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Communiqués de presse Conseil des droits de l’homme

Conseil des droits de l'homme: Journée annuelle de débat sur les droits fondamentaux des femmes

17 Juin 2014

Conseil des droits de l'homme
APRES MIDI

17 juin 2014

Le débat a porté cette année sur l'incidence des stéréotypes sexistes et sur les droits fondamentaux des femmes dans le programme de développement durable

Le Conseil des droits de l'homme a tenu aujourd'hui son débat annuel d'une journée sur les droits fondamentaux des femmes.  Les échanges étaient organisés en deux réunions-débats, celle de ce matin étant consacrée à l'incidence des stéréotypes sexistes sur la reconnaissance et la jouissance des droits fondamentaux des femmes, et celle de l'après-midi à la place des droits fondamentaux des femmes dans le prochain programme de développement durable.

Le premier échange, animé par M. Todd Minerson, directeur de la Campagne Ruban blanc, a compté avec la participation de Mme Dubravka Šimonović , membre de Comité des Nations Unies pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes; de Mme Simone Cusak, avocate australienne des droits de l'homme; de Mme Veronica Undurraga, professeur à l'Université Adolfo Ibáñez (Chili); et de Mme Yetnebersh Nigussie, Directrice du Centre éthiopien du handicap et du développement.

Dans une déclaration préliminaire, Mme Navi Pillay, Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, a observé que persiste, dans de nombreuses sociétés, un sentiment selon lequel les femmes devraient se conformer à des rôles que leur assignent certains stéréotypes tantôt bénins, tantôt totalement négatifs.  Or, le droit international oblige les États à éliminer les stéréotypes dans tous les domaines de la vie des femmes, a rappelé Mme Pillay.

Mme Undurraga a relevé que certains stéréotypes expliquent que nombre de filles ne reçoivent pas une éducation en santé génésique qui leur permettrait d'éviter les grossesses non désirées et d'échapper aux violences sexuelles.  Mme Nigussie a traité du handicap comme facteur aggravant des stéréotypes sexuels, tandis que Mme Cusack a présenté les stéréotypes en tant qu'ils constituent des obstacles à la bonne administration de la justice, des jugements pouvant notamment être basés sur des croyances et non sur le droit.  M. Minerson a noté que les garçons sont confrontés, eux, à l'image stéréotypée de leur propre violence, qui les enferme dans leur rôle.  Mme Šimonović  a souligné enfin que la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes invite les États à prendre toutes les mesures pour abolir les discriminations et lutter contre les stéréotypes sexistes.

Au cours des échanges, les délégations* ont notamment observé que la domination masculine est universelle, tandis que les femmes sont globalement plus pauvres et moins bien représentées dans les lieux de pouvoir politique, économique et financier.  Dans ce contexte, les stéréotypes qui sous-tendent des codes sociétaux tenant rarement compte de la complexité de la réalité sont le vecteur le plus puissant du patriarcat.

Le deuxième échange, animé par Mme Sarah Cook, directrice de l'Institut de recherche des Nations Unies pour le développement social, a compté avec la participation de Mme Saraswathi Menon, Directrice de la division des politiques d'ONU-Femmes; de Mme Frances Raday, présidente du Groupe de travail chargé de la question de la discrimination à l'égard des femmes dans la législation et dans la pratique; de Mme Gita Sen, Professeur au Centre for Public Policy, Indian Institute of Management et professeur-adjoint à la faculté de santé publique de l'Université de Harvard; de Mme Luisa Cabal, enseignante à la faculté de droit de l'Université de Columbia; et de M. Kingsley Kariuki, de la Fédération des habitants des bidonvilles du Kenya.

Dans des remarques liminaires, la Haut-Commissaire adjointe aux droits de l'homme, Mme Flavia Pansieri, a souligné que la définition du programme de développement pour l'après-2015 devrait être l'occasion de tenir pleinement compte des droits des femmes.

Mme Menon a présenté les priorités d'ONU-Femmes dans le cadre du développement durable, notamment la suppression de toutes les inégalités juridiques entre hommes et femmes et l'élimination de la violence à l'égard des femmes et des filles.  Mme Raday a déclaré que le programme de développement pour l'après-2015 devrait combler le fossé existant entre la représentation des hommes et des femmes aux instances de décision au plus haut niveau, par exemple en instituant des quotas dans les conseils d'administration.  Mme Sen a recommandé, pour sa part, que le prochain programme de développement prenne acte du caractère indivisible des droits de l'homme et que les États dégagent des investissements à la hauteur de l'enjeu de l'égalité.  Mme Cabal a montré comment la santé génésique et le droit à la santé sont des préalables à la pleine participation des femmes à tous les secteurs de la vie.  M. Kariuki a pour sa part attiré l'attention sur les obstacles qui expliquent, dans de nombreux cas, la faible fréquentation scolaire des filles.

Au cours du débat, les délégations** ont relevé que le développement durable n'est pas envisageable sans la pleine habilitation des femmes dans tous les domaines.  Elles ont recommandé que le prochain programme de développement contienne des objectifs relatifs à la lutte contre les raisons structurelles de l'inégalité entre les sexes, accompagnés de cibles chiffrées claires et concises.

Le Liban a exercé son droit de réponse s'agissant d'une déclaration faite dans le cadre du débat interactif avec la commission internationale d'enquête sur la Syrie, débat entamé aujourd'hui lors d'une séance de travail à la mi-journée.

 

Demain à partir de 9 heures, le Conseil doit conclure le débat sur la Syrie entamé à la mi-journée aujourd'hui.  Il sera ensuite saisi de rapports concernant la situation des droits de l'homme en Érythrée, au Bélarus et en République populaire démocratique de Corée.

 

Réunion-débat I: l'impact des stéréotypes de genre sur la reconnaissance et la jouissance des droits fondamentaux des femmes

Déclaration liminaire

MME NAVI PILLAY, Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, a mis l'accent sur l'aspect vital pour les droits de l'homme de la reconnaissance de droits égaux pour les hommes et les femmes.  Or, dans de nombreuses sociétés, continue d'exister un sentiment selon lequel les femmes n'auraient pas de libre choix et devraient se conformer à des rôles que leur assignent des stéréotypes.  Dans certains pays, les filles ne sont pas autorisées à mener des études supérieures, ou ne peuvent choisir leur époux ni décider du nombre d'enfants qu'elles souhaitent avoir.  De nombreux textes proclament l'égalité homme-femme, mais la réalité est très différente.  Certains stéréotypes peuvent être bénins, comme l'idée que les femmes prennent mieux soin des autres, mais d'autres sont totalement négatifs, comme le fait que les femmes seraient physiquement faibles ou irrationnelles. 

