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Communiqués de presse Conseil des droits de l’homme

Le conseil des droits de l'homme examine des rapports sur les exécutions extrajudiciaires ou arbitraires et sur les personnes déplacées

12 Juin 2014

APRES MIDI

12 juin 2014

Le Conseil des droits de l'homme s'est penché cet après-midi sur des rapports traitant des exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, d'une part, et des droits de l'homme des personnes déplacées dans leur propre pays, d'autre part.

Le Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, M. Christof Heyns, a expliqué que le risque existe que les pouvoirs étendus octroyés aux forces de police soient utilisés de manière abusive et que les personnes chargées de protéger les droits en viennent à les bafouer. Il serait donc de l'intérêt de tous de soumettre ces pouvoirs à une vigilance constante. Pour l'expert, le recours à la force doit respecter les principes de proportionnalité et de nécessité, ainsi que le droit à la vie. M. Heyns a également estimé que l'utilisation de drones armés ou d'aéronefs téléguidés, autre sujet abordé dans son rapport, soit également soumis à des principes, notamment le respect au cadre juridique international existant. En tant que pays concerné par une mission du Rapporteur spécial, le Mexique a fait une déclaration.

La plupart des délégations ont ensuite insisté sur la nécessité de rendre les normes nationales dans ce domaine conformes au droit international, en particulier s'agissant de l'usage d'armes létales par les forces de l'ordre. Plusieurs intervenants ont également abordé le problème des armes autonomes létales, notamment les drones. Tandis que des délégations se prononçaient sur une nécessaire réglementation de l'usage de ces armes, d'autres ont estimé que le Conseil n'était pas compétent en la matière et que cela relevait de la Convention sur certaines armes classiques.

Le Rapporteur spécial sur les personnes déplacées dans leur propre pays, M. Chaloka Beyani, a pour sa part analysé la Convention de l'Union africaine sur la protection et l'assistance aux personnes déplacées en Afrique (Convention de Kampala) entrée en vigueur en décembre 2012. Il a expliqué qu'elle offre des garanties et des normes pour la protection des personnes déplacées internes, sans se limiter aux conflits armés. Pour exploiter au mieux le potentiel de la Convention de Kampala, sa transcription dans le droit interne des pays et sa mise en œuvre sont des priorités. L'expert a aussi rendu compte des missions qu'il a menées en Géorgie, en Serbie, au Soudan du Sud et à Sri Lanka. Ces quatre pays ont réagi en tant que pays concernés.

Dans le débat qui a suivi, plusieurs délégations ont salué l'avancée majeure que représente la Convention de Kampala, qui pourrait même servir de modèle à d'autres régions. Plusieurs intervenants ont rappelé que la protection des droits des personnes déplacées internes et leur assistance relève principalement des États dans lesquels elles se trouvent. Cependant, un dialogue constant avec des experts et d'autres acteurs, y compris internationaux, peut faciliter des solutions durables.

Les délégations suivantes ont pris part aux échanges avec les deux experts: Algérie, Angola, Argentine, Arménie, Autriche, Brésil, Chile, Chine, Comité international de la Croix rouge, Costa Rica (Communauté des États d'Amérique latine et des Caraïbes), Cuba, Égypte, État de Palestine, États Unis, Éthiopie (Groupe Africain), Fédération de Russie, Inde, Indonésie, Irlande, Norvège, Pakistan, Pakistan (Organisation de la coopération islamique), Royaume-Uni, Suède, Suisse, Thaïlande, Ukraine, Union européenne. En fin de séance, l'Arménie, la Géorgie, l'Azerbaïdjan et le Soudan ont exercé le droit de réponse.

Le Conseil reprendra ce débat demain matin dès 9 heures avant de porter son attention sur des rapports traitant de la traite des êtres humains et du droit à la solidarité internationale.

Exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires; personnes déplacées

Présentation des rapports

M. CHRISTOF HEYNS, Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, a présenté son rapport dont la partie thématique porte, cette année, sur la protection du droit à la vie dans le contexte des opérations de maintien de l'ordre. Le Rapporteur spécial part du constat que l'État moderne, confronté à de nombreux défis, ne peut fonctionner sans l'aide d'une police – une évidence qui s'applique également au système des droits de l'homme lui-même. Les policiers protègent la société de la violence, appliquent les décisions de justice et font respecter les droits des citoyens en ayant recours, parfois, à la force, a expliqué M. Heyns. Cependant, le risque existe que les pouvoirs étendus octroyés aux forces de police soient utilisés de manière abusive et que les personnes chargées de protéger les droits en viennent à les bafouer, a-t-il poursuivi. Il est donc de l'intérêt de tous que les pouvoirs accordés à la police soient soumis à une vigilance constante.

Le Rapporteur spécial a précisé que son rapport traite notamment du problème de l'usage excessif de la force par les policiers. On estime à 21 000 le nombre de personnes tuées en 2011 par des membres des forces de l'ordre (sur un total de 526 000 morts violentes dans le monde), a-t-il indiqué. Le Rapporteur spécial a précisé avoir envoyé vingt communications à ce sujet à divers États, sur un total de 128 communications transmises au titre de son mandat. Le présent rapport prolonge, d'une certaine manière, les travaux antérieurs du mandat concernant la protection du droit à la vie lors de manifestations, a fait observer le Rapporteur spécial, avant de défendre l'idée de réformes ayant pour objet la mise en conformité des lois nationales aux normes du droit international relatives à la protection du droit à la vie. M. Heyns a indiqué avoir réalisé une étude des lois relatives à l'utilisation de la force (par les forces de l'ordre) dans 146 États – étude accessible sur Internet.

M. Heyns a souligné que son rapport pose le principe selon lequel les forces de l'ordre ne peuvent user de la force que dans la mesure où elles y sont autorisées par la loi de manière explicite. En outre, le recours à la force doit respecter les principes de proportionnalité et de nécessité, autrement dit il doit être conditionné au respect du principe de droit à la vie. Par ailleurs, les forces de l'ordre doivent répondre de leurs actes devant la population, a souligné le Rapporteur spécial. Le recours à des armes «moins mortelles», comme par exemple les balles en caoutchouc, les gaz lacrymogènes et les pistolets à impulsion électrique (Tasers), doit être parfaitement encadré, a-t-il ajouté. Le rapport thématique doit être lu comme un appel à l'action lancé aux États, afin qu'ils s'interrogent sur l'opportunité d'amender leurs lois, le cas échéant avec l'aide du Rapporteur spécial, a indiqué M. Heyns.

Le rapport traite par ailleurs de la question de l'utilisation de drones armés ou d'aéronefs téléguidés, a poursuivi le Rapporteur spécial, proposant que les enjeux dans ce domaine soient abordés compte tenu d'un certain nombre de principes. Tout d'abord, a souligné M. Heyns, les frappes militaires réalisées par des drones relèvent du cadre juridique international existant. Ensuite, il convient de rappeler que le droit à la vie ne peut être effectivement protégé que dans la mesure où les restrictions posées par le droit international à l'usage de la force sont respectées. En troisième lieu, les normes internationales fondamentales concernant l'utilisation de la force ne doivent pas être délaissées. En quatrième lieu, les opérations impliquant des drones doivent être transparentes, afin d'assurer le respect des obligations redditionnelles. Enfin, hors du contexte étroit des conflits armés, toute atteinte à la vie doit répondre au double critère de nécessité et de proportionnalité, les exigences en matière de droits de l'homme devant toujours être respectées. Le Rapporteur spécial estime que le Conseil des droits de l'homme doit continuer de participer aux débats internationaux portant sur les «nouveaux systèmes d'armes autonomes», en particulier en collaborant avec les structures traitant du désarmement.

Rendant compte de la visite qu'il a effectuée au Mexique au printemps 2013, M. Heyns a indiqué avoir constaté que le Gouvernement de ce pays avait pris des mesures positives pour protéger les droits de l'homme de la population, même si des violations du droit à la vie y restent fréquentes et si l'impunité de leurs auteurs demeure très préoccupante aux niveaux tant individuel que systémique. Le caractère problématique de la protection du droit à la vie des membres de groupes de population vulnérables s'explique par des facteurs tels que les carences du système juridique, l'activité de la criminalité organisée, la réticence des forces de l'ordre et du parquet, la méfiance qui entoure le système judiciaire et l'impunité des auteurs de violations du droit à la vie, a souligné le Rapporteur spécial. Il a estimé que le Mexique devait d'urgence réduire la participation de l'armée aux tâches qui relèvent de la police; faire en sorte que les militaires accusés d'avoir porté atteinte aux droits de l'homme soient jugés par des juridictions civiles et non pas militaires; et fixer des normes claires et largement diffusées concernant le recours à la force par les agents des forces de l'ordre à tous les niveaux de l'État.

