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Communiqués de presse Organes conventionnels

Le Comité des droits de l'enfant examine le rapport du Ghana

21 Mai 2015

21 mai 2015

Le Comité des droits de l'enfant a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport présenté par le Ghana sur les mesures qui ont été prises pour mettre en œuvre les dispositions de la Convention relative aux droits de l'enfant.

Le rapport a été présenté par la Ministre ghanéenne du genre, de l'enfance et de la protection sociale, Mme Nana Oye Lithur, qui a rappelé que son pays avait été le tout premier à ratifier la Convention des droits de l'enfant en 1990. Les priorités gouvernementales à cet égard concernent le sort des filles, des enfants handicapés, des enfants de demandeurs d'asile, de réfugiés et d'immigrants, des enfants victimes de violence et d'abus sexuels, des mineurs contaminés par le VIH/sida et des enfants vivant ou travaillant dans la rue. L'enregistrement des naissances a fortement progressé depuis 2002, passant de 17% à 66% en 2013.

L'enregistrement à l'état-civil est gratuit s'il est fait au cours de la première année de l'enfant. La ministre a fait valoir que moins de 2% des enfants de moins de cinq ans ne sont pas vaccinés et que le Ghana était l'un des cinq pays d'Afrique de l'Ouest où la prévalence du VIH/sida a diminué d'un quart entre 2001 et 2011. Le Ghana est le premier pays d'Afrique subsaharienne à avoir atteint avant le 2015 l'objectif du Millénaire pour le développement numéro un visant à diminuer de moitié le taux d'extrême pauvreté. La ministre a par ailleurs attiré l'attention sur les mesures prises pour définir une stratégie d'élimination des pratiques liées aux accusations de sorcellerie. Les mutilations génitales féminines sont interdites et sont passibles de peine de prison pour les exciseuses, a souligné la ministre. Elle a reconnu que les mariages précoces ou forcés tendent à augmenter.

L'importante délégation ghanéenne était également composée de deux membres de commissions parlementaires, de représentants du Ministère de l'éducation, de fonctionnaires des départements de l'enfance, du développement social et de la santé, de représentants d'organisations non gouvernementales, ainsi que de plusieurs journalistes des médias écrits et de radio et télévision venus d'Accra. Elle a répondu aux questions qui lui étaient adressées par les membres du Comité s'agissant, notamment, des «pratiques traditionnelles néfastes» telles que les mutilations génitales, la scarification, le mariage précoce, la connaissance des droits de l'enfant, non seulement par les enfants mais aussi par les professionnels concernés, au premier rang desquels les magistrats. La question de l'enregistrement des naissances a aussi été posée, tandis que le sort des orphelins et des enfants abandonnés a largement été abordé. La délégation a notamment précisé que, dans certaines régions, les fillettes représentent jusqu'à 90% des enfants des rues. La délégation a rappelé la difficulté d'en finir avec les pratiques traditionnelles néfastes dont l'interdiction dans la loi ne suffit pas. Elle a souligné le rôle essentiel à cet égard des organisations de la société civile et a affirmé que les mutilations génitales féminines semblaient en très forte diminution. En réponse aux questions sur les châtiments corporels, elle a indiqué qu'ils étaient admis dès lors qu'il s'agissait d'un «châtiment raisonnable». La délégation a aussi évoqué les mesures qui ont été prises pour encourager les familles à enregistrer les naissances.

La rapporteuse du Comité pour l'examen du rapport du Ghana, Mme Amal Aldoseri, s'est félicitée des initiatives nombreuses et importantes adoptées par le Ghana dans l'application des dispositions de la Convention. Elle a toutefois relevé un hiatus entre la loi et sa mise en œuvre. Ainsi, les mutilations génitales féminines perdurent et les châtiments corporels sont encore tolérés. Elle s'est inquiétée des budgets insuffisants alloués à l'enfance, de l'importance de l'abandon scolaire et de la persistance du travail des enfants, dont abuse en particulier le secteur minier. Le corapporteur, M. Benyam Dawit Mezmur, s'est interrogé sur l'augmentation du nombre de mariages forcés ou précoces, estimant que a pauvreté n'était pas nécessairement le seul facteur, l'inégalité hommes-femmes jouant aussi un rôle, ainsi qu'on le constate ailleurs. En matière de santé, le corapporteur s'est interrogé sur la qualification des personnels de santé et il s'est alarmé d'une forte mortalité maternelle et néo-natale.

