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Communiqués de presse Conseil des droits de l’homme

Le conseil des droits de l'homme tient une réunion-débat portant sur la sécurité des journalistes

11 Juin 2014

MATIN

11 juin 2014

Le Conseil des droits de l'homme a tenu ce matin une réunion-débat sur la question de la sécurité des journalistes.

Ouvrant le débat, la Haut-Commissaire aux droits de l'homme, Mme Navi Pillay, constaté une prise de conscience internationale quant à la nécessité d'assurer aux journalistes une meilleure protection. Il ne manque aujourd'hui qu'un engagement politique sans équivoque pour offrir aux journalistes des garanties qu'ils peuvent travailler en toute sécurité.

La réunion, animée par la journaliste Mme Ghida Fakhry, journaliste libanaise à Al Jazeera, comptait avec la participation des panélistes suivants: M. Getachew Engida, Directeur général adjoint de l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO); Mme Dunja Mijatović, représentante pour la liberté des médias de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE); M. Frank La Rue, Rapporteur spécial sur la promotion et la protection du droit à la liberté d'opinion et d'expression; Mme Abeer Saady, journaliste et vice-présidente du syndicat des journalistes d'Égypte; et M. Frank Smyth, journaliste et conseiller principal au Comité pour la protection des journalistes.

M. Smyth, a attiré l'attention sur la recrudescence des meurtres de journalistes, soulignant que deux tiers des journalistes tués le sont par voie de crime et en toute impunité, dans toutes les régions du monde; il a plaidé pour des mesures concrètes telles que la mise en place de procureurs spécifiques. M. Engida a souligné que de nombreux États n'ont encore pris aucune mesure pour lever l'impunité des auteurs de crimes contre des journalistes; il faut faire preuve de volonté politique et adapter les systèmes juridiques nationaux et la formation des personnes concernées, notamment les policiers, magistrats et journalistes eux-mêmes. Mme Mijatović a ajouté qu'il est de la responsabilité des États de protéger les journalistes et de mettre en place des procédures judiciaires efficaces. Mme Saady a attiré l'attention sur la situation des journalistes au Moyen-Orient, où ont été tués 49 des 70 journalistes tués en 2013. Elle a également mis l'accent sur la situation des femmes journalistes, qui peuvent faire l'objet d'agressions sexuelles ou de calomnies qui portent atteinte à leur honneur. Pour M. La Rue, la protection des journalistes exige d'abord une volonté politique claire, ainsi que des mesures juridiques de protection de la liberté de la presse et la lutte contre l'impunité. Il a estimé que le moment était venu d'adopter une déclaration des Nations Unies sur les journalistes.

Au cours des échanges qui ont suivi, les délégations ont salué le métier de journaliste et rendu hommage à ceux qui risquent leur vie au nom du droit à l'information. Plusieurs délégations ont fait état des mesures de protection spécifiques adoptées dans leurs pays respectifs. D'autres ont estimé qu'il fallait aller plus loin, y compris au niveau international, notamment par l'adoption de directives claires et équilibrées comme un code international ou des mécanismes de protection spécifiques. Toutes ces mesures ne doivent pas faire oublier aux journalistes leurs devoirs et obligations, ont nuancé d'autres délégations, soulignant que les journalistes et les médias doivent respecter la morale, les lois en vigueur et la souveraineté des pays où ils opèrent; il faut trouver l'équilibre entre la liberté d'expression et la protection contre la diffamation ainsi que le respect de la personne et de la vie privée. L'absence d'une information libre laisse libre cours à la propagande et menace les principes démocratiques et la bonne gouvernance, a-t-il aussi été souligné.

Les délégations suivantes ont pris part à ce débat : Union européenne, Égypte (Groupe arabe), Fédération de Russie (pays du Traité de sécurité collective), Autriche, Maroc, Brésil, Estonie, Tunisie, Monténégro, Équateur, Colombie, Algérie, Slovénie, Mexique, Lituanie, Royaume Uni, Suisse, Organisation internationale de la Francophonie, États-Unis, Pologne, France, Grèce, Inde, Pakistan, Italie, Chine, République tchèque et Portugal. Les organisations non gouvernementales suivantes ont également participé: Article 19 - Centre international contre la censure, Fédération internationale des journalistes, Presse Emblème Campagne, Forum asiatique pour les droits de l'homme et le développement, East and Horn of Africa Human Rights Defenders Project et l'Union internationale humaniste et laïque.

