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Communiqués de presse Conseil des droits de l’homme

Le Conseil des droits de l'homme tient son débat annuel sur la coopération technique dans le domaine des droits de l'homme

25 Mars 2015

MATIN

25 mars 2015

Le Conseil des droits de l'homme a tenu ce matin son débat annuel sur la coopération technique dans le domaine des droits de l'homme, consacré cette année à «la coopération technique au service d'un développement équitable et participatif et de l'élimination de la pauvreté au niveau national», en s'appuyant sur un rapport sur la question préparé par le Haut-Commissaire aux droits de l'homme.

Le débat a été ouvert par le Directeur de la Division des opérations de terrain et de la coopération technique au Haut-Commissariat aux droits de l'homme, M. Anders Kompass. Les panélistes étaient M. José Manuel Fresno García, directeur et fondateur de Fresno, the Right Link et membre du Comité scientifique de l'Agence des droits fondamentaux de l'Union européenne; M. Ali Bin Samikh Al Marri, Président de la Commission nationale des droits de l'homme du Qatar, Mme Jyoti Sanghera, Chef de la Division des droits de l'homme et des questions économiques et sociales au Haut-Commissariat aux droits de l'homme; et Mme Esther Mwaura Muiri, fondatrice et coordonnatrice nationale de GROOTS Kenya. Le débat était animé par M. Thani Thongphakdi, Représentant permanent de la Thaïlande.

M. Kompass a fait observer que le manque de ressources était rarement la seule cause de pauvreté et pas toujours la plus décisive, ajoutant qu'une approche «droits de l'homme» de la pauvreté exigeait le démantèlement des discriminations et autres barrières qui créent et perpétuent cette pauvreté. Il a rappelé que les activités que le Haut-Commissariat mène dans 65 pays ont toujours pour objectif d'autonomiser les individus et de leur permettre de faire valoir leurs droits. La participation est un principe fondamental et central du droit au développement et est totalement liée aux principes démocratiques fondamentaux, a également rappelé Mme Sanghera, pour qui la lutte contre la pauvreté suppose que l'on tire des enseignements de ce que vivent les pauvres, de comprendre concrètement auprès d'eux ce que signifie être condamné à une peine perpétuelle d'exclusion sociale et de stigmatisation. Elle a pris comme exemple d'action un programme du Haut-Commissariat dans un bidonville de Belgrade habité par des Roms, qui a notamment consisté à piloter des projets de relogement en consultation avec les populations concernées.

S'appuyant notamment sur sa propre expérience avec les Roms d'Espagne, M. Fresno García a expliqué l'aspect essentiel de la participation des personnes pour la réalisation de leurs droits. Pour revendiquer leurs droits, elles doivent d'abord les connaître, ensuite savoir comment revendiquer, et il faut enfin qu'il existe des mécanismes pour protéger ces droits. Les mécanismes existent en Europe, mais nombreux sont ceux qui ne sont pas conscients de leurs droits, ou pour qui la crise économique fait oublier l'existence de ces droits ou les ont convaincus qu'ils avaient disparu. L'amélioration du développement participatif suppose au contraire de renforcer les capacités de tous ceux qui ont subi des violations des droits de l'homme, d'étendre l'entraide et de soutenir ceux qui veillent au respect des droits de l'homme fondamentaux en cette période d'austérité. M. Al Marri a expliqué que les institutions nationales des droits de l'homme devaient, comme au Qatar, inciter leur pays à adhérer aux instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme, à retirer leurs réserves à ses instruments et s'assurer de la conformité des lois nationales avec les normes internationales, notamment les objectifs du Millénaire pour le développement. Mme Mwaura Muiria a rappelé les engagements qui ont été pris sur le continent africain pour promouvoir le développement pour tous dans le cadre l'Agenda 2063, mais a fait observer que la corruption, les conflits, le manque d'infrastructures se perpétuent, alors que se manifestent les conséquences du changement climatique.