Mme Pillay a cité comme des exemples particulièrement dévastateurs des ravages que peuvent causer les stéréotypes les mutilations génitales féminines, qui peuvent être perçues par les parents comme bénéfiques mais qui sont en fait extrêmement dommageables pour les victimes.  Certains de ces stéréotypes sexistes sont tellement ancrés dans les sociétés qu'ils sont invisibles, sauf par leurs effets, comme l'idée qu'une épouse est la propriété sexuelle de son mari et qu'il ne saurait donc y avoir de viol d'une épouse par son mari.  De nombreuses femmes continuent par ailleurs d'être considérées comme des mineures, y compris dans la loi d'au moins neuf pays.  De nombreux États requièrent ainsi l'autorisation d'un tiers masculin – mari, père ou frère – pour que la femme puisse agir. 

Le droit international des droits de l'homme oblige les États membres à éliminer les stéréotypes erronés dans tous les domaines de la vie des femmes, a rappelé Mme Pillay.  Ainsi, les éléments relatifs au comportement sexuel passé de la femme ne devraient pas être admissibles dans les affaires de violences sexuelles et de viol, sauf si la défense le juge utile, comme c'est le cas dans le code de procédure de la Cour pénale internationale.  Mme Pillay a rappelé que le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes avait décidé que les États parties devaient éliminer les stéréotypes erronés et agir pour modifier les stéréotypes dommageables.  De tels stéréotypes doivent être éliminés des manuels scolaires.  Les campagnes d'éducation du public doivent mettre l'accent sur l'égalité et le respect des femmes, et les programmes scolaires doivent encourager les filles à suivre des études dans des domaines non traditionnels.  Diverses mesures spéciales temporaires peuvent en outre contribuer à éliminer la ségrégation fondée sur des stéréotypes de genre dans les activités professionnelles.
 
Exposés de panélistes

MME DUBRAVKA ŠIMONOVIĆ, membre du Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes, a déclaré que la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes est un instrument historique en ce qu'il a permis l'habilitation des femmes, en luttant notamment contre les discriminations.  C'est aussi un instrument de transformation qui tente de changer la société, la faisant passer d'un modèle patriarcal en un modèle égalitaire.  Ainsi, les articles 2 et 5 de la Convention invitent les États à prendre toutes les mesures pour abolir ces discriminations et lutter contre les stéréotypes sexistes, a illustré Mme Šimonović .  Pour elle, cette mission est fondamentale et urgente, car, a-t-elle observé, ces stéréotypes conduisent souvent à la violence contre les femmes.  C'est pour cela que cette convention doit être considérée comme un instrument juridiquement contraignant pour lutter contre ces phénomènes.

MME SIMONE CUSACK, Avocate australienne des droits de l'homme, a déclaré que les stéréotypes sont une barrière pour une bonne administration de la justice, affectant le comportement des juges et avocats.  Cela peut se manifester notamment par des jugements basés sur les croyances et non sur le droit, compromettant le principe d'impartialité.  Les stéréotypes peuvent également influencer la compréhension des motivations du crime, empêchant par exemple le juge d'assurer une bonne reddition des comptes, ou en le poussant à blâmer la victime.  Ces effets néfastes continuent d'avoir cours et le stéréotype judiciaire est une question qui doit être abordée afin de réaliser l'égalité réelle.

MME VERONICA UNDURRAGA, Professeur de droit à l'Université Adolfo Ibáñez (Santiago du Chili), a souligné que les stéréotypes sexuels sont nombreux.  Ainsi, on considère que les filles ne devraient pas être intéressées par la sexualité et être chastes, alors que les garçons devraient au contraire montrer qu'ils sont très informés et être entreprenants.  Du fait de ses stéréotypes, on ne fournit pas une éducation génésique adéquate, ce qui fait que les filles risquent d'être victimes de violences sexuelles et de se retrouver enceintes.  L'approche envers les filles qui demandent des contraceptifs est souvent punitive et on considère que les jeunes filles ne sont pas à même de prendre par elles-mêmes des décisions relatives à leur sexualité.  Un autre stéréotype considère que la femme doit être toujours disponible sexuellement pour son mari, tout en devant être dévouée à sa famille.  Par ailleurs, les femmes se doivent d'être belles et minces, quitte à entraîner de graves problèmes psychologiques ou des maladies telles que l'anorexie.

MME YETNEBERSH NIGUSSIE, Directrice exécutive du Centre éthiopien pour le handicap et le développement, a traité du handicap en tant qu'élément aggravant des stéréotypes sexuels.  Les femmes handicapées sont victimes de préjugés à la fois en tant que femmes et en tant que personnes handicapées.  Elles doivent démontrer qu'elles sont des personnes et qu'elles sont des femmes ayant des besoins sexuels et des relations sexuelles.  Mme Nigussie a expliqué que dans le nord de l'Ouganda, si la sœur d'une file handicapée se marie, le mari obtient la sœur handicapée comme «prime».  En Éthiopie, de nombreuses filles handicapées, en particulier handicapées mentales, ont été contraintes de prendre des contraceptifs pour éviter toute grossesse non désirée ou jugée non désirable.  Mme Nigussie a noté que le mouvement des handicapés était largement dominé par les hommes alors que, par ailleurs, les mouvements féministes ont eu tendance à oublier les femmes handicapées, considérant que les femmes handicapées sont des personnes handicapées avant d'être des femmes.

M. TODD MINERSON, Directeur de la Campagne du Ruban blanc, a déclaré que les lesbiennes, les bisexuelles, les femmes transgenres et intersexes, les femmes autochtones et les femmes handicapées sont plus vulnérables aux stéréotypes de genre.  La Campagne du ruban blanc est une coalition d'hommes et de garçons qui combattent la violence contre les femmes.  Elle tente de modifier les idées «toxiques» sur la masculinité qui perpétuent la violence.  Dans son travail, la campagne constate que les garçons sont confrontés à l'image stéréotypée de leur propre violence, qui les enferme dans leur rôle.

Débat

Le Maroc a observé que la domination masculine est universelle et encore intangible, tandis que les femmes sont globalement plus pauvres et moins bien représentées dans les lieux de pouvoir politique, économique et financier.  Cette inégalité découle du statut de la femme dans les systèmes d'organisation sociale.  Les stéréotypes créent des modèles sociaux et des codes sociétaux simplifiés qui tiennent rarement compte de la complexité de la réalité.  Ils traversent les siècles et sont le vecteur le plus puissant du patriarcat.  Lutter contre les inégalités entre les femmes et les hommes passe nécessairement par un travail sur les représentations que les sociétés donnent et confortent, dans les médias, la culture et l'éducation.  Pour les États-Unis, une société est équitable dans la mesure où les femmes et les filles peuvent exercer librement leurs droits fondamentaux et mener des vies productives et autonomes.

