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Communiqués de presse Organes conventionnels

Le Comité contre la torture examine le rapport de la Serbie

30 Avril 2015

Comité contre la torture

30 avril 2015

Le Comité contre la torture a examiné, hier matin et cet après-midi, le rapport présenté par la Serbie sur les mesures qu'elle a prises pour mettre en œuvre les dispositions de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Le rapport a été présenté par le Secrétaire d'État au Ministère serbe de la justice, M. Radomir Ilić, qui a souligné que les traités internationaux ratifiés par la Serbie faisaient partie du système juridique national et sont d'application directe.  Il a toutefois tenu à souligner que, «bien que le Kosovo-Metohija fasse partie intégrante du territoire de la République serbe», la Serbie n'est pas en mesure d'y surveiller l'application de la Convention, l'administration de la Province ayant été confiée à la Mission intérimaire d'administration des Nations Unies au Kosovo.  M. Ilić a indiqué que l'Administration chargée de l'application des sanctions pénales a l'obligation d'enregistrer tout cas de torture ou autre traitement cruel, inhumain ou dégradant, d'établir immédiatement les faits, d'engager rapidement des poursuites disciplinaires et de déposer plainte au pénal s'il existe des motifs raisonnables.  Le Secrétaire d'État a souligné qu'un système de plaintes à disposition des condamnés a été introduit en 2006.  Le contrôle externe et la supervision de l'application des sanctions pénales relèvent de la responsabilité de la Commission du Parlement chargée de la supervision de l'application des sanctions pénales et du Médiateur – ce dernier faisant office de mécanisme national de prévention de la torture.  S'agissant enfin de la coopération avec le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie, M. Ilić a souligné qu'aucune demande émanant du bureau du Procureur ou de la défense d'un accusé visant à accéder aux archives des organes gouvernementaux serbes n'avait été refusée.

La délégation serbe était également composée du Représentant permanent de la Serbie auprès des Nations Unies à Genève, M. Vladislav Mladenović, ainsi que de représentants du Ministère de la justice; du Ministère de l'intérieur; du Ministère du travail, de l'emploi, des vétérans et des affaires sociales; du Ministère de la santé; et du bureau du Procureur chargé des crimes de guerre.  La délégation a répondu aux questions qui lui étaient adressées par les membres du Comité s'agissant, entre autres, de la définition de la torture; des attributions du Médiateur; du traitement des demandes d'asile; de l'indépendance de la justice; des droits des personnes privées de liberté, s'agissant notamment de la garde à vue et de la détention préventive; des mesures de substitution à la privation de liberté; des problèmes de surpopulation carcérale; de la lutte contre la traite; des questions liées à l'indemnisation des victimes; ainsi que des crimes de guerre et de la question des archives serbes.

Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de la Serbie, M. George Tugushi, a déclaré que la définition du crime de torture dans le code pénal serbe n'était pas pleinement conforme aux normes établies par la Convention.  Tout en se félicitant de l'introduction d'un nouveau code de procédure pénale ces dernières années en Serbie et notant que les délais de détention provisoire seraient généralement respectés, M. Tugushi s'est inquiété que les registres des détenus seraient souvent incomplets.  Même si ce n'est pas une pratique généralisée, des abus imputables aux forces de police continueraient de se produire, notamment des coups et des gifles lors des interrogatoires aux fins de l'obtention d'une confession, a par ailleurs relevé le rapporteur.  Il semble par ailleurs qu'en Serbie, qui reste un pays de transit et de destination pour la traite de personnes, les victimes de traite soient poursuivies pour des crimes liés à la traite, a déploré le rapporteur.  La surpopulation carcérale reste un problème en Serbie, a par ailleurs fait observer M. Tugushi.  À l'instar du rapporteur, la corapporteuse du Comité pour l'examen du rapport de la Serbie, Mme Sapana Pradhan-Malla, s'est inquiétée qu'une prescription de cinq ans soit fixée pour les crimes de torture, alors que ceux-ci devraient être imprescriptibles.  Elle reste préoccupée de constater que la loi serbe n'a toujours pas réglé la question du consentement pour l'hospitalisation d'une personne souffrant de troubles mentaux.

