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Communiqués de presse Conseil des droits de l’homme

Le Conseil des droits de l'homme tient une reunion-débat de haut niveau sur la lute contre les mutilations génitales féminines

16 Juin 2014

Conseil des droits de l'homme
MATIN

16 juin 2014

Le Conseil des droits de l'homme a tenu ce matin une réunion-débat de haut niveau consacrée à «l'identification de bonnes pratiques pour combattre les mutilations génitales féminines». 

Mme Navi Pillay, Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, a ouvert le débat en soulignant que l'on estime à plus de 125 millions le nombre de jeunes filles ayant été victimes des mutilations génitales féminines, une pratique qui est une violation des droits fondamentaux des jeunes filles.  Il est possible d'éradiquer les mutilations génitales féminines, comme le montrent des signes encourageants au plan international et national.  Néanmoins, au rythme actuel, l'objectif de réduction de moitié de la prévalence ne sera atteint qu'en 2074; c'est pourquoi la Haut-Commissaire appelle chacun à redoubler d'efforts pour accélérer le processus.

Les panélistes de cette réunion-débat animée par Mme Nakpo Polo, Représentante permanente du Togo auprès des Nations Unies à Genève, étaient Mme Chantal Compaoré, Première Dame du Burkina Faso et Ambassadrice de bonne volonté de la campagne mondiale pour l'interdiction des sur mutilations génitales féminines; Mme Mariam Laminaza, Présidente du Comité interafricain sur les pratiques traditionnelles; Mme Nafissatou Diop, Coordinatrice du programme commun FNUAP/UNICEF sur les mutilations génitales féminines et l'excision; Mme Hiranthi Wijemanne, membre du Comité des droits de l'enfant; Mme Liz Ditchburn, Directrice des politiques au Ministère du développement international du Royaume-Uni; et Mme Marleen Temmerman, Directrice du Département santé et recherche génésiques de l'Organisation mondiale de la Santé.

Mme Compaoré a notamment expliqué que les causes des mutilations génitales féminines se trouvent dans les pratiques religieuses ou culturelles et l'ignorance et souligné qu'il est primordial de renforcer la sensibilisation et la diffusion d'instruments régionaux, ainsi que de définir de nouvelles stratégies visant à intensifier les efforts de lutte contre cette pratique.  Mme Lamizana a plaidé pour l'élaboration et le renforcement de programmes régionaux de sensibilisation, l'adoption d'actions communautaires et dispositifs juridiques, et la priorisation de la lutte contre les mutilations génitales féminines par les États.  Il appartient en premier lieu aux communautés concernées de changer la pratique, a pour sa part estimé Mme Ditchburn, expliquant que le Royaume-Uni met l'accent sur la prévention, la sensibilisation, le soutien des médias et du Gouvernement.  Mme Wijemanne a souligné que des lacunes persistent dans le cadre juridique de lutte contre ces pratiques et a souligné l'importance de renforcer les synergies entre la Convention relative aux droits de l'enfant et la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes dans les régions à forte prévalence.  Mme Temmerman a insisté sur l'importance de former les médecins dans le monde entier concernant ces pratiques et sur les dispositions juridiques existantes; il faut aussi mettre en place des mécanismes de collecte de données et des mécanismes juridiques pour assurer la reddition de comptes.  Le programme commun FNUAP/UNICEF sur les mutilations génitales féminines et l'excision aide les gouvernements à concevoir, avec tous les acteurs concernés, des programmes et stratégies fondés sur des pratiques optimales, a expliqué sa coordinatrice, Mme Diop.

Dans le débat qui a suivi, les délégations ont unanimement condamné les mutilations génitales féminines, qualifiées de violation des droits des femmes et jeunes filles et l'une des formes les plus répandues de violence contre les femmes.  Pour les pays de l'Union africaine, ce sont des pratiques surannées, désuètes et absolument condamnables, une atteinte inacceptable à l'intégrité des femmes et des jeunes filles.  Ces pratiques n'ont aucun lien avec quelque religion que ce soit, a pour sa part souligné le Groupe des pays arabes, pour qui les mutilations génitales féminines sont des pratiques culturelles qui varient selon les communautés.  C'est dans ce contexte que de nombreuses délégations ont présenté les mesures prises dans leur pays pour lutter contre ce phénomène, dont des mesures de pénalisation, de sensibilisation, de prévention, de formation et de coopération.  Pour plusieurs délégations, ces efforts exigent d'être renforcés et accélérés, notamment dans le cadre du programme de développement pour l'après-2015.

