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Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale examine le rapport de l'Iraq
20 août 2014
20 août 2014
Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a examiné hier après-midi et ce matin le rapport présenté par l'Iraq sur les mesures prises par ce pays pour mettre en œuvre les dispositions de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.
C'est le Vice-Ministre iraquien des droits de l'homme, M. Abdulkareem Abdullah Shallal Al-Janabi, qui a présenté le rapport de son pays. Il a notamment souligné que l'Iraq traversait des circonstances extrêmement graves et exprimé l'espoir qu'un nouvel exécutif serait rapidement formé à la suite des dernières élections. Il a par ailleurs souligné que l'«État islamique», qui entend «ramener le pays au Moyen Âge», constitue une menace pour l'ensemble de la communauté internationale. La Constitution garantit l'égalité de tous devant la loi, quels que soient la race, le sexe, la confession ou le statut économique. Elle reconnaît le caractère pluriethnique du pays, y compris dans la région autonome du Kurdistan. Le chef de la délégation iraquienne a rappelé que toutes ces initiatives étaient affectées par les difficultés de l'heure, l'Iraq souhaitant que la primauté du droit soit rétablie et que la justice et l'égalité prévalent, conformément à la Constitution.
L'importante délégation iraquienne était également composée de représentants des ministères des affaires étrangères, de la planification et du travail et des affaires sociales, d'un représentant du gouvernement régional autonome kurde, M. Dindar Firzenda Zebari, ainsi que du Représentant permanent de l'Iraq à Genève, M. Mohammed Sabir Ismaïl. Elle a répondu à de très nombreuses questions des membres du Comité sur les causes de la crise actuelle, notamment s'agissant de la déroute de l'armée nationale, ou encore du nombre considérable de déplacés. Les experts se sont aussi enquis de la situation des minorités et des femmes. La délégation a assuré que l'Iraq respectait ses obligations internationales dont celles découlant de la Convention. Elle a notamment fait valoir que les langues minoritaires sont enseignées. Bien que l'Iraq ne soit pas partie à la Convention de 1951 relative aux réfugiés, la loi iraquienne en respecte l'esprit, a aussi tenu à souligner la délégation. Des efforts considérables ont été déployés pour lutter contre la discrimination sexiste, grâce à une série de lois et d'amendements consacrant le principe de l'égalité pour tous. Dans la région autonome kurde, le cadre juridique et législatif concernant la promotion de la femme et la protection contre la violence s'est amélioré afin notamment de réduire la polygamie et d'interdire les mutilations génitales féminines. Pour ce qui a trait de la menace spécifique de l'organisation de l'«État islamique», la délégation a déploré que la communauté internationale n'ait pas opposée un front uni face au «viol» des villes iraquiennes du Nord.
Le rapporteur du Comité chargé du rapport de l'Iraq, M. Marc Bossuyt, a regretté que le rapport ne contienne aucune information sur la lutte contre la discrimination raciale ni d'informations sur la composition de la population sur les plans religieux et ethnolinguistiques. Les loyautés au sein de l'armée et de la police sont à l'origine de divisions en fonction de critère religieux et ethniques, a-t-il déploré. Face à la situation actuelle, où le gouvernement a perdu le contrôle des deux tiers de son territoire, le rapporteur a fait deux propositions: la création de toute urgence d'une commission d'enquête par le Conseil des droits de l'homme, et la constitution d'une force de paix des Nations Unies qui sécuriserait une zone démilitarisée susceptible de permettre le retour des populations déplacées.
Les observations finales du Comité sur tous les rapports examinés au cours de la session seront rendues publiques à la clôture des travaux, le vendredi 29 août prochain.
Cet après-midi, à 15 heures, le Comité entamera l'examen du rapport du Japon (CERD/C/JPN/7-9).
Présentation du rapport
Présentant le rapport périodique du Iraq (CERD/C/IRQ/15-21), M. ABDULKAREEM ABDULLAH SHALLAL AL-JANABI, Vice-Ministre des droits de l'homme, a reconnu que son pays traversait des circonstances extrêmement graves. Il a exprimé l'espoir qu'un nouvel exécutif serait rapidement formé à la suite des dernières élections. L'État fait face aux menées et exactions de l'État islamique en Iraq et au Levant qui a détruit des lieux de cultes, profané des sépultures, se livrant à des tueries qui ont entraîné des déplacements massifs de populations, des cas de traite d'êtres humains ayant même été rapportés. Au nom de l'islam, on entend ramener le pays au Moyen Âge, alors que ces pratiques n'ont qu'un rapport lointain avec la religion musulmane.