Le Comité adoptera, dans le cadre de séances privées, des observations finales sur les rapports examinés au cours de la session.

Le Comité examinera demain le rapport de l'Éthiopie (CRC/C/ETH/4-5) dans la salle du rez-de-chaussée du Palais Wilson.

Présentation du rapport du Ghana

Le Comité est saisi du rapport périodique du Ghana (CRC/C/GHA/3-5, ainsi que de ses réponses (CRC/C/GHA/Q/3-5/Add.1) à la liste de points à traiter que lui a adressée le Comité (CRC/C/GHA/Q/3-5).

MME NANA OYE LITHUR, Ministre du genre, de l'enfance et de la protection sociale du Ghana, a rappelé que son pays avait été le tout premier à ratifier la Convention des droits de l'enfant en 1990. L'article 28 de la Constitution ghanéenne garantit les droits des enfants, fixant au Parlement la tâche de les concrétiser. Le cadre politique est actuellement fixé par le Programme national de développement et du partage de la croissance pour l'exercice 2014-2017. En outre, une nouvelle politique de justice des mineurs est en cours de finalisation. Le cadre institutionnel a aussi été renforcé par la réorganisation du Ministère de la femme et de l'enfant qui est devenu l'actuel Ministère du genre, de l'enfance et de la protection sociale. À l'heure actuelle, le Ministère élabore un plan stratégique quinquennal de développement; il est responsable de la coordination globale de toutes les questions relatives à l'enfance. Le Département de l'enfance constitue le bras technique du ministère qui joue un rôle capital sur les questions liées à l'enfance; il a un rôle directeur significatif dans la formulation effective et la mise en œuvre des politiques liées à l'enfance, ainsi que dans l'application de la législation pertinente.

C'est la Commission des droits de l'homme et de la justice administrative (Commission for Human Rights and Administrative Justice - CHRAJ), un organe ayant rang constitutionnel, qui est responsable du suivi de la mise en œuvre des droits fondamentaux. Disposant d'une unité chargée de l'enfance, elle publie un rapport annuel sur l'état des droits de l'homme au Ghana.

La ministre ghanéenne a déclaré que les priorités gouvernementales en la matière concernent le sort des filles, des enfants handicapés, des enfants de demandeurs d'asile, de réfugiés et d'immigrants, des enfants victimes de violence et d'abus sexuels, des mineurs contaminés par le VIH/sida et des enfants vivant ou travaillant dans la rue. Il s'agit en particulier de lever les obstacles à l'instruction des filles. Concrètement, pour appuyer leur scolarisation, des rations alimentaires sont fournies à 90 000 fillettes dans les régions les plus défavorisées du pays avec l'aide du Programme alimentaire mondial.

Mme Lithur a fait valoir que l'enregistrement des naissances avait fortement progressé depuis 2002, passant de 17% à 66% en 2013. L'enregistrement à l'état-civil est gratuit s'il est fait au cours de la première année de l'enfant. Tous les 1er septembre est fêté un «Jour d'enregistrement des naissances», tandis qu'en mai a lieu une semaine de sensibilisation à l'importance d'enregistrer les nouveau-nés.

Par ailleurs, le Service national de santé promeut des actions en matière de nutrition et de vaccination dans tout le pays. Il a pris des mesures afin d'identifier au plus tôt les cas d'enfants sévèrement mal nourris. Les statistiques établissent que moins de 2% (1,7%) des enfants de moins de cinq ans ne sont pas vaccinés.

Le Ghana est l'un des cinq pays d'Afrique de l'Ouest où la prévalence du VIH/sida a diminué d'un quart entre 2001 et 2011, selon le Programme commun des Nations Unies sur le VIH/sida (ONUSIDA). La prévalence chez les femmes enceintes est passée sous la barre des 2%, 70% d'entre elles – contre 50% précédemment - recevant un traitement antirétroviral visant à empêcher la transmission au fœtus.

