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Communiqués de presse Organes conventionnels

Comité pour l'Élimination de la discrimination raciale: audition d'ONG sur la France, le Guatemala et la Bosnie-Herzégovine

28 Avril 2015

Comité pour l'élimination
de la discrimination raciale

28 avril 2015

Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a entendu ce matin des organisations non gouvernementales qui ont témoigné de la situation en ce qui concerne la mise en œuvre de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale en France, au Guatemala et en Bosnie-Herzégovine, qui sont les trois États dont les rapports seront examinés cette semaine.

S'agissant de la France, les organisations non gouvernementales se sont inquiétées notamment du projet gouvernemental visant à «sortir» les discours de haine du cadre spécifique de la loi de 1881 sur la liberté de la presse pour la soumettre au droit pénal général, estimant que cela risquait de banaliser ce type d'infractions.  Elles ont dénoncé le «racisme anti-Rom» ainsi que la confusion, parfois entretenue par certains maires, entre Roms, définis en France comme une population d'origine balkanique, et «gens du voyage», citoyens français, ce qui aboutit à une discrimination à l'égard des deux groupes.  Les ONG ont également dénoncé la situation préoccupante des peuples autochtones de Guyane.  Une discussion avec plusieurs membres du Comité a porté sur la question plus large de l'interdiction, par la Constitution française, de la collecte de données ventilées en fonction de l'origine raciale ou ethnique.  Une organisation non gouvernementale a également souhaité que, dans le domaine judiciaire, le parquet se saisisse directement des procédures sur les questions de racisme alors qu'actuellement ce sont souvent les organisations non gouvernementales de défense des droits de l'homme qui portent plainte. 

En ce qui concerne le Guatemala, les organisations non gouvernementales autochtones ont dénoncé le faible impact des politiques publiques de lutte contre la discrimination raciale, une reconnaissance insuffisante des systèmes juridiques autochtones, une grande impunité liée à la discrimination raciale, des violations du droit à l'accès des minorités raciales au travail et à divers droits, ainsi que les attaques contre les défenseurs des droits de l'homme.  Pour les organisations non gouvernementales, le Comité devrait recommander au Guatemala d'adopter d'urgence une réforme qui permette, comme le prévoient les accords de paix de 1996, une représentation équitable des populations autochtones, alors que cet aspect des accords de paix a été négligé par tous les Gouvernements successifs. 

Pour ce qui est de la Bosnie-Herzégovine, une organisation non gouvernementale a estimé qu'aucune groupe ethnique ou religieux spécifique n'était victime en tant que tel de discriminations mais que la structure institutionnelle du pays, issue des accords de Dayton de 1995, créée des discriminations à l'encontre de certains groupes, qu'il s'agisse des «minorités non constituantes» dont les membres ne peuvent se présenter à certaines élections, ou des membres des «groupes constituants» qui se trouvent en situation de minorités dans l'entité où ils vivent.  Le Comité devrait donc rappeler que l'on ne peut exclure une fraction entière de la population de la vie du pays, à tous les niveaux, du fait de son ethnie.  Il faudrait notamment remodeler la structure du bureau du médiateur, chargé de défendre les différents droits mais dont la propre structure reproduit la prééminence des «groupes constituants».

Les organisations non gouvernementales suivantes ont pris la parole s'agissant de la France: Ligue des droits de l'homme et l'Organisation des nations autochtones de Guyane.  Le Comité a entendu, à propos du Guatemala, la Coordinadora Nacional de Viudas de Guatemala et l'Associacion QukumatzMinority Rights Group International a pris la parole au sujet de la situation en Bosnie-Herzégovine.

Cet après-midi, le Comité entamera, à 15 heures, l'examen du rapport de la France (CERD/C/FRA/20-21), qu'il poursuivra demain matin.