Les délégations suivantes ont pris part au débat : Éthiopie(Groupe africain), Égypte(Groupe arabe), Irlande, Maroc, Italie, Nouvelle-Zélande, Autriche, États-Unis, Algérie, Sierra Leone, Gabon, Union africaine, Union européenne, Soudan, France, Norvège, Royaume Uni, Suisse, Togo, Égypte, Finlande, Australie, Congo, Danemark, Indonésie et Portugal, ainsi que deux organisations non gouvernementales, Plan International et Center for Inquiry

 

Le Conseil reprend à la mi-journée le débat interactif entamé vendredi avec les Rapporteurs spéciaux sur l'indépendance de la justice et des avocats et sur les droits de l'homme des migrants, avant d'entamer l'examen de rapports sur le droit à l'éducation et sur la question de la discrimination à l’égard des femmes dans la législation et dans la pratique.

 

Réunion-débat sur la lutte contre les mutilations génitales féminines

Déclarations liminaires

MME NAVI PILLAY, Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, a rappelé que les mutilations génitales féminines sont très répandues dans plusieurs pays et que plus de 125 millions de jeunes filles en ont été victimes.  Les mutilations génitales féminines sont des violations des droits fondamentaux des jeunes filles, qu'aucune raison valable ne justifie, notamment du point de vue sanitaire, a-t-elle souligné.  Tout comme la pratique du mariage des enfants, les mutilations génitales féminines servent à contrôler les jeunes filles et leur vie sexuelle, de même qu'à perpétuer une conception néfaste de la répartition des rôles entre les sexes.  Là où elles sont généralisées, les mutilations génitales féminines sont appuyées par les femmes et les hommes, a fait observer la Haut-Commissaire, avant d'ajouter que la persistance du problème s'explique aussi par des raisons économiques. 

Mais il est possible d'éradiquer les mutilations génitales féminines, comme le montrent des signes encourageants aux plans international et national, a poursuivi Mme Pillay.  Les Nations Unies ont appelé les États à adopter et faire appliquer des lois interdisant les mutilations génitales féminines, à mettre en place des services de soutien psychologique et social et à prendre des mesures pour aider les femmes et les filles ayant été victimes de mutilations génitales.  Suite à l'action menée dans ce sens par plusieurs États, le Fonds des Nations Unies pour la population (UNICEF) estime que la prévalence des mutilations génitales féminines a baissé de 5 % entre 2005 et 2010.  À ce rythme toutefois, l'objectif de réduction de moitié de la prévalence ne sera atteint qu'en 2074, c'est à dire beaucoup trop tard, a souligné la Haut-Commissaire.  Mme Pillay a donc appelé les acteurs internationaux et nationaux à redoubler d'efforts.  Le débat d'aujourd'hui constitue une excellente occasion de discuter de la façon de généraliser les bonnes pratiques pour l'éradication des mutilations génitales féminines, a-t-elle indiqué.

MME NAKPA POLO, Représentante permanente du Togo à Genève et animatrice du débat, a déploré la persistance des pratiques relatives aux mutilations génitales féminines en dépit des nombreux efforts entrepris aux niveaux tant international que national.  Ce sont des pratiques qui violent les droits humains de la femme, notamment son droit à la santé ou celui d'être libre de disposer de son corps, a-t-elle ajouté, assimilant cette pratique à un traitement cruel, inhumain ou dégradant. 