Le Comité adoptera, dans le cadre de séances privées, des observations finales sur le rapport de la Serbie et les rendra publiques à l'issue de la session, qui se termine le vendredi 15 mai.


Demain après-midi, à 15 heures, le Comité entendra les réponses de la délégation colombienne aux questions que lui ont adressées les experts ce matin.



Présentation du rapport de la Serbie

Présentant le rapport de la Serbie (CAT/C/SRB/2), M. RADOMIR ILIĆ, Secrétaire d'État au Ministère de la justice de la Serbie, a déclaré que son pays était engagé en faveur du renforcement du caractère démocratique de la société et, en premier lieu, en faveur du respect des droits de l'homme et des droits des minorités.  En vertu de sa Constitution, les règles générales du droit international et les traités internationaux ratifiés par la Serbie font partie intégrante du système juridique national et sont d'application directe.  Depuis octobre 2005, la Serbie maintient une invitation permanente adressée à toutes les procédures spéciales du Conseil des droits de l'homme.  M. Ilić a en outre rappelé que son pays était candidat à l'adhésion à l'Union européenne et que, dans le contexte des réformes associées à ce processus, une attention particulière est accordée à la promotion de la primauté du droit et de la protection des droits de l'homme.

Le Secrétaire d'État serbe a ensuite tenu à souligner que, «bien que le Kosovo-Metohija fasse partie intégrante du territoire de la République serbe», la Serbie n'est pas en mesure, en tant que partie à la Convention, de surveiller l'application de la Convention au Kosovo-Metohija, étant donné que, conformément à la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité des Nations Unies, l'administration de la Province a été confiée entièrement à la Mission intérimaire d'administration des Nations Unies au Kosovo (MINUK)».  C'est pour cette raison que le présent rapport ne contient pas d'informations détaillées concernant l'application de la Convention dans cette partie du territoire de la République de Serbie, a expliqué M. Ilić.

La réforme judiciaire en Serbie a commencé en 2009, a poursuivi le Secrétaire d'État.  Renforcer la capacité des organes judiciaires aux fins de l'application des lois reste une priorité pour le pays, a-t-il souligné, avant d'attirer l'attention sur l'adoption, en juillet 2013, de la Stratégie nationale de réforme judiciaire pour la période 2013-2018.  En mars 2009, a précisé M. Ilić, la Serbie a adopté la loi sur l'interdiction de la discrimination, une loi générale anti-discrimination qui se concentre sur toute une série de formes de discrimination interdites.  En 2011, a ajouté le Secrétaire d'État, le pays a adopté une Stratégie nationale de prévention et de lutte contre la violence domestique à l'égard des femmes.  La mise en place de mécanismes institutionnels pour la coopération au niveau local dans les affaires de violence contre les femmes est en cours, a-t-il précisé.

En décembre 2013, a poursuivi M. Ilić, le Gouvernement serbe a adopté la Stratégie en faveur du développement du système d'application des sanctions pénales à l'horizon 2020, ce qui témoigne de l'engagement du pays en faveur de la protection de la société contre la criminalité en améliorant constamment les conditions dans lesquelles les sanctions sont appliquées et en appliquant des mesures modernes dans le traitement des personnes condamnées aux fins d'une réintégration réussie au sein de la communauté sociale et réduire ainsi les taux de récidive.  La Serbie applique les Règles minima des Nations Unies pour le traitement des prisonniers, a par ailleurs fait valoir le Secrétaire d'État.  Les principes de déontologie médicale relativement au rôle que les personnels médicaux jouent dans la protection des prisonniers contre toute forme de torture et de traitement cruel, inhumain ou dégradant ont également été incorporés dans la législation nationale, a-t-il insisté.

