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Communiqués de presse Organes conventionnels

Le Comité pour l'Élimination de la discrimination raciale examine le rapport de l'Ouzbékistan

12 Février 2014

Comité pour l'élimination 
  de la discrimination raciale

12 février 2014

Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport présenté par l'Ouzbékistan sur les mesures qu'il a prises en application des dispositions de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.
 
M. Akmal Saidov, Directeur du Centre national des droits de l'homme de l'Ouzbékistan, a attiré l'attention sur plus de trois millénaires de coexistence pacifique entre les plus de 130 nations et peuples qui composent le pays.  Le Gouvernement ouzbèke prend toutes les mesures nécessaires pour donner suite aux dispositions de la Convention et aux recommandations du Comité.  Dans ce contexte, quatre axes prioritaires ont été retenus pour l'application de la Convention: perfectionnement de la législation, développement des institutions de protection des droits et libertés, sensibilisation à la Convention et coopération internationale.  La délégation ouzbèke a aussi attiré l'attention sur les actions entreprises par le Centre culturel interethnique national de l'Ouzbékistan, devenu en une vingtaine d'années une véritable «maison de l'amitié».  La délégation a également fait état des mesures prises en matière de lutte contre la traite de personnes en Ouzbékistan.
 
La délégation ouzbèke était composée de représentants du Bureau du Procureur général, du Centre national des droits de l'homme, du Centre culturel international et de la Mission permanente auprès des Nations Unies à Genève.  Elle a répondu aux questions qui lui étaient adressées par les membres du Comité s'agissant, notamment, de la tradition de tolérance interethnique et interconfessionnelle du pays, de la situation des minorités nationales et ethniques, de la situation de la République autonome du Karakapalkstan, des questions relatives à la définition de la discrimination raciale, de l'interdiction du prosélytisme, des comités autonomes de citoyens (makhallas), de la traite de personnes ou encore du fonctionnement de la justice.
 
Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de l'Ouzbékistan, M. Ion Diaconu, a relevé des différences d'approche entre le Comité et l'Ouzbékistan s'agissant de la Convention.  Aussi, a-t-il exprimé l'espoir que des fondements pour un meilleur dialogue seront trouvés À l'occasion du prochain dialogue.  Il apparaît de manière évidente que l'État ouzbek dispose d'une politique déclarée aux fins de l'élimination de la discrimination raciale, ce qui ne signifie pas pour autant qu'il n'y ait pas dans ce pays des actes ou attitudes non conformes à la Convention, a par ailleurs souligné M. Diaconu.  En outre, il n'existe pas d'interdiction générale de la discrimination raciale telle que la prévoit la Convention.  Le rapporteur recommande au pays de revoir sa législation nationale afin de couvrir tous les éléments de l'article 4 de la Convention sur l'interdiction de la diffusion d'idées fondées sur la haine raciale et l'incitation à la discrimination raciale.  M. Diaconu s'est par ailleurs inquiété que l'Ouzbékistan semble «ouvert à la traite de personnes», notamment en provenance de pays voisins.  Le rapporteur a en outre recommandé au pays de se doter d'une institution nationale des droits de l'homme conforme aux Principes de Paris.
 
Le Comité adoptera en séance privée des observations finales sur le rapport de l'Ouzbékistan et les rendra publiques à l'issue de la session, qui se termine le vendredi 21 mars prochain.
 
 
Cet après-midi, à 15 heures, le Comité entamera l'examen du rapport du Kazakhstan (CERD/C/KAZ/6-7).
 
Présentation du rapport
 
Présentant le rapport de l'Ouzbékistan (CERD/C/UZB/8-9), M. AKMAL SAIDOV, Directeur du Centre national des droits de l'homme, a fait valoir les plus de trois millénaires de coexistence pacifique entre les plus de 130 nations et peuples qui vivent dans ce pays.  Le pays compte plus de deux mille organisations religieuses représentant seize obédiences différentes, a-t-il ajouté.  Il a en outre fait valoir que l'Ouzbékistan a atteint l'objectif du millénaire pour le développement relatif à l'accès universel à l'éducation primaire.  Toutes les minorités nationales ont pleinement accès à l'éducation, a-t-il insisté.  Dans le secondaire et le supérieur, l'enseignement est dispensé dans sept langues, a poursuivi M. Saidov.  Le pays compte actuellement plus de 1300 médias diffusant en douze langues et dont plus de la moitié ne sont pas des médias d'État.  Les réformes démocratiques ont stimulé l'éclosion des organisations non gouvernementales en Ouzbékistan, dont le nombre atteint aujourd'hui plus de 6500.
 