Il ne s'agit là que d'un aperçu des souffrances endurées par une population éprise de paix et de liberté. La communauté internationale, dont le Comité est l'une des émanations, doivent mettre en avant des propositions qui permettent de s'opposer à un mouvement extrêmement dangereux qui constitue une menace pour tous les pays, quelle que soit leur importance géopolitique, a souligné le chef de la délégation iraquienne.
L'Iraq fait est vivement attaché à la coopération avec la communauté internationale et à la protection des droits de l'homme. M. Al-Janabi a précisé que le rapport avait été élaboré à la suite d'une large concertation, en particulier une consultation de la population, notamment par le biais de l'Internet. Les principes d'équité et de lutte contre la discrimination sont appliqués dans les domaines culturel, économique et social. La Constitution garantit l'égalité de tous devant la loi, quels que soient la race, le sexe, la confession ou le statut économique. Elle reconnaît le caractère pluriethnique du pays, y compris dans la région autonome du Kurdistan.
Pour ce qui a trait aux droits civils et politiques, un certain nombre de sièges sont réservés aux chrétiens, aux Turkmènes et aux Yézidis. L'appareil sécuritaire s'efforce de refléter la diversité du pays, a assuré le Vice-Ministre. La Constitution prévoit que chacun est libre de choisir sa religion et de la pratiquer. Un conseil consultatif a été établi pour les affaires religieuses au sein du Conseil des ministres.
Un certain nombre d'instances spécifiques – Commission des droits de l'homme, Commission de la femme et des enfants notamment – ont été mises sur pied dont certaines sont présidées par des femmes. Des organes de justice transitionnelle ont été créés. Au Kurdistan, un haut-conseil pour les femmes a été mis en place, ainsi qu'un un tribunal spécial pour les femmes et un réseau de refuges pour les femmes battues. Un comité est chargé par ailleurs de traduire dans les politiques publiques et la législation nationale les instruments internationaux auxquels l'Iraq est partie.
Par ailleurs, des mesures de restitution de propriétés et de lieux de culte ont été prises en faveur des victimes de l'ancien régime. Les écoles enseignent dans toutes les langues nationales là où la composition de la population le justifie.
Le chef de la délégation a précisé qu'au Kurdistan, 34 chaînes satellitaires avaient été autorisées, y compris dans les langues turque et arabe. Le Gouvernement a adopté une politique relative aux droits et libertés de la population, incluant la protection des lieux de culte. Par ailleurs, le Ministère de l'éducation a établi des départements chargés des populations kurde, syriaque et araméenne. Il a renforcé la culture des droits de l'homme en organisant des campagnes de sensibilisation.
Les communautés minoritaires, leurs lieux de culte sont protégés par les forces de sécurité. Des campagnes en faveur de l'unité nationale et pour la bonne entente entre communautés ont été organisées.
En conclusion, le chef de la délégation iraquienne a rappelé que toutes ces initiatives étaient affectées par les difficultés de l'heure. L'Iraq souhaite que la primauté du droit soit établie, que la justice et l'égalité prévalent, conformément à la Constitution.
Examen du rapport
Questions et observations des membres du Comité
M. MARC BOSSUYT, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de l'Iraq, qui a d'abord procédé à une analyse minutieuse de ce document, a constaté que n'y figuraient pas d'informations sur le statut des traités ratifiés dans la législation nationale. Il a constaté que l'interdiction de la discrimination ne semblait pas figurer dans le code pénal. Toutefois, le rapport fait état d'un projet de loi sur la mise en œuvre de l'article de la Constitution interdisant le racisme, le terrorisme et l'épuration ethnique. Le rapporteur a par ailleurs relevé une application inégale de la loi sur la nationalité, excluant les juifs et qui maintient indéfiniment les Palestiniens en situation d'apatridie.
S'agissant du Plan national d'action pour les droits de l'homme approuvé par le Gouvernement en 2011, le rapport ne contient aucune information sur la lutte contre la discrimination raciale. Quant à la Haute-Commission pour les droits de l'homme, elle ne fonctionne pas correctement, le rapporteur se demandant si elle répondait bien aux Principes de Paris. Il a voulu savoir quelles mesures ont été prises en faveur de l'élimination de la discrimination raciale. Par ailleurs, le rapport ne contient pas d'informations sur des plaintes éventuelles et quant à d'éventuels procès pour discrimination raciale. Il a aussi noté des préjugés et des stéréotypes véhiculés par les manuels scolaires et dans la littérature, en particulier contre les Iraquiens noirs ou à la peau sombre, ainsi qu'à l'encontre des Yézidis.