L'Administration chargée de l'application des sanctions pénales a l'obligation d'enregistrer tout cas de torture ou autre traitement cruel, inhumain ou dégradant potentiels; d'établir immédiatement les faits; d'engager rapidement des poursuites disciplinaires contre le fonctionnaire concerné et de déposer une plainte au pénal auprès du bureau du procureur compétent s'il existe des motifs raisonnables de soupçonner que les actions d'un fonctionnaire contiennent des éléments constitutifs d'un crime, a expliqué M. Ilić.

Le Secrétaire d'État a ensuite souligné qu'un système interne de plaintes à disposition des personnes condamnées a été introduit en 2006 par la loi sur l'application des sanctions pénales et n'a cessé, depuis, d'être promu.  Ce système prévoit une procédure en deux phases pour la protection des droits des personnes condamnées.  La nouvelle loi sur l'application des sanctions pénales entrée en vigueur en septembre 2014 a ensuite introduit un nouveau type de contrôle judiciaire de l'application des sanctions pénales, à savoir un juge d'application des peines.  Ce juge est responsable de la supervision des institutions correctionnelles relevant de sa juridiction s'agissant des droits des personnes privées de liberté; il peut visiter ces institutions et prendre des décisions concernant les plaintes déposées.  Les procédures devant un juge d'application des peines – outre les procédures disciplinaires ou pénales qui peuvent être engagées contre un fonctionnaire pour violence ou torture – sont engagées par une plainte directement déposée auprès dudit juge par une personne privée de liberté, a précisé M. Ilić.

Le contrôle externe et la supervision de l'application des sanctions pénales relèvent de la responsabilité de la Commission du Parlement national chargée de la supervision de l'application des sanctions pénales et du Médiateur – ce dernier faisant office, conformément à la loi de 2011 portant ratification du Protocole à la Convention contre la torture, de mécanisme national de prévention de la torture.  À ce titre, le Médiateur national coopère avec le Médiateur provincial et avec une quinzaine d'organisations de la société civile œuvrant à la promotion et à la protection des droits de l'homme.  Les représentants de ces institutions et organes ont le droit de s'entretenir en privé avec les prisonniers, d'entreprendre des visites de toutes les installations des institutions correctionnelles et d'accéder à toute la documentation nécessaire, conformément à la loi, a précisé le Secrétaire d'État.

M. Ilić a par ailleurs attiré l'attention sur la nouvelle Stratégie nationale de prévention et de suppression de la traite de personnes et de protection des victimes pour les années 2015-2020, assortie d'un Plan d'action.

En raison d'un grand nombre de personnes déplacées dans le pays, dont des réfugiés de Croatie et de Bosnie-Herzégovine ainsi que les personnes déplacées de la province du Kosovo-Metohija, la Serbie accorde une grande attention à cette question, a poursuivi le Secrétaire d'État.  Il reste actuellement quelque 44 000 personnes ayant le statut de réfugié en Serbie, a-t-il indiqué, assurant que le pays n'a cessé d'apporter une pleine protection et un soutien à tous les réfugiés et n'a ménagé aucun effort pour contribuer à parvenir à des solutions durables pour les réfugiés.  Grâce à l'octroi de la citoyenneté et à l'intégration locale au sein de la République de Serbie, le nombre de personnes ayant le statut de réfugié a diminué d'environ 10 000 chaque année, a-t-il ajouté.  Par ailleurs, depuis 1999, la Serbie a déployé de considérables efforts, y compris financiers, afin de prendre soin des plus de 220 000 personnes déplacées et d'améliorer leur situation, a fait valoir M. Ilić, précisant que des cadres stratégiques, juridiques et institutionnels ont été établis à cette fin.  Toutefois, seize ans après, les conditions durables pour le retour des personnes déplacées vers le Kosovo-Metohija n'ont toujours pas été réunies et, selon les estimations, seules 2000 à 4000 personnes ont pu réaliser un retour durable, a souligné le Secrétaire d'État.  Les principaux obstacles à un retour durable sont la mauvaise situation sécuritaire, les attaques contre les communautés minoritaires et les personnes qui reviennent, les pressions constantes ainsi que l'usurpation des propriétés et des biens – qui restent impunis, a déclaré M. Ilić, avant d'inviter le Comité à s'enquérir d'informations complémentaires auprès de la Mission d'administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo (MINUK).