Le Rapporteur spécial a indiqué qu'il présenterait au Conseil en 2015 ses conclusions relatives à sa mission en Papouasie Nouvelle-Guinée.

Le Conseil est saisi du rapport sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires (A/HRC/26/36). Des additifs sont consacrés à une mission du Rapporteur spécial au Mexique (A/HRC/26/36/Add.1 et commentaires du Mexique: A/HRC/26/36/Add.3) et à des observations sur les communications (A/HRC/26/36/Add.2 à paraître).

M. CHALOKA BEYANI, Rapporteur spécial sur les droits de l'homme des personnes déplacées dans leur propre pays, a présenté son quatrième rapport thématique, consacré à une analyse thématique de la Convention de l'Union africaine sur la protection et l'assistance aux personnes déplacées en Afrique (Convention de Kampala) entrée en vigueur en décembre 2012. Cette Convention, qui constitue le premier instrument juridique international contraignant relatif aux personnes déplacées, a constitué une étape remarquable pour l'Afrique et le monde entier, a souligné M. Beyani. Il a rendu hommage aux 39 États qui l'ont signée et aux 22 qui l'ont ratifiée – sur les 54 membres que compte l'Union africaine – et a invité les autres États de l'Union à adhérer rapidement à cet instrument.

Le Rapporteur spécial a rappelé que l'Afrique compte aujourd'hui plus d'un tiers des 33 millions de personnes déplacées à l'intérieur de leur pays dénombrées à travers le monde du fait de conflits, de violences généralisées et de violations des droits de l'homme. La Convention de Kampala, a-t-il expliqué, offre des garanties et des normes pour la protection de ces personnes durant toutes les phases de leur déplacement et traite également des causes de ces déplacements, sans se limiter aux seuls conflits armés. La Convention couvre en effet aussi les situations de catastrophes, que celles-ci soient naturelles ou d'origine humaine, a souligné M. Beyani. Il a attiré l'attention sur le fait que cette Convention est unique en ce sens que non seulement elle définit les obligations des États parties, mais elle fixe également les rôles et responsabilités des groupes armés non étatiques, entreprises privées, agences humanitaires et organisations de la société civile, ainsi que ceux de la communauté internationale, des personnes déplacées elles-mêmes et des communautés affectées par les déplacements.

Pour exploiter au mieux le potentiel de la Convention de Kampala, son internalisation (ndlr: sa transcription en droit interne) et sa mise en œuvre sont prioritaires, a souligné le Rapporteur spécial. Il a indiqué s'être rendu à au Siège de l'Union africaine en mars dernier pour activer un plan d'action à cette fin, à l'échelle du continent.

Tout en rappelant que la Convention de Kampala est limitée au continent africain, M. Beyani a estimé que les dispositions de cet instrument reflètent les normes internationales et les Principes directeurs des Nations Unies relatifs au déplacement de personnes à l'intérieur de leur propre pays et peuvent faire office de bonnes pratiques pour inspirer d'autres régions du monde – notamment l'Amérique latine à l'occasion de la commémoration, en novembre prochain, du trentième anniversaire de la Déclaration de Carthagène sur les réfugiés.

M. Beyani a ensuite informé le Conseil de ses conclusions suite à diverses visites qu'il a effectuées l'an dernier dans le cadre de son mandat. Il a fait part de son regret de n'avoir pu, dans le cadre d'une visite de suivi en Géorgie, se rendre en Ossétie du Sud ni en Abkhazie; il a félicité le Gouvernement géorgien pour son engagement en faveur de l'amélioration des conditions de vie des personnes déplacées à la suite des conflits des années 1990 et pour sa fourniture de logements durables aux personnes déplacées suite au conflit de 2008 ou à des catastrophes naturelles voire d'origine humaine.