Le Directeur du Centre national des droits de l'homme a assuré le Comité que le Gouvernement ouzbèke prenait toutes les mesures nécessaires pour donner suite aux dispositions de la Convention et aux recommandations du Comité.  Dans ce contexte, quatre axes prioritaires ont été retenus pour l'application de la Convention.  Le premier d'entre eux est celui du perfectionnement de la législation, a indiqué M. Saidov, précisant que la Constitution énonce le principe de l'égalité de tous devant la loi.  Le principe de l'égalité de tous devant la loi et de l'interdiction de la discrimination est inscrit dans huit lois, 15 codes et de très nombreux autres textes.  Des sanctions sévères sont prévues par le code pénal pour infraction à ce principe d'égalité de tous devant la loi.  La notion de discrimination figurant dans le code pénal correspond à la définition énoncée à l'article premier de la Convention, a ajouté M. Saidov.
 
Le second axe retenu pour l'application de la Convention est celui du développement des institutions de protection des droits et libertés, a poursuivi M. Saidov.  Il a fait observer à cet égard que l'institution nationale des droits de l'homme de l'Ouzbékistan répond pleinement aux Principes de Paris.  M. Saidov a en outre attiré l'attention sur la Direction centrale du contrôle de l'application des lois au sein du Ministère de la justice.  Afin d'assurer un contrôle adéquat, par la société civile, de l'action menée dans le domaine des droits de l'homme, un fonds de soutien aux organisations non gouvernementales et organisations de la société civile a été créé, dont les ressources sont gérées par une commission parlementaire.  Les ONG et autres organisations de la société civile reçoivent quelque 30 milliards de soums de subventions prélevées sur le budget annuel de l'État, a insisté M. Saidov.  En 2014, une loi sur la transparence des organes publics devrait être adoptée.
 
Un troisième axe retenu par les autorités aux fins de l'application de la Convention est celui de la sensibilisation à la Convention, a poursuivi M. Saidov.
 
Enfin, un quatrième axe est celui de la coopération internationale que l'Ouzbékistan veut dynamique, a indiqué M. Saidov.  Le pays accorde une grande importance à la présentation dans les délais de ses rapports périodiques aux organes internationaux.  L'Ouzbékistan entretient une coopération étroite avec le Conseil des droits de l'homme et ses procédures spéciales, a-t-il ajouté.  Chaque année, le pays reçoit la visite du Haut-Représentant de l'OSCE (Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe) sur les questions relatives aux minorités.

Un autre membre de la délégation ouzbèke a attiré l'attention sur les actions entreprises par le Centre culturel interethnique national de l'Ouzbékistan, devenu en une vingtaine d'années une véritable «maison de l'amitié»  Aujourd'hui, le Centre national coordonne les activités de quelque 140 centres culturels représentant les différents peuples et nationalités vivant en Ouzbékistan.  Ces centres culturels nationaux ont pour objet de satisfaire les besoins culturels de ces différents groupes.  Ils ont également une dimension politique.  Ainsi, des membres de centres culturels tels que des centres géorgien et coréen sont également membres du parlement.  Ces centres mènent en outre des activités sociales, notamment d'aide aux plus démunis et de soutien aux jardins d'enfants et écoles.
 
La délégation a ensuite fait état des mesures prises en matière de lutte contre la traite de personnes en Ouzbékistan, rappelant que le pays avait adhéré à tous les principaux instruments internationaux pertinents destinés à lutter contre ce phénomène.  Un énorme travail législatif a été réalisé pour intégrer dans la législation nationale les normes internationales en la matière, a-t-elle fait valoir.  L'Ouzbékistan a conclu une trentaine d'accords avec des États en matière de lutte contre la criminalité organisée, y compris la traite de personnes, a précisé la délégation.  Une commission a par ailleurs été mise en place qui est chargée de lutter contre la traite et est dirigée par le Procureur général de la République, a fait valoir la délégation.  Sur les quelque 1392 victimes de traite qui ont été enregistrées, 1270 (soit 91%) sont ouzbèkes, 36 russes, 23 tadjikes, les autres étant notamment tatares ou encore kazakhes.  Au total, quelque 650 personnes, dont 4 étrangères, ont été condamnées en 2013 pour s'être livrées à la traite de personnes, a précisé la délégation.
 