Depuis l'adoption de la loi sur l'asile en 2008, quelque 30 710 personnes avaient demandé l'asile en République de Serbie à la fin de 2014, a par ailleurs indiqué M. Ilić.  Outre un logement, de la nourriture et des vêtements, les requérants d'asile se voient accorder une assistance juridique gratuite, un soutien psychologique et les services d'un interprète, a-t-il fait valoir.  Une attention spéciale est accordée aux requérants mineurs non accompagnés, qui se voient attribuer un tuteur.  M. Ilić a par ailleurs attiré l'attention sur les amendements apportés au code pénal afin d'introduire un nouveau type de crime: «faciliter l'abus de la requête d'asile dans un pays étranger».

S'agissant enfin de la coopération de la Serbie avec le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY), M. Ilić a souligné qu'aucune demande émanant du bureau du Procureur du Tribunal ou de la défense d'un accusé visant à accéder aux archives des organes gouvernementaux de la République de Serbie n'avait été refusée.

Examen du rapport

Questions et observations des experts

M. GEORGE TUGUSHI, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de la Serbie, a déclaré que la définition du crime de torture dans le code pénal serbe n'est pas pleinement conforme aux normes établies par la Convention.  Aucune mesure n'a été prise en Serbie pour amender la législation relative à la prescription des crimes relevant du pénal, a-t-il en outre regretté. 

Tout en se félicitant de l'introduction d'un nouveau code de procédure pénale ces dernières années et constatant que – selon les informations disponibles – les délais de détention provisoire sont généralement respectés, M. Tugushi s'est inquiété du système d'inscription des détenus, les registres étant parfois incomplets.  Les rapports médicaux restent très souvent superficiels, ne contiennent même pas de conclusions des médecins quant à l'origine des blessures et les forces de police ou les gardiens sont présents durant l'examen médical, a-t-il ajouté. 

Même si ce n'est pas une pratique généralisée, des abus imputables aux forces de police continuent de se produire, notamment des coups et des gifles lors des interrogatoires aux fins de l'obtention d'une confession, a poursuivi le rapporteur.

M. Tugushi a en outre souhaité en savoir davantage au sujet des nouvelles fonctions du Médiateur en tant que mécanisme national de prévention de la torture.

Le nombre de demandes d'asile recevant une réponse positive des autorités serbes reste faible, a en outre constaté M. Tugushi.  Il s'est par ailleurs inquiété de la situation des personnes détenues à l'aéroport de Belgrade, privées de liberté dans la zone de transit.

Pour ce qui est de la lutte contre la traite de personnes, la législation a certes été amendée et des poursuites ont été engagées; mais la Serbie reste un pays de transit et de destination pour la traite de personnes à des fins de servitude domestique et d'exploitation sexuelle, a constaté le rapporteur.  Il a en outre déploré que les victimes de traite soient souvent poursuivies pour des crimes liés à la traite elle-même.

En dépit d'une diminution ces dernières années, la surpopulation carcérale reste un problème en Serbie, a par ailleurs fait observer M. Tugushi.  Il semblerait que les conditions de détention ne respectent pas toutes les normes requises, en particulier dans les installations pénitentiaires les plus anciennes, a-t-il insisté.

MME SAPANA PRADHAN-MALLA, corapporteuse du Comité pour l'examen du rapport de la Serbie, a félicité le Gouvernement serbe pour avoir reconnu la traite de personnes comme relevant de la criminalité organisée et d'avoir établi un mécanisme national de prévention de la torture.  La corapporteuse a toutefois souhaité disposer de données ventilées concernant les personnes détenues en Serbie.  Elle s'est par ailleurs enquise des mesures prises pour prévenir les suicides de détenus.  Elle a également souhaité en savoir davantage sur les mesures préventives prises par les autorités serbes pour prévenir la violence entre détenus.  Qu'en est-il des obligations redditionnelles prévues en cas de négligence de la part des gardiens à l'égard d'un détenu, a-t-elle demandé?