M. Bossuyt a constaté par ailleurs au sujet des groupes religieux et ethnolinguistiques que le rapport ne comportait pas d'informations sur la composition de la population. Il a relevé que les agressions visant des membres des communautés sunnite, chabak, yézidie et turkmène, contre les pèlerins chrétiens ou chiites faisaient rarement l'objet d'enquêtes, ce qui crée un climat d'impunité. Il a aussi noté l'augmentation des discours sectaires après les élections législatives de 2010 et l'incapacité à former un gouvernement d'entente nationale. Par ailleurs, la communauté bahaïe est la cible de discrimination en matière d'accès la citoyenneté.
Les loyautés au sein de l'armée et de la police entraînent des divisions en fonction de critère religieux et ethniques. Par ailleurs, les communautés yézidie et mandéenne ne sont pas représentées proportionnellement à leur poids démographique au sein de l'exécutif, selon un arrêt de la Cour suprême fédérale de 2010.
Quant aux Iraquiens de race noire, au nombre de deux millions, ils sont la cible d'une discrimination systématique – 80% d'entre eux sont analphabètes et au chômage. On note par ailleurs un fort taux de suicide chez les femmes yézidies. Les Turkmènes ne peuvent enseigner leur langue et les langues assyrienne et araméenne sont menacées de disparition, selon l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture.
Le rapporteur a relevé que l'Iraq n'était pas partie à la Convention sur les réfugiés de 1951. Il a aussi souligné qu'en janvier 2013, on comptait 1 131 000 personnes déplacées dans le pays. En outre, 100 000 Kurdes sont en situation d'apatridie depuis plusieurs dizaines d'années.
M. Bossuyt s'est dit conscient que le rapport de l'Iraq était examiné «à un moment tout à fait exceptionnel». Il a rappelé qu'il y avait très exactement onze ans jour pour jour, alors qu'il était réuni en session, le Comité apprenait l'attentat de Bagdad contre l'immeuble des Nations Unies dans lequel devaient périr 23 personnes dont le Représentant du Secrétaire général et Haut-Commissaire aux droits de l'homme, Sérgio Vieira de Mello. «Ils se sont sacrifiés pour que la paix et les droits de l'homme règnent en Iraq, pays où il reste encore beaucoup d'efforts à faire», a-t-il déclaré.
Le rapporteur a constaté que le Gouvernement représentant l'État partie était démissionnaire, un gouvernement d'union nationale étant censé lui succéder prochainement. Il a exprimé l'espoir que celui-ci serait mieux à même de faire face aux défis «colossaux» auxquels l'Iraq est confronté. Il a constaté que le Gouvernement avait perdu le contrôle des deux tiers de son territoire, les zones mêmes où se produisent les plus graves violations des droits de l'homme et de la Convention. Selon diverses sources, des actes de barbarie de grande envergure y ont été commis ces derniers temps. Cette barbarie, cette terreur et ces atrocités ne s'expliquent pas seulement, selon lui, par la haine à l'égard de toute personne ayant une culture, une ethnie ou une religion différente, ou adhérant seulement à une interprétation différente de la même religion, «elles visent manifestement des objectifs à plus long terme, à savoir l'établissement d'un nouvel État monolithique épuré de toute présence de personnes différentes de soi-même en les éliminant physiquement ou en les chassant délibérément de leurs territoires parfois ancestraux». Ce sont les civils eux-mêmes qui constituent l'objectif de ces attaques, en violation flagrante du droit international humanitaire.
Les actes commis en Iraq sont contraires à la lettre et à l'esprit de la Convention et relèvent donc de sa compétence. Alors que la protection de toutes les personnes se trouvant en Iraq incombe d'abord à son gouvernement, il apparaît que celui-ci ne parvient pas à le faire, a-t-il constaté.
Pour M. Bossuyt, le Comité pourrait faire deux recommandations à la communauté internationale ou aux États parties à la Convention. En premier lieu, «il est urgent d'établir une commission d'enquête chargée d'examiner les causes de cette déflagration rapide de violence à grande échelle». Qui appuie ce soi-disant État islamique? Qui permet le recrutement de ses combattants? Qui empêche la prise de mesures efficaces pour endiguer son avancée, a-t-il encore demandé. «Il n'y a pas de temps à perdre : le Conseil des droits de l'homme doit se réunir en session extraordinaire pour décider d'établir une telle Commission d'enquête». En second lieu, la constitution d'une force des paix des Nations Unies devrait être envisagée sérieusement pour sécuriser une zone démilitarisée, dans la plaine de Ninive par exemple, afin de favoriser le retour des personnes déplacées et afin que leur situation ne devienne pas irréversible.