Panélistes

MME CHANTAL COMPAORE, Première Dame du Burkina Faso et Ambassadrice de bonne volonté de la campagne mondiale pour l'interdiction des mutilations génitales féminines, a évalué à 130 à 140 millions dans le monde le nombre de femmes ayant subi des mutilations génitales féminines et à trois millions le nombre de celles qui seraient susceptibles de les subir.  Les campagnes de sensibilisation et les différentes actions ont permis une baisse significative de la prévalence dans les pays, surtout africains, où ces pratiques sont en vigueur, a-t-elle poursuivi.  Ainsi, a-t-elle précisé, au Burkina Faso, les taux de prévalence sont descendus en 2010 à 13,3% pour les enfants âgés de zéro à quatorze ans, contre 20% en 2003 pour les enfants âgés de zéro à dix ans.  Il est donc important de maintenir la pression par la sensibilisation et l'adoption de mesures dissuasives afin d'accélérer la tolérance zéro face aux mutilations génitales féminines, a plaidé Mme Compaoré.  Elle a ensuite expliqué que les causes des mutilations génitales féminines se trouvent dans les pratiques religieuses et culturelles.  L'excision fonctionne comme une norme interposée à laquelle on se soumet sous peine de discrimination et d'exclusion, a-t-elle affirmé, ajoutant que la cause essentielle en est l'ignorance, le clitoris étant perçu comme un organe malsain dont l'ablation serait un moyen de préserver la virginité de la jeune fille jusqu'au mariage et d'assurer la fidélité chez les femmes mariées. 

MME HIRANTHI WIJEMANNE, membre du Comité des droits de l'enfant et coordinatrice du groupe de travail commun du Comité et le Comité pour l'élimination des discriminations à l'égard des femmes sur les recommandations générales concernant les pratiques néfastes, a déclaré d'emblée que les mutilations génitales pratiquées sur des enfants devraient être absolument interdites au vu de leur caractère néfaste, dangereux et contraire aux droits fondamentaux des filles.  Les mutilations génitales constituent aussi un problème de discrimination à l'égard des femmes, car ces pratiques suscitent des risques graves pour leur santé au moment de l'accouchement et tout au long de la vie.  Les mutilations génitales féminines sont donc contraires au droit à la santé et à la plénitude des droits économiques, sociaux et culturels, a insisté Mme Wijemanne.  Des lacunes persistent dans le cadre juridique de la lutte contre ces pratiques, a poursuivi Mme Wijemanne.  Il faut examiner les conditions d'application de la Convention relative aux droits de l'enfant et de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes dans les régions à forte prévalence, a-t-elle par ailleurs souligné.  Un important travail de sensibilisation et d'information est nécessaire à cet égard, surtout auprès des jeunes, plus réceptifs que leurs aînés, a-t-elle indiqué.  Le personnel médical doit être formé au respect des codes de conduite et les autorités de santé tenues de respecter les dispositions de la loi.  Enfin, il faut assurer la scolarisation des filles et impliquer les garçons, a ajouté Mme Wijemanne.

MME MARIAME LAMIZANA, Présidente du Comité interafricain sur les pratiques traditionnelles, a déclaré que les mutilations génitales féminines constituent un fléau national, régional et international au regard de l'interpénétration culturelle et traditionnelle entre les populations vivant dans les 29 pays africains où cette pratique existe ainsi qu'au regard de sa persistance au sein des communautés africaines immigrées à travers le monde.  Elle a fait observer que, pour les communautés qui les pratiquent, les mutilations génitales féminines sont une norme sociale et qu'il est difficile pour un individu ou une famille de se désolidariser du corps social en arrêtant ou en refusant l'excision, même s'il est favorable à l'abandon de cette pratique.  Mme Lamizana a attribué la résistance à l'abandon de la pratique à la forte interdépendance du processus de décision.  Dès lors, il faut développer et renforcer les programmes régionaux de sensibilisation, en particulier au niveau transfrontalier et renforcer les capacités d'intervention des réseaux régionaux de leaders religieux, de jeunes et de professionnels des medias afin de créer des dynamiques régionales en faveur d'un changement des normes sociales en matière de mutilations génitales féminines.  Il faut adopter des actions communautaires, a insisté la Président du Comité interafricain.  Ces différentes structures ont joué un grand rôle dans les progrès réalisés en matière de lutte contre les mutilations génitales féminines, a-t-elle souligné.  Le soutien à ces réseaux devrait donc se poursuivre de différentes manières, notamment par l'appui à la mise en œuvre et à l'évaluation des plans et programmes régionaux et nationaux visant à accélérer l'élimination des mutilations génitales féminines, le renforcement des capacités d'intervention, celui des programmes de formation pour un développement de l'expertise nationale et régionale, la coordination des actions au niveau régional et la mobilisation des ressources, a plaidé Mme Lazimana.  Elle a en outre préconisé l'adoption de mesures juridiques ainsi qu'un plaidoyer auprès des États et de la communauté internationale pour qu'ils considèrent la lutte contre les mutilations génitales féminines comme une priorité.  Enfin, Mme Lazimana a jugé nécessaire de renforcer la synergie des actions menées au niveau des organisations régionales et de mettre en place des stratégies d'action visant à créer un mouvement régional pour l'abandon des mutilations génitales féminines. 