La ministre a indiqué par ailleurs qu'à la fin de l'année dernière avait été fermé le camp de détention pour sorcellerie de Bonyase dans la région du Nord où étaient détenus 55 personnes. Les autorités prévoient de fermer deux autres camps où des enfants sont notamment incarcérés. Une conférence nationale sur les accusations de sorcellerie s'est tenue l'an dernier à Accra afin de tenter de parvenir à un consensus national sur les causes sous-jacentes susceptibles d'expliquer le phénomène des accusations de sorcellerie et pour définir une stratégie d'élimination de cette pratique.

Les mutilations génitales féminines sont interdites et passibles d'une peine pouvant atteindre de cinq ans et dix ans de prison. L'exploitation sexuelle de mineurs est un crime, les peines encourues allant de 7 à 25 années de réclusion, a également indiqué la ministre.

Les mariages précoces ou forcés tendent, semble-t-il, à augmenter, a reconnu Mme Lithur; la proportion est passée de 25,9% en 2006 à 27% en 2011, une augmentation pouvant s'expliquer par la pauvreté. Des initiatives ont été entreprises pour lutter contre ce phénomène avec l'aide du Fonds des Nations Unies pour l'enfance.

La ministre a souligné que la pauvreté tendait à diminuer dans son pays, rappelant que le Ghana était le premier pays d'Afrique subsaharienne à avoir atteint avant le terme symbolique de 2015 l'objectif du Millénaire pour le développement numéro 1 visant à diminuer de moitié le taux d'extrême pauvreté. Après avoir énuméré les mesures prises pour ce faire, elle a abordé les questions d'éducation. Dans son Plan stratégique en la matière pour la période 2010-2020, le Gouvernement a reconnu l'apport du secteur privé, tout en prenant un certain nombre de mesures s'agissant en particulier des fournitures scolaires, des cantines, de bourses pour les filles, de l'acquisition de 60 000 ordinateurs pour les écoles, par exemple. Le travail des enfants continue d'être un problème pour le pays, notamment le travail dans les mines, et un Plan national d'action a été lancé pour l'éradiquer.

En conclusion, Mme Lithur a souligné que les progrès accomplis n'auraient pu l'être sans volontarisme politique, sans le soutien de toutes les parties prenantes, en particulier les organisations de la société civile et les partenaires en développement.

Examen du rapport

Questions et observations des membres du Comité

MME AMAL ALDOSERI, rapporteuse du Comité pour l'examen du rapport du Ghana, a déclaré qu'il apparaissait évident que le pays avait pris des initiatives nombreuses et importantes, lançant des réformes pour l'application des dispositions de la Convention. Toutefois, certaines préoccupations subsistent en raison du hiatus existant entre la loi et son application. Ainsi, les mutilations génitales féminines perdurent et les châtiments corporels sont tolérés. S'agissant du plan national de développement 2014-2017, le Comité aimerait savoir ce qui a été réalisé depuis son lancement. De quel budget dispose la politique familiale? Le ministère dispose-t-il des ressources nécessaires? La rapporteuse a émis l'espoir que la restructuration des instances gouvernementales avait permis une meilleure efficacité en supprimant les doubles emplois. Mme Aldoseri a demandé quelles mesures ont été prises pour l'ouverture de lignes budgétaires suffisantes, alors que l'on connaît les difficultés du pays à cet égard.

Existe-t-il un cadre de réglementation visant à prévenir le travail forcé et l'exposition à des substances nocives, a demandé la rapporteuse. En matière de discrimination classique visant habituellement certaines catégories de la population - les filles, les personnes atteintes du sida, les sans-abri, les personnes handicapées – celles-ci semblent toujours en butte à des préjugés et pratiques défavorables. Tout en se félicitant des nombreuses initiatives en faveur des droits de l'enfant, la rapporteuse a demandé si les zones rurales avaient été incluses dans celles-ci. Elle a aussi souhaité savoir si les professionnels concernés – les magistrats notamment – étaient sensibilisés aux droits de l'enfant.

Mme Aldoseri a demandé quels efforts étaient faits pour que tous les enfants soient scolarisés, souhaitant aussi savoir si les autorités luttaient contre l'abandon scolaire. Elle a aussi relevé la très forte augmentation du nombre d'établissements scolaires privés, ce qui accroît les disparités socio-économiques déjà existantes. Des efforts sont-ils faits pour évaluer ces écoles privées et leurs résultats?