Évoquant les difficultés auxquelles se heurte le pays dans la mise en œuvre de la Convention, la délégation a notamment cité le contexte économique global.  Les difficultés internes s'expriment, quant à elles, dans la transition démocratique.  En outre, il convient de garder à l'esprit la situation géopolitique qui est celle de l'Ouzbékistan, pays qui se situe en Asie centrale, une région affectée, entre autres, par l'instabilité de l'Afghanistan, en rapport notamment avec la production de stupéfiants dans ce pays.  La délégation a en outre attiré l'attention sur la grave menace que constitue l'extrémisme sous toutes ses formes et manifestations.  L'Ouzbékistan est convaincu que l'une des principales tâches qui incombe à la communauté internationale est de prévenir voire juguler l'extrémisme religieux et ethnique, a conclu la délégation.
 
Examen du rapport
 
Questions et observations des membres du Comité
 
M. ION DIACONU, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de l'Ouzbékistan, a fait observer que l'Ouzbékistan avait adopté de nouveaux textes législatifs concernant la protection des enfants et des personnes handicapées ainsi que la prévention de la traite de personnes, l'emploi et la protection sociale.  Au vu du rapport présenté par l'Ouzbékistan et de sa Constitution, il apparaît de manière évidente que l'État dispose d'une politique déclarée aux fins de l'élimination de la discrimination raciale, ce qui ne signifie pas pour autant qu'il n'y ait pas dans ce pays des actes ou attitudes non conformes à la Convention.
 
Le rapporteur a relevé que, selon le rapport, l'Ouzbékistan compte quelque 136 groupes et peuples ethniques et reconnaît officiellement seize religions.  Il y est indiqué en outre que le climat politique, social, économique et culturel en Ouzbékistan n'est pas propice à l'irruption et à la propagation de conflits ethniques.  Il faut s'en féliciter si tel est le cas, mais encore une fois, cela ne signifie pas qu'il y ait pleine application de la Convention dans le pays.  Il convient en effet de voir où vivent les différents groupes dans le pays, s'ils vivent concentrés dans certaines zones urbaines ou rurales, proches des frontières ou s'ils sont dispersés dans les grandes villes. 
 
M. Diaconu a fait observer que les données relatives aux Roms font défaut et a voulu savoir quelle est l'importance de cette communauté.  Des rapports alternatifs indiquent que la majorité des Roms sont satisfaits de leur situation mais 90% d'entre eux reçoivent un soutien matériel de l'État, a souligné le rapporteur, ajoutant que près de 62% des Roms déclarent ne pas travailler bien qu'il n'y ait apparemment pas d'obstacles de la part des autorités de l'État les empêchant d'accéder à l'emploi.  Aussi, M. Diaconu a-t-il souhaité savoir comment la délégation explique cette situation.  Le rapporteur s'est en outre enquis de la situation des Turcs meskhètes en Ouzbékistan, dont le nombre, selon certaines informations, s'élève à moins de 15 000.
 
M. Diaconu a ensuite relevé que, si la Constitution prévoit la jouissance, sur un pied d'égalité pour tous, des droits de l'homme et libertés fondamentaux, elle ne comporte pas d'interdiction générale de la discrimination raciale telle que la prévoit la Convention.  Certaines lois sectorielles prévoient une telle interdiction, sans toutefois couvrir tous les aspects de la définition de la discrimination raciale énoncée dans la Convention.  Un comité de l'Organisation internationale du travail a estimé que le code du travail ouzbek n'interdisait pas la discrimination par les employeurs privés et qu'il n'y avait pas dans ce pays d'interdiction de la discrimination fondée sur la couleur ni d'interdiction de la discrimination indirecte.  Il n'y a donc pas de définition ni d'interdiction générale de la discrimination raciale en Ouzbékistan, a insisté M. Diaconu.  Le rapporteur a ensuite recommandé au pays de revoir sa législation nationale afin de couvrir tous les éléments de l'article 4 de la Convention.
 