MME LIZ DITCHBURN, Directrice des politiques au Ministère du développement international du Royaume-Uni, a déclaré que son pays est préoccupé par la situation des quelque 120 millions de femmes touchées par les mutilations génitales féminines dans le monde.  Elle a souligné qu'il appartient en premier lieu aux communautés concernées de changer leurs pratiques, soulignant que les communautés de la diaspora au Royaume-Uni étaient elles aussi touchées par les mutilations génitales féminines.  Il est difficile au Royaume-Uni d'obtenir des données exactes sur ce phénomène, mais une étude réalisée il y a plusieurs années a signalé que 60 000 femmes étaient touchées et 20 000 autres exposées, a indiqué Mme Ditchburn.  Elle a expliqué que son pays met l'accent sur la prévention dans le but de mettre fin à cette pratique en une génération, en sensibilisant tous les acteurs et la société dans son ensemble – encore peu informée sur la question.  Elle a en outre attiré l'attention sur le rôle des médias, en faisant observer que les médias dominant s'étaient depuis quelques années saisis de la question, ce qui contribue à sensibiliser le grand public.  Le soutien du Gouvernement est également déterminant, a-t-elle ajouté.  Au plan international, le Département pour le développement international du Royaume-Uni soutient activement et financièrement les programmes traitant de cette question et notamment la recherche sur les mutilations génitales féminines, a fait valoir Mme Ditchburn.  Elle a par ailleurs souligné que Londres accueillerait prochainement un sommet mondial sur la santé qui fournira l'occasion d'accélérer le mouvement mondial contre les mutilations génitales féminines et les mariages forcés. 

MME MARLEEN TEMMERMAN, Directrice du Département santé et recherche génésiques de l'Organisation mondiale de la Santé, a indiqué que l'OMS s'est bien entendu penchée sur cette question et qu'elle axe ses interventions sur la prévention, la recherche et le travail commun avec ses partenaires.  L'OMS s'intéresse également aux victimes et cherche les moyens d'améliorer leurs vies, a-t-elle aussi assuré.  Mme Temmerman a ensuite observé que le phénomène ne se limite plus à un seul pays ou une région en particulier et souligné qu'il fallait assurer la formation de médecins partout dans le monde pour qu'ils puissent identifier les différentes catégories de mutilations génitales féminines et soient capables de dire non aux demandes qui leur sont parfois faites par les familles elles-mêmes.  Parallèlement, il faut mettre en place des mécanismes de collecte de données et des mécanismes juridiques pour assurer la reddition de comptes. 

MME NAFISSATOU DIOP, Coordinatrice du Programme commun FNUAP/UNICEF sur les mutilations génitales féminines et l'excision, a déclaré que le programme aide les gouvernements à concevoir, avec tous les acteurs concernés, des programmes et stratégies fondés sur des pratiques optimales.  Le programme évalue les pratiques traditionnelles en fonction de leur conformité aux droits de l'homme et aux valeurs fondamentales qui font que les parents souhaitent que leurs enfants se développent harmonieusement et avec toutes les chances de leur côté.  Les activités menées par le programme en vue de l'abandon progressif des mutilations génitales féminines par les communautés concernées remportent des succès.  Le programme s'appuie notamment sur les législations qu'il aide les États à adopter, car légiférer dans ce domaine a pour avantage de légitimer les personnes qui s'opposent aux mutilations génitales féminines.  Le programme s'efforce aussi de créer un véritable réseau de militants contre les mutilations génitales féminines.

