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Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes: auditions sur le Danemark, le Kirghizistan, l'Érythrée et les Maldives

23 Février 2015

23 février 2015

Le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes a tenu, cet après-midi, une réunion informelle avec des représentants d'organisations non gouvernementales et d'institutions nationales des droits de l'homme concernant l'application de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes dans les quatre États parties dont les rapports seront examinés cette semaine: Danemark, Kirghizistan, Érythrée et Maldives.

S'agissant du Danemark, l'Institut danois des droits de l'homme a recommandé que le pays assure dans tout le pays un traitement uniforme et efficace de tous les cas de violence domestique. Le Gouvernement devrait en outre imposer à l'Agence nationale des statistiques de ventiler toutes ses données en fonction du sexe, compte tenu du manque de statistiques précises sur les femmes. L'Institut regrette par ailleurs que le Gouvernement n'ait pas l'intention d'adopter de loi générale contre la discrimination.

En ce qui concerne le Kirghizistan, des organisations non gouvernementales ont souligné en particulier que le pays avait «une longue histoire de violence et de discrimination» contre les personnes transgenre ou qui ont des relations sexuelles hors normes. La situation va se durcir encore après l'adoption probable d'une loi particulièrement restrictive, a mis en garde un intervenant. Les ONG ont aussi déploré la faiblesse institutionnelle du Mécanisme national de développement des femmes de même que le manque de financement du plan national pour la parité entre les sexes. Les ONG suivantes sont intervenues: NGO Council, Resource Center for Elderly People, Open Line, Labrys.

Des organisations non gouvernementales ont souligné que le problème fondamental de l'Érythrée est que son gouvernement ne tient aucun de ses engagements, au motif d'un conflit prétendument non résolu avec le pays voisin. La société civile est inexistante en Érythrée, sauf quelques mouvements clandestins de jeunes. Les ONG ont précisé encore que le nombre des personnes conscrites dans l'armée est impossible à connaître officiellement: six cent mille personnes seraient sous les drapeaux, un chiffre plausible datant de 2011. Ces personnes ne sont pas payées et leurs activités pourraient être assimilées à du travail forcé, comme en a jugé un tribunal canadien. Les organisations Eritrean Law Society et Global Initiative for Economic, Social and Cultural Rights.

En ce qui concerne les Maldives, Hope for Women (au nom d'autres ONG) a déclaré que des restructurations répétées des programmes en faveur des droits des femmes ont abouti à des lacunes de protection dans ce domaine. Les rares centres d'accueil et de protection des femmes, mal dotés, ne peuvent réellement remplir leur mission et, de manière générale, l'application de la loi contre la violence envers les femmes est inefficace du fait du manque de moyens financiers et de mesures concrètes de protection. De plus, l'ONG constate une tendance au fondamentalisme aux Maldives. La Commission des droits de l'homme des Maldives a pour sa part regretté le manque de sérieux qui entoure encore la réalisation de l'égalité entre les sexes dans ce pays, sous l'effet des idées reçues au sein de la classe politique. La place des femmes dans la société régresse ou n'avance plus, en particulier dans le monde du travail et dans la politique.

Demain matin, à 10 heures, le Comité entamera l'examen du rapport du Danemark (CEDAW/C/DNK/8).

Aperçu des interventions

Danemark

L'Institut danois des droits de l'homme a recommandé que le Danemark assure, dans l'ensemble des districts de police, un traitement uniforme et efficace de tous les cas de violence domestique, et qu'il impose, par la loi, à l'Agence nationale des statistiques de ventiler toutes ses données en fonction du sexe, compte tenu du manque surprenant mais bien réel de statistiques précises sur les femmes. L'Institut recommande en outre que les femmes soient mieux représentées dans les organes de direction des entreprises privées, ce qui exige l'adoption de mesures de soutien concrètes telles que congés parentaux. L'Institut constate enfin avec une certaine préoccupation qu'il manque de renseignements concrets sur la situation des femmes au Groenland.