 

Audition des organisations non gouvernementales concernant la France

Présentation des ONG

La Ligue des droits de l'hommea suggéré au Comité d'interroger la France sur les mesures concrètes que les autorités comptent prendre pour assurer une meilleure formation au sein des instances judiciaires pour traiter des procédures liées à des infractions de racisme, de manière,  notamment, à inciter le parquet à engager lui-même des poursuites contre des actes racistes.  La Ligue a dit son total désaccord avec le projet de loi actuel visant à faire passer les propos de haine dans le droit pénal général, estimant que ses dispositions risquaient en fait d'entraîner une banalisation des procès pour faits de racisme.  Concernant les gens du voyage, l'organisation non gouvernementale s'est félicitée de l'abrogation du carnet de voyage mais a demandé un calendrier concernant l'abrogation complète de la loi de 1969 qui limite les mouvements de ces populations.  Concernant les Roms, la Ligue a dénoncé le fait que la circulaire d'août 2012 n'avait été appliquée que dans sa partie la plus répressive, celle de l'évacuation des campements, qui voue à l'échec, notamment, toutes tentatives d'assurer la scolarisation des enfants.  La Ligue a en outre dénoncé le racisme anti-Rom, estimant qu'il était très présent dans la population et les medias, et a demandé que les autorités soient interrogées sur les mesures qu'elles comptaient prendre pour remédier à cette situation.  Elle a par ailleurs dénoncé une confusion entre populations Roms et gens du voyage.  Concernant les départements et territoires d'outre-mer, la Ligue des droits de l'homme demande que la délégation soit interrogée sur les mesures qui seront prises pour assurer un accès spécifique aux droits et selon quel calendrier.

L'Organisation des nations autochtones de Guyane (ONAG) a déclaré avoir présenté un rapport alternatif au rapport de la France afin d'évoquer la «situation préoccupante et dégradée» des peuples autochtones de Guyane.  Elle a notamment expliqué que le système français ne permet pas de reconnaître les droits collectifs des peuples autochtones et a souhaité que le Comité puisse se prononcer spécifiquement sur le cas de la Guyane.  Parmi ses nombreuses recommandations, l'ONAG demande notamment au Gouvernement français de procéder à un recensement de la population qui permette d'identifier les différents groupes ethniques, de manière à pouvoir adapter ses politiques publiques.

Questions des membres du Comité

Parmi les membres du Comité, un expert a rappelé l'utilité de recueillir des informations ventilées par groupes ethniques et a demandé quelle était la position du Gouvernement français à cet égard, sachant qu'il avait constamment indiqué que le principe de l'unité de la nation empêchait une telle catégorisation.  L'expert a constaté que la population semblait d'accord avec le Gouvernement sur ce point mais aussi qu'il semblait prévu de recueillir des données ventilées à l'occasion du prochain recensement.  Il a demandé l'avis des membres de la société civile.

Une experte a demandé comment on pourrait réellement obtenir des données ventilées sur les populations, précisant que les demandes du Comité visent à aider la France à lutter contre les discriminations raciales, et qu'il existe bien des ghettos en France.  L'experte a en outre estimé que, s'il existe des différences entre Roms et gens du voyage, il existe aussi de nombreuses similitudes et les deux groupes subissent des discriminations.  Elle a demandé par ailleurs s'il existait des discriminations particulières à l'égard de femmes victimes de discrimination raciale.

Un autre expert a noté qu'une organisation non gouvernementale avait semblé se dire opposée à l'incrimination d'un crime de haine au nom du respect de la liberté d'expression.  Or, le Comité a adopté une recommandation par laquelle il demande aux États parties d'incriminer cinq crimes de haine, y compris la diffusion de l'expression de la haine raciale. 

Un expert a demandé des précisions concernant les droits collectifs des peuples autochtones de Guyane qui ne seraient pas, ou pas suffisamment, pris en compte par le Gouvernement français.