Débat

À l'instar de l'Éthiopie, au nom du Groupe africain, nombre de pays ont souligné que les mutilations génitales féminines représentent une violation claire des droits des femmes et jeunes filles et constituent l'une des formes les plus répandues de violence contre les femmes.  L'Éthiopie a reconnu que les mutilations génitales féminines représentent une pratique qui perdure et reste considérée comme acceptable par les communautés de plusieurs parties du pays; il n'en demeure pas moins que ces pratiques constituent une atteinte inacceptable à l'intégrité des femmes et jeunes filles, a ajouté le pays, avant de faire valoir que sur le continent africain, les chiffres des mutilations génitales féminines sont à la baisse.  L'Union africaine, qui a qualifié de surannées, désuètes et absolument condamnables les pratiques de mutilations génitales féminines, a rappelé les mesures qu'elle a prises à son niveau (en vue de l'éradication de ces pratiques) ainsi que le soutien actif apporté par les chefs d'État et de gouvernement des pays membres de l'Union africaine à la résolution 67/146 de l'Assemblée générale sur l'intensification des efforts de lutte contre les mutilations génitales féminines. 

L'Égypte, au nom du Groupe arabe, mais aussi l'Algérie ou encore l'Autriche ont rejeté toute relation entre la religion et les mutilations génitales féminines, ces pratiques traditionnelles étant enracinées dans les sociétés pour des raisons autres que religieuses.  Le Maroc a fait observer que si religion et traditions se confondent pour perpétuer des mutilations génitales féminines pratiquées depuis des siècles, aucune religion ne prescrit, pour autant, de telles pratiques.  L'Irlande, le Royaume-Uni ou encore le Togo ont fait observer que les raisons qui sous-tendent la pratique des mutilations génitales féminines varient d'un groupe ethnique à l'autre mais reflètent toutes des inégalités de statut entre les hommes et les femmes. 

Les délégations ont fait part des mesures que prennent leur pays en matière de lutte contre les mutilations génitales féminines.  La Sierra Leone a indiqué que cette pratique était profondément ancrée dans le pays et liée à des sociétés secrètes de femmes; les mutilations sont pratiquées dans le secret, ce qui constitue un des principaux obstacles à leur cessation, malgré une forte mobilisation des ONG qui a fait modestement baissé l'incidence de cette pratique grâce à des efforts de sensibilisation et d'éducation dont les effets se font sentir non pas dans l'immédiat mais sur le long terme.  La Sierra Leone a demandé aux panélistes ce qui peut être répondu à des femmes adultes qui prétendent avoir le droit de choisir de recourir ou non aux mutilations génitales féminines pour elles-mêmes. 

Le Gabon a préconisé la mise en place d'activités de substitution génératrices de revenus pour les praticiens, attirant ainsi l'attention sur les aspects économiques de la pratique des mutilations génitales féminines. 

Le Soudan a indiqué posséder une longue tradition de lutte contre les mutilations génitales féminines et a précisé avoir mis en place un conseil national chargé de coordonner la lutte contre ces pratiques, dans le but de les éradiquer d'ici 2018 environ.  L'Égypte a rappelé qu'elle était un des États les plus touchés par les mutilations génitales féminines et s'est dite consciente des défis persistants en la matière en dépit des progrès réalisés dans la lutte contre ces pratiques.  Elle a fait valoir qu'un médecin ayant pratiqué des excisions est actuellement poursuivi, ce qui n'aurait pas été possible sans les mesures adoptées dans le pays.