M. BENYAM DAWIT MEZMUR, corapporteur pour le Ghana, a demandé si les autorités d'Accra envisageaient de créer une base de données concernant les cas de violence intrafamiliale. Il a demandé quel impact les initiatives gouvernementales de lutte contre cette violence avait eu en la matière. S'agissant du constat de la délégation qu'il y a de plus en plus de mariages forcés et précoces, il a demandé si elle attribuait le problème à une aggravation de la pauvreté et s'il existait des études à ce sujet. En effet, il a été observé dans d'autres pays que la pauvreté n'était pas le seul facteur et que l'inégalité hommes-femmes, notamment, jouait également un rôle. Le corapporteur a souligné que la loi en tant qu'outil était censée modifier les comportements sociétaux et que s'il s'avérait impossible d'en finir avec les coutumes traditionnelles néfastes, cela signifiait qu'il fallait revoir la loi pour la rendre plus efficace. En matière de santé, le corapporteur s'est interrogé sur la qualification des personnels de santé. Il s'est aussi alarmé d'une forte mortalité néo-natale.

Parmi les autres membres du Comité, une experte a demandé s'il était possible de déroger à l'âge minimum légal du mariage, fixé à 18 ans. Une autre experte s'est félicitée, à l'instar de plusieurs membres du Comité, de la franchise de la déclaration de la délégation ghanéenne. Elle s'est toutefois inquiétée du traitement discutable par les médias des questions relatives à l'enfance, en raison de préjugés persistants. En outre, la connaissance de leurs droits par les enfants apparaît d'autant plus limitée que les médias ne jouent pas leur rôle dans la popularisation des notions relatives aux droits de l'enfant.

Une autre experte a demandé si la journée annuelle d'enregistrement des naissances était connue dans les zones rurales. Par ailleurs, comment le Ghana lutte-t-il contre la corruption entourant l'enregistrement des naissances? A-t-il été remédié à l'insuffisance d'agents de l'état-civil? La même experte a aussi souhaité savoir ce qu'il en était du sort des enfants abandonnés et réfugiés. Elle a félicité le Ghana pour son combat contre les pratiques traditionnelles néfastes, notamment la scarification des enfants.

Un membre du Comité a demandé quelles étaient les compétences de la Commission sur la justice administrative. De quels types de plaintes a-t-elle eu à connaître en matière de pratiques traditionnelles néfastes, notamment s'agissant des mutilations génitales féminines, les mariages précoces et le cas si particulier de la servitude rituelle des «trokosi»? Celle-ci concerne uniquement des jeunes filles et est pratiquée dans certaines zones côtières du sud-est du pays.

Un autre expert s'est inquiété de lacunes dans la connaissance des questions relatives aux droits de l'enfant, en particulier chez les magistrats s'agissant du droit supérieur de l'enfant. Par ailleurs, des tribunaux ont-ils eu à connaître des cas de violence intrafamiliale et quelles réparations ont été accordées?

Une experte a demandé s'il ne serait pas possible de synchroniser les campagnes de vaccination avec les pays voisins. Quant à la distribution de moustiquaires, comment les autorités s'assurent-elles qu'elles sont bien utilisées, dans les zones rurales en particulier? L'experte a aussi demandé si le Ghana n'était pas confronté à la fuite des cerveaux des personnels de santé.

Un membre du Comité a noté que le travail des enfants persistait, en particulier dans le secteur minier; il a demandé si des poursuites contre les compagnies minières étaient envisagées. Il a aussi demandé si les autorités ghanéennes s'étaient penchées sur les causes profondes expliquant le phénomène des enfants des rues.

Une experte a souligné que l'adoption constituait un problème grave, la réglementation ne permettant pas de contrôle approprié, tant au niveau national qu'international. Il semble y avoir un grand nombre d'adoptions illégales, a-t-elle observé, notant que les autorités s'efforçaient de régler le problème, sans grand résultat semble-t-il. Elle a rappelé que l'adoption illégale pouvait constituer un moyen de pratiquer la traite des enfants.

Dans le cadre de questions de suivi, plusieurs experts se sont interrogés sur la réalité de la gratuité des soins mais aussi de l'enseignement, compte tenu de l'importance grandissante du secteur privé dans le pays. Une experte a constaté que l'enseignement privé était devenu une véritable activité lucrative dans de nombreux pays et que des enseignants formés à la va-vite et très mal payés sont recrutés. Une experte africaine a relevé que de jeunes cireurs ghanéens travaillaient dans le secteur informel de son pays.