Un expert s'est enquis du poids relatif des décisions nationales et locales, notamment communales, en matière de discrimination raciale.  La société civile peut-elle agir pour réduire les formes de discrimination raciale et en particulier les discours de haine.  Il a félicité le Gouvernement français des mesures qu'il prend pour lutter contre les discours de haine.  Un autre expert a dit avoir constaté du racisme dans des actes et des discours politiques en France et a souhaité savoir ce que les organisations non gouvernementales pouvaient faire face à ce problème, alors qu'une période d'élections en France approche.

Un membre du Comité a demandé quelle était la base juridique permettant à la France de dénier les droits collectifs de groupes ethniques.  Il a demandé comment les études universitaires pouvaient collecter des données ventilées selon des critères ethniques alors que la Constitution interdit cette ventilation au nom de l'unité nationale. 

Réponses des organisations non gouvernementales

La Ligue des droits de l'homme a rappelé qu'en effet la Constitution française ne permet pas de distinguer les différentes composantes de la population française.  Elle a estimé que des enquêtes scientifiques de sociologues pourraient résoudre cette difficulté en permettant d'identifier les différentes communautés sans créer un risque de communautarisme.  Par ailleurs, la Ligue des droits de l'homme n'entend pas affaiblir la lutte contre la discrimination raciale.  Ce qu'elle combat, c'est l'intention actuelle du Gouvernement de sortir les propos racistes du cadre de la loi de 1881 sur la liberté de la presse pour la placer dans le droit pénal commun.  Or, pour la Ligue, sortir de la loi de 1881 reviendrait à noyer les procédures liées à des propos racistes au milieu de procédures pénales variées.

L'ONAGa souligné que 80 à 90% du territoire de la Guyane appartient à l'État français, ce qui empêche les populations autochtones de jouir de leurs droits sur leur propre territoire, par exemple en prélevant des espèces animales ou végétales qui sont sur leur territoire mais protégées par la Convention de Washington sur les espèces protégées à laquelle la France est partie, ou encore qui sont situées dans le parc national dans lequel les populations autochtones ne peuvent pas effectuer de prélèvement.  Il en résulte souvent un appauvrissement de ces populations.  Elles sont en outre victimes de violations des droits à la santé ou à l'éducation.  Ainsi, pour accéder à l'éducation, les enfants des populations autochtones doivent se rendre sur la côte où ils sont souvent maltraités, ce qui provoque entre autre un nombre élevé de suicides.

La Ligue des droits de l'homme a confirmé qu'il existe bien des ghettos en France.  Elle a rappelé qu'une étude de l'Institut national des études démographiques avait bien montré il y a quelques années les problèmes liées aux discriminations raciales en France.  Toutefois, la question est de savoir comment agir.  Concernant la distinction entre gens du voyage et Roms, la Ligue des droits de l'homme a rappelé que les premiers sont des citoyens français et les seconds des populations des Balkans.  Il y a donc une distinction juridique, que certains veulent ignorer, par exemple des maires qui assimilent les deux groupes et exercent contre eux la même discrimination. 

Des femmes sont soumises à une forme de discrimination raciale spécifique dans la mesure où le port du voile par les musulmanes permet de les identifier plus aisément que les hommes et que des maires ont voulu interdire l'accès de certains lieux ou sites aux femmes voilées. 

La Ligue souhaiterait que le Parquet se saisisse directement des procédures sur les questions de racisme alors qu'actuellement, c'est souvent la Ligue qui doit porter plainte pour qu'une procédure soit engagée.  Mais elle constate que, dès lors que des discours politiques frisent le racisme, la parole raciste s'en trouve banalisée et il est difficile de la contrer.  Il faudrait surtout que les autorités réagissent mieux et plus vite.  Le cas des attaques racistes contre la Garde des sceaux française, elle-même femme de couleur, constitue une illustration de la lenteur de la réaction des autorités.