Le Togo a rappelé avoir interdit dès 1998 les mutilations génitales féminines et que des mesures d'accompagnement avaient été prises afin d'assurer la reconversion des exciseuses.  Le pays a fait état d'une chute de la prévalence de ces pratiques de 12% en 1996 à 2% en 2012 et a estimé que l'objectif zéro est possible.  Le Congo a quant à lui déclaré que cette pratique n'existait pas dans les coutumes du pays mais que quelques cas avaient en revanche été observés dans des familles d'origine étrangère.  Tout en saluant le rôle joué par la société civile dans la lutte contre les mutilations génitales féminines, le pays a souligné que les États ont un rôle majeur à jouer pour fixer le cadre législatif entourant cette lutte.

Nombre de délégations ont elles aussi insisté sur le rôle de la société civile.  L'Irlande a fait observer qu'il faut, au sein d'une communauté donnée, atteindre une masse critique pour lutter efficacement contre le fléau des mutilations génitales féminines; aussi, est-il particulièrement important de promouvoir des actions collectives coordonnées.  Le Maroc a mis l'accent sur la prise en charge des victimes de telles pratiques.

La Nouvelle-Zélande a constaté qu'au rythme actuel auquel progresse la lutte contre les mutilations génitales féminines, il faudrait soixante ans pour venir à bout de cette pratique, ce qui est bien trop long; aussi, le pays a-t-il mis l'accent sur l'importance que revêt la coopération internationale.  L'Italie a indiqué avoir consacré 17 millions d'euros à la lutte contre les mutilations génitales féminines et promu diverses initiatives – au nombre desquelles figure la Conférence internationale organisée à Rome en octobre 2013 visant à promouvoir l'élimination de ces pratiques en une génération.  Le Groupe arabe, par la voix de l'Égypte, a indiqué appuyer les efforts des différentes agences onusiennes impliquées dans la lutte contre les mutilations génitales féminines et a déclaré que tous les États membres du Groupe se sont engagés à mettre fin au fléau par des actions de sensibilisation voire de pénalisation. 

Plusieurs États accueillant des immigrés membres de communautés qui pratiquent les mutilations génitales féminines ont fait part des mesures qu'ils ont prises au niveau national pour éradiquer ces pratiques.  L'Union européenne a indiqué appliquer une politique de tolérance zéro à l'égard des mutilations génitales féminines et a présenté diverses mesures prises pour les éradiquer, notamment par le dialogue avec les États partenaires et le soutien à la société civile.  L'Union européenne a annoncé le versement de 3,7 millions d'euros à ses États membres en faveur de campagnes de sensibilisation et de 11,4 millions d'euros pour des ONG travaillant avec les victimes.   L'Italie a souligné avoir interdit les mutilations génitales féminines dans le pays et a indiqué qu'assistance et soutien y sont prévus pour les femmes victimes.  En Autriche, les auteurs de mutilations génitales féminines, mais aussi les parents de la victime si elle est mineure, sont passibles de sanctions pénales.  Les États-Unis pénalisent non seulement la pratique des mutilations génitales féminines dans le pays mais aussi le fait d'envoyer des enfants à l'étranger pour leur faire subir de telles mutilations.  Quant à la France, elle a rappelé son rôle précurseur dans la lutte contre les mutilations génitales féminines – à l'égard desquelles elle applique une politique de tolérance zéro – et a précisé disposer d'un arsenal juridique complet accompagnant cette lutte.  Ainsi, la France cherche-t-elle à faire condamner l'incitation à subir des mutilations génitales féminines et un juge français peut-il empêcher une mineure de se rendre à l'étranger s'il estime qu'elle risque d'y subir une mutilation génitale.  En outre, le droit d'asile français retient l'imposition d'une mutilation génitale féminine comme étant constitutive d'une persécution.  La France soutient par ailleurs l'adoption de protocoles chirurgicaux pour venir en aide aux victimes; elle souhaite toutefois mettre également l'accent sur la prévention et la promotion de la lutte contre les mutilations génitales féminines au plan international.  La Suisse a expliqué collaborer étroitement avec la société civile afin de sensibiliser et d'informer les victimes potentielles ainsi que le secteur médical.  La Suisse s'est enquise des mesures qui pourraient être prises pour faciliter l'accès à la justice des victimes souhaitant porter plainte. 