Réponses de la délégation

La délégation a souligné que la Commission des droits de l'homme et de la justice était habilitée à recevoir des doléances, donnant le chiffre de plus de 26 000 plaintes enregistrées pour des atteintes aux droits de l'enfant, soit environ 40% du total. L'intérêt supérieur de l'enfant est invoqué dans la Constitution et les magistrats sont sensibilisés aux dispositions des instruments internationaux dès leur formation universitaire.

Le code de procédure pénale prévoit des sanctions en cas de violences sexuelles ou intrafamiliales, la délégation ne pouvant toutefois donner d'exemples d'affaires dont la justice aurait eu à connaître.

Les pratiques traditionnelles néfastes sont certes érigées à l'état d'infraction dans le code pénal, mais il convient d'être conscient que ces pratiques sont séculaires, ce qui rend difficile leur éradication, a déclaré la délégation. Il semble toutefois qu'il y ait eu une faible diminution des mutilations génitales féminines, a-t-elle souligné, ajoutant que des condamnations en justice ont été prononcées. S'agissant des «trokosi», la justice n'a pas été saisie de tels cas et, jusqu'à présent, aucune arrestation n'a été effectuée, aucune plainte n'ayant été déposée. De nombreuses organisations de la société civile militent contre ces phénomènes. Les autorités prévoient de contacter les chefs traditionnels afin de plaider en faveur des femmes détenues dans les «couvents» trokosi. Tout est mis en œuvre pour libérer les jeunes filles, a assuré la délégation, qui a toutefois admis qu'il serait très difficile de venir à bout de ce phénomène. Elle a expliqué que les jeunes vierges confiées par leurs parents à ce couvent étaient censées y demeurer jusqu'à leur mort. La question est délicate du fait qu'il s'agit d'une pratique coutumière dans un groupe ethnique particulier.

D'une manière générale, il est difficile de tirer des enseignements de l'application de la loi lorsqu'elle se heurte à de tels obstacles, a-t-elle reconnu. La loi doit-elle précéder le changement des pratiques ou est-ce l'inverse? La question n'est pas tranchée. La répression par la loi est relativement efficace s'agissant par exemple des mutilations génitales féminines, ce qui n'a pas été le cas pour la servitude rituelle. Il est très difficile en effet de convaincre les familles concernées de ne pas offrir leur fille au couvent de trokosi, la délégation ne pouvant citer qu'un seul et unique cas où une famille avait pu être dissuadée de le faire.

Lorsque l'on interroge les hommes sur les mutilations génitales féminines par exemple, ceux-ci répondent qu'ils ignorent totalement la raison de cette pratique. En outre, l'interdire au Ghana ne résout pas le problème car il est très aisé de se rendre dans les pays voisins comme le Togo ou le Burkina Faso où elle demeure de fait légale.

En réponse à d'autres questions, le chef de la délégation a indiqué que le nombre de mutilations génitales féminines était passé de 20% à 4%, selon une étude récente.

S'agissant des châtiments corporels, la famille élargie est complice, au moins passivement, de ces pratiques et personne n'ira porter plainte à la police. Cette dernière souffre au demeurant d'une absence de moyens criants, notamment en personnel, a reconnu la délégation.

L'enregistrement des naissances est effectué de manière décentralisée, a indiqué la délégation, qui a ajouté qu'était organisée chaque année, au mois de mai, une opération de sensibilisation pour inciter à enregistrer les nouveau-nés. L'enregistrement de la naissance d'un enfant est gratuit pendant sa première année. En outre, dans certaines localités, des bénévoles tiennent des registres sur lesquels sont inscrites les naissances. Par ailleurs, l'inscription à l'état-civil est exigée lors de l'inscription à l'école. Si des parents se présentent à l'école avec un enfant non enregistré à l'état-civil, il leur est demandé de régulariser la situation de l'enfant, la taxe de retard exigée étant symbolique.

