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Communiqués de presse Organes conventionnels

Le Comité des droits de l'enfant examine le rapport de l' Érythrée

20 Mai 2015

20 mai 2015

Le Comité des droits de l'enfant a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport périodique présenté par l'Érythrée sur les mesures qu'elle a prises pour mettre en œuvre la Convention relative aux droits de l'enfant.

Le chef de la délégation, M. Mehreteab Fessehaie, Directeur général du département de la protection sociale au ministère érythréen du travail, a affirmé que la mise en œuvre de la Convention exigeait un engagement fort, de l'ardeur et les efforts concertés des diverses parties prenantes, institutions gouvernementales, organisations de la société civile, structures familiales et communautaires, sans oublier la participation des enfants eux-mêmes. Elle a aussi besoin du soutien des partenaires internationaux car, comme d'autres pays en développement, l'Érythrée subit de nombreuses contraintes et elle ne dispose que de ressources limitées. En dépit de pénuries et des sanctions injustes qu'elle subit, l'Érythrée a néanmoins accompli des progrès importants, particulièrement dans la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement s'agissant de l'enfance.

La délégation érythréenne était également composée de représentants des Ministères de l'éducation, de la justice, de la santé, et des affaires étrangères. Elle a répondu aux questions qui lui étaient adressées par les membres du Comité s'agissant, notamment, des mutilations génitales féminines, de la situation de la jeunesse et de la fuite de nombreux hommes vers l'étranger pour fuir en particulier un service militaire apparemment illimité. Elle a aussi été questionnée sur l'importance des mariages précoces, sur les enfants des rues et sur la mortalité maternelle et infantile. La délégation a notamment souligné que du fait du passif hérité de la colonisation puis de la guerre de libération, le pays avait accumulé un retard certain mais a ajouté qu'il ne partait pas pour autant de zéro. Par ailleurs, une société traditionnelle telle que la société érythréenne ne peut abolir du jour au lendemain des pratiques solidement ancrées telles que les mutilations génitales féminines, ce qui ne veut pas dire que les autorités n'entendent pas y mettre un terme par des campagnes de sensibilisation d'envergure. La délégation a aussi attiré l'attention sur le rôle de la famille élargie, qui permet de répondre à certaines nécessités, notamment la prise en charge des orphelins. Elle a aussi souligné l'importance de défendre le territoire national et justifié la longueur du service militaire par la persistance d'une situation de «ni guerre, ni paix», tout en soulignant qu'il était envisagé de le réduire lorsque la sécurité du pays le permettrait. La délégation a justifié les poursuites envers une obédience comme les témoins de Jéhovah de par leur refus de se conformer aux obligations militaires.

La rapporteuse du Comité pour l'examen du rapport de l'Érythrée, Mme Kirsten Sandberg, s'est inquiétée de l'absence d'une véritable mise en œuvre de la Constitution et des conséquences que cela induisait dans la prise en compte de la Convention des droits de l'enfant. Elle s'est aussi inquiétée de l'absence de transparence budgétaire et de la persistance des discriminations à l'égard des femmes et des minorités, y compris sexuelles. Elle s'est aussi inquiétée d'une politique inavouée visant à dissuader la fuite du pays en autorisant les gardes-frontière à ouvrir le feu pour tuer. Elle s'est aussi fait l'écho de persécutions envers les minorités ethniques et religieuses. La corapporteuse, Mme Suzanne Aho Assouma, a relevé l'absence de femmes dans la délégation et demandé quelles avaient été les modalités d'élaboration du rapport, notamment sur la question de savoir si des organisations non gouvernementales avaient été consultées. Elle s'est aussi interrogée sur les lacunes en matière de déclaration des naissances, ayant le sentiment qu'il n'y avait pas d'état-civil digne de ce nom.

Le Comité doit adopter, avant la fin de ses travaux, le 5 juin prochain, des observations finales sur chacun des rapports examinés au cours de la session.

Le Comité entamera cet après-midi l'examen du rapport initial présenté par le Honduras (CRC/C/HND/4-5 – salle de réunion du rez-de-chaussée au Palais Wilson) et du rapport périodique du Ghana (CRC/C/GHA/3-5 – premier étage).

Présentation du rapport de l'Érythrée

Le Comité est saisi du rapport périodique de l'Érythrée (CRC/C/ERI/4), ainsi que de ses réponses (CRC/C/ERI/Q/4/Add.1) à la liste de points à traiter que lui a adressée le Comité (CRC/C/ERI/Q/4 ).