La Nouvelle-Zélande, qui a rappelé avoir rendu illégale en 1996 la pratique des mutilations génitales féminines, a indiqué n'avoir reçu aucune notification de cas concernant de telles pratiques dans le pays; le pays a toutefois attiré l'attention sur la difficulté que peuvent rencontrer les victimes pour porter plainte.  Il n'en demeure pas moins que deux enquêtes menées au niveau national en Nouvelle-Zélande en 1998 et en 2008 ont montré une chute de 76% à 43% de la proportion des membres des communautés susceptibles d'être concernées par cette pratique qui se disaient plutôt favorables aux mutilations génitales féminines.  L'Australie a souligné voir dans ces pratiques une atteinte à la santé des femmes qui n'est en aucun cas tolérée dans ce pays; une évaluation menée en 2013 a montré que la législation australienne en la matière était efficace.  L'Australie, qui vient en aide aux victimes et lutte contre leur stigmatisation, souhaiterait aussi savoir ce qui peut être fait de plus en matière de sensibilisation des communautés concernées.

L'Indonésie a elle aussi présenté les mesures qu'elle a prises pour lutter contre le phénomène des mutilations génitales féminines.  Le Portugal a indiqué avoir mis en place un programme global, incluant des mesures simples, au nombre desquelles l'instauration d'un prix décerné aux associations de migrants qui militent activement contre ces pratiques.

La Norvège a mis l'accent sur la recherche du consensus communautaire visant l'abandon des pratiques de mutilations génitales féminines au sein des communautés concernées.  Le Royaume-Uni a attiré l'attention sur le rôle moteur des Nations Unies dans la lutte contre ces pratiques et a insisté sur l'importance qu'il y a à impliquer les hommes dans la lutte contre les mutilations génitales féminines.  Le pays a par ailleurs rappelé la tenue, le 20 juillet prochain, d'un sommet mondial sur la santé consacré, notamment, à la lutte contre les mutilations génitales féminines et les mariages forcés. 

La Finlande a jugé prioritaire de partager les bonnes pratiques en matière de lutte contre les mutilations génitales féminines, soulignant que ces pratiques constituent un véritable problème de santé génésique et nuisent à la vie sociale des victimes.  La santé génésique et la lutte contre les mutilations génitales féminines doivent être incluses dans le programme de développement pour l'après-2015, a souligné la délégation finlandaise.  Au-delà de l'horreur de la mutilation elle-même, le Danemark a mis l'accent sur les problèmes de santé, en particulier génésique, dont sont victimes les femmes ayant subi des mutilations génitales féminines.

S'agissant des organisations non gouvernementales, Plan International a appelé à la création de partenariats internationaux contre les mutilations génitales féminines, et préconisé l'adoption de législations nationales interdisant d'une manière générale les pratiques néfastes, la participation de toutes les parties prenantes aux initiatives contre les mutilations génitales féminines, ainsi que la participation et l'éducation des enfants - filles et garçons.  Center for Inquiry a noté que les mutilations génitales féminines sont souvent appuyées par des personnes détentrices d'un certain pouvoir au sein de la société; aussi, l'organisation a-t-elle recommandé aux États de mettre l'accent sur les actions de formation et de sensibilisation. 

Conclusions

MME COMPAORE, a estimé que pour répondre aux défis persistants, il faudrait au niveau national intensifier les initiatives réussies, y compris en renforçant les capacités des acteurs.  Il faudrait également renforcer le plaidoyer auprès des autorités politiques et administratives, intensifier les campagnes de communication ou encore diffuser les instruments régionaux et internationaux, notamment le protocole de Maputo et la résolution 67/146 de l'Assemblée générale.  Au niveau international, il faudrait poursuivre les concertations régionales et internationales afin de capitaliser sur les meilleures pratiques et mettre en place ou renforcer les programmes communs contre les pratiques transfrontalières.  Quant au système des Nations Unies, il devrait accentuer l'alerte sur les graves conséquences des mutilations génitales féminines et parvenir à l'unanimité sur la nécessité de définir de nouvelles stratégies visant à intensifier les efforts de lutte contre cette pratique.  En conclusion, la Première Dame du Burkina Faso et Ambassadrice de bonne volonté de la Campagne mondiale pour l'interdiction des mutilations génitales féminines a remercié les délégations qui lui ont témoigné des signes de sympathie et les intervenants pour la qualité de leurs exposés.