Le Conseil poursuit ses travaux à la mi-journée pour conclure son débat interactif entamé hier avec les Rapporteurs spéciaux sur la promotion et la protection du droit à la liberté d'opinion et d'expression et du Rapporteur spécial sur le droit de réunion pacifique et la liberté d'association, avant de se pencher sur les rapports portant sur le droit à la santé et sur la responsabilité des entreprises en matière de droits de l'homme.

Réunion-débat sur la question de la sécurité des journalistes

Déclarations liminaires

MME NAVI PILLAY, Haut-Commissaire aux droits de l'homme, a déclaré qu'un journalisme sain et indépendant était vital pour toute société démocratique. Cette activité dérive du droit à avoir une opinion et à la diffuser et la faire partager, ainsi que du droit à la recherche d'informations et d'idées. C'est ce qui assure la transparence de la responsabilité dans les affaires publiques et d'autres questions d'intérêt général. C'est aussi ce qui alimente et permet la participation pleine et entière et en toute connaissance de cause à la vie politique et aux processus de décision.

La sécurité des journalistes est essentielle à la réalisation de tous les droits de l'homme, droits économiques, sociaux et culturels, droits civiles et politiques et droit au développement . Et pourtant, a rappelé Mme Pillay, un millier de journalistes ont été tués depuis 1992 du fait de leur activité. Les années 2012 et 2013 ont compté parmi les années les plus meurtrières et au moins 15 journalistes ont été tués depuis le début de 2014. Dans de nombreux États, les assassins bénéficient d'une quasi impunité: entre 2007 et 2012, moins d'un assassinat sur dix de journaliste a abouti à une accusation. En outre, de nombreuses autres violences sont exercées à l'encontre des journalistes, tels qu'enlèvements et séquestrations arbitraires, disparitions forcées, intimidations, tortures, expulsions et violences sexuelles contre les femmes journalistes. Des journalistes ont été jugés pour des faux motifs d'espionnage, d'atteinte à la sécurité nationale ou autre. Ils ont été condamnés à des périodes de prison excessives succédant parfois à des périodes de détention préventive très longues.

Mme Pillay a relevé une prise de conscience internationale depuis quelques années quant à la nécessité d'assurer aux journalistes une meilleure protection. Ainsi, le Conseil de sécurité des Nations Unies, l'Assemblée générale et le Conseil des droits de l'homme ont adopté des résolutions condamnant les atteintes contre les journalistes et appelé les États à assumer leurs responsabilités pour créer un environnement favorable au travail des journalistes. En 2012, l'UNESCO a élaboré avec d'autres institutions onusiennes un plan d'action pour la sécurité des journalistes appliqué dans cinq pays pilotes. Des organisations régionales ont également pris des initiatives. Mme Pillay a par ailleurs rappelé que le Haut-Commissariat aux droits de l'homme a présenté, en septembre 2013, un rapport sur les bonnes pratiques en matière de protection des journalistes.

La Haut-Commissaire a plaidé en faveur d'un engagement politique sans équivoque pour offrir aux journalistes des garanties qu'ils peuvent travailler en toute sécurité. Le cadre juridique international de protection des journalistes existe, a-t-elle rappelé, mais il doit être appliqué au plan national. Les États doivent créer des conditions propices au plein respect des droits des journalistes et autres membres de la société. Selon la Haut-Commissaire, tout individu a droit à une protection pleine et entière de ses droits, qu'il soit ou non reconnu comme journaliste par l'État, qu'il soit un reporter professionnel ou un «citoyen journaliste», qu'il ait ou non un diplôme en journalisme et qu'il travaille ou non «en ligne», y compris comme blogueur. Il faut reconnaître que le journalisme évolue constamment.