Une experte ayant observé que le bénévolat n'était pas la formule idéale pour une mise à jour rigoureuse de l'enregistrement des naissances et attiré l'attention sur les risques de corruption du fonctionnaire chargé de l'état-civil, la délégation a rétorqué n'avoir pas connaissance de tels cas de corruption et ne pas croire qu'ils existent. Si c'était le cas, les victimes pourraient déposer plainte, a-t-elle estimé.

Dans le domaine de l'éducation, des efforts ont été consentis afin d'impulser l'introduction des technologies de l'information et de la communication dans les établissements scolaires. Les partenaires du Ghana au développement ont largement participé à l'acquisition d'ordinateurs. Toutefois, la délégation a reconnu que des difficultés en matière d'accès à Internet. Des programmes d'enseignement à distance ont été créés. Des panneaux solaires ont été fournis là où il n'y avait pas d'électricité. En outre, les ordinateurs sont assemblés de plus en plus souvent dans le pays. Par ailleurs, des mesures de lutte contre la pornographie sur Internet ont été prises, notamment en pénalisant ce délit en 2008.

La délégation a indiqué qu'une enquête sanitaire avait été réalisée récemment au sujet des mariages précoces et qu'un comité d'experts chargé d'élaborer des stratégies a été créé. Son existence est toutefois trop précoce pour que cette initiative ait eu le temps de porter ses fruits. La délégation a souligné qu'un mineur, même marié, reste néanmoins un enfant aux yeux de la loi. La société civile lutte activement contre cette pratique qui s'explique par le fait que des familles pauvres se laissent convaincre de vendre leur fille. On a pu convaincre des familles de rescolariser leur fille et obtenir le remboursement de la dot versée à l'époux.

Il existe une base de données nationale en matière de violence domestique, la délégation indiquant une augmentation des plaintes déposées par de jeunes garçons pour violences sexuelles. Quelque 90 antennes de soutien comptant des psychologues ont été créées. Trois tribunaux spécialisés dans les cas de violence sexuelle ont été créés dans trois régions du pays, les enfants plaignants ayant droit automatiquement à l'anonymat, même s'il est très difficile de garantir la confidentialité. Des travailleurs sociaux les assistent.

Répondant à une question sur le rôle des médias pour faire connaître les droits de l'enfant, la délégation a indiqué que les journalistes sont sensibilisés en vue d'avoir un traitement déontologique des questions relatives à l'enfance.

Une étude exhaustive a été réalisée sur la justice pour mineurs. La délégation a précisé que 59 enfants âgés de 12 à 17 ans étaient incarcérés à la fin 2013, un chiffre ne reflétant pas nécessairement toute la réalité, a-t-elle reconnu. Elle a expliqué ne pas être en mesure de préciser combien d'entre eux étaient détenus avec des adultes. Les plus récentes statistiques font état de 1,2 enfant en préventive sur 100 000 enfants, soit 72 enfants au total. Sur ce chiffre, une cinquantaine d'entre eux sont inculpés et la date de leur procès n'était pas fixée au début 2014 contrairement à la vingtaine restante; la délégation ne dispose pas de chiffres plus récents. Un membre du Comité ayant demandé pour quelle raison on ne mettait pas en liberté provisoire ces enfants, elle a expliqué qu'ils demeuraient généralement détenus en raison de la gravité des actes commis – profanation, vol, notamment - ou pour les protéger, afin d'éviter des représailles à leur encontre par exemple. Les enfants en détention préventive sont détenus à part, à l'écart des adultes. Il a été indiqué que la durée moyenne d'instruction était de six mois.

Pour ce qui concerne les réfugiés et demandeurs d'asile, la délégation a notamment indiqué que le Ghana avait l'intention d'adhérer aux deux conventions sur l'apatridie.

Plus de deux mille enfants ont été secourus et retirés du secteur minier, a indiqué la délégation en réponse aux questions relatives au travail des enfants. Les familles ont bénéficié de mesures de soutien pour éviter qu'elles ne soient tentées d'envoyer leurs enfants travailler à la mine.