M. Bossuyt a demandé des précisions sur les relations entre la région autonome kurde et le gouvernement central iraquien.
Parmi les autres membres du Comité, un expert s'est félicité du haut niveau de la délégation, ce qui permet d'établir un dialogue de haut niveau. Il s'est étonné de l'émergence du mouvement dit de l'État islamique dans un pays où cohabitent depuis des siècles des communautés extrêmement diverses. Il s'est aussi étonné que l'État-partie regroupe les chrétiens sous une appellation unique, rappelant qu'il s'agissait d'un groupe hétérogène, composé d'ethnies et d'obédiences religieuses diverses. Il s'est interrogé par ailleurs sur le rôle éventuel du Conseil de sécurité et sur la création éventuelle d'une zone démilitarisée dans la région de Ninive, se demandant si cela saurait suffire.
Un expert a demandé ce qui pouvait expliquer la déroute de l'armée nationale et pourquoi l'État s'était montré impuissant à protéger des minorités présentes depuis des millénaires dans le pays. Comment expliquer qu'en quelques semaines, un groupe armé ait pu provoquer des ravages d'une telle ampleur? Cela signifie-t-il que la population ou une partie de la population a perdu confiance dans les autorités, ce qui aurait ainsi favorisé les bouleversements actuel? Le même expert a souhaité savoir qui contrôlait la ville de Kirkouk. Il a noté la situation particulière des Turkmènes, poussés à fuir cette ville depuis plusieurs années. Quant à la représentation politique des différentes communautés dans le pays, il s'est félicité que des quotas aient été fixés dans la région autonome kurde. Ceux-ci posent toutefois un problème dans la mesure où dans des conditions normales, de tels contingents peuvent se révéler restrictifs, empêchant les minorités d'être pleinement représentés, en particulier en l'absence de recensement fiable.
Un autre membre du Comité s'est félicité de la diversité d'une délégation qui représente «un Iraq que nous aimons, celui de l'unité dans la diversité». Il a relevé l'immense souffrance qui est le lot de la population, l'Iraq d'aujourd'hui n'étant plus un territoire sûr pour les Yézidis, les Chaldéens et d'autres communautés. À l'instar de M. Bossuyt, il s'est dit favorable à la création d'une zone démilitarisée susceptible de permettre le retour des déplacés.
Se félicitant de la représentation féminine significative au sein de la délégation, une experte s'est enquise de la situation des femmes, particulièrement de celles appartenant à des minorités, faisant état d'informations décrivant une situation particulièrement dramatique. Elle a aussi souhaité avoir des précisions sur la représentation politique des minorités au sein du Parlement autonome kurde. Elle a demandé à la délégation de quelle manière le Comité pourrait contribuer à une meilleure application de la Convention, en particulier face à la discrimination dont souffrent les Noirs et les Roms en Iraq.
Un membre du Comité a souligné que l'on faisait face à une situation inédite dont le Comité pouvait difficilement faire abstraction et a estimé que des mesures devront être prises en faveur de la participation politique, de l'égalité, des minorités en particulier, une fois que la situation serait revenue à la normale dans le pays. Il conviendrait de réfléchir à un système alternatif permettant de mieux assurer la représentation des groupes ethniques, chrétiens assyriens et turkmènes en premier lieu, notamment au sein des forces de sécurité. Une fois que le gouvernement aura repris le contrôle du territoire, des mesures devront aussi être prises pour permettre le retour des déplacés, certains ayant fui avant même le début des troubles actuels. Il a aussi mentionné les conversions forcées à l'islam de femmes assyriennes.
Un membre du Comité a dit avoir le sentiment que le rapport ressemblait davantage à un avant-projet, à un relevé d'intentions plutôt qu'à un bilan. Une experte a noté que la délégation iraquienne se présentait devant le Comité «alors que la maison brûle», jugeant très courageux de présenter un rapport dans une telle situation. La situation a été saisie à bras-le-corps par la communauté internationale, au premier rang de laquelle le Conseil de sécurité et bientôt le Conseil des droits de l'homme, a-t-elle ajouté. Elle a souhaité savoir si la délégation attendait quelque chose de particulier du Comité, un Comité dont le mandat lui permet certaines initiatives et qu'il a bien l'intention de prendre. Y a-t-il risque de génocide, a-t-elle demandé, soulignant que le génocide était «peut-être la pire forme de discrimination raciale».