Une experte du Comité a souhaité une évaluation globale de la situation des femmes migrantes au Danemark, portant notamment sur les difficultés qu'elles y rencontrent pour vivre selon leurs coutumes. Une autre experte a constaté que les voies de droit ne sont pas les mêmes au Danemark selon le motif de la discrimination: qu'est-il fait pour assurer la transversalité des démarches juridiques? L'Institut a également été prié de donner des précisions sur l'exercice de son mandat de protection, sur la neutralité linguistique dans les actes officiels et ses effets sur le respect des droits des femmes et sur l'intégration des dispositions de la Convention dans le droit danois. Une experte a voulu savoir si le droit du travail s'appliquait aux femmes migrantes comme aux autres résidents. Une autre experte a souligné que l'Europe devait donner l'exemple en matière de respect de droits des femmes.

Répondant aux questions des membres du Comité, l'Institut a indiqué que son mandat concerne la promotion de l'égalité entre les sexes. Il n'a pas mandat général d'assistance judiciaire, qui est assurée par d'autres institutions. Le Gouvernement danois a récemment indiqué ne pas avoir l'intention d'adopter de loi générale contre la discrimination, regrette l'Institut. Par ailleurs, aucune loi spécifique ne concerne la question de la terminologie non spécifique: les Danois attachent en effet une importance relative au langage, s'intéressant beaucoup plus aux actes sous-jacents. Le débat sur l'égalité entre les hommes et les femmes ne va pas de soi dans un contexte où certains estiment que cette égalité est déjà une réalité.

Kirghizistan

Plusieurs organisations non gouvernementales ont regretté la faiblesse institutionnelle du Mécanisme national de développement des femmes de même que le manque de financement du plan national pour la parité entre les sexes. De même, le nombre de femmes dans les conseils ruraux a fortement chuté lors des dernières élections. Une représentante a regretté en outre le retrait progressif des femmes de la vie publique et économique, accompagné d'une progression des mariages religieux. L'accès à la justice par les femmes victimes d'enlèvement à des fins de mariage n'est pas assuré, tandis que les coupables des enlèvements bénéficient de l'impunité étant donné l'inaction de la police. Par ailleurs, les droits fondamentaux des femmes migrantes, vers la Russie notamment, sont systématiquement bafoués.

Une autre ONG a constaté que l'État ne reconnaissait pas la réalité de la violence à l'égard des travailleuses du sexe, violence dont les auteurs ne sont pas inquiétés; le Gouvernement s'apprête d'ailleurs à criminaliser cette catégorie de travailleuses. D'autre part, en dépit des recommandations du Comité, l'accès des femmes toxicomanes à la méthadone n'est pas garanti, dans un contexte où le recours aux services de santé eux-mêmes leur est très difficile.

Le Kirghizistan a «une histoire de violence et de discrimination» contre les personnes transgenre ou qui ont des relations sexuelles hors normes, a dénoncé le représentant d'une organisation non gouvernementale. La situation va se durcir encore après l'adoption probable d'une loi particulièrement restrictive, a-t-il prévenu.

Érythrée

L'Erythrean Law Society a déclaré que le Gouvernement érythréen imposait un service militaire indéfini à toute la population, ce qui explique une très forte émigration de la population. Nombre de femmes conscrites sont soumises à des violences sexuelles par leurs supérieurs hiérarchiques, qui sont hors d'atteinte de la loi. La migration forcée explique d'autre part la perpétration des violences extrêmes contre les migrantes et les migrants, en particulier lors du transit dans la région du Proche Orient. L'Érythrée ne dispose d'aucune institution démocratique fonctionnelle: aucun autre pays au monde n'est confronté à autant de problèmes structurels, a souligné le représentant d'une organisation non gouvernementale. L'Érythrée symbolise malheureusement ce que peut être un État en échec.

The Global Initiative for Economic, Social and Cultural Rights a souligné que les femmes jouent un rôle fondamental dans la production agricole en Érythrée. Or, les paysannes érythréennes ne bénéficient pas pleinement de droits fonciers, des limites étant imposées par le droit islamique et des conceptions patriarcales, ce qui a pour conséquence de réduire leur potentiel productif.

Une experte du Comité a constaté que plusieurs centaines de milliers d'Érythréens émigrés vivent dans des conditions très difficiles. Les organisations non gouvernementales ont été priées de dire quelle devrait être la priorité du Comité dans un dialogue avec un pays qui ne connaît pas l'état de droit. Une autre experte a voulu connaître les tendances de l'émigration à partir de l'Érythrée depuis deux ans. Une experte a demandé aux organisations non gouvernementales de donner des pistes pour l'application de la Constitution de 1997 et des explications sur les conditions de l'avortement en Érythrée. D'autres questions ont porté sur la durée du service militaire en Érythrée et ses conséquences sur les jeunes filles en particulier, l'activité de la société civile et l'existence de lieux de détention secrets.