M. MEHRETEAB FESSEHAIE, Directeur général du département de la protection sociale au Ministère du travail de l'Érythrée, a souligné que la Convention des droits de l'enfant avait été le premier instrument international auquel avait adhéré son pays en 1994, ce qui montre l'importance qu'il lui accorde et son plein engagement dans sa mise en œuvre. Dès la guerre de libération, le Front de libération populaire de l'Érythrée a eu la conviction profonde que l'enfant était à la fois la semence et l'héritier de toute société stable dans le monde. Ce quatrième rapport découle des trois précédents et il ne doit pas être examiné isolément, a-t-il souligné, car il constitue un bilan des progrès accomplis. L'un de ceux-ci mis en lumière par ce rapport concerne la mise en place de Comités pour le bien-être de l'enfant dans 43 sous-régions sur 56.

Le Gouvernement érythréen reconnaît que la mise en œuvre de la Convention exige un engagement fort, de l'ardeur et les efforts concertés des diverses parties prenantes, institutions gouvernementales, organisations de la société civile, structures familiales et communautaires, sans oublier la participation des enfants eux-mêmes, a relevé M. Fessehaie. Elle a aussi besoin du soutien des partenaires internationaux, car comme d'autres pays en développement, l'Érythrée subit de nombreuses contraintes et elle ne dispose que de ressources limitées. En dépit de pénuries et des sanctions injustes imposées par le Conseil de sécurité, l'Érythrée a néanmoins accompli des progrès importants dans la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement s'agissant en particulier de l'enfance. Ces réalisations sont attestées par les statistiques, a-t-il encore souligné, citant la diminution de 90% de la prévalence du paludisme, l'éradication de la poliomyélite et du tétanos néo-natal, la baisse remarquable de la prévalence du VIH/sida, désormais sous les 1%, l'augmentation des accouchements sous contrôle médical, la multiplication des écoles et centres de santé, y compris dans les régions les plus reculées, et l'augmentation de la scolarisation.

Le chef de la délégation a aussi mentionné la prise en charge des orphelins au sein de la famille élargie, une mesure peu coûteuse, durable et particulièrement positive sur le plan psychologique pour les enfants concernés. Les programmes communautaires de réhabilitation servent mieux l'intérêt supérieur de l'enfant que les mécanismes institutionnels, selon lui. Ces derniers ne doivent en effet constituer qu'un recours ultime lorsqu'il s'agit de résoudre les problèmes des mineurs orphelins.

En conclusion, M. Fessehaie a assuré les membres du Comité que son gouvernement n'avait pas de priorité plus grande que les meilleurs intérêts de ses enfants. Les politiques mises en œuvre par les différentes entités gouvernementales en attestent. Il a enfin annoncé que le pays s'apprêtait à promulguer un arsenal législatif complet, mettant ainsi fin à un long processus d'élaboration.

Examen du rapport

Questions et observations des membres du Comité

MME KIRSTEN SANDBERG, rapporteuse du Comité pour l'examen du rapport de l'Érythrée, a confié avoir beaucoup d'amitié pour ce pays, ayant eu à côtoyer des étudiants érythréens lors de son parcours universitaire en Norvège. Si des progrès certains ont été accomplis, ainsi que l'a indiqué le chef de la délégation, de nombreux défis demeurent toutefois, a-t-elle relevé. Elle s'est inquiétée du fait que la Constitution ne soit pas pleinement mise en œuvre. Ces lacunes et l'absence de réforme législative peuvent constituer un obstacle à la mise en œuvre de la Convention, ainsi que l'a relevé le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes. Par ailleurs, le Ministère de la justice annonce sur son site Internet la promulgation de nouveaux codes de procédure pénale et civile qui ne semblent néanmoins pas mis en œuvre à ce stade. Quels sont les changements principaux par rapport aux anciens codes.

S'agissant des comités locaux chargés de la protection de l'enfance, la rapporteuse a souhaité savoir s'ils disposaient de ressources suffisantes. Le Comité aimerait aussi avoir des informations plus précises sur les budgets alloués à l'enfance. En outre, le Comité s'inquiète d'une absence de transparence budgétaire, pourtant essentielle pour informer la population. Elle a mentionné le fait que la Norvège ait suspendu sa coopération avec l'Érythrée en raison d'un manque de garanties dans ce domaine.

Pour ce qui a trait au principe de non-discrimination, la rapporteuse a relevé qu'en dépit d'une campagne nationale en faveur de l'égalité des sexes, les filles et les femmes demeuraient défavorisées. Il en va de même s'agissant des minorités ethniques ou religieuses qui n'ont pas accès à certains services sociaux. Une obédience comme les Témoins de Jéhovah n'est ainsi pas reconnue.