Plusieurs délégations ont souligné le rôle indispensable des cadres législatifs nationaux.  L'Union européenne a déclaré que la vie tant des hommes que des femmes est soumise à des stéréotypes qui limitent leur choix et débouchent sur la discrimination, et estime qu'il est nécessaire de prévenir, par des lois, la violence motivée par des stéréotypes sexistes.  De même, la Finlande, au nom des pays nordiques, a recommandé l'adoption de mesures permettant d'assurer la prise en compte de la perspective de genre dans les politiques publiques.  Les pays nordiques recommandent que l'éducation soit le lieu de la lutte contre les stéréotypes et sont d'avis que le cadre de développement pour l'après-2015 devra être centré sur l'égalité entre hommes et femmes.

Plusieurs États ou groupes d'États ont fait valoir l'importance de l'activité normative au plan international ou régional pour lutter contre les stéréotypes ou contre la violence à l'égard des femmes.  Le Brésil a déclaré que les États membres de la Communauté des pays de langue portugaise (CPLP) s'opposent résolument à la violence contre les femmes et mènent une campagne de sensibilisation internationale; ils s'efforcent notamment d'informer les victimes de la protection dont elles peuvent bénéficier.  L'Éthiopie, au nom du Groupe africain, a indiqué que les États du continent africain ont beaucoup avancé dans l'autonomisation des femmes et dans la lutte contre les pratiques traditionnelles néfastes.  Les chefs d'États africains ont notamment adopté la Déclaration de Ouagadougou sur l'emploi et la lutte contre la pauvreté, en 2004, qui plaide pour une meilleure représentation des femmes dans la vie sociale, politique et économique.  L'Égypte, au nom du Groupe arabe, a déclaré que l'égalité entre les deux sexes est consacrée dans les grands instruments internationaux de droits de l'homme, notamment la Déclaration du Caire, adoptée à l'issue de la troisième conférence des ministres francophones de la justice (1995).  Le Groupe arabe appelle à des mesures contre toute violation des droits des femmes et contre la discrimination.

La stratégie de promotion et d'intégration de la femme adoptée par l'Algérie propose, comme intervention prioritaire, de redoubler les efforts de sensibilisation contre l'image stéréotypée du rôle des femmes et des hommes dans la société.  Le Congo, soulignant que les stéréotypes ont été avancés pour justifier le rapt de 200 jeunes filles au Nigéria, a lancé un ensemble d'activités pour combattre les stéréotypes et la violence contre les femmes: projet de loi visant la prise en charge des jeunes femmes victimes de violences sexuelles, organisation de tribunes radiotélévisées sur les violences à l'égard des femmes, reprise au niveau national des activités d'ONU-Femmes.  Le Gouvernement de l'Inde se concentre sur la lutte contre les stéréotypes qui affectent les droits fondamentaux des femmes par le biais de la loi, de mesures ciblées et de campagnes de sensibilisation favorables.  Le réseau des organisations non gouvernementales, fortement implanté sur le terrain en Inde, combat le sexisme au niveau national; les médias doivent également être sensibles à leur responsabilité s'agissant du portrait qu'ils donnent des femmes.  La Syrie a déclaré associer la femme à tous les domaines d'activité, notamment au processus de réconciliation nationale.  La délégation a dénoncé les édits religieux qui renvoient nombre de femmes vivant dans des camps de réfugiés à des rôles dont elles avaient été jusqu'ici affranchies dans la société syrienne. 

Le Népal a jugé essentiel d'abolir tous les stéréotypes de genre pour permettre la réalisation des droits des femmes et a expliqué qu'il avait fait de la prise en compte du genre une priorité nationale de développement, en particulier en adoptant des lois et en mettant en œuvre sa politique d'égalité entre les sexes et d'inclusion sociale aux fins, notamment, de la réhabilitation des femmes affectées par le conflit.

La France a souligné que la recherche d'égalité entre les sexes bute sur les attitudes et les rapports sociaux et que les positions sociales des hommes et des femmes résultent d'habitudes très profondément ancrées, de clichés et de traditions qui influencent à la fois les goûts des individus et les institutions et ressources existantes.  Ainsi, la prise en charge des petits enfants demeure-t-elle une «affaire de femmes» et, en France, seuls 17% des métiers et 16% des emplois sont réellement mixtes, avec une proportion de femmes comprise entre 40% et 60%.  L'orientation scolaire également est très «sexuée» puisqu'à niveau égal en mathématiques, par exemple, huit garçons sur dix vont en filière scientifique mais seulement six filles sur dix; seuls 27% des ingénieurs sont aujourd'hui des femmes.  Pour lutter contre ces tendances, depuis la rentrée 2013, une expérience baptisée «les ABCD de l'égalité» est menée dans plus de 600 classes, qui vise à lutter contre les inégalités en agissant sur les représentations des élèves et les pratiques dans le secteur de l'éducation. 

La Suisse a quant à elle rappelé que les stéréotypes de genre et les inégalités dans les rapports entre hommes et femmes figurent parmi les causes de la violence contre les femmes et sont souvent liés à des normes anciennes, séculaires.  Pour intensifier ses efforts en vue de modifier les schémas et modèles de comportement socioculturels des hommes et des femmes, la Suisse doit revoir l'organisation traditionnelle du travail mais aussi de la famille.  À cette fin, la sensibilisation des jeunes est essentielle.  L'Italie a elle aussi insisté sur le rôle des stéréotypes sexistes comme cause profonde de la discrimination contre les femmes.  Ces stéréotypes fournissent des justifications à la discrimination et contribuent ainsi à perpétuer et renforcer les inégalités, de même que la violence contre les femmes.  L'Italie, en ce qui la concerne, lutte contre ces stéréotypes dommageables et erronés.  Le Royaume-Uni s'est dit préoccupé que les stéréotypes sur les filles renforcent leur sentiment que certaines activités ou certains centres d'intérêt ne sont pas faits pour elles; ces stéréotypes constituent une cause majeure des désavantages dont souffrent les femmes dans la vie économique ou politique.  Dénonçant les enlèvements de jeunes filles qui étudient, ainsi que les crimes d'honneur et les mariages forcés, le Royaume-Uni estime qu'il est temps d'organiser un débat plus large pour mettre fin à la culture de violence contre les femmes à travers le monde.  L'Irlande a demandé aux panélistes de dire aux États comment ils pourraient aider les hommes à jouer leur rôle dans la lutte contre les stéréotypes et permettre aux filles de grandir sans intérioriser les stéréotypes négatifs les concernant.

L'Afrique du Sud a indiqué avoir renforcé le rôle des femmes dans la vie économique et dans les processus de prise de décision.  Ce sont souvent les stéréotypes au sein de la société et des entreprises qui empêchent les femmes de progresser dans leur carrière.  Aussi, l'Afrique du Sud a-t-elle mis en place des mécanismes visant à favoriser l'autonomisation des femmes, y compris par la formation et l'emploi, et à lutter contre les pratiques discriminatoires et sexistes.  Les filles, par exemple, sont encouragées à poursuivre des études scientifiques et techniques pour accéder à des métiers jusqu'alors presqu'uniquement exercés par des hommes.  La Sierra Leone a elle aussi souligné que les stéréotypes de genre constituent un obstacle majeur au bien-être des femmes et doivent être combattus.  Pour sa part, la Sierra Leone a mis en place en 2010 deux plans d'action visant l'application de la Convention pour l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes et la mise en œuvre des résolutions du Conseil de sécurité sur les femmes et la paix.