Mme Pradhan-Malla s'est ensuite inquiétée du taux apparemment élevé de femmes dans les institutions psychiatriques.  Elle reste préoccupée de constater que la loi serbe n'a toujours pas réglé la question du consentement pour l'hospitalisation d'une personne souffrant de troubles mentaux.  Relevant que de nombreuses personnes âgées voire très âgées sont placées dans des institutions psychiatriques, la corapporteuse s'est enquise des raisons de cette situation et a fait observer que si ces personnes âgées sont en fait atteintes de la maladie d'Alzheimer, ce sont des soins adaptés à cette maladie dont elles auraient besoin et non d'un internement psychiatrique.

La possibilité d'une amnistie, évoquée dans le rapport, ne risque-t-elle pas d'aboutir à l'impunité, s'est en outre interrogée la corapporteuse?  À l'instar du rapporteur, elle s'est également inquiétée qu'une prescription de cinq ans soit prévue pour les crimes de torture, alors que ceux-ci devraient être imprescriptibles.

La Serbie est d'accord pour extrader des étrangers mais pas des ressortissants serbes; si c'est parce qu'elle considère que le système de justice serbe fonctionne suffisamment bien, elle s'est demandée pourquoi il y avait si peu de poursuites au niveau national pour crimes de guerre.

Mme Pradhan-Malla s'est en outre inquiétée de l'absence de mécanisme permettant de protéger les témoins et les victimes.  La Serbie dispose-t-elle d'un plan global de réhabilitation des victimes, a-t-elle également demandé?  Elle a aussi voulu savoir comment la législation de Serbie définissait le viol.

Parmi les autres membres du Comité, un expert a souhaité obtenir des informations précises sur les conditions de détention en Serbie.  Il a fait observer que le Médiateur, en tant que mécanisme national de prévention de la torture, avait lui-même, dans un rapport publié l'an dernier, parlé de cellules surpeuplées, souvent délabrées et généralement non conformes aux normes du Comité européen pour la prévention de la torture du Conseil de l'Europe.

S'agissant des crimes de guerre commis durant le conflit dans l'ex-Yougoslavie dans la première moitié des années 1990, une experte a salué la coopération de la Serbie avec le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie, mais a tenu à ajouter que «beaucoup de personnes qui avaient un impact principal dans ces crimes de guerre ne se sont toujours pas présentées».

Évoquant la découverte de corps de personnes – en particulier des Kosovars albanais – tuées dans les années 1999-2002 et enterrées dans des lieux secrets, une autre experte a souhaité savoir si l'État avait désormais ouvert ses archives afin de pouvoir retrouver les restes des personnes encore portées disparues.

Qu'en est-il de l'évaluation du plan d'action de lutte contre la traite de personnes, a pour sa part souhaité savoir un expert?  S'agissant des questions d'asile, comment la Serbie parvient-elle à concilier la notion de «pays d'origine sûr» et la pratique des garanties diplomatiques avec l'obligation d'examiner chaque cas à titre individuel et de respecter le principe de non-refoulement vers un pays où le requérant encourt un risque de torture, a d'autre part demandé l'expert?

Plusieurs membres du Comité ont évoqué la situation des Roms en Serbie, l'un d'eux faisant état d'informations selon lesquelles des Roms vivraient encore parfois dans des containers métalliques.

Trop souvent, a fait observer un membre du Comité, les avocats du barreau sensés apporter une aide juridictionnelle n'ont pas des pratiques optimales et ne s'acquittent pas comme ils le devraient de leurs fonctions.  Par ailleurs, la baisse du nombre de personnes placées en détention préventive n'a pas suffi à résoudre le problème de la surpopulation carcérale, a souligné cet expert. 