Les comportements homosexuels sont pénalement réprimés, ce qui constitue aussi un cas de discrimination. La rapporteuse s'est aussi inquiétée du fait qu'un nombre très élevé de mineurs quittaient le pays. Elle a relevé qu'il semblait y avoir une politique de «tirer pour tuer» à la frontière, malgré les démentis des autorités. Mme Sandberg a indiqué que des témoignages faisaient état d'enfants abattus à la frontière, selon des témoignages obtenus auprès des très nombreux réfugiés érythréens ayant traversé la Méditerranée. Que deviennent les enfants appréhendés à la frontière? Quelles mesures le Gouvernement prévoit-il de prendre pour mettre fin à cette hémorragie en donnant un espoir aux enfants qui, dans leur grande majorité, souhaiteraient certainement rester au pays.

La rapporteuse a aussi souhaité savoir ce qu'il en était de la liberté d'expression, notamment des mineurs. Elle a rappelé que l'Érythrée figurait en queue de peloton des pays en matière de liberté d'expression.

Mme Sandberg a par la suite abordé la question des persécutions des minorités religieuses dont les membres ont semble-t-il des difficultés à obtenir des documents d'identité.

MME SUZANNE AHO ASSOUMA, corapporteuse pour le rapport de l'Érythrée, a d'abord relevé l'absence de femmes dans la délégation. Elle a aussi demandé selon quelles modalités avait été élaboré le rapport et si des organisations non gouvernementales avaient été consultées. Elle s'est aussi interrogée sur la déclaration des naissances car, à la lecture du rapport, on a le sentiment qu'il n'y a pas d'état-civil. Elle s'est aussi inquiétée des lacunes en matière statistique. Des campagnes de sensibilisation ont-elles été menées pour inciter les parents à déclarer leurs enfants, a-t-elle aussi voulu savoir. L'état-civil doit être rapproché des services de santé en créant des bureaux d'enregistrement dans les centres de santé, a-t-elle estimé. Les enfants des minorités et les nomades, ainsi que les enfants réfugiés, ne sont pas déclarés, a-t-elle relevé. Elle s'est par ailleurs inquiétée du fait que l'absence d'enregistrement des naissances favorise le recrutement d'enfants soldats.

Tout en se félicitant de l'édiction d'une loi contre les châtiments corporels, Mme Aho Assouma s'est inquiétée du fait que ceux-ci soient néanmoins toujours tolérés. Ne faudrait-il pas les interdire totalement purement et simplement. Elle s'est enfin inquiétée que les mutilations génitales féminines demeurent massives, malgré les mesures prises par les autorités pour y mettre un terme.

Mme Aho Assouma a aussi abordé la question des enfants handicapés, se félicitant que l'Érythrée ait publié un dictionnaire en langue des signes, un des rares pays en développement à avoir eu cette initiative. Elle s'est toutefois interrogée sur l'accès des enfants concernés à ces dictionnaires. Elle a aussi demandé si les familles concernées pouvaient disposer gratuitement de matériels d'assistance aux enfants handicapés. Concernant la santé au sens large, elle a relevé que le taux de mortalité des nouveau-nés demeurait élevé, s'interrogeant sur ce qui était fait par les autorités pour en réduire la prévalence. Elle a aussi posé plusieurs questions sur les taux de vaccination, souhaitant savoir s'ils avaient évolué positivement depuis la rédaction du rapport. Elle a mentionné la pathologie du «noma», unegingivite gangreneuse due à la malnutrition et affectant les enfants de moins de six ans. Qu'est-ce qui est fait contre la malnutrition aiguë? Quel est le taux de prévalence du VIH/sida, a-t-elle encore demandé. L'usage du préservatif est-il promu? Que fait-on en faveur des enfants orphelins du VIH/sida? La corapporteuse a aussi soulevé le problème des enfants «de la rue», constatant l'absence de statistiques.

Mme Aho Assouma, s'est par la suite étonnée de l'absence totale de données chiffrées sur les enfants victimes d'abus sexuels, les autorités pouvant avoir néanmoins une idée du problème notamment en fonction des éventuelles actions en justice introduites par des plaignants.