D'autre part, a poursuivi M. Diaconu, il ressort des informations fournies dans le rapport, que la représentation des groupes minoritaires dans certains organes étatiques, en dehors du secteur éducatif, n'est toujours pas proportionnelle à leur taille en tant que groupes minoritaires, en particulier pour ce qui est des Karakalpaks, des Kirghizes et des Russes dans les comités citoyens autogérés.
 
Le rapporteur s'est enquis du statut de la république du Karakalpakstan et de la situation politique et économique qui y prévaut, eu égard notamment à la catastrophe écologique de la mer d'Aral région où vivent notamment les Karakalpaks.  Comment évolue la situation démographique de ce groupe eu égard à ces changements défavorables de l'environnement naturel, a insisté M. Diaconu?
 
Le rapporteur s'est en outre enquis du suivi donné par l'Ouzbékistan à la recommandation du Comité des droits de l'homme lui demandant de prendre des mesures en vue d'adopter une législation sur le traitement des réfugiés et requérants d'asile conformément aux dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.  M. Diaconu a par ailleurs souhaité savoir combien d'apatrides comptait l'Ouzbékistan et s'est enquis de leur situation économique et sociale. 
 
Selon certaines informations, a poursuivi le rapporteur, la situation des enfants migrants en Ouzbékistan aurait besoin d'être améliorée dans le domaine de l'éducation.  La situation des femmes réfugiées d'Afghanistan semble également être préoccupante, en ce sens qu'elles sont discriminées au sein de leur famille en vertu de traditions culturelles, qu'elles n'ont aucun statut et qu'elles ne peuvent pas porter plainte devant les tribunaux, a ajouté M. Diaconu.  Le Comité des droits de l'enfant a pour sa part recommandé à l'Ouzbékistan de mettre en place un régime élargi de protection temporaire des enfants migrants, a-t-il souligné.
 
Selon diverses informations, s'est par ailleurs inquiété M. Diaconu, l'Ouzbékistan est ouvert à la traite de personnes, en particulier de femmes et d'enfants, dont un grand nombre viennent des pays voisins.
 
S'il faut reconnaître que la législation ouzbèke offre la possibilité de chercher réparation pour violation de la Convention, il n'en demeure pas moins que le Ministère du travail, par exemple, ne semble avoir reçu aucune plainte à cet égard, a fait observer le rapporteur.  Qu'en est-il des cas de discrimination dans la vie quotidienne, a-t-il demandé?
 
Relevant que, selon ce qu'indique le rapport, l'Ombudsman n'est pas compétent pour se saisir d'affaires qui relèvent de la compétence des tribunaux, M. Diaconu a fait observer que la plupart des cas de discrimination raciale relèvent de la compétence des tribunaux, de sorte que l'on peut s'interroger sur le type d'affaires qui restent de la compétence de l'Ombudsman.  Le rapporteur s'est dit d'avis que l'Ombudsman devrait être compétent pour se saisir de toute plainte pour discrimination raciale, à l'exception de celles qui font déjà l'objet d'une procédure devant les tribunaux.  Mais il est probable que le rapport ne soit pas exact car l'Ombudsman affirme avoir reçu des plaintes, a ajouté M. Diaconu.
 
Le rapporteur a souhaité prendre connaissance des données relatives à l'appartenance ethnique des personnes maintenues en détention avant jugement.
 
M. Diaconu a d'autre part relevé que les enfants roms ne sont toujours pas très bien représentés à tous les niveaux de l'éducation, par rapport aux autres groupes.
 
Enfin, relevant que l'Ouzbékistan ne dispose pas d'une institution nationale des droits de l'homme reconnue comme étant conforme aux Principes de Paris.  Aussi, a-t-il recommandé au pays de se doter d'une telle institution.
 
