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Le Comité pour la protection des droits des travailleurs migrants examine le rapport du Pérou
15 avril 2015
Comité pour la protection des droits
de tous les travailleurs migrants 15 avril 2015
Le Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport initial du Pérou sur les mesures qu'il a prises pour mettre en œuvre les dispositions de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille.
M. Luis Enrique Chávez Basagoitia, Représentant permanent du Pérou auprès des Nations Unies à Genève, a indiqué que le pays avait adopté un Plan national des droits de l'homme pour la période 2014-2016 qui comporte un engagement en faveur de la consolidation du processus d'intégration sociale des migrants au Pérou et du renforcement des mécanismes visant à encourager le retour des Péruviens résidant à l'étranger. L'attention du Comité a aussi été attirée sur l'adoption de la loi de réinsertion économique et sociale pour les migrants de retour au pays. Le Gouvernement entend promouvoir l'adoption d'une nouvelle loi générale sur les étrangers intégrant les obligations internationales du Pérou en matière de droits de l'homme, a indiqué le chef de la délégation. Il a précisé que le Pérou n'était pas considéré comme un pays récepteur de migrants: quelque 83 628 étrangers résident sur son territoire, soit 0,25% de la population totale. Ce nombre contraste avec le nombre de Péruviens résidant à l'étranger qui, en 2012, était estimé à plus de deux millions de personnes. En conclusion, M. Chávez Basagoitia a reconnu que le Pérou restait confronté à des difficultés dans le traitement de la situation de certains migrants sur son territoire, ajoutant que le pays est devenu un «pôle attractif», avec une augmentation importante du flux migratoire.
La délégation péruvienne était également composée de représentants du Ministère des relations extérieures et de la Direction nationale des migrations. Elle a répondu aux questions des experts du Comité s'agissant, entre autres, de la législation relative aux questions migratoires et d'un projet de loi sur les migrations; des garanties judiciaires et voies de recours pour les travailleurs migrants; de la situation des travailleurs migrants en situation irrégulière; du nombre important de Péruviens vivant à l'étranger; ou encore de la lutte contre la traite de personnes et le trafic de migrants.
La rapporteuse du Comité pour l'examen du rapport du Pérou, Mme Salomé Castellanos Delgado, a relevé que si le pays avait adopté un Plan de lutte contre la traite des personnes, beaucoup reste encore à faire en la matière, en particulier pour assurer une dotation adéquate de ressources aux fins de la bonne mise en œuvre de ce plan. Elle s'est en outre inquiétée d'informations selon lesquelles les recours contre des décisions d'expulsion d'étrangers au Pérou n'ont pas d'effet suspensif. Le corapporteur du Comité pour l'examen du rapport péruvien, M. Pablo Ceriani Cernadas, a regretté que le Pérou ne dispose toujours pas d'une loi sur les migrations. Il s'est en outre inquiété de l'augmentation du nombre d'expulsions d'étrangers du Pérou, relevant que, ces dernières années, il s'agissait très majoritairement d'Haïtiens.
Le Comité adoptera, dans le cadre de séances privées, des observations finales sur le rapport du Pérou, qui seront rendues publiques à la fin de la session, le vendredi 24 avril 2015.
Cet après-midi à 15 heures, le Comité entamera l'examen du rapport de l'Ouganda (CMW/C/UGA/1 en anglais seulement), qui se poursuivra demain matin.
Présentation du rapport
Présentant le rapport initial du Pérou (CMW/C/PER/1), M. LUIS ENRIQUE CHÁVEZ BASAGOITIA, Représentant permanent du Pérou auprès des Nations Unies à Genève, a fait valoir que son gouvernement maintenait une invitation permanente à tous les titulaires de mandats au titre des procédures spéciales du Conseil des droits de l'homme de l'ONU. Le Représentant permanent a par ailleurs souligné qu'en vertu de la Constitution péruvienne de 1993, les traités ratifiés par le pays font partie du droit national. Il a aussi indiqué que la Constitution consacre la défense de la personne humaine et de sa dignité comme objectif suprême de la société et de l'État, ainsi que l'égalité devant la loi, établissant que nul ne peut être l'objet d'une discrimination en raison de son origine, de sa race, de son sexe, de sa langue, de sa religion, de ses opinions, de sa condition économique ou pour quelque autre motif que ce soit.