Parmi les autres membres du Comité, un expert a rappelé le caractère fondamental de la notion d'intérêt supérieur de l'enfant. Il a souhaité savoir si les observations générales du Comité avaient été traduites dans les langues locales. Il s'agit en effet d'un moyen essentiel permettant d'informer les enfants et leurs familles dans le cadre de campagnes d'information. La création d'un mécanisme indépendant est déterminante: il s'agit d'une obligation à laquelle l'État partie doit souscrire. Le Gouvernement a-t-il l'intention de revoir son refus de créer un tel organe?

Un autre expert a constaté qu'il était évident que la Constitution n'était pas pleinement appliquée. Il a cité le cas de son pays, les Fidji, où la Constitution a fait l'objet d'un calendrier de mise en œuvre qui, s'il a été repoussé à diverses reprises, a néanmoins fini par être mise en œuvre. L'Érythrée ne pourrait-elle pas envisager une procédure similaire? Le même expert a souhaité savoir par ailleurs si les autorités disposaient de statistiques en matière de violence sexuelle au sein des familles, s'agissant en particulier de l'inceste.

Abordant la question des mariages précoces, une experte a constaté que certains jeunes n'ayant même pas atteint l'âge de 14 ans pouvaient néanmoins se marier et qu'il ne s'agirait pas de cas isolés. L'Érythrée est considérée comme l'un des pays où la proportion de contrats de mariage précoce est la plus élevée. Cela signifie-t-il que la loi n'est pas appliquée ou bien que la pratique ne correspond pas à ce qu'impose le droit? Le nouveau code civil prend-il ce problème en compte? Elle a aussi abordé la question des programmes de sensibilisation à cet égard, demandant à la délégation si ceux-ci avaient porté leurs fruits, d'autant que les autorités semblent avoir effectué un important effort à ce sujet. Si cela n'a pas été le cas, une évaluation de cet échec a-t-elle été faite?

Une experte a souligné que les enfants nomades ne bénéficiaient pas d'une éducation de qualité. Par ailleurs, la fuite de nombreux jeunes instruits du pays pose un problème de recrutement d'enseignants compétents. Elle a affirmé que de trop nombreux jeunes Érythréens avaient le sentiment de n'avoir aucune perspective d'avenir dans le pays, fuyant aussi l'enrôlement dans l'armée. Selon les informations disponibles, celui-ci est d'une durée illimitée, même s'il est officiellement de 18 mois. Comment les autorités entendent-elles redonner confiance à la jeunesse? En matière de loisirs, quels types de loisirs sont proposés aux enfants?

Un expert a demandé des précisions sur la délinquance juvénile et les conditions d'incarcération des jeunes en rupture de ban. Une autre membre du Comité a demandé s'il était question d'amender les obligations militaires de la jeunesse, les garçons préférant fuir le pays et les filles se marier au plus vite pour échapper en particulier aux «sawa», camps d'entraînement militarisés qui précédent le service militaire obligatoire. Des solutions de remplacement sont-elles envisagées?

Réponses de la délégation

La délégation a reconnu que le pays n'avait pas été en mesure de mettre en œuvre la Constitution en raison d'un état d'urgence dû à la guerre. La situation demeure difficile et le voisin de l'Érythrée continue de mener des incursions sur le territoire. Il s'agit d'une situation de ni guerre ni paix qui exige de demeurer vigilant, a-t-il été indiqué. L'Érythrée a l'intention de réviser sa législation afin de prendre en compte tous les intérêts de l'enfant. La société a déjà beaucoup fait en faveur de ses enfants. Il est exact cependant que la Constitution doive être mise à jour, a reconnu la délégation. À une intervention d'une experte demandant des précisions sur ce processus de révision et sur un échéancier éventuel, la délégation a répondu qu'une commission était chargée de faire des propositions. Elle a expliqué que certaines dispositions de la Convention étaient intégrées dans les nouveaux codes, pénal et de procédure civile. Une experte ayant indiqué que ces textes n'étaient pas disponibles sur Internet, la délégation s'est engagée à les envoyer par la poste au Comité.

Des plans stratégiques quinquennaux ont été lancés en faveur de l'amélioration de la condition de l'enfance, sous l'égide d'un «comité de coordination» des administrations concernées. Par ailleurs, des campagnes de sensibilisation visent à éduquer la population.

Interrogée sur les l'application du principe de l'intérêt supérieur de l'enfant, la délégation a assuré que l'absence du mot «supérieur» dans le rapport ne constituait en aucun cas une restriction sémantique. La société érythréenne est une société traditionnelle qui attache une grande importance à ses enfants. Chaque famille connaît l'intérêt de ses enfants. En outre, il convient de prendre en compte le rôle clé de la famille élargie, l'Érythrée ignorant la famille nucléaire. Toutes les institutions gouvernementales prennent en compte l'intérêt supérieur de l'enfant dès lors qu'elles élaborent des programmes. Cette notion a été intégrée dans le code civil, avec l'assistance de juristes étrangers éminents, français en particulier. Il faut considérer l'absence du mot «supérieur» comme un oubli, a-t-elle conclu.