L'expert s'est ensuite enquis des enquêtes diligentées sur les affaires de mauvais traitements imputables aux agents de la police des frontières, alors que selon certaines informations, de telles pratiques seraient monnaie courante.  Un grand nombre d'allégations et de plaintes de mauvais traitements dans certains commissariats ont été présentées et il serait bon que la délégation fournisse des informations sur les enquêtes menées concernant ces cas, a ajouté l'expert.  Relevant par ailleurs que les attaques verbales et intimidations dont sont victimes les journalistes indépendants de la part des fonctionnaires publics sont nombreuses, l'expert a souhaité savoir ce qu'il en est des enquêtes menées sur ces faits.

Comment les dispositions conventionnelles sont-elles transposées en droit interne, a demandé une autre experte?

Un expert a insisté sur la nécessité pour les autorités serbes d'inclure systématiquement un enseignement de la Convention dans leurs programmes de formation à l'intention des personnels concernés.

Certaines informations font état d'un certain nombre de personnes ayant été impliquées dans des crimes de guerre par le passé qui occupent encore des postes de responsabilité en Serbie et font obstruction aux enquêtes menées sur les crimes de guerre, s'est inquiétée une experte.

Réponses de la délégation

La délégation de Serbie a indiqué que le Ministère de la justice était en train d'élaborer des amendements au code pénal concernant la question de la définition de la torture.  Un groupe spécial a été mis en place par le Ministère pour se pencher sur la question et l'on peut s'attendre à de prochaines modifications concernant la définition de ce délit pénal, a insisté la délégation.  La seule incertitude qui demeure est liée au rythme auquel seront présentés, examinés et adoptés ces amendements, ce qui devrait toutefois se faire d'ici la fin de l'année, a précisé la délégation.

En ce qui concerne le Médiateur, la délégation a assuré que cette institution enregistre des progrès dans la mise en œuvre de son mandat.  S'il y a des cas d'obstruction dans certaines activités du Médiateur, il ne peut que s'agir de cas isolés et non d'une règle; en effet, le Médiateur s'acquitte de façon régulière de toutes les tâches qui lui incombent en vertu de la loi, a insisté la délégation.  Le budget du Médiateur n'a cessé d'augmenter ces dernières années, a-t-elle ajouté.

S'agissant de la liste de pays considérés comme «sûrs» dans le contexte du traitement des demandes d'asile, la délégation a admis que cette liste n'avait pas été mise à jour depuis 2009.  Certes, il ne s'agit pas d'une bonne pratique et la mise en œuvre des actions menées sur la base de cette liste doit donc être améliorée, a-t-elle reconnu.  Les autorités serbes s'efforceront d'actualiser cette liste, a assuré la délégation, avant de préciser qu'une nouvelle loi sur l'asile était en cours d'élaboration qui devrait également permettre de couvrir cette question. 

En ce qui concerne l'indépendance de la justice, la délégation a assuré que la réforme judiciaire engagée en 2010 avait été couronnée de succès.  Quelque 800 juges et deux cents procureurs n'ont pas eu à être renommés à l'issue de cette réforme, a-t-elle ajouté.  Un conseil judiciaire a été mis en place en 2009, dont la composition permet de garantir l'indépendance de la justice, a-t-elle en outre rappelé.  Cinq juges ont certes été invités à se démettre de leurs fonctions, mais d'une part de telles décisions sont prises par le conseil judiciaire et, d'autres part, ces cinq juges ont en fin de compte démissionné de leur propre chef, a poursuivi la délégation.