M. Chávez Basagoitia a ensuite indiqué que le Pérou avait adopté un Plan national des droits de l'homme pour la période 2014-2016 qui comporte un engagement en faveur de la consolidation du processus d'intégration sociale des migrants au Pérou et du renforcement des mécanismes visant à encourager le retour des ressortissants péruviens résidant à l'étranger. Dans le cadre de cet engagement, une activité spécifique a été prévue dans la perspective de l'adoption d'une nouvelle loi sur les étrangers intégrant les obligations internationales du Pérou en matière de droits de l'homme. Le Représentant permanent a en outre attiré l'attention sur l'adoption de la loi de réinsertion économique et sociale pour les migrants de retour au pays. Parmi les autres orientations stratégiques inscrites au Plan national des droits de l'homme, figurent celles ayant trait à la promotion et à la protection intégrale des droits des migrants et de leurs familles et à la lutte contre la traite de personnes et le trafic de migrants, a ajouté M. Chávez Basagoitia, avant d'ajouter qu'une autre ligne stratégique visait à garantir les droits des personnes étrangères au Pérou, et une autre encore, à renforcer le système de protection des personnes déplacées.
Conscientes que le Pérou n'est pas épargné, dans le contexte de la situation des travailleurs migrants présents sur son territoire, par le problème complexe de la discrimination, les autorités ont entrepris de se doter d'un cadre adéquat pour lutter contre la discrimination, mettant sur pied la Commission nationale contre la discrimination en décembre 2013. Une plateforme globale contre la discrimination est actuellement en train d'être mise en place en tant que réponse coordonnée de l'État face aux plaintes pour discrimination.
Ceci dit, a poursuivi M. Chávez Basagoitia, le Pérou n'est pas considéré comme un pays récepteur de migrants; selon les chiffres de l'Institut national des statistiques, le pays compte quelque 83 628 résidents étrangers sur son territoire, soit 0,25% de la population totale. Ce chiffre contraste avec le nombre de ressortissants péruviens résidant à l'étranger qui, pour l'année 2012, était estimé à plus de deux millions de personnes, soit 8,5% de la population.
M. Chávez Basagoitia a ensuite indiqué qu'en 2012, la Direction nationale des migrations (Superintendencia Nacional de Migraciones) avait été créée en tant qu'organisme technique spécialisé dépendant du Ministère de l'intérieur mais jouissant d'une autonomie administrative, fonctionnelle et économique dans l'exercice de ses fonctions. Cet organisme a compétence pour tout ce qui concerne la politique migratoire dans le pays; elle participe à la politique de sécurité interne et aux frontières et coordonne le contrôle migratoire avec les diverses entités de l'État présentes aux points de contrôle migratoire. M. Chávez Basagoitia a en outre fait état d'un groupe de travail intersectoriel pour la gestion migratoire relevant du Ministère des relations extérieures, laquelle a approuvé il y a quelques semaines un document intitulé «Grandes lignes de la politique migratoire du Pérou». La Direction nationale des migrations et le Groupe de travail appliquent la loi sur les étrangers en tant que norme réglementant les questions migratoires au Pérou. Le Représentant permanent a précisé qu'il a été décidé de procéder à une actualisation de cette loi, jugée insuffisamment spécifique dans certains domaines.