Au cours du débat, les délégations 1 ont plaidé pour une intégration des programmes d'assistance technique dans le cadre de la coopération internationale pour le développement. Plusieurs ont rappelé que l'assistance technique dans le domaine des droits de l'homme ne devait se faire qu'avec l'accord des États concernés et dans le respect de la souveraineté nationale. Cette assistance technique devrait en outre davantage favoriser le renforcement des capacités et reconnaître le droit au développement. Certaines délégations ont estimé que le Haut-Commissariat était l'organe le mieux adapté pour ce type d'assistance, mais d'autres ont aussi mis l'accent sur les avantages de la coopération Nord-Sud et Sud-Sud et sur l'efficacité de la coopération technique bilatérale. Par ailleurs, si la coopération technique est un outil utile pour promouvoir la mise en œuvre des droits de l'homme, la responsabilité première en la matière incombe à chaque État. Certains intervenants ont insisté sur le rôle fondamental de la société civile, mais aussi du secteur privé. De nombreuses délégations ont par ailleurs présenté leurs mesures nationales de lutte contre la pauvreté, la précarité et l'exclusion sociale ainsi que leurs programmes de coopération et d'assistance technique.

À la mi-journée, le Conseil doit examiner, en vue de son adoption, une déclaration du Président sur le vingtième anniversaire de la quatrième Conférence mondiale sur les femmes et de l'adoption de la Déclaration et du Programme d'action de Beijing. Il se penchera ensuite sur le rapport du Haut-Commissaire sur la situation des droits de l'homme en Iraq à la lumière des exactions commises par l'«l'État islamique d'Iraq et du Levant». Il doit également examiner d'autres rapports du Haut-Commissariat et du Secrétaire général concernant des situations de pays.

Débat annuel sur la coopération technique dans le domaine des droits de l'homme

Déclaration liminaire

M. ANDERS KOMPASS, Directeur de la Division des opérations de terrain et de la coopération technique au Haut-Commissariat aux droits de l'homme, a déclaré que la pauvreté et l'exclusion qui y est associée sont une violation flagrante des droits de l'homme. Le droit à l'éducation, à l'eau, à la santé, à un logement convenable, à la justice, à la participation et à un salaire décent, ne sont pas des idéaux, mais des investissements rationnels car la pauvreté génère des frustrations et provoque des conflits. Le manque de ressources est rarement la seule cause de pauvreté et pas toujours la plus décisive. Une approche de la pauvreté axée sur les droits de l'homme exige de mettre fin aux discriminations et autres obstacles qui la créent et la perpétuent. Il importe également d'accorder un rôle particulier aux femmes, exposées de manière disproportionnée aux discriminations.

Ce débat fournit une occasion précieuse de partager une réflexion sur la nature multidimensionnelle de la pauvreté, a déclaré M. Kompass. En outre, en application de la résolution 27/20 du Conseil des droits de l'homme, le Haut-Commissaire a préparé un rapport contenant des initiatives ayant un potentiel certain et susceptibles de servir de modèles. La promotion d'une participation inclusive à la prise de décisions est la force motrice qui guide le Haut-Commissariat, particulièrement en ce qui concerne les femmes et les groupes marginalisés. Présent dans 65 pays, le Haut-Commissariat fournit diverses formes d'assistance technique et de conseil aux Gouvernements et à la société civile, toujours dans l'objectif avoué d'autonomiser les individus et de leur permettre de faire valoir leurs droits. En effet, les obstacles sociaux qui se dressent devant les groupes vulnérables et marginalisés ne cèdent que s'il existe une véritable inclusion et une participation effective de ces groupes dans les programmes et politiques. La population doit pouvoir exercer son droit à la liberté d'expression et de rassemblement pour échanger des idées et mobiliser l'opinion publique. Il convient en outre que les individus soient en mesure de librement contester les injustices. Il ne saurait y avoir de développement durable sans une réelle inclusion et participation de chacun, a conclu M. Kompass.

Le Conseil est saisi du rapport du Haut-Commissaire aux droits de l'homme sur l'assistance technique fournie pour soutenir un développement équitable et participatif au niveau national (A/HRC/28/42).

L'animateur du débat, M. THANI THONGPHAKDI, Représentant permanent de la Thaïlande, a notamment posé aux experts les questions suivantes: comment les droits de l'homme et le développement sont-ils liés et se renforcent-ils mutuellement? Comment les institutions nationales des droits de l'homme peuvent-elles promouvoir la réalisation des droits et l'éradication de la pauvreté? Comment l'efficacité de l'assistance technique et les obligations internationales des droits de l'homme pourraient-elle être améliorées et comment la société civile pourrait-elle être engagée dans la promotion d'un développement inclusif et participatif?