La Ligue a expliqué que c'est bien la Constitution française qui fait obstacle à la reconnaissance de groupes ethniques, ce qui n'empêche pas en revanche la reconnaissance de minorités, même si ce n'est pas toujours facile.  Le recueil de données ventilées dans le cadre de la recherche scientifiques se fait sur la base de l'anonymat et en croisant diverses données.

L'ONAG a demandé que soit recueillies de données sur les populations autochtones de Guyane.  Elle a rappelé que de nombreuses femmes autochtones ne savaient ni lire ni écrire.  La représentante a précisé qu'elle-même, femme autochtone dotée de diplômes universitaires de haut niveau, s'entendait dire lorsqu'elle se rendait sur la côte guyanaise que «ce n'était pas une femme autochtone qui allait imposer sa loi ici».  Les politiciens de la côte ne viennent à l'intérieur du pays qu'en période électorale, pour capter les voix, puis oublient les populations locales, a-t-elle affirmé.  L'ONAG a rappelé qu'il n'existait pas de droits collectifs reconnus, mais au mieux une juxtaposition de textes qui ne correspondent pas au mode de vie des populations autochtones. 

Audition des organisations non gouvernementales concernant le Guatemala

Présentation des ONG

La Coordinadora nacional de Viudas de Guatemala (CONAVIGUA) et l'Associacion Qukumatz ont dénoncé le faible impact des politiques publiques de lutte contre la discrimination raciale, une mauvaise reconnaissances des systèmes juridiques autochtones, une grande impunité liée à la discrimination raciale, des violations du droit à l'accès des minorités raciales au travail et à divers droits, ainsi que les attaques contre les défenseurs des droits de l'homme.  Il existe encore des préjugés discriminatoires contre les peuples autochtones.  Le Gouvernement n'ayant pas réalisé de recensement national depuis 2010, il n'existe toujours pas de données ventilées. Le Gouvernement ne reconnaît toujours pas le concept de peuples autochtones et n'a pas adopté de loi contre la discrimination raciale.  La ségrégation raciale reste considérée comme naturelle dans le pays et on tend à considérer les personnes vivant en zones urbaines comme supérieures à celles qui vivent en zone rurales où elles sont souvent issues des populations autochtones.  La haine raciale est systématique dans les médias, qui associent les formes d'organisation sociale autochtones à des groupes illicites. 

Pour les organisations non gouvernementales, l'État doit créer des mécanismes de suivi et de surveillance des recommandations du Comité pour l'élimination de la discrimination raciale.  Le Gouvernement devrait mettre en place des mécanismes concrets pour recenser et faire modifier les lois qui empêchent de lutter contre la discrimination raciale.  Il doit mettre fin à ses persécutions contre les représentants des peuples autochtones.  Il doit qualifier la discrimination raciale d'un acte répréhensible et reconnaître la compétence du Comité pour l'élimination de la discrimination raciale dans le cadre de l'article 14 de la Convention.

Questions des membres du Comité

Au cours de l'échange qui a suivi. Un membre du Comité s'est enquis des droits électoraux des populations autochtones qui semblent former la majorité de la population du pays mais sont extrêmement peu représentées au Parlement.  Il a noté la difficulté des populations à se rendre sur les lieux de vote et le fait qu'il ne semble pas y avoir de bureaux de vote en zones rurales.  Un autre expert a demandé des informations sur le rôle des peuples et organisations autochtones dans la mise en œuvre des accords de paix et notamment des dispositions qui concernent les peuples autochtones.

Un membre du Comité s'est enquis du suivi des violences commises en 2012 à Totonicapán, au cours desquelles huit personnes autochtones sont mortes et 35 autres victimes de violences.  Une enquête pénale avait été menée mais qu'a-t-elle donné?  Le même expert a en outre rappelé que l'Organisation internationale du travail demandait l'adoption d'un texte législatif permettant de consulter les peuples autochtones du Guatemala comme le prévoit la Convention 169 de l'OIT.  Un autre expert a demandé s'il y avait au Guatemala un problème général d'application des décisions de justice ou si ce problème concernait plus spécifiquement les décisions relatives aux peuples autochtones. 