Il reste que les droits des migrants au Pérou sont protégés de différentes manières dans les domaines qui les affectent le plus, a assuré M. Chávez Basagoitia. Pour ce qui est par exemple du droit à la santé, le Pérou dispose de l'Inspection générale de la santé qui est chargée de protéger le droit fondamental à la santé de chaque Péruvien et étranger sur le territoire national, sans considération de son statut migratoire. Pour sa part, le Ministère du travail et de la promotion de l'emploi mène un important effort de défense des droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille; sa Sous-Direction des registres généraux est chargée d'approuver les contrats de travail des étrangers ainsi que de procéder à l'approbation temporaire des contrats de travail des requérants d'asile. En collaboration avec l'Organisation internationale des migrations et l'Organisation internationale du travail, le Ministère du travail et de la promotion de l'emploi a organisé seize ateliers de sensibilisation à la gestion de l'immigration à des fins de travail dans diverses régions du pays.
M. Chávez Basagoitia a par ailleurs attiré l'attention sur la loi contre la traite de personnes et le trafic illicite de migrants, ainsi que sur le Plan nation d'action contre la traite de personnes (2011-2016) adoptés par le Pérou. Il a fait valoir l'inauguration, l'an dernier, de bureaux du procureur spécialisés dans les délits de traite des personnes afin de faire face à l'apparition croissante de mafias organisées qui se livrent à l'exploitation sexuelle et par le travail.
Le Représentant permanent a reconnu que le Pérou restait confronté à des défis en matière de traitement de la situation de certains migrants sur son territoire. Il a souligné que le Gouvernement avait entrepris d'actualiser la législation interne sur les questions migratoires afin qu'elle reste conforme à la fois à la Constitution nationale et aux traités internationaux relatifs aux droits de l'homme, en particulier à la Convention sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille.
Selon les statistiques disponibles pour ces dernières années, a souligné M. Chávez Basagoitia, le Pérou est devenu un «pôle attractif», avec une augmentation conséquente du flux migratoire; ainsi, entre 2008 et 2013, le nombre d'étrangers entrés dans le pays est-il passé de plus de sept millions à douze millions. Le Gouvernement péruvien reconnaît qu'il n'y aura pas de justice, de croissance économique ni de développement sans cohésion et inclusion sociales, a-t-il conclu.
Examen du rapport
Questions et observations des experts
MME SALOMÉ CASTELLANOS DELGADO, rapporteuse du Comité pour l'examen du rapport du Pérou, s'est félicitée que le Tribunal constitutionnel ait déclaré que les instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme ratifiés par le pays ont un statut constitutionnel. Elle a toutefois estimé que l'absence de loi sur les migrations faisait obstacle au respect de la Convention dans le pays. Elle a en outre relevé que le Congrès n'avait pas inscrit à son ordre du jour l'examen de deux projets qui lui ont été soumis sur la ces questions.
Si le Pérou a adopté un Plan de lutte contre la traite des personnes, beaucoup reste à faire en la matière, en particulier pour assurer une dotation adéquate de ressources aux fins de la bonne mise en œuvre de ce plan, a poursuivi Mme Castellanos Delgado.
La rapporteuse s'est en outre inquiétée d'informations selon lesquelles les recours contre des décisions d'expulsion d'étrangers au Pérou n'ont pas d'effet suspensif.
M. PABLO CERIANI CERNADAS, corapporteur du Comité pour l'examen du rapport Pérou, s'est notamment réjoui de la mise en place du Groupe de travail intersectoriel pour la gestion migratoire. À l'instar de la rapporteuse, il s'est toutefois inquiété de l'absence d'une législation complète sur les migrations et de la désuétude des textes en vigueur. Le corapporteur s'est en outre inquiété de l'augmentation du nombre des expulsions d'étrangers du Pérou, et insisté sur la nécessité de garantir un accès adéquat et équitable à la justice dans ce contexte.
M. Ceriani Cernadas s'est ensuite enquis du traitement des personnes d'origine haïtienne qui, selon les données disponibles, forment la grande majorité des personnes expulsées du Pérou ces dernières années.
Le corapporteur a en outre souhaité en savoir davantage sur le système de quotas de travailleurs étrangers pouvant être employés dans les entreprises péruviennes.
Parmi les autres membres du Comité, un expert s'est enquis des possibilités offertes aux travailleurs migrants vivant au Pérou de se syndiquer et de créer des syndicats.