À l'issue de la visite de suivi qu'il a effectuée en Serbie, y compris au Kosovo, en octobre 2013, le Rapporteur spécial a estimé que des progrès importants avaient été faits pour répondre aux problèmes des déplacés, notamment en envisageant des solutions durables. La clef d'une solution durable réside dans un programme de logement durable en Serbie et au Kosovo, a-t-il toutefois souligné.

Après sa visite au Soudan du Sud, réalisée en novembre 2013, le Rapporteur spécial a indiqué avoir invité toutes les parties à s'abstenir de toute nouvelle violence susceptible de provoquer de nouveaux déplacements de populations. Il a appelé le Gouvernement à prendre toute mesure nécessaire pour éviter que les personnes qui retournent au Soudan se retrouvent apatrides. M. Beyani a ajouté que la situation dans le pays s'était encore aggravée dans les semaines qui ont suivi sa visite.

Le Rapporteur spécial a ensuite salué les efforts consentis par Sri Lanka, où il s'est rendu en décembre 2013, afin de reconstruire les infrastructures détruites pendant le conflit et déminer les zones de retour. Il a toutefois estimé que les efforts devraient se concentrer sur la reconstitution de moyens d'existence durables pour les personnes déplacées, notamment en matière de logement décent, d'accès aux services sociaux de base et d'opportunités de travail, ainsi que sur la protection des droits de l'homme de ces personnes, notamment pour ce qui est de la protection des femmes déplacées contre les violences sexuelles et sexistes.

À l'issue de la visite de suivi qu'il a effectuée au Kenya au printemps dernier, M. Beyani a estimé que le Gouvernement kényan devait mettre immédiatement en œuvre l'intégralité de la loi sur la prévention, la protection et l'assistance aux personnes déplacées et aux communautés affectées.

Enfin, le Rapporteur spécial a indiqué avoir effectué une visite en Azerbaïdjan du 18 au 24 mai dernier. Il a en outre rappelé qu'il avait plaidé devant le Conseil de sécurité, le 30 mai dernier, pour que les priorités en cas de conflit soient la restauration de l'autorité nationale, la protection des civils et la recherche de solutions durables. En conclusion, M. Beyani s'est dit disposé à coopérer avec les nombreux gouvernements qui lui ont adressé des invitations et à s'engager de manière constructive avec d'autres États.

Le Conseil est saisi du rapport sur les droits de l'homme des personnes déplacées dans leur propre pays (A/HRC/26/33). Des additifs concernent une mission de suivi en Géorgie (A/HRC/26/33/Add.1), en Serbie et au Kosovo (A/HRC/26/33/Add.2 à paraître) au Soudan du Sud (A/HRC/26/33/Add.3 à paraître - une version préliminaire en anglais est disponible; voir aussi les réponses du Gouvernement: A/HRC/26/33/Add.5) et au Sri Lanka (A/HRC/26/33/Add.4 et réponses du Gouvernement: A/HRC/26/33/Add.6 - une version en anglais est disponible).

Pays concerné par le rapport sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires

En tant que pays concerné par le rapport de M. Heyns, le Mexique a souligné la coopération dont a bénéficié le Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires durant sa visite dans le pays et a fait observer que le rapport de M. Heyns fait état d'avancées majeures dans la promotion des droits de l'homme au Mexique – ce qui est effectivement le cas depuis l'adoption de plusieurs mesures, parmi lesquelles l'adoption de lois régissant le recours à la force publique ou encore la réforme de la justice, incluant par exemple une réparation aux victimes d'abus ou encore une démilitarisation des procès. De nombreuses autres réformes sont en cours, car des défis persistent, a reconnu la délégation mexicaine, assurant que la visite du Rapporteur spécial a constitué une contribution notable pour le Gouvernement mexicain.

Pays concernés par le rapport sur les personnes déplacées

La Géorgie a fait observer que des milliers de Géorgiens victimes de la guerre de 2008 entre la Géorgie et la Fédération de Russie se voient toujours refuser tout droit au retour, en raison notamment de la forte militarisation des zones occupées, notamment de l'Ossétie du Sud. La Fédération de Russie a ainsi installé des barbelés empêchant toute circulation de personnes, a insisté la délégation géorgienne, avant de rappeler que le Rapporteur spécial, tout comme la Haut-commissaire aux droits de l'homme avant lui, se sont vu refuser l'accès à ce territoire occupé.