Les autorités sont conscientes du problème de l'existence des enfants des rues et ont entrepris des actions humanitaires pour leur porter assistance - 51% d'entre eux étant issus du même groupe ethnique. Des jeunes filles, en majorité, fuient pour éviter d'être mariées de force, ce qui est plus fréquent dans le Nord. Les autorités collaborent avec des associations de soutien aux enfants des rues, notamment avec l'assistance d'ONG britanniques. En réponse à d'autres questions, la délégation a expliqué que certains de ces enfants se spécialisaient dans des activités particulières (comme cireurs de chaussures par exemple). En outre, des enfants venus de pays de la région, du Liberia en particulier, viennent travailler au Ghana, des travailleurs sociaux leur portant assistance dans la mesure du possible.

Le financement de la santé étant insuffisant, le Gouvernement a lancé une stratégie de financement, a indiqué la délégation. Il est difficile de financer les régimes d'assurances nationales, a-t-elle rappelé. Elle a aussi souligné que la fuite des cerveaux dans le secteur de la santé a été en partie endigué mais il persiste du fait que les personnels vont se former à l'étranger et s'abstenant trop souvent de revenir au pays.

Le taux de mortalité néonatale demeure élevé même s'il a tendance à diminuer. Un comité, chargé du problème, se réunit tous les ans pour réfléchir aux solutions à apporter. Un plan d'action a été lancé pour la période 2014-2018. Face au taux de mortalité maternelle, qui demeure lui aussi excessivement élevé, des mesures ont été prises pour assister les parturientes. Toutefois, la qualité de ces soins demeure insuffisante, notamment du fait de l'insuffisance de ressources humaines et la difficulté d'accéder aux centres de soin dans les zones enclavées. Des sages-femmes sont en cours de formation, l'idée étant de les dépêcher dans les régions reculées plutôt que d'attendre que les femmes enceintes se déplacent vers les dispensaires. Les hémorragies sont le risque principal pour les femmes accouchant chez elles, soit une sur trois environ. La césarienne s'inscrit dans le cadre des soins normaux couverts par l'assurance-maladie et elle est donc gratuite dans les hôpitaux publics. Les grossesses précoces sont un sujet de préoccupation, d'autant que les adolescentes répugnent à s'adresser à un centre de santé.

La délégation a confirmé l'existence d'une synchronisation relative des campagnes de vaccination avec les pays voisins, en particulier à l'occasion des journées mondiales contre telle ou telle pathologie. Des moustiquaires ont été distribuées aux femmes enceintes. Des campagnes ont été effectuées pour en encourager l'utilisation. La délégation a aussi précisé que le ver de Guinée avait été difficilement éradiqué, grâce à l'engagement des autorités et à l'assistance internationale. Le Ghana estime être un exemple de bonne pratique à cet égard pour les pays demeurant confrontés à ce fléau.

Les statistiques font état d'une baisse de l'allaitement des nouveau-nés de moins de six mois (de 63 à 47%) et les personnels de santé sont sensibilisés à ce problème. Mais les autorités font face à la concurrence des fabricants de lait maternisé qui s'efforcent parallèlement d'influencer les mêmes personnels. Par ailleurs, les femmes sont encouragées à ne plus accoucher chez elles et à se rendre dans les dispensaires et les hôpitaux.

Pour remédier à l'abandon scolaire, un programme d'enseignement de base vise les enfants âgés de 8 à 14 ans, en intervenant dans les quartiers où le travail informel est important. Des enseignants sont dépêchés sur le terrain à cette fin. L'objectif est de réintégrer ces enfants dans le système classique. Les autorités ont formé 5000 apprentis, alors que 8000 sont actuellement en formation.

En réponse aux questions sur le développement du réseau scolaire privé, la délégation a expliqué qu'un groupe de travail sectoriel et une fondation apportent un soutien aux infrastructures des établissements privés peu onéreux. En comparaison avec le reste de la sous-région, l'Afrique subsaharienne, où le taux moyen d'écoles privées s'établit à 54% et a doublé depuis quelques années, la part du privé au Ghana a plutôt tendance à diminuer, représentant actuellement 27% des établissements.

Par ailleurs, les autorités ont adopté une politique de tolérance zéro face à l'absentéisme des enseignants, les blâmes pouvant s'accompagner de retenues sur salaire. Des relevés des présences sont effectués mensuellement, ce qui semble avoir permis d'améliorer la situation. Il est maintenant possible de savoir si les enseignants sont bien à leur poste grâce à la géolocalisation de leur téléphone mobile, a indiqué la délégation. L'absentéisme scolaire des professeurs ne serait plus que de 11% grâce à cette politique de tolérance zéro.