L'expert s'est en outre inquiété de la situation des travailleurs domestiques au Pérou qui, selon certaines informations, seraient notamment victimes de mauvais traitements, souvent sur la base de leur origine ethnique. Il a demandé si des dispositions dont prévues pour l'enregistrement des travailleurs domestiques. Le Pérou envisage-t-il de ratifier la Convention n°189 de l'OIT sur les travailleuses et travailleurs domestiques, a-t-il insisté? Un autre membre du Comité a lui aussi fait part de ses préoccupations face aux violences subies par les femmes exerçant un travail domestique, souvent sur des bases ethniques. Dans ce contexte, il a voulu savoir si des poursuites avaient été engagées et des sanctions prises contre les personnes reconnues coupables de tels actes de violence.
Comment est assurée au Pérou l'égalité de traitement en matière de sécurité sociale, a par ailleurs demandé cet expert? Il s'est ensuite enquis de la manière dont est assurée la protection de l'unité familiale tant pour les Péruviens vivant à l'étranger que pour les étrangers vivant au Pérou.
Le Pérou est un pays à la fois d'origine et de destination des travailleurs migrants, a relevé un autre expert, qui a précisé que les Péruviens se rendent en grand nombre principalement dans trois pays - États-Unis, Espagne et Italie - qui ne sont pas parties à la Convention. Il a demandé quels étaient les défis auxquels le Pérou est confronté dans ce contexte et la manière dont il s'efforce de les relever.
Un autre expert s'est enquis de statistiques plus précises concernant la constitution des flux migratoires dans le pays, y compris lorsqu'il s'agit de simples transits.
Une experte s'est enquise des mesures spécifiques adoptées à l'intention des travailleurs frontaliers, étrangers traversant la frontière pour venir travailler au Pérou ou Péruviens la traversant pour aller travailler dans un pays voisin. Qu'en est-il de l'âge minimum d'admission à l'emploi au Pérou, a-t-elle en outre demandé? Elle s'est également enquise de la nature des emplois que, selon les informations transmises par les autorités, un étranger peut occuper au sein de la fonction publique péruvienne.
Un expert s'est enquis de statistiques concernant les cas de rétention et de détention de migrants Haïtiens. Cet expert s'est en effet interrogé sur l'impact que l'exigence de visa peut avoir sur les migrations irrégulières, étant donné que si en 2014, le Pérou n'a émis qu'une trentaine de visas en faveur d'Haïtiens, pour la première moitié de cette année, près de 600 Haïtiens auraient – selon certaines informations – été détenus pour immigration irrégulière au Pérou.
S'intéressant au sort des travailleurs péruviens qui reviennent chez eux, un membre du Comité a souhaité savoir si le régime de sécurité sociale péruvien permettait aux Péruviens qui travaillent à l'étranger de cotiser à une pension de retraite au Pérou.
Un autre expert s'est enquis des mesures prises pour respecter la liberté de conscience et de religion des travailleurs migrants au Pérou.
Réponses de la délégation
La délégation a rappelé que le pays était en train d'adapter sa législation concernant les questions migratoires. Les autorités reconnaissent que des imperfections perdurent dans le cadre législatif péruvien actuel et souhaitent mettre ce cadre en harmonie non seulement avec la Convention mais aussi avec l'ensemble des normes du droit international, a-t-elle souligné.
Au Pérou, les travailleurs migrants jouissent des mêmes garanties judiciaires que les citoyens péruviens pour ce qui est de la garantie de leurs droits constitutionnels, a par ailleurs fait valoir la délégation. Ils peuvent notamment faire valoir leurs droits dans le domaine du travail; les affaires sont traitées devant des juges spécialisés et les recours peuvent aller jusqu'à la cour de cassation. La délégation a par ailleurs souligné que la législation péruvienne prévoit des recours en amparo et en habeas corpus qui peuvent être engagés en cas de violation des droits et libertés fondamentaux.