L'Angola a rappelé avoir présenté l'an dernier son sixième rapport périodique sur la mise en œuvre de la Convention pour l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes.  L'Angola, dont la Constitution proclame l'égalité entre hommes et femmes, reconnaît aussi l'existence dans le pays de certains stéréotypes et pratiques culturelles néfastes, en particulier dans les zones rurales, aboutissant à une discrimination.  Toutefois, le pays lutte contre la violence faite aux femmes et promeut l'autonomisation des femmes, notamment rurales et handicapées, en leur facilitant l'accès à des services sociaux de base et au micro-crédit.  Le Brésil a réaffirmé sa volonté de renforcer les droits des femmes, condition de la réalisation des droits de l'homme pour tous et du développement durable.  Au plan national, le Brésil a pris un certain nombre de mesures en ce sens, notamment en matière d'éducation, d'accès aux soins de santé, y compris génésique, et d'accès au travail et aux nouvelles technologies. 

La Thaïlande a souligné que la lutte contre les stéréotypes doit commencer au niveau de la famille, notamment par la promotion d'un partage équitable des tâches et responsabilités entre ses membres.  Les dirigeants communautaires peuvent aussi jouer un rôle important dans la sensibilisation et la promotion de l'égalité et de l'autonomisation des femmes.  Il faut aussi mobiliser les médias et les organisations non gouvernementales pour promouvoir l'égalité entre les sexes et éliminer les préjugés. 
L'Arabie saoudite a déclaré honorer la femme, qui est à la fois la mère, la sœur, la fille et l'épouse.  Après avoir mis l'accent sur l'importance d'assurer une éducation gratuite pour tous, elle a affirmé que la femme doit jouer son rôle naturel de moteur de la richesse du Royaume.  Les femmes en Arabie saoudite peuvent travailler dans les secteurs public et privé et bénéficient d'un salaire égal à celui des hommes, à travail égal, a poursuivi la délégation.  À partir de l'année prochaine, les femmes pourront être membres des conseils municipaux.  Le Koweït a déclaré que la femme avait toujours bénéficié d'un statut particulier dans l'émirat car elle est le centre de la famille, pilier de la société.  Le statut de la femme a évolué avec le pays et a été valorisé, a souligné la délégation koweïtienne, avant de préciser que la Constitution du pays reconnaît l'égalité de tous, sans discrimination fondée sur le sexe, ainsi que l'égalité des chances dans le travail.  De nombreuses associations féminines ont été créées dès les années 1960 qui visent à l'autonomisation des femmes et le Koweït.

L'Australie a déclaré que soutenir la participation égale des hommes et des femmes à la vie professionnelle et familiale.  L'Australie mise sur la formation des jeunes pour prévenir la violence sexuelle et au sein de la famille.  La Nouvelle-Zélande a indiqué accorder une grande attention à l'élimination des stéréotypes contre les femmes dans le monde du travail. 

L'Argentine a recommandé que les États prennent des mesures pour éliminer non seulement les discriminations directes et indirectes, mais aussi les stéréotypes.  L'Argentine a adopté une loi dans ce sens interdisant toute discrimination envers les filles et les garçons sur la base de leur genre.  La Lituanie a adopté, en 2003, un train de mesures pour assurer l'égalité entre les sexes et lutter contre les stéréotypes.  La prévention porte notamment sur l'approche de la femme par les médias et dans la jeunesse.  Le Bélarus a insisté sur la participation des femmes à la vie politique, notamment en ce qui concerne l'activité législative. 

La Fédération de Russie s'est dite attachée à l'application des instruments internationaux relatifs aux droits des femmes.  La délégation a également fait connaître le soutien de son pays aux institutions des Nations Unies œuvrant dans le même domaine, notamment le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes, dont les recommandations à la Russie sont en cours d'application.  La Russie estime qu'il faut éviter de tomber dans la «dictature du genre» et œuvrer à la recherche de solutions qui répondent à tous les intérêts en jeu.

Le Conseil national des droits de l'homme (CNDH) du Maroc déclaré que la nouvelle Constitution de 2011 marque une volonté de consolider les droits des femmes.  Le CNDH a élaboré une étude sur la violence contre les femmes, dans lequel il émet une série de recommandations à l'intention du Gouvernement, notamment le renforcement des compétences de la commission spécialisée chargée de lutter contre ce problème ainsi que le relèvement de l'âge minimum du mariage.

S'agissant des organisations non gouvernementales, le Comité international de coordination des institutions nationales de droits de l'homme a souligné qu'en raison de leurs conséquences, les stéréotypes de genre doivent être bien intégrés aux problématiques des droits de l'homme; aussi, les institutions nationales des droits de l'homme devraient-elles être renforcées pour jouer pleinement leur rôle dans la lutte contre tous les phénomènes de discrimination.  Association lesbienne et gay internationale - Europe, au nom également de Federatie van Nederlandse Verenigingen tot Integratie Van Homoseksualiteit - COC Nederland, a fait observer que ces stéréotypes s'appliquent aussi aux personnes appartenant à des sous-groupes, tels que les lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres, auxquels est déniée la capacité d'être de bons parents en raison de leur orientation sexuelle.  Le Center for Reproductive Rights a déclaré que les stéréotypes concernant le rôle des femmes, surtout ceux qui insistent sur leurs fonctions maternelles, conduisent à des grossesses précoces ou multiples et les confinent aux foyers, leur déniant tout autre droit.

Action Canada pour la population et le développement a déclaré que les stéréotypes de genre renvoient les hommes et les femmes à des rôles qui ne correspondent pas toujours à leurs aspirations sociales.  Dans ce domaine, les États membres doivent respecter leurs obligations internationales s'agissant de l'élimination des stéréotypes néfastes pour les femmes.  Comment obliger les États à respecter cette obligation?  L'Union internationale humaniste et laïque a déclaré que la notion d'honneur illustre le concept de rapport de prédation au corps de la femme.  Les viols collectifs en Inde, les assassinats de jeunes filles qui prennent leur destin matrimonial en mains, sont sans doute autant de manifestations de ce type de stéréotypes qui oppriment les femmes.

Conclusions des panélistes

MME ŠIMONOVIĆ a rappelé que selon la procédure du Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes, les États parties présentent leurs rapports sur les mesures qu'ils ont prises pour combattre les discriminations à l'égard des femmes, puis les experts leur posent des questions – auxquelles les délégations étatiques s'efforcent de répondre – avant de leur adresser des recommandations finales suite à ce dialogue.  Le Comité adresse ainsi des recommandations spécifiques aux États, concernant par exemple des législations à adopter ou à améliorer.  Il adopte aussi des recommandations générales, comme la recommandation générale n°19 qui concerne la violence contre les femmes.  Mme Šimonović  a souligné que les États devaient tenir compte des recommandations du Comité et réfléchir aux mesures à prendre pour mettre efficacement fin à tous ces préjugés, clichés et stéréotypes. 