Pour une autre experte, il semblerait normal que l'Iraq ratifie la Convention de Genève de 1951 relative au statut de réfugiés, s'il entend bénéficier d'une assistance internationale à cet égard.
Un autre expert a souhaité savoir comment étaient considérés, au Kurdistan, les minorités ayant fui l'intérieur de l'Iraq. Sont-elles traitées comme des groupes culturels ou comme des groupes ethniques? Participent-elles à la vie politique de la région? Le même expert s'est interrogé sur la protection sociale dont semblent exclues certaines catégories, les employés de maison notamment.
Un expert a souhaité savoir si l'on disposait de statistiques sur le pourcentage de membres des minorités au sein de l'administration. Quant à la situation des Noirs en Iraq, il a dit ne pas prétendre qu'il y a avait nécessairement discrimination mais souhaité avoir des informations sur leur sort. Un autre expert s'est étonné que la délégation ne reconnaisse pas qu'il puisse y avoir un problème s'agissant des Iraquiens noirs.
Un autre membre du Comité, qui a rappelé que des milices avaient été formées sur des bases communautaires, ce qui constitue une menace à l'unité du pays, a demandé s'il ne vaudrait pas mieux en finir totalement avec ce «sectarisme». Il a demandé ce qu'il en était de l'obligation faite aux enfants d'avoir la religion du père et de l'impossibilité de renoncer à l'islam. Un autre expert a dit avoir eu le sentiment pendant cette réunion que le mot «sunnite» était tabou. Il a ajouté que l'avenir était dans le partage, ce qui implique à la fois équité et justice et aussi que toutes les parties concernées aient leur part dans le partage du pouvoir.
Une experte a souhaité que le prochain rapport de l'Iraq soit plus concret s'agissant des projets gouvernementaux.
Réponses de la délégation
Répondant d'abord aux questions sur la situation au Kurdistan iraquien, la délégation iraquienne a fait valoir les mesures prises en faveur de l'égalité des sexes, contre les crimes d'honneur, tout en se disant consciente de la difficulté de lutter contre les mutilations génitales féminines. Elle a reconnu manquer de statistiques sur ce dernier point, estimant qu'elles semblaient surtout prévalantes dans les régions reculées du pays. L'afflux des réfugiés au Kurdistan a porté leur nombre à 1,5 million de personnes, pas moins de 700 000 étant arrivés dans une période récente. La délégation a indiqué que onze sièges étaient réservés aux minorités au sein du Parlement local. Face à la situation présente, le Kurdistan a besoin d'une solide protection de la part de la communauté internationale. Le pays fait face à une situation critique, alors que des minorités ont dû fuir massivement leur région d'origine pour se réfugier là où elles le pouvaient. Certaines dispositions de la Constitution ne sont pas mises en œuvre, tandis que le partage des ressources naturelles demeure problématique. Des législations sur la famille avaient été votées par l'Assemblée nationale kurde. Par ailleurs, les langues minoritaires, la liberté religieuse sont protégées. La coexistence pacifique prévaut entre communautés, le gouvernement local ayant pris des mesures incontestables en ce sens.
La délégation a par ailleurs reconnu que les relations n'étaient pas aisées entre les deux niveaux de gouvernement - kurde et central. Le chef de la délégation a ensuite tenu à souligner que certaines questions politiques internes ne relevaient pas du mandat du Comité, particulièrement lorsqu'elles ne font pas consensus entre les autorités fédérales de Bagdad et autonomes d'Erbil. Seule la mise en œuvre des dispositions de la Convention sont pertinentes, a-t-il estimé. Certains problèmes internes n'ont pas à être abordés ici.
Le Vice-Ministre des droits de l'homme a souligné que son pays faisait face à un groupe terroriste n'obéissant à aucune religion, ne respectant aucune confession, aucune communauté du pays n'étant à l'abri de ses attaques. Le peuple iraquien est un peuple uni, et ce depuis plusieurs milliers d'années, a-t-il assuré. La situation est difficile non seulement pour l'Iraq mais aussi pour la communauté internationale, a-t-il ajouté, reconnaissant un certain retard des autorités dans la réponse à apporter.
S'agissant de la place de la Convention dans l'ordre juridique interne, la délégation a souligné que la Constitution précise que l'Iraq respecte ses obligations internationales. Les législations nationales disposent de leur propre mécanisme d'adoption par voie parlementaire. La majorité des deux tiers est nécessaire à toute ratification. La mise en œuvre nécessite l'adoption de lois spécifiques suivie de la promulgation des décrets d'application.