Exposés des panélistes

M. JOSÉ MANUEL FRESNO GARCÍA, Directeur et fondateur de Fresno, The Right Link et membre du Comité scientifique de l'Agence des droits fondamentaux de l'Union européenne, a expliqué que, dans les années 1980, il avait commencé à travailler en Espagne avec l'un des groupes les plus vulnérables en Europe, les Roms. Il est vrai qu'aujourd'hui encore de nombreux Roms sont confrontés à la discrimination en Espagne, mais il est tout aussi vrai qu'il y a eu des progrès considérables en trente ans, a-t-il constaté. Pour M. Fresno, parmi les différents facteurs qui ont mené à ces progrès, le plus important est sans nul doute la contribution des communautés Roms elles-mêmes dans la revendication de leurs droits. Les Roms ont pris conscience de leurs droits, fait pression sur les institutions pour orienter les politiques publiques et plaidé au sein de la société pour qu'elle reconnaisse leurs droits. M. Fresno García a déclaré que, sur un plan plus général et en dépit des progrès accomplis dans l'Union européenne, y compris en matière de droits de l'homme, nombreux sont les citoyens de l'Union européenne qui ont au contraire vu leurs droits restreints, notamment ceux qui sont les plus vulnérables à la pauvreté et à l'exclusion sociale, et en particulier depuis la crise. Il semble que, depuis lors, les droits de l'homme sont tributaires des conditions du marché, a remarqué M. Fresno García. L'approche fondée sur les droits à disparu de nombreuses politiques, un peu comme si on pouvait bénéficier de droits à condition de ne pas s'immiscer et de contester le bien-fondé des politiques économiques spéculatives.

Face à des politiques économiques qui écrasent les droits sociaux, il devient impératif de replacer les droits au centre des priorités en vue de réformes structurelles et de mesures d'investissement social. Pour le panéliste, il est essentiel que l'Union européenne ratifie la Convention européenne des droits de l'homme et que, lors de l'élaboration des politiques et mesures d'austérité, elle veille au respect des droits inscrits dans les différents traités relatifs aux droits de l'homme. La participation est d'autant plus cruciale, a poursuivi M. Fresno pour qui les individus doivent avoir la capacité de revendiquer leurs droits, ce qui suppose qu'elles les connaissent, qu'elles sachent comment les revendiquer, et qu'il existe des mécanismes pour protéger ces droits. Or, il semble qu'en Europe, les mécanismes existent mais que beaucoup de personnes ne soient pas conscientes de leurs droits. Pire, la crise économique semble avoir fait oublier à de nombreuses personnes qu'elles avaient des droits, voire les avoir convaincues qu'ils n'existaient plus. L'amélioration du développement participatif suppose, au contraire, de renforcer les capacités de toux ceux qui ont subi des violations des droits de l'homme, d'étendre l'entraide et de soutenir ceux qui veillent au respect des droits de l'homme fondamentaux en cette période d'austérité, a-t-il préconisé.

M. ALI BIN SAMIKH AL MARRI, Président de la Commission nationale des droits de l'homme du Qatar, a déclaré que la responsabilité qui incombe aux institutions nationales des droits de l'homme implique qu'elles encouragent les pays à adhérer aux instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme, à retirer leurs réserves à ses instruments et à s'assurer de la conformité des lois nationales avec les normes internationales, notamment les objectifs du Millénaire pour le développement. Dans le cas du Qatar, le Gouvernement a pris des mesures visant à assurer une répartition équitables des ressources et en faveur du développement. Ces mesures ont par ailleurs été reconnues par les Nations Unies, a-t-il dit, indiquant que le Qatar occupe le 37ème rang mondial en ce qui concerne l'indice de développement humain. Le Qatar est également impliqué dans des initiatives de coopération internationale, notamment à travers le Croissant-rouge ou des programmes de développement dans divers pays. Le Qatar accueille également des travaillants migrants, notamment dans le secteur pétrolier. La commission que dirige M. Al Marri leur assure une protection effective pour la défense de leurs droits, les assiste dans les procédures de conciliation en cas de conflit avec leurs employeurs, ou leur fournit des avis juridique, a-t-il assuré.