MME CUSACK a mis l'accent sur une série de bonnes pratiques qui permettent de lutter contre la prévalence des stéréotypes, en apprenant par exemple aux juges à comprendre la portée et les conséquences des clichés sexistes.  D'autres stratégies consistent à demander aux juges d'éviter d'appliquer des décisions s'appuyant sur des jurisprudences qui sont fondées sur de tels stéréotypes.  Au Mexique, par exemple, la Haute cour de justice a demandé aux juges de ne pas appliquer des jugements basés sur les préjugés sexistes, a fait valoir Mme Cusack.  En Croatie, s'est-elle également félicitée, l'existence de jurisprudences sexistes a conduit à ce que de nouvelles lois soient adoptées pour lutter contre ce genre de stéréotypes.  Mme Cusack a estimé que la convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes fournit aux États tous les éléments pour lutter contre les stéréotypes.  Mais cette convention n'est pas la seule à contenir des obligations relatives aux stéréotypes.  Chacun a le devoir de faire en sorte que ces obligations soient respectées.  Mme Cusack a ajouté que les stéréotypes ne touchent pas que les femmes; ils sont transversaux et il faut réfléchir à la manière de s'en débarrasser dans leurs ensemble.

MME UNDURRAGA a souligné que la formation pour déceler les stéréotypes est facile à mettre en place.  Cette responsabilité de formation est du ressort de l'État.  Il faut avant toute chose se demander si l'image véhiculée par une loi ou un principe n'est pas le reflet d'un stéréotype qui enferme les femmes ou les hommes dans un rôle ou une position fixe.   Mme Undurraga a souligné que chaque personne est unique, alors que les stéréotypes obligent les personnes à adopter des comportements déterminés, qu'elles n'ont pas choisi; pire, les punissent si elles vont à l'encontre de ces préjugés.  Si les lois et pouvoirs publics ne respectent pas cette unicité, ils violent les droits de ces personnes.

MME NIGUSSIE a fait observer que l'on suppose par exemple qu'une femme handicapée ne peut pas faire ce qu'une femme non handicapée peut faire.  Mais la femme handicapée est d'abord une femme et subit donc en premier lieu le cliché sexiste, en plus de celui du handicap.  Mme Nigussie a rappelé que les femmes ne sont pas une population homogène; elles sont différentes les unes des autres, avec des personnalités, des désirs, des aspirations et des capacités différentes.  Il faut donc que les mouvements féministes prennent en compte cette différence, a-t-elle insisté.  Mme Nigussie a déclaré qu'il fallait tenir compte non seulement de la diversité, mais aussi de la globalité, car la ségrégation se passe dans la société, les entreprises, les familles.  Les femmes handicapées par exemple n'ont pas toujours la possibilité d'étudier, de travailler ou d'avoir une vie de famille.  Il faut donc que les stéréotypes soient combattus dans leur globalité.

M. MINERSON a quant à lui appelé à relativiser ce qui est dit sur les hommes et les garçons.  La plupart des hommes ne commettront jamais de violence à l'égard des femmes, a-t-il rappelé, expliquant que ce n'est pas contre les droits des hommes que les droits des femmes doivent se réaliser.  Il faut au contraire que les droits de chacun, les droits des humains, se réalisent.  Il faut essayer de transformer et non de prescrire, a ajouté M. Minerson; il faut se pencher sur les causes, tenter de transformer les choses et non imposer des modèles.  Les meilleurs avocats des femmes sont les hommes eux-mêmes, a-t-il estimé, appelant à une union des forces.  Dans ce contexte, il a cité l'exemple d'une étude menée Canada qui a démontré que les filles les plus ambitieuses étaient celles dont les pères avaient été impliqués dans leur éducation.

Réunion-débat II: les droits fondamentaux des femmes et le programme de développement durable

Déclaration liminaire

MME FLAVIA PANSIERI, Haut-Commissaire adjointe des Nations Unies aux droits de l'homme, a déclaré que la définition du prochain programme de développement durable doit être l'occasion de prendre en compte la gamme étendue des droits des femmes.  Cinq exigences minimales s'imposeront aux États dans ce contexte, a-t-il précisé.  D'abord, le cadre de développement devra refléter les engagements pris pour garantir le respect des droits des femmes, s'agissant notamment des droits fonciers et de la santé génésique.  Ensuite, le prochain cadre de développement devra combler une lacune béante dans les objectifs du Millénaire pour le développement: la lutte contre la violence faite aux femmes et aux filles.  Le développement durable est en effet impensable dans un monde où tant de personnes vivent dans la peur et n'ont pas accès à la justice, a souligné Mme Pansieri.  En troisième lieu, le nouveau programme devra être sous-tendu par les principes d'égalité et de non-discrimination; les objectifs et cibles proposés envisagent à ce propos l'abrogation de toutes les lois discriminatoires envers les femmes d'ici à 2030.  En quatrième lieu, le programme devra prévoir la construction d'un partenariat mondial destiné à harmoniser les politiques internationales de développement.  Enfin, le programme sera doublé d'un mécanisme de contrôle, définissant des responsabilités nettes en matière de la réalisation des objectifs et cibles fixés.  La communauté internationale doit donc saisir l'occasion qui se présente pour faire en sorte que la voix des femmes – dans toute sa diversité – soit entendue, respectée et intégrée au nouveau cadre de développement, a conclu Mme Pansieri.

Exposés de panélistes

MME SARASWATHI MENON, Directrice de la division des politiques à ONU-Femmes, a défini le développement durable comme un développement qui garantit le bien-être, la dignité humaine, le respect de l'environnement, l'égalité entre homme et femmes et les droits de l'homme – lesquels doivent être au cœur du développement.  Or, les inégalités entre les plus riches et les plus démunis se sont accrues depuis la Déclaration du Millénaire et le progrès s'est fait en marge des plus pauvres, a-t-elle fait observer.  Les inégalités nuisent à la cohésion sociale et activent souvent la xénophobie et l'intolérance, a-t-elle poursuivi.  Le développement durable doit accorder une place centrale à la lutte contre les inégalités entre hommes et femmes, car c'est là que réside la forme d'inégalité la plus généralisée.  ONU-Femmes a proposé plusieurs thèmes pour le développement durable et souhaite une approche qui lutte contre les formes de discriminations multiples, notamment dans le cadre des disparités qui se creusent entre les pays et au sein même des pays. 