MME WIJEMANNE, répondant à une question sur le consentement préalable, a souligné que les mutilations génitales féminines sont une pratique le plus souvent imposée aux femmes.  En conséquence, la question du consentement ne peut être posée.  L'experte du Comité des droits de l'enfant a également plaidé pour un renforcement des synergies entre la Convention relative aux droits de l'enfant et celle sur les discriminations à l'égard des femmes.  Pour elle, il s'agit de renforcer les obligations contractées par les États dans le cadre de ces deux instruments.  Mme Wijemanne a aussi recommandé davantage de recherches, d'enquêtes et de documentation sur ces pratiques, afin de se fonder sur la situation réelle de la question et de tirer parti des expériences qui ont fonctionné vraiment pour mettre fin à ces pratiques.

MME LAMIZANA a déclaré que le renforcement de la lutte contre les mutilations génitales féminines passe notamment par la protection et par la prise en charge.  Elle a encouragé les organisations régionales à mieux coordonner leur action de mobilisation des ressources, à adopter des stratégies d'action conduisant à un mouvement régional contre les mutilations génitales féminines et à renforcer leur plaidoyer pour que les États appliquent les dispositions du droit international dans ce domaine, notamment les résolutions des Nations Unies.  Mme Lamizana a plaidé pour une documentation des expériences et pour un échange d'information et de bonnes pratiques.  Le Comité interafricain a dans ce sens mis en place un instrument de «zonage» permettant un tel échange d'informations.

MME DITCHBURN a constaté qu'il semblait exister un consensus sur la nécessité de mettre un terme aux mutilations génitales féminines.  Il importe désormais d'intensifier les initiatives afin de créer un mouvement irréversible contre les mutilations génitales féminines au plan international.  Il est clair que la loi à elle seule ne suffira pas à régler le problème.  Comme il a été dit, l'éducation des filles est déterminante, tout autant que la sensibilisation des hommes.  La responsable britannique s'est félicitée du consensus prévalant sur cette question et a salué la qualité de la coopération en matière de lutte contre les mutilations génitales féminines.

MME DIOP a souligné que le Programme commun FNUAP/UNICEF sur les mutilations génitales féminines et l'excision vise la rationalisation et l'optimisation des ressources et services mis à la disposition des victimes dans les dix-sept pays couverts.  Les progrès à cet égard sont indéniables, mais il faudra dégager de nouvelles ressources pour étendre encore la portée du programme.  Mme Diop a préconisé l'adoption de systèmes de gouvernement décentralisés, le renforcement du rôle des différents acteurs de la coopération régionale et la prise d'engagements financiers réguliers et fiables par les bailleurs de fonds.  En conclusion, Mme Diop a salué la qualité de la coopération internationale pour faire cesser cette pratique.  Elle a également remercié les donateurs au Programme commun FNUAP/UNICEF sur les mutilations génitales féminines et l'excision.

MME TEMMERMAN a souligné la nécessité de tenir compte des millions de femmes qui subissent les conséquences médicales des mutilations.  Il faut disposer de données spécifiques à cet égard, tout en luttant contre la médicalisation de la pratique.  L'OMS recommande l'adoption de directives internationales plus claires et de plans nationaux impliquant les différents acteurs concernés.  Il faut aussi trouver le moyen de placer le problème au cœur des préoccupations publiques.  La santé est un point d'entrée très efficace pour dénoncer une pratique délétère et préjudiciable, quelles que soient les conditions de son application.  Mme Temmerman a également plaidé pour l'inclusion de cette question dans le programme de développement pour l'après-2015.


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