S'agissant de l'enregistrement des naissances, la délégation a reconnu que les populations nomades et les réfugiés pâtissaient de l'insuffisance de ressources des autorités. Elle a précisé que le Haut-Commissariat pour les réfugiés assurait l'enregistrement des naissances parmi les réfugiés somaliens. Dans la population générale, ce sont souvent les églises qui se chargent de l'état-civil. Tout Érythréen de plus de 18 ans dispose d'une carte d'identité.

La délégation a assuré que la loi interdisait les châtiments corporels, quels qu'ils soient. Quiconque frappe autrui est passible de sanctions, a déclaré la délégation, assurant qu'il s'agissait d'une pratique appartenant au passé.

La délégation éthiopienne a par ailleurs assuré que son gouvernement n'avait jamais eu recours aux enfants soldats, y compris lors du dernier conflit frontalier. Elle a aussi répondu ne pas être au courant d'une politique de «tirer pour tuer» à la frontière.

Le chef de la délégation érythréenne a déploré que certains membres du Comité aient avancé des allégations infondées, «Mme Sandberg en particulier qui s'est appuyée sur des informations erronées, comme si l'Érythrée en était toujours à la case départ». Le pays est parfaitement conscient des défis qu'il affronte et il fait tout pour les surmonter, a-t-il expliqué. Toutes les institutions onusiennes ayant œuvré en Érythrée peuvent ainsi témoigner de la politique de tolérance zéro face à la corruption. La délégation a assuré que la lutte contre la corruption était une priorité importante de son gouvernement.

La délégation a assuré que des informations et des statistiques étaient diffusées dans le grand public, notamment en matière de santé, tout en reconnaissant qu'il serait souhaitable de faire davantage. L'Érythrée dispose de moyens extrêmement limités et elle a besoin de l'assistance internationale, a-t-il été souligné.

L'éducation aux droits de l'homme relève de l'instruction civique. Avec l'aide du Programme des Nations Unies pour le développement, les textes fondamentaux, la Convention en particulier, ont été traduits dans les six principales langues vernaculaires. Cette information figure déjà dans les rapports précédents, le chef de la délégation s'étonnant que la rapporteuse ne semble pas l'avoir relevé.

La délégation a rappelé que la société érythréenne était encore largement traditionnelle. Les autorités sont conscientes des souffrances qu'entraînent les mutilations génitales féminines pour les petites filles et les femmes. Une proclamation de 2007 visait à lutter contre ce fléau. Les autorités ont essayé de mieux comprendre ce qui sous-tendait ces pratiques et réfléchit aux mesures à prendre pour y mettre un terme. Cela ne peut toutefois être résolu du jour au lendemain, a-t-elle souligné. La population prend peu à peu conscience des problèmes que posent ces pratiques préjudiciables. Il s'agit de traditions solidement ancrées et on ne peut avoir la prétention d'y mettre un terme du jour au lendemain. Toute en étant formellement interdite, en particulier en milieu hospitalier, la pratique perdure, même si elle tend à diminuer. La délégation a assuré qu'elle fournirait ultérieurement des informations plus précises à ce sujet. Une experte ayant affirmé que l'excision semblait être plus massivement pratiquée parmi les chrétiens davantage que dans la communauté musulmane, s'interrogeant au passage sur la raison de ce phénomène, le chef de la délégation a démenti cette assertion. Le deuxième rapport de l'Examen périodique universel de l'Érythrée faisait état d'une diminution de la pratique des mutilations génitales féminines, a encore rappelé la délégation.

Quant à la discrimination fondée sur le sexe, la délégation a déclaré que certaines pratiques sont ancrées dans les us et coutumes, même si l'Érythrée a déjà beaucoup progressé à cet égard. Lors de la guerre de libération, et depuis l'indépendance, les autorités se sont efforcées de sensibiliser la population et la délégation a assuré que cette discrimination était en baisse. Quant à l'absence de femmes dans la délégation, cela ne signifie pas qu'elles n'aient joué aucun rôle dans l'élaboration du rapport, notamment par la contribution de leurs organisations.