ONU-Femmes a fixé six priorités dans le cadre du développement durable, a précisé Mme Menon: supprimer toutes les inégalités juridiques entre hommes et femmes, tant dans les textes que dans la pratique; éliminer toutes les formes de violences à l'égard des femmes et des filles, en privé comme en public, y compris les formes de mariage forcés ou précoces; réaliser le droit à la santé de toutes les femmes et filles; partager les responsabilités au sein du foyer et reconnaître la valeur du travail domestique; assurer le droit des femmes à hériter; et enfin assurer la participation des femmes aux processus de décision dans tous les domaines.  Il faut fixer des objectifs d'égalité entre les sexes dans tous les objectifs de développement, y compris par le biais d'objectifs spécifiques, a insisté Mme Menon. 

MME FRANCES RADAY, Présidente du Groupe de travail chargé de la question de la discrimination à l'égard des femmes dans la législation et dans la pratique, s'est concentrée sur les aspects du programme de développement pour l'après-2015 qui peuvent être abordés par son Groupe de travail.  Elle a notamment souligné que le programme de développement pour l'après-2015 devrait veiller à combler le fossé existant entre la représentation des hommes et celle des femmes dans les instances décisionnelles au plus haut niveau, par exemple en instituant des quotas dans les conseils d'administration.  Il faudrait en outre veiller à réduire la discrimination dont sont victimes les femmes dans l'emploi formel et leur exploitation dans le travail informel et accorder des aides aux femmes âgées, a poursuivi Mme Raday.  Elle a par ailleurs rappelé que les politiques d'austérité ont un impact disproportionné sur les femmes.  En conclusion, elle a souligné que les premières mesures à prendre devaient consister à abolir les mesures législatives discriminatoires qui existent encore dans de nombreux pays.

MME GITA SEN, Professeur au Centre for Public Policy at the Indian Institute of Management, a expliqué que ce qui compte ce sont les détails; tout ce qui est écrit en petits caractères et dont il faut tenir compte pour réaliser les droits des femmes.  Selon elle, l'Objectif n°3 du Millénaire pour le développement, qui porte sur l'égalité entre les sexes, n'a pas été appliqué correctement, puisque certains aspects de l'égalité ont été exclus des champs d'application, comme la santé génésique, par exemple.  Par ailleurs, la participation politique des femmes ne suffit pas, puisqu'elle n'a pas résolu la question des discriminations à leur encontre, a-t-elle poursuivi.  Ce qu'il faut maintenant faire dans le cadre de l'agenda de développement pour l'après-2015, c'est reconnaître le caractère indivisible des droits de l'homme.  Cela implique de véritables moyens de mise en œuvre et des investissements décisifs à la hauteur de l'enjeu de l'égalité, a conclu Mme Gita Sen.

MME LUISA CABAL, Professeur de droit à la Columbia University School of Law (New York), a rappelé que le respect des droits de chacun est fondamental au bien-être de toute société.  La santé génésique et le droit à la santé sont des préalables à la pleine participation des femmes dans tous les domaines de la vie, a-t-elle souligné.  Lorsqu'une femme est capable de prendre des décisions sur sa santé sexuelle et reproductive, elle peut mieux prendre sa vie en main – en particulier rester plus longtemps dans le système scolaire, trouver un emploi et organiser sa vie, a expliqué l'enseignante. 

M. KINSLEY KARIUKI, de la Fédération kenyane des habitants des bidonvilles, a expliqué que la situation de pauvreté dans laquelle vivent les habitants des bidonvilles de Nairobi va parfois jusqu'à engendrer la peur de se rendre aux toilettes, car la plupart de ces bidonvilles ne sont même pas dotés de toilettes dignes de ce nom.  Cet état de fait entraîne toutes sortes de maladies, y compris des infections urinaires, a-t-il insisté.  Par ailleurs, certaines filles qui, lors de leurs menstruations, n'ont pas de serviettes hygiéniques, ne vont alors pas à l'école par honte, ce qui est évidemment dommageable à leur scolarité, a-t-il ajouté.  Résoudre cette question de pauvreté est très complexe au Kenya, en raison, notamment, des intérêts en jeu: de nombreuses personnes ont en effet un intérêt politique ou financier à ce que persistent les bidonvilles, a affirmé M. Kariuki. 
 
Débat

Le Danemark, au nom des pays nordiques, a déclaré que le développement n'est pas envisageable sans la pleine habilitation des femmes dans tous les domaines.  Les normes sociales limitent le champ d'action des femmes dans le domaine économique, alors même que la participation des femmes est appelée à augmenter considérablement.  L'Union européenne a déclaré que la discrimination structurelle contre les femmes exige une réponse visible et forte, ainsi que des mesures ciblant les femmes et les filles.  Le prochain programme de développement devra donc s'attaquer précisément aux raisons structurelles de la marginalisation des femmes.

L'Égypte, au nom du Groupe arabe, a déclaré que les stratégies mondiales destinées à améliorer la place des femmes dans la vie sociale doivent être relancées dans le cadre de l'adoption du prochain programme de développement.  Si la place des femmes dans les sociétés arabes s'améliore indéniablement, il reste des lacunes que les gouvernements concernés doivent combler.  L'Éthiopie, au nom du Groupe africain, a constaté que certains pays ont réalisé des efforts louables dans l'élimination de la discrimination sexiste.  Le Groupe africain pense que le prochain programme de développement doit organiser la pleine participation des femmes à la vie économique, aux infrastructures et aux droits fonciers.

Le Canada, au nom du groupe des pays francophones, a déclaré que l'enlèvement de jeunes filles par le groupe Boko Haram, au Nigéria, montre que l'égalité entre les sexes et le respect des droits des femmes ne sont pas encore acquis et méritent une attention constante et soutenue de la communauté internationale, notamment par leur prise en compte dans le programme de développement pour l'après-2015.  Pour l'Inde, le risque existe que la communauté internationale rate le coche une nouvelle fois et qu'elle ne sache tirer parti de l'occasion offerte par le nouveau programme de développement pour donner pleinement effet aux droits des femmes.

Le Monténégro a préconisé d'agir contre les raisons structurelles de l'inégalité entre les sexes.  L'autonomisation des femmes doit figurer au premier rang des priorités de la communauté internationale, ce qui les mettra en mesure de contribuer pleinement au développement de leurs pays.  La Sierra Leone a observé que si la plupart des objectifs mentionnent explicitement les «droits de tous», hommes et femmes, les stéréotypes et la discrimination empêchent que les femmes ne bénéficient de la plénitude de leurs droits.  La Sierra Leone demande notamment que les prochains objectifs soient accompagnés de cibles chiffrées claires et concises.  De même, la Suisse a jugé essentiel que chacun des objectifs du programme pour l'après-2015 soit assorti de cibles et indicateurs relatifs au genre.  Pour la Suisse, le programme doit contenir en particulier une cible sur l'accès complet et abordable aux services de santé reproductive. 