Réponses des organisations non gouvernementales

Une organisation non gouvernementale a estimé que les partis politiques étaient marqués par un racisme historique qui se reflétait dans la faible représentation des membres de peuples autochtones au Congrès national.  Traditionnellement, les membres des différents partis achètent les voix, assurant en outre le transport des électeurs autochtones vers les bureaux de vote.  Et les gens à qui on offre le transport, un repas chaud ou un petit cadeau votent ensuite, par honnêteté, pour celui qui agit ainsi.  Le Comité devrait recommander au Guatemala d'adopter d'urgence une réforme qui permette, comme le prévoient les accords de paix de 1996, une représentation équitable des populations autochtones, qui constituent 60% de la population.  La mise en œuvre des accords de paix est en retard sur ce point, négligé par tous les Gouvernements successifs.  Le Comité devrait insister pour que les droits des peuples autochtones soient enfin reconnus. 

Une représentante autochtone de la société civile a expliqué que le code pénal érige la discrimination en délit et prévoit des sanctions allant jusqu'à 5 ans de prison mais qu'en fait, les peines se limitent à des amendes dérisoires.  Elle a demandé une qualification pénale précise des différentes infractions de discrimination raciale, comme cela a été fait pour le féminicide.

Une organisation non gouvernementale a déclaré qu'il n'y avait pas encore de décision pénale sur le massacre de Totonicapán, mais a fait observer qu'il y avait de nouvelles mises en causes et que des membres du Gouvernement avaient même accusé des communautés autochtones de génocide dans cette affaire.  Par ailleurs, il y a certes eu des décisions de justice concernant la consultation des communautés locales autochtones et il existe des mesures prévues dans le code électoral mais le Gouvernement les ignore.  Lors d'une affaire, la justice a reconnu le droit collectif à la terre de communautés autochtones mais de nombreuses affaires sont en suspens et leurs droits sur la terre ne sont pas respectés.  Les peuples autochtones demandent que la Cour constitutionnelle fasse preuve d'une véritable autorité et impose des mesures au Gouvernement plutôt que de l'inviter à agir.

Une organisation non gouvernementale a exprimé son inquiétude s'agissant à l'un des membres de la délégation du Guatemala qui se présentera devant le Comité lors de l'examen du rapport.  Cet homme est à la fois un conseiller du Gouvernement et des entreprises minières, dont certaines ont commis des exactions, y compris des assassinats, à l'encontre de membres de communautés autochtones.  Elle a expliqué que, contrairement au génocide des années 1980, il n'y avait pas aujourd'hui de conflit déclaré des grandes entreprises, notamment minières, avec les peuples autochtones, mais qu'il existait toujours de nombreuses persécutions, qui doivent cesser.  Le Comité a dit à plusieurs reprises que parler d'égalité sans la respecter constituait aussi une forme de discrimination.  Or, le Gouvernement actuel, à deux mois des élections, tient depuis le 25 mars un discours qui se veut favorable aux communautés autonomes mais qui ne repose sur aucun programme ni financement.

Audition des organisations non gouvernementales concernant la Bosnie-Herzégovine

Présentation des ONG

Minority Rights Group International, qui traite de la Bosnie-Herzégovine depuis plus de 15 ans, a expliqué s'occuper des «minorités non constituantes» , c'est-à-dire ni Serbes, ni Croates ni Bosniaques, soit en particulier les Roms mais aussi d'autres groupes, et des membres des «groupes constituants» vivant en situation de minorités, telles que les Serbes de la Fédération croato-musulmane ou les Bosniaques et Croates de la Republika Srpska.  Les membres des «minorités non constituantes» ne peuvent se présenter à certaines élections, comme la présidentielle et les membres des peuples constituants qui vivent dans la «mauvaise» entité nationale subissent les mêmes discriminations car le système a été reproduit partout au niveau des institutions locales.  Les peuples non constituants deviennent ainsi de facto des citoyens de seconde classe et ont le sentiment que leurs besoins sont insuffisamment pris en compte.  Ce système a été jugé discriminatoire par la Cour européenne des droits de l'homme, notamment dans l'affaire Finci, qui a vu la Bosnie-Herzégovine être invitée à modifier son système législatif, en vain depuis six ans.  La Bosnie-Herzégovine devrait amender sa Constitution.  Le système a des effets sur les quelque 80 000 personnes encore déplacées pour lesquelles rentrer chez elles reviendrait à les priver de droits dont elles jouissent en vivant dans une autre entité du pays. 