Pour ce qui a trait à la communauté des lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres, la délégation ne dispose pas d'information sur son existence dans la société érythréenne, ces comportements ne faisant pas partie des coutumes du pays. Une experte s'étonnant que ce genre de pratique soit criminalisé, bien qu'officiellement inexistante, la délégation a assuré que l'homosexualité n'existait pas, pas plus au sein des musulmans que des chrétiens. Ce phénomène n'est pas concevable pour la société érythréenne quel que soit l'appellation qu'on lui donne: nouvelle tendance ou nouvelle mode.

La délégation a indiqué que l'Érythrée comptait neuf groupes ethniques qui vivent en harmonie et ne subissent aucune discrimination. Dans les zones reculées peuplées de minorités, des efforts particuliers sont faits en matière d'éducation. Ces régions sont aussi prioritaires dans le domaine de la santé, a indiqué la délégation. Il s'agit en effet de réparer une injustice, ces régions ayant été privées des services essentiels pendant la guerre de libération qui a duré près de soixante ans, a-t-elle rappelé. En outre, pendant la période coloniale, le développement ne concernait que certaines régions.

Pour ce qui a trait à la situation des personnes handicapées, des mesures ont été prises en faveur des familles afin qu'elles scolarisent les enfants concernés. Des campagnes de sensibilisation jusqu'au niveau local ont été organisées, des bénévoles ayant été formés avec l'assistance de la Norvège. Il reste certes des efforts à faire afin d'améliorer la situation si l'on entend atteindre un maximum d'enfants, a reconnu la délégation. L'Association norvégienne des personnes handicapées, le Programme des Nations Unies pour le développement et le Fonds des Nations Unies pour l'enfance fournissent un soutien en matière notamment de fournitures de matériels adaptés tels que des chaises roulantes. Ces organisations œuvrent auprès des quatre associations érythréennes de personnes handicapées existantes. En milieu rural, la fourniture d'ânes et de mules est prévue afin d'aider les enfants handicapés à se rendre à l'école. S'agissant des budgets alloués à ces efforts, la délégation n'a pas été en mesure de répondre par des données chiffrées.

Un département travaille spécifiquement sur la question de la mortalité maternelle et infantile, la délégation soulignant le nombre important de programmes consacrés à cette question. D'après l'enquête nationale sur la population et la santé de 2010, le taux de mortalité maternelle a reculé, passant de 1400 décès pour 100 000 naissances vivantes en 1990 à 486 pour 100 000 naissances vivantes en 2010. Le taux de mortalité des enfants de moins de 5 ans a également fortement régressé, passant de 136 décès pour 1000 naissances vivantes en 1995 à 63 pour 1000 naissances vivantes en 2010. Ces taux de mortalité sont encore beaucoup trop importants, a reconnu la délégation. Elle a toutefois estimé que l'Érythrée était sur la bonne voie et qu'elle se rapprochait des objectifs du Millénaire pour le développement, en espérant même les dépasser. Il n'y pas eu de cas de polio depuis six ans, la vaccination étant généralisée. En ce qui concerne le VIH/sida, la prévalence est 0,9%, soit moins d'un cas pour 100 000 personnes.

Des actions sont menées en faveur de la santé reproductive dans toutes les régions. Pour résoudre le problème de l'éloignement et de l'enclavement, une cinquantaine de dispensaires «d'attente» spécialisés ont été créés pour permettre aux femmes d'accoucher dans des conditions correctes. En cas de complications, elles peuvent être transportées dans des centres hospitaliers équipés. Des médecins et infirmières ont été formés aux soins obstétriques d'urgence. Les césariennes font partie des soins de base, qui sont gratuits. Il n'y a pas réellement de besoins de transferts en ambulance car ces dispensaires d'attente pour les femmes sur le point d'accoucher ont été installés non loin des hôpitaux, a assuré la délégation.

S'agissant spécifiquement de la pathologie du «noma», mentionnée par une experte, la délégation a indiqué n'avoir pas eu communication de cas en Érythrée.

L'approvisionnement en eau potable est un des problèmes importants auxquels le pays fait face. La couverture est de 87% en ville, ce chiffre étant proche d'être atteint dans les campagnes. Près de 60% des écoles disposent désormais de l'eau potable, contre dix pour cent par le passé. Toute nouvelle école doit disposer de latrines séparées pour les garçons adolescents et les filles. Un effort est aussi entrepris pour équiper les établissements plus anciens.