L'Autriche a demandé aux panélistes de décrire les principaux obstacles à l'intégration de l'égalité entre les sexes dans l'ensemble des objectifs de développement.  L'Italie estime qu'il est temps pour la communauté internationale de définir un nouveau paradigme pour le développement qui tienne compte des lacunes et leçons des objectifs du Millénaire pour le développement.  Il faut y intégrer une dimension des droits de l'homme, placer l'égalité des sexes au centre de tous les objectifs et fixer un critère spécifique pour mesurer correctement les progrès sur ce dernier point.  Pour l'Italie, il faut transformer les relations hommes-femmes pour produire des changements à long terme dans la société, ce qui suppose des actions fortes, politiques et culturelles, et des actions à de multiples niveaux.  L'Australie s'est pour sa part félicitée du consensus sur la question de l'égalité entre homme et femmes et sur la nécessité de l'inscrire à l'ordre du jour du programme de développement. 

La France a souligné qu'il était nécessaire d'inscrire l'égalité homme-femme au cœur des priorités du programme de développement pour l'après-2015; elle y voit un impératif à la fois moral, économique et politique.  L'égalité homme-femme constitue un facteur de progrès pour les sociétés dans leur ensemble, mais les objectifs du Millénaire pour le développement n'ont pas été pleinement atteints dans ce domaine, ni en ce qui concerne la santé maternelle.  La France soutient une approche axée sur les droits, notamment sur la base des acquis de la Convention pour l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, des Programmes d'action de Beijing et du Caire et du Programme d'action de Rio+20.  L'Espagne a souligné que la discrimination à l'égard des femmes et des filles demeure l'inégalité la plus répandue.  C'est pourquoi le programme de développement pour l'après-2015 doit faire de l'égalité homme-femme le centre de son action.  L'Espagne soutient la double approche d'ONU-Femmes d'une approche transversale de l'égalité dans tous les objectifs et d'un objectif concernant spécifiquement cette égalité.  Les Pays-Bas (au nom d'un groupe de pays) ont également rappelé que l'autonomisation des femmes, y compris le plein accès aux soins de santé sexuelle et reproductive, ont été reconnus comme des éléments essentiels du développement il y a 20 ans à Beijing.  Toutefois, la pleine jouissance des droits fondamentaux demeure une simple aspiration pour des millions de femmes et jeunes filles.  Au-delà de 2015, il faudra traiter des inégalités, notamment de genre, du plein respect de la protection des droits de l'homme et d'une plus grande redevabilité s'agissant de l'accès universel à des soins sexuels et reproductifs de qualité.  Les objectifs du programme de développement pour l'après-2015 doivent inclure la santé sexuelle et reproductive des adolescents, les services de contraception et l'information en ce sens, les infections sexuellement transmissibles, la violence contre les femmes et la prévention des avortements dangereux. 

Les Maldives ont déclaré que la place des femmes dans le développement économique national a toujours été importante, même si leur rôle dans les prises de décisions politiques est encore restreint.  Le Mexique a déclaré promouvoir une société libre de toute discrimination et engagée en faveur de l'égalité des sexes, précisant que son plan national de développement 2013-2018 inclut la perspective de genre comme un objectif transversal.  En outre, le programme quinquennal PROIGUALDAD qui couvre la même période vise à lutter contre les discriminations dont sont victimes les femmes et à leur assurer l'égalité des chances.  En outre, le Mexique coordonne la collecte au niveau régional de statistiques sur le genre.  Le Mexique juge fondamental d'inclure dans le programme de développement pour l'après-2015 la perspective des droits des femmes et de fixer un objectif spécifique pour la promotion de l'égalité des sexes.  Pour la Turquie, les objectifs du Millénaire pour le développement ont réussi à réduire la pauvreté mais beaucoup reste à faire pour lutter contre le niveau de plus en plus élevé de pauvreté relative qui accompagne des inégalités croissantes.  En outre, les femmes sont devenues le plus important groupe démographique souffrant d'inégalités et de libertés restreintes, notamment dans les domaines de l'éducation, de la santé, de la protection sociale et des opportunités économiques.  La Turquie soutient pleinement l'inclusion de l'égalité sexuelle dans le programme de développement pour l'après-2015 et la stratégie préconisée à cette fin par ONU-Femmes. 

Israël a indiqué que l'agence israélienne de coopération internationale au développement avait tenu en novembre dernier à Haïfa une conférence internationale pour des dirigeantes sur le thème : «le programme de développement pour l'après-2015 assurer la présence centrale de l'autonomisation des femmes et de l'égalité des sexes dans le prochain cadre», dont la déclaration finale a été signée par les représentantes de haut niveau de 45 États.  Israël préconise une coalition entre organisations internationales, gouvernements, secteur privé, médias et société civile pour influencer la formulation des objectifs pour l'après-2015 et veiller à leur réalisation.  Le Chili a déclaré que les pouvoirs publics doivent se pencher sur la question du travail domestique, source d'inégalités entre les sexes, en raison notamment du fardeau que représentent les charges domestiques souvent assumées par les femmes.  Ce partage n'est pas naturel et peut être évité; il faut que cette question soit inscrite au programme du programme de développement pour l'après-2015. 

L'Éthiopie, qui a pris de nombreuses mesures pour promouvoir les droits des femmes, s'est dite convaincue que le programme de développement pour l'après-2015 permettra de parvenir aux objectifs d'égalité, à condition que l'on soutienne les efforts des États.  Il faut avant cela redoubler d'efforts, a plaidé la Slovénie, qui s'est inscrite dans cette logique en fournissant, par exemple, des soins de santé reproductive et génésique à toutes les femmes; cette question doit être inscrite à l'ordre du jour du programme de développement pour l'après-2015, ainsi que la question des mariages forcés et précoces.  Il faut fixer un ou des objectifs quantifiables et mesurables dans le cadre de ce programme, a ajouté la Pologne, qui s'est demandé comment combler les lacunes observées dans les objectifs du Millénaire pour le développement.  La Bulgarie a affirmé que l'on y observe une claire tendance à la disparition des stéréotypes sexistes.  Elle a par ailleurs affirmé son attachement à l'application de la résolution 1325 du Conseil de sécurité sur les femmes, la paix et la sécurité. 

Une institution nationale des droits de l'homme, la Commission des droits de l'homme de Malaisie (Suhakam) a déclaré que le rôle des femmes s'était amélioré au fil des ans dans le pays et que les femmes occupent désormais des positions de responsabilité.  La loi sur les violences sexuelles a fait des relations sexuelles conjugales forcées un crime.  Mais Suhakam a relevé des inégalités, notamment dans la transmission de la nationalité des enfants de couples mixtes malaisien-étranger.