Répondant aux questions du Comité, les organisations non gouvernementales ont souligné que le problème fondamental de l'Érythrée est que son gouvernement ne tient aucun de ses engagements, au motif d'un conflit prétendument non résolu avec le pays voisin. La société civile est inexistante, sauf quelques mouvements clandestins de jeunes: des juristes ayant tenté vainement de créer une association sont désormais contraints d'opérer depuis l'étranger. Répondant à d'autres questions, les organisations non gouvernementales ont dit que l'avortement était autorisé pour des motifs de santé. Le nombre des conscrites et des conscrits est impossible à connaître officiellement: six cent mille personnes seraient sous les drapeaux, un chiffre plausible datant de 2011. Ces personnes ne sont pas payées et leurs activités pourraient être assimilées à du travail forcé, comme en a jugé un tribunal canadien. Les routes de l'expatriation passent désormais à travers la Lybie plutôt que par les pays du Proche Orient, a-t-on enfin précisé.

Maldives

Hope for Women, au nom d'autres organisations non gouvernementales, a fait état de nombreuses restructurations des programmes en faveur des droits des femmes, qui ont abouti à des lacunes de protection dans ce domaine. Les rares centres d'accueil et de protection des femmes, mal dotés, ne peuvent réellement remplir leurs missions. Les gouvernements locaux ne respectent pas les instructions concernant les élections dans les commissions chargées de la promotion des droits des femmes. Les femmes ne représentent que 5 % des parlementaires et une part très faible des autres organes décisionnels publics. Enfin, l'application de la loi contre la violence envers les femmes est inefficace du fait du manque de moyens financiers et de mesures concrètes de protection. Il demeure, de plus, des inégalités et des irrégularités dans le mariage, l'union de mineurs étant ainsi cautionnée par certaines autorités religieuses musulmanes: il s'agit là d'une des manifestations de la tendance au fondamentalisme que l'on constate aux Maldives.

L'ONG a constaté de plus que les femmes accèdent difficilement à l'éducation supérieure et sont souvent obligées de s'expatrier pour suivre leur formation. Elle a demandé au Comité de recommander aux autorités maldiviennes de tout faire pour mieux respecter les droits et contributions des femmes.

À ce jour, le Gouvernement n'a pris aucune mesure concrète pour lever la réserve qu'il a émise à l'égard de l'article 16 de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes.

La Commission des droits de l'homme des Maldives a pour sa part regretté le manque de sérieux qui entoure encore la réalisation de l'égalité entre les sexes, sous l'effet d'idées préconçues très répandues parmi les responsables politiques eux-mêmes. Les autorités n'ont pas pris de mesures déterminées pour donner effet aux recommandations du Comité, tandis que la place des femmes dans la société régresse ou n'avance plus, en particulier dans le monde du travail et dans la politique. On ne sait pas quelles initiatives les autorités entendent lancer dans ce domaine, a regretté la Commission. Les forces de police ne connaissent pas le contenu de la loi sur la protection des femmes contre les victimes, et ne peuvent donc l'appliquer. Quatre gouvernements se sont succédé en trois ans: les droits des femmes n'ont pas progressé pour autant.

Une experte du Comité s'est interrogée sur les moyens d'action de la Commission lors de violations des droits de l'homme. La Commission a-t-elle déjà été confrontée au problème des châtiments physiques infligés à des femmes en public?

La Commission a souligné qu'elle pouvait difficilement intervenir s'agissant des violences exercées contre les femmes dans le contexte juridique. La loi sur la violence domestique, comme d'autres dispositions très progressistes, n'est pas appliquée par les intervenants concernés. Les critiques de la Commission l'accusent souvent de vouloir pervertir les valeurs de l'islam, alors même que la religion est souvent utilisée pour justifier la discrimination des femmes. La Commission ne manque jamais de citer les exemples d'autres pays islamiques appliquant des politiques progressistes. L'instauration du congé maternité est l'un des rares succès des Maldives en matière d'égalité entre les sexes. La Commission a conclu la séance en espérant que le Comité donnerait un peu d'espoir aux femmes des Maldives.

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