En réponse à d'autres questions, la délégation a notamment fait valoir que des études internationales témoignaient de bons résultats du Ghana en matière d'éducation. En ce qui concerne l'appui aux écoles, un certain nombre de communautés particulièrement défavorisés ont eu droit à des subventions des pouvoirs publics.

En réponse à d'autres questions, la délégation a indiqué reconnu d'importantes disparités géographiques, dans le domaine de l'éducation en particulier. Les fillettes en sont les principales victimes. Ainsi, on constate que dans certaines zones, 90% des enfants des rues sont des filles. En outre, plus on avance dans le cursus scolaire, plus le nombre d'élèves filles diminue. Des bourses sont octroyées, un soutien alimentaire fourni sous forme de repas chaud pour inciter les familles à continuer d'envoyer leurs filles à l'école. En effet, des enfants ne viennent pas à l'école car ils n'ont pas la possibilité de prendre de petit-déjeuner.

Par ailleurs, les autorités s'efforcent d'en finir avec les «écoles sous les arbres», des structures scolaires basiques n'offrant aucune garantie en matière de qualité de l'enseignement. Quant à la généralisation d'ordinateurs portables, elle se heurte à l'absence de locaux adaptés. Il est exact en outre que certains enseignants n'ont pas le niveau requis. Une formation professionnelle permanente vise à y remédier. Par ailleurs, les châtiments corporels relèvent de l'autorité du chef d'établissement qui est le seul à pouvoir les autoriser, voire à les infliger, a encore expliqué la délégation.

La formation des enseignants inclut des modules de pédagogie inclusive spécifique à l'enseignement aux enfants handicapés. Les élèves lourdement handicapés doivent être scolarisés dans des unités spécialisées mais celles-ci sont associées à des établissements classiques afin de ne pas les maintenir durablement à l'écart.

Les autorités sont conscientes que certaines adoptions se font illégalement. Il s'agit d'une question prioritaire, raison pour laquelle le Ghana a entamé le processus de ratification de la Convention de La Haye relative à l'adoption internationale. La délégation a indiqué que les chiffres étaient à la baisse, indiquant par exemple qu'une seule demande d'adoption internationale avait été acceptée au premier trimestre de cette année. Les autorités ont pour priorité de placer les enfants dans des familles, de préférence la leur, et à défaut en famille d'accueil en incitant les parents qui seraient tentés de le faire à ne pas les confier à des orphelinats. L'institution doit en effet être un recours ultime. La délégation a précisé que plus de 80 orphelinats ont été fermés ces dernières années. S'il faut recourir à l'adoption, il est préférable qu'elle se fasse dans le pays même. Lorsque les enfants ont des difficultés de s'intégrer à leur famille d'accueil, ils sont placés ailleurs.

Un expert ayant rappelé que le Ghana avait accepté une recommandation du Conseil des droits de l'homme sur l'abolition des châtiments corporels lors de son Examen périodique universel, la délégation a expliqué que la loi ghanéenne permet le «châtiment raisonnable». La justice est vigilante à cet égard, a assuré la délégation, qui a cité les cas de deux couples condamnés à des peines de prison pour mauvais traitements, qui dans un de ces cas avait entraîné la mort. Les enseignants n'ont pas le droit de recourir aux châtiments corporels.

Conclusions

La rapporteuse pour le Ghana, Mme ALDOSERI, s'est félicitée de la grande franchise de réponses apportées, qui témoignent du fait que beaucoup a été accompli depuis dix ans. Elle a souligné les efforts qui restent à faire dans des domaines tels que la lutte contre les discriminations ou la qualité de l'éducation.

La Ministre ghanéenne, chef de la délégation, Mme LITHUR, a qualifié cette session d'historique, en constatant que son pays était l'objet de nombreuses attentes du simple fait qu'il ait été le premier à ratifier la Convention. Elle a assuré l'engagement des pouvoirs publics ghanéens à l'appliquer. Ceux-ci feront tout ce qui est en leur pouvoir pour y consacrer les ressources nécessaires.

Soulignant qu'il s'agissait d'un chantier en constante évolution, le corapporteur, M. MEZMUR, a dit avoir particulièrement apprécié la variété de la composition de la délégation.

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