Mme Pillay a cité comme exemple de bonnes pratiques les mécanismes d'alerte précoce permettant aux journalistes d'accéder immédiatement aux autorités et à des mesures de protection en cas de menaces. Mais, plus important encore, les États doivent combattre l'impunité. Chaque acte de violence doit faire l'objet d'une enquête. La reddition de comptes pour les attaques contre les journalistes est un élément essentiel de la prévention de nouvelles attaques. Des équipes d'enquête spécialisées ou des mécanismes d'enquête indépendants pourraient être mises en place à cet égard, a-t-elle suggéré. Il faut aussi former militaires et juges aux obligations découlant du droit international et relatifs à la protection des journalistes. Il y a encore beaucoup à faire pour protéger le travail essentiel des journalistes.

MME GHIDA FAKHRY, journaliste et animatrice du débat, a elle aussi insisté sur la dangerosité du métier de journaliste ces dernières années, en particulier sur les terrains de conflits, où ils sont victimes d'enlèvements ou, pire, trouvent la mort. Le débat d'aujourd'hui devra mettre l'accent sur ce qui peut être fait à la fois par les États, le Conseil ou les organisation de journalistes eux-mêmes pour accroître leur sécurité. L'animatrice a également observé que la distinction entre journalisme et militantisme n'est pas toujours très claire, les conventions de journalistes ne définissant pas explicitement cette frontière. Dans ce contexte, les journalistes présents pourront apporter leur expérience à cet égard.

Panélistes

M. FRANK SMYTH, Journaliste et conseiller principal au Comité pour la protection des journalistes, a estimé que beaucoup reste encore à faire en matière de protection des journalistes. Pour lui, la question centrale est la recrudescence des meurtres de journalistes. La plupart des journalistes tués - environ les deux tiers - l'ont été par voie de crime. Ces meurtres se déroulent dans la plus totale impunité, que ce soit dans les pays en guerre ou les pays dits démocratiques. Il faut prendre des mesures concrètes pour protéger les journalistes, notamment en créant des postes de procureurs spécifiques, a proposé M. Smyth, qui a affirmé que des résultats probants ont été observés dans les pays où cette mesure a été prise. L'immense majorité de journalistes assassinés - soit plus de 90% - sont des journalistes locaux. Un journaliste est tué toutes les trois semaines pour avoir enquêté sur les violations des droits de l'homme ou des faits de corruption impliquant des fonctionnaires ou responsables publiques.

M. GETACHEW ENGIDA, Directeur général adjoint de l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO), a présenté le Plan d'Action des Nations Unies sur la sécurité des journalistes et la question de l'impunité, élaboré par l'UNESCO. M. Engida a précisé toutefois que de nombreux États n'ont encore pris aucune mesure pour lever l'impunité des auteurs de crimes contre des journalistes. Les institutions publiques doivent faire preuve d'une véritable volonté politique, sans laquelle les initiatives de l'UNESCO et des organisations internationales seront vaines. Il convient aussi d'adapter les systèmes juridiques nationaux et d'organiser la formation des personnes concernées: policiers, magistrats et journalistes eux-mêmes. La transparence et la reddition de comptes avancent de pair, mais aucun mécanisme international n'est encore capable d'obliger les États à agir ou assumer leurs responsabilités.

MME DUNJA MIJATOVIĆ, représentante de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) pour la liberté des médias, a dit ne pas comprendre pourquoi les États ne respectent pas les engagements qu'ils ont pourtant assumés ensemble. Les agressions contre les journalistes ou contre la liberté d'opinion sont pourtant inacceptables. Plus de 30 meurtres de journalistes en Fédération de Russie n'ont pas fait l'objet d'enquêtes et il reste à déterminer qui se cachait derrière le meurtre de Mme Politkovskaya. Pourquoi le journalisme est-il confronté à des attaques si violentes? Il appartient aux États de protéger les journalistes et de mettre en place des procédures judiciaires efficaces. Il ne faut donc pas se voiler la face et ne pas hésiter à dénoncer publiquement les meurtres de journalistes, quitte à donner les noms des victimes. La liberté d'expression ne va pas de soi dans un certain nombre de pays, ce qui justifie que l'on investisse dans la formation et l'éducation, comme s'y emploie l'OSCE. Dans tous les cas, la volonté politique des États est indispensable.