MME JYOTI SANGHERA, Chef de la Division des droits de l'homme et des questions économiques et sociales au Haut-Commissariat aux droits de l'homme, a souligné que pour lutter contre la pauvreté, pour l'éradiquer, il convient de tirer des enseignements de ce que vivent les pauvres, de comprendre concrètement auprès d'eux ce que signifie être condamné à une peine perpétuelle d'exclusion sociale et de stigmatisation. Le Prix Nobel d'économie, M. Amartya Sen, définit la pauvreté comme l'absence de facto de droits et libertés politiques, la vulnérabilité face aux relations coercitives et l'exclusion des choix et protections économiques. De là, l'économiste conclut que le développement authentique ne peut se réduire simplement à accroître les revenus de base et par tête, a-t-elle expliqué. Ce développement exige un ensemble de mécanismes qui se chevauchent et qui permettent progressivement l'exercice d'une gamme croissante de libertés. La participation, a-t-elle rappelé, est un principe fondamental et central du droit au développement. Ce droit est à la fois crucial et complexe et il est totalement lié aux principes démocratiques fondamentaux, a-t-elle rappelé. Elle a pris comme exemple de ce qui pouvait être fait en mentionnant l'action du Haut-Commissariat dans un bidonville de Belgrade habité par des rom et qui a notamment consisté à piloter des projets de relogement en consultation avec les populations concernées.

MME ESTHER MWAURA MUIRI, fondatrice et coordonnatrice nationale de GROOTS Kenya, a déclaré que sur le continent africain, les dirigeants sont engagés à partager les richesses et à promouvoir le développement pour tous. Ils ont ainsi adopté, en 2013, l'Agenda 2063, qui vise à l'établissement d'une Afrique intégrée, prospère et pacifiée, dirigée par ses propres citoyens et qui devient une force dynamique dans un contexte de mondialisation. L'Agenda vise également à garantir un développement et des transformations économiques et sociales dans les 50 prochaines années.

En dépit de ces engagements, l'on assiste toujours à des situations de corruption, de conflit, de manque d'infrastructures et l'on subit toujours les conséquences des changements climatiques, a-t-elle déploré. Dans le cas du Kenya, qui participe à cette initiative continentale, les autorités se sont engagées, dans la Constitution de 2010, à prendre des mesures en faveur de la participation des Kenyans et à leur garantir une vie digne. Or les femmes sont toujours exclues, a dit la fondatrice de GROOTS Kenya, qui a chiffré à 15% le taux de participation politique des femmes au Kenya. Comparativement, ce taux s'élève à 56% au Rwanda, a souligné Mme Muiri, appelant son Gouvernement à promouvoir l'esprit et la lettre de la Constitution pour que celle-ci ne reste pas lettre morte.

Débat

L'Algérie, au nom du Groupe africain, a déploré que le droit au développement et le renforcement des capacités n'aient pas bénéficié de l'attention nécessaire dans le cadre des programmes d'assistance technique, et appelé à l'amélioration de cette assistance. Il a jugé utile d'entamer «une réflexion sur les moyens de développer une assistance adaptée aux objectifs du droit au développement. Une telle réflexion pourrait également porter sur une approche visant à intégrer les programmes d'assistance technique dans le cadre de la coopération internationale».

Bahreïn, au nom du Groupe arabe, a noté que le Haut-Commissariat était le mieux à même de fournir l'assistance technique, même si le Conseil et l'Examen périodique universel ont leur rôle à jouer à cet égard. Il a aussi manifesté la disponibilité des pays arabes en faveur de l'assistance aux pays qui en font la demande.

L'Inde a estimé impératif d'évaluer les difficultés que rencontrent certains États membres, ceux-ci étant les mieux placés pour comprendre leurs besoins et définir leurs priorités. L'assistance technique du Haut-Commissariat doit être conforme à celles-ci. Quant à la Turquie, elle a souligné l'efficacité de la coopération technique bilatérale. À cet égard, la coopération Nord-Sud et Sud-Sud sont pertinentes et utiles en termes de partage des avantages nationaux réciproques. La Turquie a recommandé de cibler deux grands groupes, les femmes et les jeunes, en raison des inégalités, ainsi que des choix limités et de la restriction des libertés auxquels ceux-ci font face.

Si les États-Unis ont convenu que la coopération technique est un outil utile pour promouvoir la mise en œuvre des droits de l'homme, ils maintiennent néanmoins qu'il est de la responsabilité de chaque État de garantir la promotion et la protection des droits de l'homme. Abondant dans le même sens, le Pakistan, au nom de l'Organisation de la coopération islamique, a estimé que pour une coopération technique efficace, il convient d'établir un dialogue authentique avec l'État concerné, exempt de toute politisation.