Pour ce qui concerne l'absence de mention de la discrimination dans le code pénal, la délégation a souligné que la loi interdit toute discrimination. Un certain nombre de projets de loi sont en préparation, la délégation reconnaissant toutefois que leur adoption connaissait des retards, notamment pour des raisons politiques.
La Haute-Commission des droits de l'homme est un organe indépendant conforme aux Principes de Paris. Créée en 2008, il s'agit d'une institution nationale indépendante dont les 15 membres sont élus par le Parlement iraquien. Ses objectifs sont les suivants: recevoir les plaintes des individus, des groupes et des organisations de la société civile concernant les violations des droits de l'homme actuelles ou commises par le passé, mener des enquêtes préliminaires sur les violations des droits de l'homme, vérifier l'exactitude des plaintes reçues et mener des enquêtes préliminaires le cas échéant, voire engager des poursuites. La Haute-Commission peut aussi effectuer des visites dans les centres de détention, ainsi que dans tout établissement pénitentiaire, sans autorisation préalable de son administration.
La délégation a souligné que l'ensemble des Iraquiens avaient été les victimes du terrorisme. Des mesures d'indemnisation ont été adoptées pour les personnes ayant subi des préjudices matériels ou moraux. Plusieurs centaines de victimes ont été indemnisées, la délégation reconnaissant que plusieurs milliers de cas demeurant en souffrance. S'agissant des déplacements de population, la délégation a reconnu qu'il s'agissait d'un fardeau extrêmement lourd pour la région du Kurdistan, qui ne peut l'assumer seule. Les portes des Iraquiens sont ouvertes pour accueillir les réfugiés et déplacés, a assuré la délégation.
Bien que l'Iraq ne soit pas partie à la convention de 1951 relative au statut des réfugiés, une loi de 1970 en respecte l'esprit, a assuré la délégation, qui a souligné que le Gouvernement était favorable à l'adhésion de l'Iraq. Ce choix exige néanmoins une réflexion approfondie puisqu'il restreint la souveraineté nationale. Toutefois, aucun réfugié ne saurait être renvoyé contre son gré dans quelque pays que ce soit.
La délégation a aussi évoqué le cas des opposants Iraniens au régime de Téhéran et qui avaient été accueillis dans le pays par l'ancien régime. Ceux-ci ont été désarmés par l'armée américaine, puis transférés dans la région de Bagdad depuis le camp d'Ashraf où ils étaient hébergés à l'origine. Ces personnes n'étaient pas considérées comme des réfugiés sous l'ancien régime. Aujourd'hui, considérées comme des soutiens au terrorisme, elles ne peuvent prétendre bénéficier de ce statut, a précisé la délégation.
S'agissant de la discrimination présumée envers les Palestiniens, la délégation a souligné que la Ligue arabe a convenu qu'ils ne puissent bénéficier de la nationalité de leur pays de résidence afin de préserver leur droit au retour en Palestine, ce qui ne les empêche pas d'obtenir des documents d'identité iraquiens. Il n'y a par ailleurs pas de juifs en Iraq, a affirmé la délégation, qui a précisé que s'il y en avait ils auraient les mêmes droits que les autres Iraquiens. S'agissant des Kurdes chiites, dont certains ont été déchus de la nationalité iraquienne, une commission a été créée pour rétablir leurs droits. La majorité d'entre eux ont pu récupérer leurs biens ou être dédommagés, à la suite de l'action de la Commission des biens fonciers.
En ce qui concerne la situation des femmes, des efforts considérables ont été déployés pour lutter contre la discrimination, grâce à une série de lois et d'amendements consacrant le principe de l'égalité de tous et prévoyant l'élimination de toutes les formes de discrimination sexiste. Une commission pour l'égalité des sexes a été mise en place. La loi sur la nationalité adoptée en 2006 a éliminé toute distinction entre les hommes et les femmes en matière de transmission de la nationalité aux enfants. En outre, une attention particulière a été accordée à la participation des femmes au processus national de prise de décisions; au moins 25 % des sièges du Parlement et des conseils des gouvernorats sont réservés aux femmes. Une politique gouvernementale a été adoptée en vue de promouvoir les droits des femmes dans tous les domaines de la vie civile. Cette politique a donné lieu à la création en 2008 de la Direction de la police sociale, qui protège les femmes contre la violence et qui est chargée, notamment, de régler les différends familiaux. En outre, la Direction de la protection des familles a été créée en 2009 pour régler les différends et les conflits familiaux à l'amiable, sans passer par le système judiciaire. Ce comité, appelé «Haut Comité de protection des familles», est chargé de trouver des solutions et de remédier aux différentes formes de violence domestique. Ses tâches consistent notamment à élaborer une loi pour lutter contre ce fléau, établir un projet de stratégie nationale pour combattre la violence à l'égard des femmes, et procéder à un examen global des lois iraquiennes contenant des dispositions sexistes. Le mariage précoce est un problème, a par ailleurs reconnu la délégation.