MME ABEER SAADY, Journaliste et vice-présidente du syndicat des journalistes d'Égypte, a rappelé que le journalisme est une profession qui «ratisse très large», mais a souligné qu'un journaliste était une personne qui cherchait à informer la population. Elle a précisé que 49 des 70 journalistes tués en 2013 l'avaient été au Moyen- Orient et que 90% d'entre eux avaient été tués «d'une balle dans la tête» ou torturés avant d'être assassinés. Mme Saady a aussi rappelé que derrière les chiffres, il y avait des personnes, qu'il faut citer individuellement pour qu'on ne les oublie pas. En outre, les meurtriers ne sont quasiment jamais poursuivis. Pour Mme Saady, investir dans la sécurité des journalistes, c'est investir dans la sécurité de la région et dans l'enracinement de la démocratie dans la région. Le problème est celui de l'environnement dans lequel vivent les journalistes: se faire connaître en tant que journaliste n'est pas une garantie de protection; bien au contraire, on risque de vous prendre pour cible. La journaliste a plaidé pour qu'on parle aussi des journalistes nationaux et pas seulement des grands reporters internationaux. Ce sont le plus souvent les journalistes locaux qui sont pris pour cibles, alors qu'ils ont aussi leur famille et leurs proches sur place. En outre, les agences de presse internationales emploient souvent des journalistes locaux pour éviter de faire prendre des risques à leurs reporters internationaux, a affirmé Mme Saady. Mme Saady a aussi mis l'accent sur la situation des femmes journalistes, notamment les journalistes locales, qui peuvent faire l'objet d'agressions sexuelles ou de calomnies qui portent atteinte à leur honneur, avec des conséquences qui peuvent être très graves dans le cadre de leur communauté.

M. FRANK LA RUE, Rapporteur spécial sur la promotion et la protection du droit à la liberté d'opinion et d'expression, a souligné que toutes les personnes ont les mêmes droits et doivent donc bénéficier d'une même protection. Reste que certaines personnes courent des risques particuliers, notamment les défenseurs des droits de l'homme et les journalistes, qui doivent être protégés à ce titre. Cette protection exige d'abord une volonté politique claire: les dirigeants doivent prendre position publiquement en faveur de la liberté de la presse. Il faut également mettre en place des systèmes d'alarme permettant d'engager rapidement des mesures juridiques de protection de la liberté de la presse. En cas de crime ou de violations des droits de l'homme, il importe de ne pas laisser régner l'impunité. Toutes ces démarches doivent s'accompagner de mesures d'éducation et de formation des intervenants concernés.

Le moment est venu d'adopter une déclaration des Nations Unies sur les journalistes, sur le modèle de la déclaration relative aux défenseurs des droits de l'homme, a recommandé le Rapporteur spécial. Chaque État doit d'autre part se doter d'un mécanisme d'urgence pour la protection de ces deux catégories particulières d'acteurs des droits de l'homme. Cette proposition devrait être concrétisée par une résolution du Conseil des droits de l'homme, a estimé M. La Rue.

Les pays d'Amérique latine souffrent comme d'autres pays de la violence contre les journalistes. M. La Rue a fait valoir à cet égard que la Colombie a adapté aux journalistes, avec un certain succès, son mécanisme novateur de protection des défenseurs des droits de l'homme. Dans le cadre de son mandat, le Rapporteur spécial encourage les États à adopter des mécanismes de ce type de même qu'à désigner des magistrats et des équipes d'enquêteurs spécialisés. M. La Rue a réaffirmé la prépondérance de la volonté politique de mettre un terme à l'impunité des auteurs de violences contre des journalistes.

Débat interactif

Pour l'Union européenne, en l'absence d'information libre, c'est la propagande qui prévaut; les États doivent prendre des mesure spécifiques de protection des journalistes, en prenant par exemple en compte les leçons issues de la protection des défenseurs des droits de l'homme. Tout acte de violence à l'égard des journalistes met en péril la liberté d'expression, a ajouté le Monténégro. Les journalistes sont des atouts majeurs pour la démocratie et la bonne gouvernance; à ce titre, ils méritent une protection spécifique, a renchérit l'Égypte au nom du Groupe arabe. C'est pourquoi tous les actes de violence dont sont victimes les journalistes doivent faire l'objet d'enquêtes conformes aux normes internationales, a poursuivi l'Autriche rejointe en cela par le Maroc pour qui les États doivent s'engager politiquement sur la voie de la protection de cette catégorie de la population.