Aucune procédure spéciale de recours pour les travailleurs migrants en situation irrégulière n'est prévue car ils ont en fait accès aux voies de recours ordinaires, a expliqué la délégation. Elle a toutefois reconnu que ces migrants n'ont souvent pas connaissance des voies de recours à leur disposition et estimé qu'il convenait de promouvoir à leur intention l'information à cet égard.
Au niveau bilatéral ont été signés, essentiellement avec des pays voisins comme l'Équateur, un certain nombre d'accords concernant les questions migratoires, a ajouté la délégation. Le Pérou a aussi signé la Convention du Mercosur sur la sécurité sociale.
S'agissant de la situation des Péruviens vivant à l'étranger et de la façon dont l'État péruvien les protège, la délégation a tout d'abord invité le Comité à tenir compte des difficultés que cela représente pour le Pérou de disposer de statistiques fiables en la matière, reconnaissant que les estimations varient entre deux et trois millions de personnes concernées. Les estimations les plus fiables sont fondées sur le nombre de Péruviens inscrits sur les listes électorales et votant depuis l'étranger, nombre qui s'établit entre 700 000 et 800 000 personnes; les statisticiens procèdent sur cette base à des extrapolations afin de déterminer le nombre total de Péruviens vivant à l'étranger. La majorité - environ 55% - des Péruviens vivant à l'étranger sont des femmes. Les Péruviens émigrent principalement vers les États-Unis (pour 27% d'entre eux), puis vers l'Argentine (environ 17%), vers le Chili (environ 13%) et vers l'Espagne (environ 12%), a précisé la délégation. Selon les estimations, environ 2 675 000 Péruviens se trouveraient à l'étranger – peut-être jusqu'à trois millions.
La délégation a ensuite rendu compte du système uniformisé de représentations et de services consulaires mis à disposition des ressortissants péruviens à l'étranger. Parmi les services offerts dans ce contexte, figurent en bonne place les services dits d'assistance humanitaire. La Constitution péruvienne stipule que le vote est obligatoire et doit être organisé par les services de l'État, de sorte que les autorités péruviennes, par le truchement des consulats, organisent le vote des Péruviens vivant à l'étranger. Il n'y a pas encore de droit à l'éligibilité pour les Péruviens résidant à l'étranger, a précisé la délégation.
En dépit des mesures prises pour encourager le retour au pays des Péruviens travaillant à l'étranger, très peu ont d'entre eux ont saisi incitations qui leur étaient offertes, a indiqué la délégation. Les personnes concernées affirment qu'elles n'ont pas de motifs suffisants de rentrer au pays, en dépit des mesures incitatives du Gouvernement. Le problème de la sécurité sociale ne se pose pas dans ce contexte, a en outre assuré la délégation.
La situation des travailleurs domestiques à l'intérieur du Pérou n'a quasiment rien à voir avec la question des travailleurs étrangers, a par ailleurs souligné la délégation. En effet, les travailleurs domestiques au Pérou sont péruviens, et non étrangers comme dans la plupart des pays. Cela n'empêche pas les autorités péruviennes de protéger les travailleurs domestiques et elles étudient dans ce contexte la possibilité de ratifier la Convention n°189 de l'OIT sur les travailleuses et travailleurs domestiques. En fait, ce sont les Péruviens qui travaillent en grands nombres comme travailleurs domestiques à l'étranger et le Pérou est davantage un pays d'origine que de destination à cet égard. La délégation a par la suite tenu à préciser que les actes de violence contre les travailleurs domestiques visent des Péruviens, puisque ce ne sont pas des migrants qui exercent ce travail au Pérou.
Interpellée sur la question des féminicides, la délégation a rappelé que le Pérou a signé divers instruments internationaux reconnaissant le droit des femmes à une vie exempte de violence et a fait état d'un plan national de lutte contre toute forme de violence et de discrimination contre les femmes. Le défenseur du peuple a constaté qu'il y avait au Pérou beaucoup trop de violence familiale, a par la suite indiqué la délégation, avant d'assurer que l'incidence de ce type de violence est en diminution. Il y a eu 123 plaintes pour féminicides en 2011, 120 en 2012, et 37 en 2013, entre janvier et juillet, ce qui témoigne que la loi a commencé à exercer son effet, a souligné la délégation.