Dans la région du Kurdistan, le cadre juridique et législatif concernant la promotion des femmes et leur protection contre la violence s'est amélioré. En effet, un ensemble de conditions supplémentaires a été fixé afin de réduire la polygamie et interdire les mutilations génitales féminines. De même, les circonstances atténuantes pour les crimes d'honneur ont été supprimées. Cependant, les statistiques font état d'une augmentation de la violence à l'égard des femmes dans la région. On avait estimé à environ 117 le nombre de femmes décédées du fait d'actes de violence en 2008 et à 333 le nombre de cas enregistrés de femmes victimes d'immolation par le feu.
Aucune loi appliquée par le Ministère de l'éducation ne fait de distinction entre les femmes et les hommes dans le domaine de l'éducation, de la maternelle aux études universitaires. Le Ministère de l'éducation s'efforce d'assurer aux enfants, garçons et filles, un enseignement obligatoire dans le primaire. S'agissant plus spécifiquement des femmes appartenant à des groupes minoritaires, la délégation a démenti toute discrimination. S'agissant du taux élevé de suicides chez les femmes yézidies, il s'explique en partie par des conditions sociales, le manque de travail en particulier.
L'analphabétisme est élevé en Iraq puisqu'il concerne de 18 à 20% de la population. Le plan de lutte contre ce fléau prévoit de le ramener à 6% en 2020.
Les langues arabe et kurde sont langues officielles. Les langues des minorités - turkmène, assyrien, syriaque, arménien - sont enseignées là où l'importance de la population le justifie. La Constitution iraquienne en vigueur garantit également pour les enfants des minorités la possibilité de bénéficier d'un enseignement dans leur langue maternelle au sein des établissements éducatifs publics et privés.
La délégation n'a pas connaissance de plaintes de la part de membres des minorités, ou de fidèles de la religion bahaïe, mentionnées par des membres du Comité. Elle a démenti toute discrimination envers les minorités dans les forces de sécurité. Elle a cité le cas d'un général provenant d'un groupe minoritaire et précisé que l'armée comptait quelque 150 Yézidis. Le peuple iraquien est un seul et même peuple ayant une seule et même identité au sein de laquelle coexistent différents foyers culturels. C'est un pays qui vit «l'unité dans le cadre de la diversité». Les minorités sont représentées dans les conseils provinciaux. En réponse à la question relative à la marginalisation des Noirs et des Roms posée par des membres du Comité, la délégation a indiqué qu'une campagne d'alphabétisation avait été menée. Elle a précisé que la population de race noire vivait principalement dans le gouvernorat de Basra. Ils ont les mêmes droits que le reste de la population. Le taux de chômage qui est de 11% et de 18% pour l'analphabétisme est conforme au reste de la population.
La délégation a confirmé que les mariages mixtes étaient de plus en plus fréquents, notamment entre individus de confessions musulmanes sunnite et chiite. S'agissant de la discrimination dans le cadre du mariage concernant les femmes chrétiennes, elle a assuré que rien n'oblige les chrétiennes à se convertir en cas de mariage avec un musulman.
La liberté d'expression est garantie par la Constitution et toute personne qui considère que l'on porte atteinte à ce droit peut porter plainte en justice.
D'une manière générale, le terrorisme ne saurait avoir la moindre justification, a souligné la délégation. À l'heure actuelle, des groupes sont armés et financés au point de disposer de moyens supérieurs à l'armée iraquienne qui est elle-même toujours dans un processus de formation. La situation actuelle, la conquête de Mossoul en particulier, est due à des éléments armés venus de l'extérieur du pays.