L'Union européenne a souligné son approche basée sur les droits en matière de coopération au développement et le rôle fondamental de la société civile, d'une part, et de la société privée, de l'autre, dans la promotion des droits de l'homme. L'Union européenne a ensuite encouragé à ce que le Programme développement pour l'après-2015 soit réellement universel, équilibré, applicable à tous et respectueux des droits de l'homme.

Le Maroc a indiqué avoir mis en place, en 2005, une Initiative nationale pour le développement humain «en tant que chantier permanent mettant l'homme au cœur du développement». Elle vise à lutter contre la pauvreté, la précarité et l'exclusion sociale à travers la réalisation de projets d'appui aux infrastructures de base, projets de formation et de renforcement de capacités ainsi que la promotion d'activités génératrices de revenus et d'emplois. L'Australie a mis l'accent sur ses programmes de développement dans le Pacifique, ciblés sur la promotion de l'égalité des sexes et l'autonomisation des femmes.

Le Qatar a encouragé à une redistribution des richesses afin de mieux lutter contre la pauvreté, ajoutant que la «Vision 2030» du Qatar est basée sur cette approche, qui se caractérise par le souci d'investir dans le développement durable et l'égalité des chances, en privilégiant l'éducation des femmes et des enfants. La Sierra Leone, qui aspire à devenir un pays à revenu moyen d'ici 2035, à la fois inclusif et écologiste, a lancé en 2013 un «Agenda pour la prospérité», qui prévoit que 80% de la population soit alors au-dessus du seuil de pauvreté. Après l'épidémie d'Ébola, la Sierra Leone aurait besoin d'une coopération technique stable pour mettre sur pied un système de santé solide capable de faire face à toute nouvelle épidémie.

L'Équateur, au nom de la Communauté des États d'Amérique latine et des Caraïbes (CELAC), a affirmé que l'élimination de la pauvreté et le développement durable, soucieux d'une inclusion sociale, économique et financière, constituaient des défis exigeant des efforts aux niveaux mondial, régional, national, local et communautaire. En outre, il ne peut y avoir de développement durable sans inclusion des groupes en situation de vulnérabilité, des populations autochtones en premier lieu, ainsi que des femmes et des personnes handicapées.

Pour la Chine, l'assistance technique et la coopération internationale doivent également respecter les principes du droit international et notamment la souveraineté des États, dont les programmes doivent être appliqués en priorité. Le consentement des États et des gouvernements intéressés est en effet une condition préalable de l'assistance technique et de la coopération internationale, a également insisté le Venezuela, ajoutant qu'il n'y a que par ce biais que la coopération pourra créer des mécanismes d'autonomisation et promouvoir un développement inclusif. Un bon partenariat est celui qui respecte les priorités nationales. Dans ce contexte, les initiatives des partenaires, y compris celles conduites par les Nations Unies ne doivent pas être «solitaires» ou concurrencer les initiatives gouvernementales, a renchéri la République démocratique du Congo, car les gouvernements ont la priorité en ce qui concerne l'élaboration et la mise en œuvre des politiques et programmes de développement. C'est en effet à chaque pays de déterminer librement ses priorités, programmes et stratégies de développement. L'assistance et la coopération technique doivent en tenir compte, a également dit le représentant de l'Algérie.

Pour la délégation la Libye aussi, la coopération technique doit être un processus inclusif, qui implique y compris la société civile, a dit sa représentante, appelant par ailleurs le Haut-Commissariat à mettre en œuvre les recommandations. Le respect mutuel, le dialogue et l'inclusion sont les seuls clefs garantissant le succès, a également dit la représentante des Maldives. Le succès dépend aussi de la réalisation du droit au développement, a poursuivi le Soudan, ajoutant que c'est une des préoccupations répétées de la communauté internationale.

La lutte contre la pauvreté doit être une des priorités de la communauté internationale, car c'est un des meilleurs moyens de réaliser les droits de l'homme pour tous. Dans ce domaine, la coopération sud-sud peut jouer un rôle a dit le représentant du Paraguay. C'est dans cet esprit que Cuba s'inscrit a indiqué sa représentante, expliquant que son pays est engagé dans de nombreux pays d'Afrique et du reste du monde et a apporté son expérience à ses partenaires en matière d'éducation ou de santé. De toute évidence, la communauté internationale a un défi à combler entre les promesses faites et les réalisations sur le terrain, a observé la Norvège.