S'agissant du nouveau projet de loi sur les migrations auquel travaillent les autorités péruviennes, la délégation a rappelé que le Pérou est devenu un pays où les conditions économiques et sociales se sont beaucoup améliorées ces dernières années et qui est donc devenu plus attractif pour les travailleurs migrants. Cela exercera incontestablement une influence sur l'élaboration de la future loi sur les migrations, qui a été confiée à un groupe de travail intégrant des acteurs des secteurs public et privé. Le projet, dans sa version préliminaire actuelle, est un texte moderne qui facilite les flux migratoires – et n'a donc pas pour but de pénaliser les migrants -, tout en créant les conditions formelles qui attestent que le Pérou défend sa souveraineté et ses intérêts légitimes de sécurité. Le texte crée une nouvelle catégorie de migrants – les migrants humanitaires – ainsi que des visas de travail de courte durée dits «visas de talents», a précisé la délégation. Un conseil de vice-ministres puis un conseil des ministres réuni en plénière devront valider ce projet avant qu'il soit soumis au Congrès à des fins d'adoption définitive; ce processus sera adonc relativement long, a souligné la délégation. Quoi qu'il en soit, les autorités péruviennes ont conscience que le régime migratoire actuel doit être modifié, a-t-elle insisté.
Interrogée sur la question de savoir si des poursuites ont été engagées dans des cas d'actes discriminatoires, la délégation a affirmé que la discrimination peut être évidente dans certains cas, par exemple dans le contexte du sport; mais elle a indiqué n'avoir connaissance d'aucune discrimination de ce type ni d'aucune plainte. Il n'en demeure pas moins qu'il appartient aux différentes entités du Gouvernement d'appliquer les normes existantes adéquates afin d'assurer qu'aucune discrimination n'est exercée, a souligné la délégation. Le code pénal prévoit une responsabilité en cas de discrimination, a par ailleurs rappelé la délégation, ajoutant de nouveau n'avoir connaissance d'aucune plainte devant la justice ayant entraîné une enquête pour discrimination.
La délégation a ensuite rappelé que la Commission nationale contre la discrimination avait mis en place une plateforme de lutte contre la discrimination destinée à diffuser des informations utiles concernant les questions de discrimination.
Pour des raisons de manque de temps, le présent rapport a été élaboré sans la participation de la société civile, a expliqué la délégation, tout en déplorant cet état de fait. Pour autant, chacun sait que le Pérou dispose d'une société civile très active, a-t-elle ajouté, avant de faire valoir que le fait que la société civile n'ait pas présenté elle-même de rapport (alternatif) témoigne de la bonne coopération entre elle et les autorités.
S'agissant de la lutte contre la traite de personnes, la délégation a indiqué que plusieurs entités étaient impliquées dans ce combat et menaient dans ce contexte des activités de prévention, de poursuites et d'aide; ces entités disposent à cette fin soit d'un budget institutionnel global, soit d'un budget spécifique. Au sein du Ministère des relations extérieures, une unité a été chargée de la lutte contre la traite de personnes et le trafic des migrants, dont le budget annuel approche les 500 000 dollars, a notamment indiqué la délégation. Le Ministère de la justice dispose pour sa part d'un budget d'environ 170 000 dollars pour mener un programme national de lutte contre la traite de personnes et le trafic des migrants. Sont également financés aux mêmes fins divers programmes au sein du Ministère de l'intérieur (environ 500 000 dollars annuels), du Ministère du travail (environ 200 000 dollars) ou encore du Ministère du tourisme (environ 230 000 dollars), a ajouté la délégation. Le montant total alloué à la lutte contre la traite de personnes et le trafic de migrants approche les trois millions de dollars annuels et est en hausse constante année après année, a indiqué la délégation.