Il faut en effet agir tant aux niveaux national qu'international a dit le Brésil, notamment en garantissant un environnement sûr pour les journalistes. La Tunisie a pour sa part demandé comment améliorer ce cadre international. Cela passe par exemple par l'adoption d'un code international spécifique réglementant les actes arbitraires subis par les journalistes, a proposé l'Estonie. Des mécanismes justes et efficaces de protection doivent être mis en place et garantis aux journalistes a également proposé l'Équateur. La Colombie a mis en place ce genre de mécanisme, notamment une unité de protection et d'enquête sur les crimes commis sur les journalistes.

D'autres intervenants ont mentionné les mesures prises au niveau national pour favoriser la liberté de la presse et assurer la protection des journalistes. Le Mexique a expliqué qu'il s'est doté depuis 2012 d'un mécanisme de protection des journalistes avec la création un service spécial des délits contre la libertés d'expression et la mise en place d'un mécanisme d'alerte précoce. L'Algérie a attiré l'attention sur sa loi organique sur l'information adoptée il y a deux ans, la présentant comme un texte de référence qui a ouvert la voie à la première loi sur l'audiovisuel de l'histoire du pays en 2013, ajoutant que le processus législatif et réglementaire se poursuit. L'Algérie a aussi rappelé la nécessité d'équilibrer le droit à la liberté d'expression et le droit des victimes de diffamation, notamment le respect de la personne et de la vie privée.

L'Organisation internationale de la Francophonie (OIF) a rappelé que ses États membres s'étaient engagés par la Déclaration de Bamako à respecter la liberté de la presse puis, lors d'un sommet tenu à Kinshasa, à protéger les journalistes. Les membres de l'OIF s'engagent à mettre en place un environnement favorable à l'exercice du métier de journaliste. L'OIF a ainsi un partenariat avec Radio France internationale et l'ONG Libertés sans frontières et décerne un prix de la liberté de la presse.

La Fédération de Russie, au nom des pays du Traité de sécurité collective, tout en réaffirmant le soutien de ces États aux journalistes et aux médias, a pour sa part insisté sur le devoir qu'ils ont de respecter les principes moraux et les lois en vigueur dans les pays où ils opèrent.

La Slovénie a noté que l'on pouvait souvent identifier au niveau national des manquements dans le respect des normes internationales universellement acceptées. Elle a en outre fait observer que les législations nationales n'étaient pas toujours conformes à ces normes internationales. Elle a aussi demandé quel était le meilleur moyen de protéger les journalistes dans des pays dont les gouvernements ne manifestent pas de volonté de protéger les journalistes.

La Suisse a estimé que les initiatives locales, nationales, régionales et internationales pour protéger les journalistes démontrent qu'il est utile d'agir à tous les niveaux car ces mesures se renforcent mutuellement. Durant sa présidence de l'OSCE, la Suisse met ainsi l'accent sur le rôle de la société civile, ainsi que sur la lutte contre l'impunité des responsables d'agressions contre des journalistes. La Lituanie a préconisé l'adoption de directives claires et équilibrées devant être appliquées au niveau mondial. Faisant référence à la stratégie 2013-2014 de mise en œuvre du plan des Nations Unies pour la sécurité des journalistes, la Lituanie a demandé si des progrès avaient été réalisés dans la mise en œuvre d'un mécanisme de coordination interne des actions des Nations Unies dans ce domaine. Le Royaume-Uni s'est dit préoccupé par le nombre d'attaques contre des journalistes et blogueurs et a mis en avant la protection au niveau des États, demandant notamment que soient poursuivis ceux qui s'attaquent aux journalistes, afin de prévenir les attaques et de lutter contre l'impunité. Le Royaume-Uni a en outre noté les risques accrus encourus par les femmes journalistes et a demandé quelles mesures pourraient être prises sur ce point précis et si des exemples de bonnes pratiques pouvaient être présentés.