La Serbie a déclaré que toutes les personnes déplacées devraient jouir du droit au retour. Si l'installation locale est une option, le retour reste néanmoins la meilleure solution et ce, d'autant plus qu'elle est garantie par une résolution du Conseil de sécurité, a souligné la délégation serbe. Elle a ensuite déploré que les quelques personnes qui rentrent au Kosovo se voient encore être victimes de discriminations, notamment de l'impossibilité de retrouver leurs biens ou de l'interdiction d'utiliser la langue serbe – des discriminations ethniques étant ainsi reproduites.

Le Soudan du Sud a quant à lui indiqué être globalement d'accord avec les conclusions du rapport de M. Beyani. Le pays est toutefois revenu sur un certain nombre de points de ce rapport qu'il a rejetés, s'agissant notamment de la question du recrutement forcé d'enfants dans les forces armées. La Constitution et les lois du Soudan du Sud interdisent de telles pratiques, a rappelé la délégation. En ce qui concerne la question de la présence d'armes dans les camps de réfugiés, le Gouvernement du Soudan du Sud n'a jamais voulu entrer de force dans les camps gérés par la Mission des Nations Unies au Soudan du Sud, a poursuivi la délégation. Elle a enfin souligné que le Soudan du Sud, qui sort d'un long conflit, est un pays en transition qui connaît encore des défis dont la résolution prendra du temps.

Sri Lanka a souhaité mettre à jour les faits rapportés par le Rapporteur spécial, affirmant que toutes les questions évoquées sont bien traitées dans le cadre du plan national mis en œuvre par le pays. Il convient toutefois de souligner que la question agraire est complexe. En outre, le Gouvernement a d'ores-et-déjà construit des logements pour la réinstallation de plus de 229 000 familles depuis 2009, en particulier dans les provinces du nord, a insisté la délégation sri-lankaise. Elle a ensuite regretté que les recommandations du Rapporteur spécial outrepassent son mandat en incluant des commentaires politisées qui constituent une violation flagrante du code de conduite applicable aux titulaires de mandats au titre des procédures spéciales. La délégation a par ailleurs déploré qu'une partie de la communauté internationale tente de minimiser les efforts consentis par Sri Lanka, ce qui témoigne d'un manque de considération pour ce pays et pour ses partenaires. Les défis persistants seront surmontés grâce à la volonté politique du Gouvernement, a conclu la délégation sri-lankaise.

Débat interactif avec le Rapporteur sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires

Plusieurs délégations, dont l'Union européenne, le Costa Rica au nom de la Communauté des États d'Amérique latine et des Caraïbes, ou encore la Suisse, ont noté l'importante divergence relevée dans le rapport de M. Heyns entre les normes internationales sur l'utilisation de la force létale par les forces de l'ordre et les lois nationales de nombreux pays. L'Union européenne a souhaité savoir comment le Conseil des droits de l'homme pourrait contribuer à l'examen des pratiques des États. La CELAC a souhaité la constitution d'une conscience collective sur la sécurité citoyenne.

De nombreux pays ont expliqué les mesures prises pour éviter un usage excessif et létal de la force par les forces de l'ordre. L'Argentine a ainsi rappelé avoir interdit en 2003 le recours aux armes à feu dans le contexte de manifestations publiques et avoir adopté en 2011 des normes de comportement des forces de police dans ce contexte. Le rôle des forces de l'ordre lors de manifestations publiques est de respecter et protéger les droits des participants ainsi que de réduire les effets que ces manifestations pourraient avoir sur les droits des personnes qui n'y participent pas. La Suisse a remercié le Rapporteur spécial pour son soutien à la résolution 25/38 du Conseil qui vise à compiler les recommandations pratiques sur la gestion des manifestations pacifiques. Elle a demandé comment les États pouvaient s'assurer, en cas de manifestation illégale mais pacifique, que les forces de l'ordre renoncent à l'usage de la force ou se limitent au moins au minimum nécessaire. L'Irlande a expliqué le système de responsabilité indépendant qu'elle a mis en place en cas d'usage létal de la force par un membre des forces de l'ordre et a invité le Rapporteur spécial à encourager de tels mécanismes.