Un autre membre du Comité s'est étonné que les parquets n'aient été saisis d'aucune plainte pour discrimination raciale et a souligné que cela ne saurait jamais signifier que la discrimination raciale n'existe pas.  Le fait qu'aucune affaire de discrimination raciale ne soit portée devant les tribunaux ouzbeks pourrait tout simplement s'expliquer par le fait qu'il n'existe pas dans ce pays de définition de la discrimination raciale, a fait observer un expert.  Plusieurs experts ont souhaité en savoir davantage au sujet du fonctionnement de la justice en Ouzbékistan.
 
S'agissant du problème de la traite de personnes, un expert a notamment souhaité savoir si la législation ouzbèke prévoit que la charge de la preuve puisse ne pas incomber à la victime.  Cet expert s'est en outre enquis des caractéristiques générales de la population victime de la traite de personnes en Ouzbékistan.
 
Plusieurs membres du Comité ont souhaité en savoir davantage au sujet de la situation des Turcs meskhètes en Ouzbékistan.  Un expert s'est inquiété d'informations selon lesquelles certains Turcs meskhètes se sentent contraints de cacher leur identité.  Si cela est vrai, cela impliquerait que ce groupe peut être considéré comme un groupe vulnérable. 
 
Un expert s'est inquiété de problèmes en rapport avec la liberté de circulation en Ouzbékistan, faisant observer qu'il faut un permis de sortie pour quitter le pays.  Il a par ailleurs demandé pourquoi il fallait disposer d'un permis de résidence permanente lorsque l'on souhaite résider dans la province de Tachkent.  Un autre expert s'est lui aussi inquiété des restrictions imposées à la liberté de mouvement en Ouzbékistan.
 
Un expert s'est inquiété de l'absence de régime d'asile en Ouzbékistan et de l'absence de ratification, par ce pays, de la Convention relative au statut des réfugiés.
 
Un expert a recommandé à l'Ouzbékistan d'accepter une visite du Rapporteur spécial sur l'indépendance des juges et des avocats.  Cet expert s'est en outre inquiété d'informations laissant apparaître que les défenseurs des droits de l'homme sont soumis à des représailles en Ouzbékistan.
 
Un membre du Comité a attiré l'attention sur les préoccupations exprimées par le Comité contre la torture au sujet d'allégations de stérilisations forcées de femmes, en particulier de femmes appartenant à la minorité luli (tziganes).
 
Alors qu'une proportion de 90% de la population ouzbèke est musulmane sunnite, un expert a souhaité savoir si le pays compte d'autres communautés musulmanes et, le cas échéant, comment sont réglés les éventuels conflits entre les adeptes des différents rites.
 
Une experte a demandé si le corps diplomatiques ouzbek compte des femmes et quelle est leur appartenance ethnique.  Elle a ensuite souligné que tolérance ne signifie pas absence de discrimination raciale.  Aussi, a-t-elle souhaité que l'Ouzbékistan fasse l'effort d'édicter une définition de la discrimination raciale qui soit en adéquation avec l'article premier de la Convention.  Elle a souligné qu'il ne s'agissait pas d'aligner tous les pays et de les faire entrer dans le même moule, mais si les autorités ouzbèkes ne ressentent pas aujourd'hui l'utilité d'une telle démarche, il convient de leur rappeler que la plupart des dispositions de la Convention ont un but préventif.  La guerre de l'eau, par exemple, peut amener les hommes à s'entredéchirer et faire surgir la discrimination raciale là où elle n'a jamais existé, a insisté l'experte.
 
Réponses de la délégation
 
La délégation ouzbèke a assuré que depuis toujours, la tolérance interethnique est acquise en Ouzbékistan.  À titre d'exemple, elle a souligné que les Juifs de Bouchara vivent dans le pays depuis plus de 2500 ans et que les nestoriens chrétiens y vivaient trois siècles avant l'arrivée de l'islam.  Par conséquent, la tolérance interconfessionnelle est également assurée depuis longtemps en Ouzbékistan.  Les différents peuples et nations qui vivaient le long de la route de la soie ont toujours parlé énormément de langues différentes.  C'est aussi une caractéristique propre de l'Ouzbékistan, a poursuivi la délégation, qi a assuré que la tolérance est une caractéristique essentielle de l'Ouzbékistan d'aujourd'hui.
 