En ce qui concerne les étrangers au Pérou, la délégation a indiqué que jusqu'en 2013, près de 100 000 étrangers étaient enregistrés dans le pays, dont 32% de femmes, la grande majorité d'entre eux étant âgés de 30 à 39 ans. Le groupe le plus nombreux parmi ces étrangers vivant au Pérou est composé de ressortissants des États-Unis, qui représentent environ 13% du total; viennent ensuite les ressortissants chinois, qui représentent environ 9% du total, puis boliviens (8,2%) et argentins (près de 5%). Ces étrangers vivant au Pérou sont essentiellement des professionnels, mais on compte aussi parmi eux des étudiants, pour près de 4% du total.
Sous certaines conditions et pour certains types d'activités bien définies, des postes peuvent être accordés à des étrangers dans la fonction publique péruvienne, a par ailleurs souligné la délégation. Il n'y a pas de limitation au droit syndical du travailleur étranger au Pérou, pour autant qu'il soit dûment enregistré auprès d'une entreprise, a-t-elle fait valoir.
Dans le projet de loi sur les étrangers, s'agissant en particulier de la problématique du regroupement familial, il est prévu que les conjoints d'un couple non marié et les enfants nés d'une union libre seraient éligibles au statut de migrant légitime au même titre que dans le cas d'une autre forme de famille.
S'agissant des droits électoraux, la délégation a expliqué que les étrangers âgés de plus de 18 ans et résidant dans la circonscription depuis plus de deux ans sont autorisés à voter et à se présenter comme candidats aux élections municipales.
Pour les travailleurs étrangers ayant subi une violation de leurs droits, la législation ne prévoit pas de disposition particulière; tout étranger a le droit de saisir l'entité compétente pour obtenir une indemnisation, conformément aux dispositions constitutionnelles en vigueur, a fait valoir la délégation.
Un étranger en situation irrégulière peut régulariser sa situation afin de pouvoir s'intégrer et travailler de façon légale au Pérou, a poursuivi la délégation. Il est vrai toutefois que nombre d'étrangers travaillant au Pérou rencontrent bien des difficultés et qu'il leur est parfois difficile de régulariser leur situation, de sorte qu'ils choisissent souvent de cacher l'irrégularité de leur situation, a reconnu la délégation. La loi sur les étrangers doit remédier à cette situation, mais il est vrai qu'il reste encore à la rendre homogène, harmonisée avec les lois similaires des autres pays, afin que les règles soient identiques dans tous les pays accueillant des immigrants. Dans le cadre du Mercosur, un mécanisme permanent de régularisation a permis d'assurer la régularisation de quelque 9000 étrangers, a poursuivi la délégation. Elle a par ailleurs indiqué que le nouveau projet de loi sur les étrangers prévoit la mise en place d'un mécanisme permanent de régularisation en vertu duquel il ne serait plus nécessaire pour un étranger qui souhaite régulariser sa situation de sortir du pays pour déposer sa demande.
Entre 2010 et mars 2013, environ 16 000 entrées d'Haïtiens dotés de papiers d'identité ont été enregistrées au Pérou, a indiqué la délégation, faisant observer que le nombre d'entrées d'Haïtiens dans le pays s'élevait à plus de 6500 en 2011 avant de chuter considérablement à compter de 2012, avec l'introduction de l'exigence d'un visa de touriste.
Les expulsions de migrants se fondent toujours sur la loi sur les étrangers et autres dispositions pertinentes de l'ordre juridique péruvien, a par ailleurs assuré la délégation, réfutant toute incompatibilité entre les activités du Pérou en la matière et les dispositions de l'article 22.4 de la Convention. Elle a par ailleurs indiqué que la rétention est une mesure administrative applicable aux étrangers en situation irrégulière.
En raison du nombre important de travailleurs migrants au Pérou en provenance du Sud-Est asiatique, la religion musulmane, entre autres, s'est développée au Pérou, a d'autre part indiqué la délégation. La cohabitation avec cette communauté se fait de façon tout à fait fraternelle, a-t-elle assuré.
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