Les États-Unis ont demandé comment l'assistance du Haut-Commissariat aux droits de l'homme et l'action des Rapporteurs spéciaux pouvait contribuer à la sécurité des journalistes. Ils aimeraient également savoir s'il serait utile que d'autres Rapporteurs spéciaux examinent de manière attentive la question de la sécurité des journaliste dans le cadre de leur mandat. Les États-Unis ont en outre rappelé leur attachement au plein respect de la liberté d'expression et d'opinion. Tout en exprimant un désaccord sur le caractère de droit collectif de la liberté d'expression, les États-Unis sont d'accord pour dire que les États doivent prendre des engagements politiques fermes et adoptent des mesures législatives précises pour créer un environnement favorable aux journalistes. En outre, les États-Unis insistent sur la libération de journalistes emprisonnés et l'organisation de poursuites contre les meurtriers de journalistes. Le pays organise aussi régulièrement des campagnes en faveur de la liberté de la presse.

La France a déclaré que la protection des journalistes ressortit non seulement de la compétence du Conseil de sécurité mais aussi de celle du Conseil des droits de l'homme. La très grande majorité des crimes commis contre les journalistes ne sont pas poursuivis. La France s'emploie à mobiliser toutes les compétences disponibles à Genève pour renforcer la protection des journalistes. La Pologne a rendu hommage à tous ceux qui sont morts dans l'exercice du métier de journaliste, qui remplissent un rôle essentiel au fonctionnement de la démocratie. La Pologne estime que la communauté internationale doit améliorer les normes de protection des journalistes.

La Grèce a été coauteur de plusieurs résolutions relatives à la protection des journalistes et à la lutte contre l'impunité contre les auteurs d'agressions contre des journalistes. Pour le Portugal, il importe de lutter contre toute entrave à la liberté d'expression et contre l'insécurité des journalistes, y compris ceux qui s'expriment sur Internet. La République tchèque a précisé que la protection des journalistes consiste non seulement dans leur sécurité physique mais aussi dans l'absence d'ingérence dans leur activité professionnelle.

Les États doivent prendre l'initiative de la protection des journalistes, a insisté l'Irlande. Elle a rappelé que l'assassinat de Veronica Guerin, journaliste investigatrice irlandaise, par des criminels en 1996 avait été qualifiée d'agression contre la démocratie par le premier ministre de l'époque. L'Italie a mis en évidence la violence dont sont victimes les journalistes courageux qui enquêtent sur la criminalité organisée, et auxquels il faut rendre hommage.

L'Inde a rappelé que les médias constituent un des quatre piliers de la société démocratique. La loi sur la liberté d'expression en Inde empêche toute ingérence des pouvoirs publics dans la vie des médias et garantit la sécurité des journalistes. L'Inde souligne également la nécessité pour les journalistes de respecter les dispositions constitutionnelles et la loi. La Chine a aussi souligné que les journalistes doivent, dans le cadre de leur mission d'information du public, être impartiaux et respecter les us et coutumes nationaux, ainsi que le principe de souveraineté des États.

Au Pakistan – dont le paysage médiatique foisonnant compte pas moins de cent chaînes de télévision – la liberté d'information est un élément capital de la vie politique et de l'élaboration d'une culture des droits de l'homme. C'est pourquoi les autorités ont à cœur d'assurer la sécurité des journalistes, qui sont souvent ciblés par les groupes terroristes.

S'agissant des organisations non gouvernementales, Article 19 - Centre international contre la censure a souligné que les mesures actuelles ne suffisent pas; l'impunité est très clairement une des causes des violences contre les journalistes. La Fédération internationale des journalistes a pour sa part estimé que le corpus juridique pour protéger les journalistes existe déjà, mais que c'est bien la volonté politique qui fait défaut; les gouvernements doivent tenir leurs engagements en matière de protection des journalistes. Il faudrait pour cela examiner la question de la protection des journalistes dans son ensemble et non seulement en se concentrant sur l'aspect sécuritaire, a estimé Presse Emblème Campagne. East and Horn of Africa Human Rights Defenders Project a demandé aux États de prendre des engagements pour assurer concrètement la sécurité des journalistes; l'ONG a mis en cause la culture de tolérance de la violence contre les médias qui prévaut en Indonésie, par exemple. Elle a déclaré que les journalistes et blogueurs jouent un rôle central en mettant au jour des problèmes de droits de l'homme au plan national. Mais la situation des journalistes et blogueurs ne cesse de se détériorer en Afrique: violences, menaces, amendes, interdiction de publication sont malheureusement courantes. Le Forum asiatique pour les droits de l'homme et le développement a dénoncé des menaces et des poursuites contre des blogueurs aux Émirats arabes unis. L'ONG a demandé aux États de ne pas limiter la liberté d'expression concernant les idées ou les croyances.