S'agissant des minorités nationales, la délégation a indiqué qu'au 1er janvier 2013, l'Ouzbékistan comptait quelque 30 millions d'habitants dont environ 25 millions d'Ouzbeks et 5 millions de représentants d'autres peuples et nationalités, parmi lesquels environ 600 000 Karakalpaks, près d'un million et demi de Tadjiks environ 800 000 Russes et autant de Kazakhs, des Kirghizes, des Turkmènes, des Tatars, des Ukrainiens, des Bélarussiens, des Azéris, des Turcs, des Arméniens, des Juifs, des Moldoves, des Géorgiens, des Lituaniens, des Allemands ou encore des Coréens (ces derniers étant environ 200 000).
 
Pour ce qui est des Turcs meshkets, la délégation a rappelé qu'à l'époque soviétique, ils avaient été victimes de répression et avaient été expulsés de Géorgie.  Aujourd'hui, ils sont quelque 40 000 en Ouzbékistan, a précisé la délégation.
 
La délégation a souligné que les Tatars de Crimée et les Turcs meshkets avaient enfin pu rentrer chez eux après l'effondrement de l'Union soviétique.  Il en est d'ailleurs allé de même pour les Allemands qui avaient été déplacés suite à la politique de Staline.  Or, on constate actuellement que certains des membres de ces peuples déplacés reviennent, depuis quelques temps, en Ouzbékistan.
 
À l'heure actuelle, il y aurait plus de 50 000 Tziganes luli en Ouzbékistan, a poursuivi la délégation.  Après l'indépendance du pays, ils se sont de plus en plus sédentarités et on les retrouve désormais dans différents secteurs d'activités du pays, notamment dans le secteur culturel, a-t-elle indiqué.  Les Tziganes jouissent aujourd'hui des mêmes droits que les autres citoyens d'Ouzbékistan et il n'existe aucune discrimination à leur encontre, a assuré la délégation.  À l'heure actuelle, plus de 3000 enfants roms sont scolarisés dans le pays, dont l'écrasante majorité suit l'école en langue ouzbèke, a précisé la délégation.
 
Le statut du Karakapalkstan est assez particulier, a poursuivi la délégation, attirant par ailleurs l'attention sur la tragédie de la mer d'Aral.  Le Karakapalkstan est une république autonome qui, conformément à la Constitution, fait partie de l'Ouzbékistan cette république compte deux langues officielles, le karapalkak et l'ouzbek, a précisé la délégation.  Elle a affirmé qu'à l'époque soviétique, cette république était agraire et en retard au moment de l'indépendance, les problèmes se sont aggravés, en particulier eu égard au problème de la mer d'Aral.  Le Gouvernement ouzbek a alors décidé d'en faire une priorité et aujourd'hui, cette république est méconnaissable par rapport à ce qu'elle était; elle a été industrialisée et attire aujourd'hui de nombreux investisseurs.  Les investissements vont beaucoup dans cette région tout simplement parce que le climat y est favorable.  L'objectif est de faire de cette région un pôle de développement industriel et précisément, la croissance industrielle y a atteint 107% depuis l'indépendance, a insisté la délégation.  Elle a rappelé qu'en 1993, un programme public à long terme avait été élaboré pour le développement de cette région aujourd'hui, a-t-elle fait valoir, on y constate une croissance démographique et la proportion des Karakalpaks atteint actuellement 36% de la population.
 
Le manque d'eau potable, les changements climatiques, la morbidité et d'autres problèmes figurent au nombre des problèmes qui touchent la population, plus particulièrement dans la région de la mer d'Aral.  S'agissant des objectifs du millénaire pour le développement, l'objectif premier reste pour l'Ouzbékistan de réduire la faim de moitié, y compris dans le Karakalpakstan.
 
S'agissant de l'absence de définition de la discrimination raciale, la délégation a expliqué que les autorités ouzbèkes ont minutieusement étudié cette question et en sont venues à la conclusion qu'il n'était pas nécessaire, ni impératif, de donner une définition à la discrimination raciale, tout simplement parce que l'approche de la discrimination retenue par les autorités ouzbèkes n'est pas unique, la Constitution considérant en effet la discrimination sous tous ses aspects et non pas seulement sous le seul aspect de la discrimination raciale.
 