L'Indonésie a indiqué que son gouvernement était disposé à partager son expérience en matière d'assistance technique et de coopération. Elle s'est ensuite demandé comment encourager les mécanismes d'appropriation nationale. Le Viet Nam aussi, qui a un certain succès en matière de stratégie de développement est pleinement disposée à partager son expérience. En plus de l'agence française de développement, la France vient d'ouvrir une nouvelle agence dénommée «expertise France» spécialisée dans l'expertise technique internationale. Elle doit permettre aux administrations des pays émergents et en développement une capacité accrue de réponse, adaptée à leurs besoins, y compris sur la question de la lutte contre la pauvreté, a indiqué son représentant.

S'agissant des organisations non gouvernementales, Advocates For Human Rights a appelé l'attention du Conseil des droits de l'homme sur la situation défavorable des personnes non ressortissantes défavorisées aux États-Unis, notamment les demandeurs d'asile ou les sans-papiers. Elle a dénoncé le profilage par la police, la discrimination devant la justice ou encore dans l'accès au logement, ainsi que l'exploitation par le travail. Le Conseil devrait exhorter les États-Unis à veiller au respect des droits de ces personnes. Le Forum européen pour les personnes handicapées, au nom également de l'International Disability Alliance, a rappelé que 80% des personnes handicapées vivaient dans des pays en développement et sont sous représentées et souvent exclues. Il n'y a pas de référence explicite aux personnes handicapées dans les objectifs de lutte contre la pauvreté alors que cette lutte suppose la participation de l'ensemble des personnes vivant dans la pauvreté et notamment des personnes les plus vulnérables, dont les personnes handicapées. L'absence de données ventilées nuit à l'inclusion des personnes handicapées.

L'Association of World Citizens a observé que les programmes d'assistance technique sont souvent limités par des questions d'accès aux territoires. Les projets de lutte contre la pauvreté exigent des données ventilées pour la combattre, a déclaré Verein Südwind Entwicklungspolitik, déplorant au passage que le nombre de personnes toxicomanes soit caché en République islamique d'Iran.

Réponses des panélistes

M. FRESNO GARCÍA a fait observer, sur la base de son expérience comme président de l'organe national espagnol de lutte contre les inégalités, que 50% des personnes appartenant à des minorités ethniques disaient ne pas ressentir de discriminations alors qu'elles en étaient en réalité victimes, ajoutant que très peu de celles qui se sentaient victimes osaient porter plainte. Cela s'explique par un manque de confiance dans les institutions, la méconnaissance des procédures de traitement des plaintes, et la conviction que, même si elles portaient plainte, il ne se passerait rien. Pour changer cette situation un réseau de sept organisations non gouvernementales a été établi en 2001 en Espagne, en collaboration avec un échantillon annuelle de 800 personnes discriminées. Un autre programme fonctionne sur le handicap, les Roms et les migrants, avec l'aide de l'Union européenne. Il a touché plus d'un demi-million de personnes, dont 180 000 ont eu accès à un emploi. Pour chaque euro investi dans ces personnes, le rendement économique était de 1,40 EUR. Ces exemples ont quatre choses en commun: la coopération entre l'Union européenne et la coopération nationale; des politiques appropriées d'application de la législation en vigueur; l'accès à la législation et aux politiques; et la participation active des organisations de la société civile.

M. Fresno García a également relevé que, très souvent, les politiques visant à l'élimination de la pauvreté faisaient office de politiques de compensation qui, malheureusement, ne traitent pas les carences en matière de droits de l'homme. Il a mentionné les fonds structurels de l'Union européenne qui doivent tenir compte des principes d'accessibilité des personnes handicapées, de l'égalité entre les sexes et de la non-discrimination, seule moyen d'accomplir des progrès, selon lui. Il ne s'agit pas seulement non plus de proclamer des principes mais de les mettre en œuvre, a-t-il insisté. Partant, il s'agit de veiller à ce que les outils nécessaire à la mise en œuvre soient disponibles, de même que des indicateurs d'évaluation, a-t-il noté.