L'Indonésie a expliqué avoir adopté un guide pour les forces de l'ordre sur l'utilisation de la force et des armes à feu dans un cadre précis intégrant les notions de légalité et de proportionnalité. La Chine a dit avoir adopté des règlements très stricts concernant l'usage d'armes létales par les forces de l'ordre, dans des conditions très précises. L'Algérie a rappelé que ses policiers sont tenus de prendre des précautions lors des opérations de maintien de l'ordre. Le Pakistan, au nom de l'Organisation de la coopération islamique, a toutefois estimé que chaque État devait pouvoir décider de son propre système pénal. Comme l'Algérie et l'OCI, l'Égypte et l'Éthiopie, au nom du groupe Africain, ont fait observer qu'une assistance technique et un renforcement des capacités des forces de l'ordre contribueraient à mieux mettre en œuvre les législations nationales. Cuba a pour sa part relevé un recours accru à la force létale par les forces de l'ordre dans certains pays dans un cadre raciste ou xénophobe, contre certains groupes de personnes, notamment des migrants.

Cuba a par ailleurs dénoncé l'usage de drones, robots autonomes létaux et autres moyens d'assassinats sélectifs, estimant qu'ils peuvent être considérés comme des exécutions extrajudiciaires violant les normes internationales. Plusieurs délégations se sont prononcées sur la recherche d'un consensus mondial sur l'utilisation des drones armés. Ainsi le Pakistan, au nom de l'Organisation de la coopération islamique, a appelé le Conseil des droits de l'homme doit continuer de travailler sur l'utilisation des armes autonomes létales. L'Égypte soutient l'idée d'un dialogue sur le caractère suffisant ou non Caractère suffisant du droit international applicable concernant les nouvelles technologies militaires. La Suisse a estimé qu'il était important d'aborder les défis que posent les drones armés en matière d'usage de la force en dehors des conflits armés. En revanche, le Royaume-Uni a estimé que Conseil des droits de l'homme n'est pas le lieu approprié pour discuter des drones armés et systèmes d'armes autonomes et que le droit international existant régit suffisamment ces armes, qui ne doivent pas faire l'objet d'une classification particulière. En outre, le Royaume-Uni a affirmé ne pas avoir l'intention de développer des systèmes d'armes qui ne nécessitent pas une participation humaine.

La Fédération de Russie a attiré l'attention du Conseil sur le grand nombre de victimes civiles occasionnées par les opérations militaires ukrainiennes dans l'est de l'Ukraine. La Russie demande au Rapporteur spécial d'accorder la plus grande attention à ce problème. Elle lui a par ailleurs demandé dans quelle mesure il est possible de poursuivre les responsables de frappes aveugles par des drones. La Palestine a dénoncé l'usage systématique par Israël d'une force excessive contre des Palestiniens pacifiques, qu'ils soient médecins, journalistes, défenseurs des droits de l'homme voire des enfants. Les forces israéliennes n'hésitent pas à tirer à balles réelles même dans des situations où leur vie n'est pas en danger, avec l'aval des autorités et du commandement militaire.

La Suède a demandé au Rapporteur spécial de dire comment l'Union européenne et d'autres organisations intergouvernementales pourraient aider les gouvernements à renforcer leurs capacités afin de protéger le droit à la vie dans le contexte d'activités de maintien de l'ordre. L'expérience des États-Unis suggère, selon la délégation de ce pays, que le gouvernement peut combattre les pratiques illégales des policiers en améliorant leur formation et en faisant la transparence sur leurs actions. Ils proposent que le Rapporteur spécial publie un rapport recensant les meilleures pratiques en matière d'évaluation des activités des forces de police nationales. L'Inde, qui a également mis l'accent sur le renforcement des capacités des forces de l'ordre, a demandé au Rapporteur spécial de donner des précisions sur le contenu des normes internationales relatives au recours à la force. Le Brésil a assuré avoir adopté des directives encadrant de manière très précise l'usage de la force par les instances gouvernementales. Pour sa part, l'Angola a indiqué que sa constitution interdit la peine de mort et ne reconnaît le recours à la force que dans des circonstances précises et en conformité avec les dispositions des pactes régionaux.