Pour ce qui regarde la malnutrition des enfants en bas âge, les autorités encouragent fortement l'allaitement. Des compléments alimentaires thérapeutiques sont aussi fournis dans les cas de malnutrition modérée. Ces mesures d'aide alimentaire sont proposées parallèlement aux campagnes de vaccination. La rapporteuse ayant évoqué le rationnement alimentaire institué dans le pays, la délégation a répondu que celle-ci était marginale, voire pratiquement inexistante, et que la population pouvait s'approvisionner normalement, si l'on excepte la période de la sécheresse de 2010. Les informations dont dispose le Comité s'agissant d'un supposé rationnement sont erronées, le chef de la délégation précisant même que si la rapporteuse se rendait en Érythrée, elle pourrait acheter autant de «quintaux» de vivres qu'elle le désirerait.

S'agissant des enfants des rues, la délégation a dit préférer parler d'«enfants en situation difficile», des actions étant entreprises en direction des familles et des enfants eux-mêmes pour qu'ils aient conscience de la nécessité de ne pas être confrontés à de telles situations. En réponse à l'obligation du service militaire illimité évoqué par des membres du Comité et des conséquences que cela pouvait avoir dans la dislocation des familles et le phénomène des enfants sans soutien familial, la délégation a indiqué que les autorités encourageaient les mineurs concernés à regagner leurs familles. Des travailleurs sociaux sont formés en ce sens avec l'aide du Fonds des Nations Unies pour l'enfance.

Si la conscription est une obligation nationale, il ne s'agit pas de l'imposer indéfiniment. L'objectif est d'abord de permettre aux jeunes dès l'âge de 17-18 ans de bénéficier d'une formation civique de base d'une durée de 18 mois, avant le service militaire proprement dit. Le Comité doit être conscient de l'épreuve qu'a représenté l'accession à l'indépendance nationale et la préservation de la souveraineté du pays, a souligné la délégation. Elle a affirmé qu'une grande partie du territoire demeurait occupée, déplorant que les Nations Unies fassent la sourde oreille aux plaintes érythréennes. Le Gouvernement envisage à terme de limiter la durée du service national mais pas de façon irréfléchie car il s'agit de garantir la souveraineté du pays. Les salaires versés aux personnes sous les drapeaux sont peut-être insuffisants, a reconnu la délégation, précisant qu'elles se voyaient octroyer une ration alimentaire. Il est toutefois difficile d'établir un lien, selon elle, entre la conscription et le phénomène des enfants des rues.

En réponse à d'autres questions sur le service militaire et la fuite des adolescents du pays, les membres du Comité doivent garder à l'esprit le fait que l'indépendance ne s'est pas faite toute seule, qu'elle a été le résultat de bien des combats et de bien des souffrances. Cela explique l'existence d'un service militaire de 18 mois et de camps préparatoires d'été n'excédant pas un mois. Il s'agit d'un processus d'apprentissage et de préparation à la vie. Il s'agit aussi fondamentalement de défendre le pays face à des ennemis susceptible de venir de très loin, y compris de l'autre côté de l'Atlantique. Il est exact que le pays est engagé dans un combat auquel participent des jeunes gens, de même qu'il est exact qu'un nombre non négligeable, leurrés par des illusions, préfèrent quitter le pays, ce qui est une tragédie en raison de la perte de substance pour le pays, sans parler du sort funeste qui les attend en tentant de traverser la Méditerranée. Le gouvernement d'Asmara en a appelé à l'assistance internationale et à l'ONU pour faire face à ce problème. La communauté internationale doit voir d'un œil plus magnanime la situation qui est celle de l'Érythrée et qui explique que tant de jeunes quittent le pays. C'est la raison pour laquelle l'Érythrée en appelle au reste du monde pour l'aider à juguler ce fléau.

La délégation a souligné que, comme dans tous les pays, y compris les plus riches, il existait des pauvres en Érythrée, catégorie que les autorités s'efforcent d'aider malgré des ressources limitées.

Les enfants victimes d'abus sexuels entrent dans la catégorie des «enfants en situation difficile» et bénéficient donc du soutien nécessaire, en matière de soins psychosociaux en particulier, avec le soutien essentiel de la famille élargie. Les autorités ne disposent pas de statistiques spécifiques relatives aux abus sexuels sur mineurs. Mais cette lacune n'empêche pas d'apporter le soutien psychosocial nécessaire.

