguistiques font partie intégrante d'une politique d'intégration. Elle a présenté son plan national d'intégration stratégique des Roms tout en précisant que cette intégration ne pouvait se faire que dans un cadre international. La République tchèque a présenté une série de mesures nationales adoptées en faveur des Roms dans le cadre d'une stratégie pluriannuelle qui favorise notamment leur intégration par un meilleur accès à l'éducation.

La Norvège a appuyé la démarche méthodologique de la Rapporteuse spéciale, notamment la formulation de conseils aux gouvernements pour qu'ils parviennent à intégrer pleinement les Roms.

La Sierra Leone a estimé important que les États européens protègent les droits culturels des minorités du continent. L'Inde a rappelé l'écart énorme entre les estimations officielles et officieuses du nombre de Roms et a dénoncé la faiblesse des réactions face aux attaques dont sont victimes les Roms. Elle a toutefois noté avec satisfaction les efforts récents de l'Union européenne pour mieux intégrer leur communauté rom et lutter contre les discriminations dont ses membres sont victimes. Le Pakistan, au nom de l'Organisation de la coopération islamique, a demandé à la communauté internationale de faire en sorte que les Roms jouissent de l'intégralité de leurs droits fondamentaux.

L'Espagne a dénoncé le discours de haine dont sont victimes les Roms et a dit partager l'importance que le rapport accorde à l'intégration à moyen et long terme. Elle a demandé comment il serait possible de faire mieux connaître à la population rom les mesures prises par les Nations Unies en leur faveur. La Fédération de Russie a estimé que le monde n'était pas assez informé des persécutions dont avaient été victimes les Gitans dans le passé et a dénoncé les violences dont ils sont victimes aujourd'hui encore en Europe de l'Est comme de l'Ouest. Leur situation n'est pas parfaite non plus en Russie mais la Russie est prête à collaborer avec la Rapporteuse spéciale. Le Conseil de l'Europe a rappelé que le continent européen était celui qui comptait le plus de Roms et a souligné qu'il avait commencé à s'occuper des Roms il y a quarante ans. Le Conseil de l'Europe gère de nombreux projets en faveur d'une meilleure intégration des Roms et pour lutter contre les stigmatisations à leur égard, y compris faire mieux connaître l'histoire des persécutions dont ils ont été victimes.

Le Venezuela a appelé les pays d'Europe à prendre des mesures urgentes pour combattre la marginalisation économique des Roms. Le Chili a voulu savoir comment assurer l'intégration des Roms tout en respectant leurs spécificités culturelles. L'Argentine a mis en avant les mesures qu'elle a prises pour intégrer les Roms, mesures qui passent par un dialogue direct avec les communautés concernées, afin de dépasser les stéréotypes et clichés qui les frappent.

La France a assuré qu'elle avait pour objectif de lutter contre la marginalisation et l'exclusion sociale des Roms et des gens du voyage, tout en veillant à garantir le même accès aux libertés et aux droits de chaque individu, sans distinction d'origine, de race ou de religion. Cette approche non ethnique ne revient pas pour autant à nier l'identité ou la culture rom, a assuré la France, ni à nier les discriminations dont sont victimes les populations roms. Les propos racistes sont publiquement dénoncés par les autorités françaises. L'Italie a déclaré que la complexité des communautés roms rend difficile d'adopter des stratégies bien ciblées en leur faveur. Pour sa part, l'Italie applique une stratégie d'intégration qui s'accompagne de mesures contre les stéréotypes et la discrimination à l'encontre des Roms. La Grèce a pour sa part adopté un train de mesures pour assurer l'intégration des Roms dans le marché du logement, en particulier.

L'Albanie a déclaré que le respect de la dignité et les droits des minorités était une priorité de la politique intérieure albanaise et a insisté sur la nécessité de faire plus d'efforts pour assurer l'accès des Roms à l'éducation, aux soins de santé et à la participation politique. L'Autriche a jugé indispensable la participation politique des minorités roms et a rappelé qu'elle avait mis des structures consultatives de consultation politique pour chacun des groupes minoritaires du pays.

Droit de réponse

Le Burundi a estimé qu'il y avait eu, au Conseil des droits de l'homme, une manipulation délibérée de l'opinion sur la situation dans le pays et a constaté que le coup d'État manqué n'avait même pas été évoqué. Si des personnes ont effectivement fui le Burundi suite aux rumeurs propagées par ceux qui veulent déstabiliser le pays, plus de 30 000 Burundais sont rentrés volontairement et ont bénéficié de l'aide des autorités nationales pour leur réinstallation, alors que d'autres voudraient rentrer mais se heurtent à la résistance des services qui les ont accueillis. La délégation a également regretté qu'aient été passées sous silence les insurrections lancées par certains éléments de la société civile, qui pourtant violent les droits fondamentaux de la personne humaine.

Le Japon a répondu à la déclaration de la République populaire démocratique de Corée, déclarant que les chiffres mentionnés par cette dernière étaient sans fondement.

Bahreïn a répondu à la déclaration faite cet après-midi par les États-Unis en faisant savoir que son projet de coopération avec le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme était toujours à l'étude. La délégation a précisé que le système de justice du pays applique la loi de manière identique à chaque justiciable et qu'il est malvenu de mettre en cause l'intégrité de ses magistrats.

L'Égypte, en réponse à la déclaration du Royaume-Uni faite ce matin, a fait savoir que le procès récent de personnalités n'avait «rien à voir avec le statut politique de ces personnes», qui ont été jugées pour les infractions à la loi qu'elles avaient commises.

La République de Corée, en réponse à des observations de la République populaire démocratique de Corée ce matin, a regretté que ce pays emploie de faux arguments; ce pays doit respecter les mesures préconisées par les organismes de droits de l'homme, a demandé la République de Corée.

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*Déclarations faites dans le cadre du débat interactif sur les droits de l'homme des migrants: Algérie (au nom du Groupe africain), Équateur (au nom de la Communauté des États d'Amérique latine et des Caraïbes - CELAC), Pakistan (au nom de l'Organisation de la coopération islamique), Chine, Brésil, Paraguay, Sierra Leone, Australie, Inde, Mexique, Fédération de Russie, Soudan, Tunisie, Venezuela, Turquie, Mali, Grèce, Chili, Bolivie, Argentine, France, Suisse, Burkina Faso, Albanie.

**Déclarations faites dans le cadre du débat interactif sur les droits des minorités et étude sur les Roms: Union européenne, Brésil, Bulgarie, République tchèque, Norvège, Sierra Leone, Inde, Pakistan (au nom de l'Organisation de la coopération islamique), Espagne, Fédération de Russie, Conseil de l'Europe, Venezuela, France, Italie, Grèce, Albanie et Autriche.

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