Les Roms, quant à eux, vivent souvent dans des camps qui n'offrent pas des conditions de vie suffisantes.  La Bosnie-Herzégovine a adopté un plan pour les Roms mais les projets de logement sont souvent mis en œuvre sans consultations adéquate des communautés Rom et en violation de leurs droits, avec des conséquences graves, notamment pour leur accès à l'éducation, à la santé , à des services de base ou au travail.  Minority Rights Group International estime qu'il y a là des formes de discrimination indirectes.  Le Comité devrait inciter la Bosnie-Herzégovine à adopter sans délai le projet de loi en suspens sur la lutte contre la discrimination.  La Bosnie-Herzégovine devrait en outre remodeler entièrement le bureau de l'ombudsman, qui est de fait une institution tripartite dominée par les minorités constituantes.

Questions des membres du Comité

Parmi les membres du Comité, un expert a demandé quelle pourrait être la solution permettant de résoudre des situations telles que celle ayant fait l'objet de l'affaire Finci, alors que les différentes entités du pays ne semblent pas d'accord.  Il a demandé si ce ne serait pas à l'Union européenne de proposer une solution, puisque la Bosnie-Herzégovine est candidate à l'adhésion.  Concernant la vaste question des Roms, le même expert a demandé quelle était la position de l'organisation non gouvernementale sur l'accueil sous un même toit de deux écoles différentes, dont l'une pour les Roms.

Un expert a estimé que le Comité ne pouvait pas s'abstenir d'examiner la situation d'y pays au motif qu'il serait structurellement impossible d'améliorer la situation.  Il est possible que, dans l'avenir, cette situation s'améliore.  En attendant, le Comité peut demander que soient prises des mesures pour supprimer les discriminations dans différents domaines, comme le logement, l'emploi, l'éducation, la vie politique, etc.  Ainsi, en matière d'éducation, on peut étudier eux langues, une comme langue de base, l'autre comme langue secondaire.  On l'a fait dans certains pays pour les enfants Rom, qui apprennent la langue du pays où ils vivent mais aussi la leur.  Ce qu'il faut avant tout, c'est combattre toute notion d'inimité entre les groupes.  Un autre membre du Comité a fait observer qu'apparemment rien n'interdit de nommer comme Ombudsman une personne qui ne soit pas membre d'une des «minorités constituantes» même si, dans la réalité, cela n'a jamais été le cas. 

Réponses des organisations non gouvernementales

En réponse à la question d'un expert, le représentant de Minority Rights Group International s'est dit bien conscient de la complexité de la situation en Bosnie-Herzégovine.  Il a estimé qu' aucun groupe ethnique ou religieux spécifique n'était victime de discrimination dans le pays mais qu'il existait une structure institutionnelle qui créait des discriminations à l'encontre de certains groupes.  Les Accords de Dayton ont en partie entériné la division du pays sur une base ethnique et le découpage a en quelque sorte confirmé le nettoyage ethnique, pour aboutir à un système dont on constate qu'il ne marche pas sans trouver de solution alternative.  Pour l'organisation non gouvernementale, il est important que le Comité rappelle que l'on ne peut exclure une fraction entière de la population de la vie du pays, à tous les niveaux, du fait de son ethnie.

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Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

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