Aucune minorité ethnique ou religieuse n'est persécutée en Érythrée, a assuré la délégation. Quant aux Témoins de Jéhovah, ils ne reconnaissent absolument pas les devoirs qui sont les leurs au titre de la Constitution; ils ne se sentent pas engagés, notamment, dans la défense de la patrie, ce qui justifie qu'ils soient passibles de poursuites. Cette obédience ne semble reconnaître aucune citoyenneté ou nationalité, quand ça les arrange. S'il s'agit d'un mineur, les autorités ne disposent d'aucun moyen de coercition à son encontre. La rapporteuse ayant observé que de nombreux pays reconnaissaient le statut d'objecteur de conscience, permettant d'être exempté du service militaire, la délégation a estimé qu'il s'agissait d'un moyen de «passer entre les mailles de filet». Elle a rappelé que l'armée érythréenne était très modeste. Le pays a conscience d'avoir un ennemi, sans être toujours certain de savoir de qui il s'agit ou du lieu où il se trouve, ses objectifs étant parfois cachés. La Vice-Présidente ayant observé que les mineurs étaient recrutés dès 17 ans, la délégation a démenti ce chiffre, répondant que la conscription n'était pas appliquée avant l'âge de 18 ans, ce qui n'exclut pas qu'il puisse y avoir quelques cas de recrutements de mineurs, en raison d'incertitudes ou d'erreurs sur la date de naissance.

La délégation a rappelé que l'on débattait ici du sort des enfants en vertu des droits de l'enfant, et qu'il ne s'agissait ni du lieu ni du moment de parler des droits de l'homme au sens large.

S'il n'existe pas formellement d'âge minimal de responsabilité pénale, aucune poursuite n'est envisageable avant l'âge de 12 ans pour un délit ou crime, a déclaré la délégation. Un mineur de moins de 12 ans peut faire l'objet d'une action en justice en vue d'un placement éventuel en institution. Pour les mineurs de plus de 12 ans, la durée de réclusion ne peut excéder dix ans pour les multirécidivistes. Des travaux communautaires peuvent lui être imposés pour éviter l'incarcération. Des questions ayant été posées sur l'existence de tribunaux pour mineurs, de centres de détention qui leur seraient réservés, la délégation a indiqué que les autorités avaient pour priorité de s'attaquer aux causes de la délinquance juvénile. La société considère que les jeunes sont responsables de leurs actions et il n'existe pas à ce stade de tribunal pour mineurs. La délégation n'a pas été en mesure de préciser si le nouveau code de procédure pénale tout juste publié et dont elle disposait d'un unique exemplaire était immédiatement applicable.

S'agissant de la scolarisation, qui varie de 98 à 80% selon les zones, la délégation a souligné les disparités régionales très fortes qui sont notamment liées au style de vie et au nomadisme. Par ailleurs, les mariages précoces ont pour conséquence de barrer, de fait, la route des études aux jeunes filles, même si rien ne s'y oppose légalement. En matière d'équipement, une centaine d'écoles supplémentaires doivent être construites. Là où il n'y a pas d'électricité, des panneaux solaires sont fournis et les élèves sont, dans leur majorité, équipés en cartables et manuels scolaires. Il n'y a pas de coûts cachés dans la mesure où l'école est gratuite. Des programmes en faveur de cantines scolaires ont aussi été mis en œuvre.

La délégation a reconnu une fuite des cerveaux, des enseignants en particulier. La grave pénurie d'enseignants a conduit à recruter des personnels insuffisamment formés auxquels sont néanmoins proposés des stages, d'été notamment, afin qu'ils aient la formation de base indispensable. Un important effort est effectué en ce sens.

Pour ce qui concerne les orphelins et les adoptions, l'Érythrée est très préoccupée par ce qui se passe dans les pays du Nord car elle n'a pas le sentiment de partager les mêmes valeurs, d'où une certaine réticence à leur endroit. Cela explique notamment la non-ratification de la Convention de Palerme contre la criminalité transnationale organisée et le fait de privilégier l'adoption par les membres de la famille élargie.

Conclusions

La rapporteuse, MME SANDBERG, s'est félicitée des réponses apportées par la délégation, qui ont permis au Comité d'être plus au fait de la façon de penser des autorités érythréennes. L'Érythrée appelle de ses vœux la coopération internationale mais encore faudrait-il qu'elle convainque la communauté internationale qu'elle le souhaite réellement, question sur laquelle le Conseil des droits de l'homme a pu s'interroger.

Le chef de la délégation érythréenne, M. FESSEHAIE, a souligné pour sa part l'importance de la présence internationale sur le terrain, citant plus particulièrement les missions du Haut-Commissariat aux droits de l'homme et l'action du Programme des Nations Unies pour le développement. Il a regretté que certaines questions et observations aient été basées sur des informations non étayées. Il est important de comprendre le défi de taille auquel est confrontée l'Érythrée, sur le plan sécuritaire et des ressources disponibles.

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