Le Pakistan s'est dit tout à fait d'accord avec les recommandations du Rapporteur spécial selon lesquelles le Conseil des droits de l'homme devrait donner son avis au sujet de la manière dont le cadre normatif pertinent s'applique à l'utilisation de drones armés. Le Pakistan estime, de plus, que le Conseil doit rester saisi de la question des systèmes d'armes autonomes létaux, dans la mesure où les droits à la vie et à la dignité sont concernés. Les États-Unis ont estimé, au contraire, que la discussion sur les systèmes d'armes autonomes létaux doit se faire dans le cadre de la Convention sur certaines armes classiques, et non au Conseil des droits de l'homme.

Le Comité international de la Croix rouge (CICR) a également plaidé pour une meilleure formation des forces de police, mais aussi l'application de sanctions en cas d'abus.

Débat interactif avec le Rapporteur spécial sur les personnes déplacées

Plusieurs intervenants ont rappelé que la protection des droits des personnes déplacées et l'assistance à leur apporter relève principalement des États dans lesquels elles se trouvent. Au nom du Groupe Africain, l'Éthiopie a réaffirmé cette responsabilité, ajoutant que les actions, cruciales pour les déplacés, des organisations internationales et des agences humanitaires devaient se faire en conformité avec les principes humanitaires et dans le respect du cadre étatique. L'Union européenne estime néanmoins qu'un dialogue constant avec des experts et d'autres acteurs, y compris internationaux, peut faciliter des solutions durables. L'Autriche a demandé au Rapporteur spécial d'évoquer quelques bonnes pratiques sur la manière dont les États pouvaient collaborer avec les acteurs des droits de l'homme et autres pour mieux protéger les droits des personnes déplacées. L'Algérie a estimé que la protection des personnes déplacées devait se faire sans discrimination et qu'elle pourrait se faire avec l'appui de l'assistance internationale.

La Convention de Kampala a été largement évoquée. Plusieurs intervenants la considèrent comme une avancée importante: la Suisse y voit un instrument clef pour améliorer la situation sur le continent africain et servir de modèle dans d'autres régions. Cuba a souhaité que le rapport du Rapporteur spécial contribue à la mise en œuvre de la convention. La Convention doit désormais être appliquée concrètement; l'Union européenne estime que beaucoup reste à faire en ce sens et a souhaité que le Rapporteur spécial présente une évaluation plus approfondie du degré d'engagement des États parties à cette fin. L'Union européenne et l'Autriche ont ainsi souhaité la mise en place de mécanismes pour poursuivre et punir les auteurs de violations des droits de l'homme des personnes déplacées et pour faciliter la réconciliation. Pour l'Irlande, la crise en République centrafricaine suscite de graves préoccupations sur la capacité des différents États parties à appliquer efficacement la Convention de Kampala. L'Irlande a demandé au Rapporteur spécial quelles initiatives prioritaires pourraient être prises pour améliorer la situation des personnes déplacées dans ce pays.

Pour l'Union européenne, la question des déplacés n'est pas une simple question humanitaire, elle requiert aussi l'engagement des acteurs du développement. Dans le même sens, l'Indonésie, pour qui la Convention démontre la volonté des pays africains de traiter la question des personnes déplacées de manière globale, considère qu'il ne faut pas séparer le déplacement d'autres questions importantes comme la pauvreté et le développement. En effet, de nombreux conflits générateurs de déplacements sont dus à la pauvreté. L'Indonésie se demande toutefois comment encourager les acteurs du développement à mettre en œuvre des projets qui tiennent compte des intérêts des déplacés alors que ces acteurs ont dans les faits tendance à se dégager des zones de conflits. La Suisse juge fondamental que le déplacement soit intégré dans les plans nationaux de développement ainsi que dans le Programme de développement pour l'après-2015. L'Égypte a demandé comment la communauté internationale pouvait faire en sorte que la question des déplacements de populations soit dûment prise en compte dans le Programme de développement pour l'après-2015. La Chine a elle aussi appelé à tenir compte des causes profondes des déplacements en développant les économies des pays concernés et en établissant des paix durables.