M. AL MARRI a déclaré, de son côté, que les principes fondamentaux qui président aux institutions nationales de droits de l'homme leur donnent mandat pour protéger contre l'exclusion. Ainsi, ces institutions encouragent les États à adhérer aux Conventions internationales de droits de l'homme, y compris les dispositions qui autorisent les plaintes individuelles. Elles collaborent avec les organes internationaux de droits de l'homme. Elles ont en outre un rôle dans la sensibilisation de la population aux droits de l'homme.

M. Al Marri a évoqué le plan du Programme des Nations Unies pour le développement pour l'après-2015 qui fait l'objet de consultations à l'heure actuelle. Il a souligné l'importance de l'imputabilité et de la transparence. Lorsque les donateurs versent des fonds, ils doivent avoir l'assurance que ceux-ci seront bien utilisés, ce qui implique transparence et établissement des responsabilités. Il a aussi souligné le rôle très important des institutions nationales des droits de l'homme, qui sont plus d'une centaine. Il a appelé tous les États qui n'en sont pas dotés à mettre en place de telles institutions, et ceux qui disposent d'une commission des droits de l'homme, à veiller à ce qu'elle soit conforme aux Principes de Paris.

MME MWAURA-MUIRU a jugé essentiel le droit des personnes pauvres de s'organiser, ainsi que celui de s'exprimer et de participer. Les institutions nationales de droits de l'homme devraient investir sur ces deux questions et fournir des ressources adéquates pour encourager l'organisation et la participation des pauvres.

Mme Mwaura-Muiru a aussi rappelé l'importance du rôle des citoyens et invité les États donateurs à revoir leur stratégie actuelle de diminution du soutien à la société civile alors qu'ils privilégient de plus en plus l'échange direct avec les États. Les citoyens doivent par ailleurs être davantage considérés comme des partenaires à part entière que comme de simples bénéficiaires.

MME SANGHERA a ajouté que dans le domaine des industries extractives, les inégalités étaient énormes entre les entreprises multinationales et les communautés locales, ces dernières étant dépourvues de moyens et d'autorité. Les défenseurs des droits de l'homme n'ont souvent pas d'autre recours que la grève de la faim mais quel est le sens d'une grève de la faim chez des personnes affamées qui, à la fin de leur mouvement, le seront toujours? Elle a par ailleurs insisté sur la participation des communautés, les mieux, parfois les seules, à même de connaître réellement leurs besoins.

Mme Sanghera a ensuite mis l'accent sur les mesures temporaires spéciales en faveur des groupes vulnérables, plus particulièrement pour garantir une juste participation des femmes, comme l'a recommandé le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes dans sa quatrième Observation générale. Il faut solliciter activement la participation des femmes lors des débats, programmer ceux-ci à des heures compatibles avec leurs horaires, ou encore prévoir une garde des enfants, a-t-elle suggéré. Elle a en outre préconisé le recours à une série d'indicateurs, constatant que ceux du Haut-Commissariat étaient couramment utilisés par les États. La panéliste a enfin demandé de ne plus parler de «pauvres», mais de «personnes vivant dans la pauvreté» afin de placer la dignité de chaque personne au centre du débat.

L'animateur du débat, M. THONGPHAKDI, a souligné en conclusion l'importance d'une approche participative et la nécessité d'habiliter les communautés vulnérables, qu'il s'agisse des migrants ou des femmes et des enfants. Les institutions nationales des droits de l'homme peuvent contribuer davantage à la bonne gouvernance et à l'obligation d'imputabilité, a-t-il ajouté, en recommandant des indicateurs ventilés sur les groupes vulnérables.

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1. Les délégations suivantes sont intervenues dans le cadre du débat: Bahreïn (au nom du Groupe arabe); Pakistan (au nom de l'Organisation de la coopération islamique); Union européenne; Équateur (au nom de la Communauté des États d'Amérique latine et des Caraïbes - CELAC); Algérie (au nom du Groupe africain); Australie; Maroc; Inde; États-Unis; Qatar; Sierra Leone; Turquie; Indonésie; Chine; Venezuela; République démocratique du Congo; Norvège; Libye; Paraguay; Algérie; Cuba; Maldives; Soudan; Viet Nam; France; Advocates for Human Rights; Forum européen pour les personnes handicapées (au nom également de l'International Disability Alliance); Association of World Citizens et Verein Südwind Entwicklungspolitik.

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