S'agissant de la garde à vue et des droits des personnes privées de liberté, la délégation a fait observer que dès qu'un citoyen est détenu par la police, il doit avoir accès à un avocat de la défense, conformément au code de procédure pénale.  L'audition d'une personne placée en garde à vue par la police ne peut avoir lieu sans la présence d'un avocat, a insisté la délégation; si cette personne ne dispose pas d'un avocat, elle s'en voit commettre un d'office par la police ou par le procureur.  La personne placée en garde à vue doit se voir notifier dans un délai de deux heures, par écrit, les motifs de sa détention, a en outre indiqué la délégation.  Par ailleurs, toute personne placée en garde à vue doit être présentée devant un juge dans un délai de 48 heures.  La rencontre entre la personne placée en garde à vue et son avocat ne peut se dérouler en présence de la police, a par ailleurs assuré la délégation.

Rappelant que c'est l'actuel article 11 du code de procédure pénale qui réglemente le droit de la personne privée de liberté à des services d'interprétation, la délégation a assuré que ce droit est absolument respecté en Serbie.  Le droit à un examen et à un traitement médical pour les personnes privées de liberté est garanti par le code de procédure pénale, a d'autre part souligné la délégation.  Si la moindre blessure est détectée par un médecin sur ces personnes, elle doit immédiatement être consignée dans leur dossier, a-t-elle fait valoir.

Pour ce qui est des questions liées à la détention préventive, la délégation serbe a indiqué que les juges étaient aujourd'hui bien conscients de la pertinence des mesures de substitution à la privation de liberté.  En 2012, quelque 2478 personnes étaient placées en détention préventive; en 2013, ce chiffre tombait à 1868 et en 2014, il n'était plus que 1594 personnes, ce qui témoigne d'une indéniable tendance à la baisse du nombre de personnes placées en détention préventive en Serbie, a fait valoir la délégation.  Les tribunaux maintiennent un registre des personnes placées en détention préventive et les chiffres en la matière ne sont absolument pas tenus secrets mais bien accessibles à tous, a-t-elle souligné.

Beaucoup de juges ont été formés à l'application de l'article 5 (droit à la liberté et à la sûreté) de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, a ajouté la délégation.

Un fonds pour les victimes de la traite de personnes devrait prochainement être créé en Serbie, a ensuite fait valoir la délégation.  Le devoir de ne pas sanctionner les victimes de la traite est désormais inscrit dans un certain nombre de lois et les juges et procureurs sont maintenant dûment formés à la lutte contre la traite de personnes, la Serbie ayant beaucoup progressé de ce point de vue, a fait valoir la délégation.  Elle a en outre indiqué que les autorités disposaient désormais d'un service d'identification et de coordination de l'action en soutien aux victimes de la traite.

S'il a pu être dit précédemment que la Serbie était un pays à la fois d'origine et de transit de la traite de personnes, la délégation a souligné qu'elle était essentiellement un pays d'origine.  Rappelant que les enfants comptent parmi les groupes les plus exposés à la traite de personnes, la délégation a indiqué qu'en 2014, les centres de protection sociale, avec le concours des Ministères de l'intérieur et de la santé, ont décidé de travailler de concert afin de venir en aide aux enfants des rues.  Des équipes spéciales ont été mises sur pied à cet effet, qui ont permis de retirer une soixantaine d'enfants de la rue et de les prendre en charge, a-t-elle précisé.  Pour 2015, les moyens à disposition de ces équipes spéciales ont été renforcés.  En 2013, a par la suite indiqué la délégation, 81 décisions de justice ont été rendues concernant des affaires de traite de personnes.

L'indemnisation des victimes de torture comprend celle des victimes de traite, a souligné la délégation.  Il est difficile de se prévaloir de ce droit à l'indemnisation dans le cadre des procédures pénales car en vertu de la législation en vigueur, le tribunal pénal n'est pas obligé d'aborder ce droit si cela risque de retarder indûment les procédures, a-t-elle expliqué.  La délégation a ensuite précisé que le délai de prescription pour les demandes d'indemnisation en rapport avec le conflit armé a été fixé à 15 ans.  La Cour suprême et la Cour d'appel à Belgrade ont fait beaucoup de progrès dans ce domaine, a-t-elle souligné.