La Norvège a relevé que l'on n'avait jamais compté autant de personnes déplacées qu'en 2013: plus de 33 millions dans le monde. Elle salue toutefois le fait les gouvernements de deux pays particulièrement concernés, la Somalie et le Nigéria, semblent prendre le problème très au sérieux. La Norvège se félicite également de constater que la Convention de l'Union Africaine sur la protection et l'assistance aux personnes déplacées en Afrique («Convention de Kampala») a été signée par 54 États et ratifiée par 24 d'entre eux. Le Chili a lui aussi salué le progrès que constituent l'adoption et l'application de la Convention de Kampala. Mais le Pakistan a observé, à ce propos, que la Convention de Kampala ne s'applique réellement qu'au continent africain et qu'elle n'est pas transposable telle quelle dans le reste du monde. Le Pakistan estime, de plus, que les normes actuellement en vigueur au niveau international donnent déjà aux États les moyens nécessaires pour faire face aux situations de déplacement de populations, conformément à leurs besoins et exigences.

La Palestine a déclaré qu'Israël, depuis sa création, applique une politique d'expulsion forcée des Palestiniens de leurs terres et de leurs maisons. Plus de 750 000 Palestiniens ont été déplacés pendant la tragédie de la Nakba, en 1948. Le mouvement n'a jamais cessé: cette année seulement, 492 Palestiniens ont été déplacés tandis que Gaza abrite plus de 12 500 Palestiniens chassés de leurs foyers suite à des opérations militaires israéliennes.

La Thaïlande a dit prendre note du lien établi par le Rapporteur spécial entre catastrophes naturelles, changement climatique et déplacements de populations. Elle a demandé au Rapporteur spécial de donner une définition des déplacements motivés par le changement climatique. Le Chili a observé que la communauté internationale doit s'efforcer d'informer et d'aider les personnes déplacées dans leur pays à obtenir réparation pour les préjudices qu'elles subissent.

La Fédération de Russie a regretté que la Géorgie ne semble pas prête à discuter sincèrement de la protection des personnes réfugiées et déplacées dans la région du Caucase. La Russie juge légitimes les mesures prises par l'Ossétie du Sud pour consolider ses frontières. L'Ukraine a déclaré que le problème des personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays se pose à lui avec une très grande acuité. D'après un rapport du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme, au moins 7200 personnes, et peut-être 35 000, ont été déplacées de force en Crimée suite à l'occupation de la région par la Russie. De plus, la situation des personnes déplacées de force dans l'est du pays, une région en proie à la terreur organisée par des séparatistes et par des criminels fortement armés, coordonnés depuis au-delà de la frontière, est elle aussi alarmante. L'Ukraine a invité le Rapporteur spécial à effectuer une visite officielle dans le pays. L'Arménie, qui connaît une situation de déplacement de population, a expliqué que sa politique consiste en un retour volontaire des personnes déplacées.

Le Comité international de la Croix rouge (CICR) a pour sa part expliqué qu'il faut mener une réflexion sur la manière de travailler sur la question des personnes déplacées, afin d'identifier toutes les lacunes dans ce domaine.

Droit de réponse

L'Arménie, répondant à l'Azerbaïdjan dans le cadre du débat sur la violence contre les femmes, a déploré que ce pays saisisse cette occasion pour rejeter la faute de ses problèmes sur d'autres. Il est déplorable que ce pays prenne le Conseil et la communauté internationale en otage pour exercer des pressions sur l'Arménie. L'Azerbaïdjan viole les résolutions des Nations Unies, notamment en continuant de bombarder le Haut-Karabakh et la frontière arménienne.

Le Soudan a déploré que les délégations se saisissent du cas d'une femme condamnée pour apostasie, alors que ce cas relève de la justice qui au Soudan est indépendante du pouvoir politique.

La Géorgie a accusé la Fédération de Russie de continuer de violer son intégrité territoriale, en occupant l'Abkhazie et l'Ossétie du Sud. Cette situation fait de la Fédération de Russie une puissance occupante.

L'Azerbaïdjan a déclaré que le Haut-Karabakh est un territoire azerbaïdjanais, reconnu par la communauté internationale, y compris par l'Assemblée générale.

L'Arménie a déclaré que le Conseil des droits de l'homme n'est pas le lieu approprié pour parler des différends territoriaux.

L'Azerbaïdjan a accusé l'Arménie de faire des déclarations fallacieuses devant le Conseil des droits de l'homme. Le Haut-Karabakh est une partie inaliénable de l'Azerbaïdjan, comme reconnu par le droit international. L'Arménie devrait abandonner ses illusions.

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Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

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