L'animatrice, MME FAKHRY, a demandé aux panélistes comment la communauté internationale et les organisations de la société civile pouvaient faire pression sur les gouvernements qui ne remplissent pas leurs obligations. D'autre part, l'apparition de «journalistes civils», autrement dit travaillant directement en ligne, pose des problèmes particuliers s'agissant de la compétence de protection. Se pose enfin la question des possibilités d'action ouvertes au Conseil des droits de l'homme et à la société civile.

Réponses des panélistes

M. ENGIDA a observé que la carence ne se situe pas au plan normatif mais bien au niveau de la volonté politique des États de donner effet à leurs obligations internationales. Les électeurs doivent demander aux autorités de rendre compte de leurs actions. Vu sa taille modeste, l'UNESCO est obligée de collaborer avec les organisations de la société civile actives sur le terrain.

Le Directeur général adjoint de l'UNESCO a par la suite estimé que le système des Nations Unies doit continuer d'apporter son soutien et toute l'assistance technique voulue aux États. Ils doivent de leur côté promouvoir et respecter les valeurs démocratiques, y compris la liberté d'expression.

M. LA RUE a estimé que tous les moyens sont bons pour attirer l'attention des gouvernements sur ce problème. La première démarche consiste à récolter systématiquement, puis à diffuser le plus largement possible, les informations disponibles. Au premier chef, ce sont les mécanismes internes – actionnés par les États – qui sont responsables de la protection des journalistes. On mesure ainsi le rôle prépondérant dans ce domaine de la volonté des acteurs politiques.

Le Rapporteur spécial a ensuite souligné que les mécanisme de censure et de harcèlement sont un autre des problèmes auxquels doivent faire face les journalistes. La diffamation par exemple est un exemple de mécanisme utilisé pour faire les faire taire.

MME MIJATOVIĆ a souligné que les droits de citoyens sont identiques en ligne et hors ligne. La question de savoir qui est ou n'est pas journaliste n'est plus pertinente dès lors que la protection de la liberté d'expression doit profiter à tous. Mme Mijatović a préconisé que les États et les organisations non gouvernementales et organisations de journalistes nouent un dialogue plus étroit au sujet de l'action de prévention et de protection des journalistes. L'OSCE propose sur son site Internet des lignes directrices dans ce domaine. Ici aussi, le problème se situe clairement au niveau de la volonté politique.

Mme Mijatović a ensuite observé que l'on oublie souvent le besoin d'aide psychologique des journalistes face aux violences dont il sont victimes. Il faut agir tout de suite, d'autant que les lois et autres convention internationales en vigueur ne sont pas toujours mises en œuvre dans les faits. Elle a enfin demandé aux États de ne pas interférer avec le travail des journalistes.

M. SMYTH a relevé que plus de la moitié des journalistes emprisonnés dans le monde travaillent en ligne. Il faut dire publiquement quels États bloquent l'information et quels États tiennent leurs promesses. Il a estimé que la première mesure à prendre est que les États fournissent des informations sur les violences subies par les journalistes, notamment à l'UNESCO.

MME SAADY a relevé que la société civile ne peut agir que dans la mesure où elle existe et où elle est entendue par les autorités. L'experte a souligné la nécessité de protéger aussi les familles des journalistes. La vice-présidente du syndicat des journalistes d'Égypte a observé que les médias devaient également respecter des principes. La profession de journalistes a par exemple perdu en crédibilité parce qu'elle avait perdu de vue ces principes. Cela ne dispense pour autant pas les États de protéger les journalistes, a-t-elle nuancé.
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