Pour ce qui a trait de la menace spécifique de l'organisation État islamique (en Iraq et au Levant), la proclamation du califat est totalement étrangère à l'islam, a affirmé la délégation qui a déploré que la communauté internationale n'ait pas opposée un front uni face au «viol» des villes iraquiennes du Nord. La nouvelle armée iraquienne créée après 2003 a pâti de la dissolution de l'ancienne armée iraquienne. Il faut en effet des années pour créer une armée digne de ce nom, a souligné la délégation. On croit parfois que les peshmergas kurdes disposent de moyens supérieurs à ceux de l'armée fédérale, ce qui n'est pas le cas, comme on a pu le constater dernièrement. S'agissant du chef de l'État islamique, un certain Abou Bakr Al-Bagdadi, selon son pseudonyme, une récompense de dix millions de dollars a été promise pour toute information à son sujet. Les exactions commises pendant cette période sont dûment répertoriées, abus qui ont particulièrement affecté les minorités. La délégation a notamment cité l'expropriation, l'esclavage des femmes, le refus de soins. Il a cité le cas d'une chirurgienne à laquelle ont été imposées des obligations vestimentaires draconiennes pour pouvoir continuer de pratiquer des opérations. Même les musulmans ne sont pas à l'abri des diktats de cette organisation. Toute personne professant une opinion dissidente risque d'être exécutée sur le champ, selon la délégation. Elle a ajouté que les archives du Ministère des droits de l'homme à Mossoul avaient été détruites.
La délégation a émis l'espoir que la communauté internationale utiliserait tous les moyens à sa disposition pour assister le peuple iraquien car si l'Iraq tombe, c'est le Moyen-Orient et le reste du monde qui sombrera. La délégation a indiqué que Bagdad avait demandé la tenue d'une session extraordinaire du Conseil des droits de l'homme en vue de l'adoption d'une résolution en faveur de la nomination d'une commission d'enquête. Une enveloppe de 500 milliards de dinars iraquiens a été débloquée pour faire face à une situation sécuritaire et humanitaire extrêmement critique dans le pays.
S'agissant de la question portant sur les risques de génocide, le pays fait en effet face à un tel péril de par les activités des mouvements terroristes, a indiqué la délégation.
Le chef de la délégation a reconnu par ailleurs que les minorités du pays faisaient face à un danger vital, auquel les autorités s'efforcent de répondre. La délégation a donné des chiffres détaillés sur l'exode des chrétiens, notamment vers Bagdad ou le Kurdistan. Elle a relevé que plusieurs pays, dont la France, avaient offert l'asile à ces populations. Elle a de nouveau assuré qu'aucune discrimination d'aucune sorte n'existait dans l'armée ou la police.
S'agissant du nombre de victimes de la violence, les dernières statistiques disponibles font état de plus de 74 000 «martyrs» entre 2010 et 2013, a indiqué la délégation.
Le chef de la délégation a souligné que son pays avait besoin d'une assistance du Comité dans l'édification d'institutions modernes. Le pays a besoin d'appuis techniques pour former les fonctionnaires à la mise en œuvre de la Convention. L'Iraq est entièrement disposé à coopérer, éventuellement dans le cadre d'un programme spécial. La délégation a dit espérer que le dialogue se poursuivrait.
Conclusions
Le rapporteur, M. BOSSUYT, s'est félicité du caractère complet et sincère des réponses apportées. Il est décevant toutefois de constater que les résultats obtenus ne soient pas à la hauteur des efforts engagés. Le Comité est conscient de l'épreuve à laquelle est confronté le pays, et qui concerne le reste du monde. Tout ce que nous pouvons faire, nous devons le faire, a-t-il conclu au sujet du rôle du Comité. Il avait auparavant dit partager et comprendre l'émotion exprimée par la délégation face à la situation actuelle du pays. S'agissant des chrétiens, il s'est dit frappé par le fait que leur population soit passée de 1,4 million il y a dix ans à 300 000 aujourd'hui. En dépit des mesures prises en faveur des minorités, ce constat est inquiétant. Il a par ailleurs souligné que la Convention de 1951 sur le statut de réfugié ne comportait qu'une seule véritable obligation, à savoir le non-refoulement vers des pays où existe un risque de persécution. Il a rappelé que l'adhésion à tout instrument international avait nécessairement des répercussions en matière de souveraineté nationale.
M. AL-JANABI, Vice-Ministre iraquien des droits de l'homme, a souligné l'importance de cette réunion à un moment crucial pour l'Iraq et pour l'humanité toute entière, comme l'a souligné lui-même le rapporteur. Le pays ne dispose certainement pas de tous les moyens nécessaires pour mettre en œuvre la Convention. Il est disposé à revenir dans deux ans à Genève en avec la ferme intention de dresser un bilan moins décevant de la mise en œuvre de la Convention.
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