Pour les organisations non gouvernementales, l'International Lesbian and Gay Association, au nom également du Réseau juridique canadien VIH/sida, a dénoncé l'impact dévastateur de la marginalisation des femmes et des filles mais aussi des lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres.  Elle reproche aux objectifs du Millénaire pour le développement de ne pas prendre en compte la spécificité de cette communauté, parmi d'autres discriminations ignorées.  Alors que de nouveaux objectifs du Millénaire pour le développement sont en cours d'élaboration, il faudra tenir compte de l'orientation sexuelle.  L'ONG souhaite savoir comment on pourrait discuter avec les États pour mieux en tenir compte. 

Amnesty international a demandé que tous les cadres, objectifs et indicateurs du programme de développement pour l'après-2015 soient cohérents avec les instruments internationaux dans le domaine des droits de l'homme.  La recherche de l'égalité entre hommes et femmes doit faire partie de chacun des objectifs tout en étant un objectif en soi.  Action Canada pour la population et le développement a déclaré que les objectifs du Millénaire pour le développement dans ce domaine seront probablement les moins bien atteints.  Le cadre de développement pour l'après-2015 devra tenir compte de l'influence négative du patriarcat et des stéréotypes négatifs. 
La Fédération générale des femmes arabes a déclaré qu'après l'invasion du pays en 2003, les femmes en Iraq doivent maintenant se battre pour des droits qu'elles avaient obtenus il y a plus de quarante ans.  Les femmes iraquiennes sont notamment confrontées à l'exploitation sexuelle et à la prostitution forcée.  Femmes Africa Solidarité a déclaré que les nombreuses violations des droits fondamentaux des femmes et des jeunes filles, comme par exemple l'enlèvement de jeunes écolières au Nigéria, interdisent tout progrès dans le domaine de l'égalité entre les sexes.

Conclusions des panélistes

MME SEN a déclaré que les problèmes des adolescentes, notamment sous l'angle de l'accès aux services de santé génésique, qui conditionnent leur avenir en bonne santé et leur immunisation à la violence sexuelle, sont malheureusement absents des débats sur les prochains objectifs du développement.

Mme Sen a jugé important que la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes soit enfin ratifiée de manière universelle, de même que son Protocole facultatif.  Les organisations de femmes et de jeunes jouent un rôle absolument incontournable pour aider la communauté internationale à mesurer les progrès accomplis sur le terrain, a-t-elle ajouté; ces organisations doivent donc disposer des moyens financiers et de la marge de manœuvre indispensables à leur fonctionnement, a-t-elle souligné.  Les femmes et les filles, elles, connaissent les problèmes qu'elles rencontrent et savent bien que leurs droits sont bafoués au quotidien: c'est donc avant tout aux hommes et aux garçons qu'il importe de prendre conscience de cette situation.

M. KARIUKI a suggéré que l'on annule la dette de certains États en échange de progrès réalisés dans le domaine de l'assainissement et de l'accès aux droits fonciers.

M. Kariuki a recommandé que les États assurent un suivi efficace des décisions qu'ils prennent, afin de pouvoir, le cas échéant, rectifier le tir.  Il faut savoir ne pas être trop prescriptif et s'adapter aux besoins des populations et des régions, a-t-il en outre souligné.  M. Kariuki a également préconisé des échanges de points de vue sur les problèmes rencontrés par les femmes dans leurs différents contextes de vie (milieu rural, milieu urbain).  Il a enfin insisté sur la nécessité d'assurer l'accès des femmes à l'assainissement – un besoin particulièrement manifeste dans le milieu rural.

MME RADAY a recommandé que les États prennent des mesures concrètes pour combattre l'absentéisme des filles à l'école, par exemple l'aménagement d'installations sanitaires propres et la lutte contre les violences sexuelles.  L'experte a préconisé que le prochain programme de développement comporte des dispositions relatives à l'accès équitable des femmes aux moyens de production, ainsi qu'à des services de garde des enfants.

Mme Raday a fait observer que l'on peut dégager un certain nombre de bonnes pratiques des efforts déployés et des mesures prises par divers pays en faveur de l'amélioration de la condition de la femme.  Il faut insister sur ces mesures et faire en sorte qu'elles deviennent des mesures obligatoires, a-t-elle conclu.

MME CABAL a insisté sur la nécessité de toucher en priorité les catégories les plus marginalisées de la population.  Il importe en particulier que le prochain programme de développement intègre des indicateurs sur l'élimination des lois discriminatoires et des difficultés d'accès aux services essentiels (par exemple l'autorisation parentale pour l'accès aux services de santé génésique).

Mme Cabal a pour sa part souhaité insister sur le rôle des institutions nationales de droits de l'homme aux fins de la réalisation des objectifs de défense et de promotion des droits des femmes; il convient de leur donner des moyens d'action suffisants, a-t-elle souligné. 

MME MENON a souligné l'importance de disposer de données ventilées non seulement par sexe, mais aussi par âge: il faut en effet mettre en évidence les besoins respectifs des différentes tranches d'âge.  À cet égard, les pays qui prennent la mesure de l'ampleur de leurs problèmes sont alors capables de prendre les dispositions correctrices nécessaires.  L'experte a précisé que chacun des objectifs devra être assorti d'indicateurs précis.  Il serait logique d'inclure, dans ce contexte, des indicateurs relatifs à l'égalité entre les sexes dans tous les objectifs.

Mme Menon a estimé que dans l'immédiat, il est important de donner suite aux objectifs de la résolution 1325 du Conseil de sécurité sur les femmes, la paix et la sécurité, notamment en changeant les mentalités à l'égard de la violence faite aux femmes. 

Droit de réponse

Exerçant le droit de réponse suite à une déclaration faite dans le cadre du débat interactif avec la commission d'enquête internationale indépendante sur la République arabe syrienne, le Liban a souligné que le parti mis en cause par une délégation, à savoir le Hezbollah, est représenté au Parlement libanais et travaille avec le Gouvernement libanais dans les efforts appuyés par l'ensemble de la communauté internationale.  Par conséquent, traiter ce parti de «parti terroriste» ne saurait être toléré.
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*Les délégations suivantes ont participé à la réunion-débat I: Brésil (Communauté des pays de langue portugaise), Union européenne, Éthiopie (Groupe africain), Finlande (Pays nordiques), Égypte (Groupe arabe), Maroc, Algérie, Irlande, Congo, Inde, République arabe syrienne, États Unis, Népal, France, Italie, Thaïlande, Royaume Uni, Brésil, Arabie saoudite, Angola, Suisse, Sierra Leone, Afrique du Sud, Koweït, Australie, Argentine, Lituanie, Nouvelle Zélande, Belarus et Fédération de Russie.

**Les délégations suivantes ont participé à la réunion-débat II: Danemark (Pays nordiques), Égypte(Groupe arabe), Union européenne, Éthiopie (Groupe africain), Canada (Groupe de pays francophones), Maldives, Monténégro, Inde, Autriche, Sierra Leone, Suisse, Italie, Pays Bas, Mexique, Israël, Espagne, Turquie, France, Chili, Australie, Éthiopie, Slovénie, Pologne et Bulgarie.

Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

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