La délégation a indiqué avoir reçu de la Commission européenne cinq recommandations concernant les crimes de guerre, recommandations qui ont donné lieu à l'élaboration d'un plan d'action, parachevé il y a quelques jours et disponible sur le site Internet du Ministère de la justice.  Le Ministère a mis en place un groupe de travail chargé d'élaborer une stratégie nationale pour la poursuite des crimes de guerre, a notamment précisé la délégation.  Elle a indiqué qu'il a été décidé de développer une stratégie pour la poursuite de ces crimes par le bureau du Procureur; les capacités, en particulier humaines, de ce bureau devront être renforcées, a-t-elle fait observer.  La délégation a également fait part de la décision d'approfondir la coopération avec le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie. 

En ce qui concerne les fosses communes et la question des archives, la délégation a rappelé que la Serbie avait ouvert ses archives au bureau du Procureur du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie.  Grâce aux preuves trouvées dans ces archives, il a notamment été possible pour le TPIY de trouver Vlastimir Đorđević, a fait valoir la délégation.

La surpopulation carcérale est le principal problème du système pénal serbe mais elle a pu être réduite grâce à l'application d'une stratégie adéquate entre 2010 et 2015, comprenant les lois sur l'amnistie et portant amendement des codes pénal et de procédure pénale, a ensuite indiqué la délégation.  Le nombre de détenus a ainsi pu être maîtrisé à environ 10 500, contre 11 300 auparavant, la capacité actuelle des prisons du pays s'élevant à 9000 places.  La loi en vigueur stipule que chaque condamné doit disposer de 4 mètres carrés d'espace, conformément aux recommandations du Comité européen pour la prévention de la torture, a par ailleurs rappelé la délégation, qui a reconnu que la moyenne dans le pays était actuellement de 3,5 mètres carrés par prisonnier.

La délégation a expliqué ne pas disposer de statistiques précises concernant des condamnations dont auraient fait l'objet des agents de police mais a indiqué qu'elle pourrait fournir ultérieurement de telles données.

Faisant observer que quelque 263 recommandations ont été émises par le Médiateur à l'issue de ses visites dans des lieux de détention, la délégation a souligné que l'on ne saurait prétendre que chacune de ces recommandations soit essentielle.  Aussi, les organismes gouvernementaux examinent-ils lesquelles de ces recommandations sont essentielles aux fins d'une mise en œuvre prioritaire.

La question des crimes de guerre figure au premier rang des priorités de la République serbe, a affirmé la délégation.  Actuellement, 175 personnes sont jugées dans le pays, a-t-elle précisé, ajoutant que 78 accusés ont été condamnés en seconde instance et que 24 affaires en sont encore à la phase d'instruction, un certain nombre d'autres se trouvant en phase de pré-instruction.  L'ensemble de toutes ces affaires porte sur un total de plus d'un millier de victimes, a ajouté la délégation.  Les personnes soupçonnées de crimes de guerre sont démises de leurs fonctions dès lors qu'une enquête est ouverte, a-t-elle en outre assuré.  Il est vrai qu'aucun chef d'accusation de crime contre l'humanité n'a à ce jour été retenu en Serbie, a reconnu la délégation.

Quant au traitement accordé aux requérants d'asile, la délégation a souligné que la Serbie n'avait absolument pas l'intention de recevoir le flux croissant de demandeurs d'asile auquel elle est confrontée.  Le pays n'a tout simplement pas les capacités d'absorber de tels flux, a-t-elle insisté, affirmant que l'an dernier, la situation en la matière a frôlé la dimension d'une crise humanitaire.  Le nombre de jours que les demandeurs d'asile passent dans les centres d'accueil prévus à leur intention ne cesse de diminuer et, la plupart du temps, ils n'y restent pas plus de 15 jours, ce qui est le délai prévu pour leur enregistrement, a par ailleurs fait observer la délégation. 

En vertu de la Constitution serbe, les dispositions des instruments internationaux se voient accorder le même rang que celles du droit interne, a en outre rappelé la délégation.

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