La délégation a invité le Comité à préciser clairement, dans un texte adapté à cet effet, ce qu'il entend par discrimination directe et discrimination indirecte.  L'Ouzbékistan relève que la discrimination peut se manifester sous quatre formes la distinction, l'exclusion, la restriction ou la préférence, a-t-elle fait observer, ajoutant que la ségrégation n'existe pas en Ouzbékistan.
 
L'article 16 du code du travail est entièrement consacré à la discrimination, a ensuite fait valoir la délégation.  Au Pour sa part, le code pénal ouzbek retient huit critères de discrimination là où la Convention n'en retient que quatre ou cinq (race, couleur, ascendance et origine nationale ou ethnique).  La législation ouzbèke retient donc une approche de la discrimination qui est bien plus large que celle retenue par le Comité, lequel ne traite que de la discrimination raciale, a insisté la délégation.
 
La législation ouzbèke est conforme aux articles premier et 4 de la Convention, a par ailleurs assuré la délégation.
 
La délégation a ensuite expliqué que le prosélytisme est interdit en Ouzbékistan.  Cette interdiction est conforme aux intérêts nationaux du pays, a-t-elle souligné.
 
La délégation a ensuite expliqué que le fonctionnement et les activités des makhallas - comités autonomes de citoyens - sont réglementés par une loi de 2013 qui précise que leurs activités visent à résoudre les problèmes locaux rencontrés par les citoyens.  Le financement de ces makhallas est notamment assuré par les autorités locales, a indiqué la délégation.  Ces comités sont pour les citoyens une véritable école de la démocratie, a-t-elle fait valoir.
 
Selon la Constitution, les étrangers ou apatrides qui vivent sur le territoire ouzbek jouissent des droits et responsabilités prévus dans les instruments internationaux pertinents.  Les conditions pour acquérir la nationalité ouzbèke sont de renoncer à sa nationalité étrangère et de prouver sa résidence sur le territoire de l'Ouzbékistan depuis au moins cinq ans (cette dernière condition ne s'appliquant pas aux personnes qui sont nées en Ouzbékistan, ne sont pas ressortissantes d'un État tiers et apportent la preuve qu'au moins un de leurs parents/grands-parents est né sur le territoire ouzbek).  L'étranger ou l'apatride qui vit dans le pays depuis cinq ans peut donc demander la citoyenneté ouzbek.  La Commission chargée des questions de nationalité, qui relève de la Présidence de la République, examine alors le dossier et formule une proposition de décision à l'intention du Président de la République.
 
D'après le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), le nombre de réfugiés reconnus et enregistrés comme tels par le Haut-Commissariat pour les réfugiés (HCR) s'élève à quelque 185 en Ouzbékistan, a déclaré la délégation, soulignant qu'ils ne sont pas placés en détention et qu'avec le concours du PNUD, ces personnes se réinstallent progressivement dans des pays tiers.  L'Ouzbékistan n'a pas accepté la recommandation issue de l'examen périodique universel du Conseil des droits de l'homme visant à ce que le pays adhère à la Convention de 1951 sur le statut des réfugiés, mais envisage actuellement la possibilité d'adhérer aux conventions relatives au statut d'apatridie.  Alors qu'il y a eu, à moment donné, près de 8000 réfugiés afghans en Ouzbékistan, ils ne sont aujourd'hui plus que 120, a précisé la délégation.
 
En réponse à la question d'un membre du Comité, la délégation a indiqué que l'Ouzbékistan compte des femmes ambassadrices.
 
S'agissant du fonctionnement de la justice, la délégation a indiqué que les membres des tribunaux supérieurs sont élus par le Sénat alors que ceux des tribunaux inférieurs sont nommés par le Président.  Les membres des différents groupes nationaux peuvent utiliser leur propre langue nationale devant les tribunaux, en particulier dans les régions où cette langue est largement parlée, a indiqué la délégation.  Lorsqu'un justiciable ne parle pas la langue utilisée dans un tribunal, il bénéficie alors des services gratuits d'un interprète.
 
La délégation a par ailleurs souligné que l'Ouzbékistan est un pays d'origine de la traite de personnes.  Ce sont en effet des ressortissants ouzbeks qui sont amenés à l'étranger et non des étrangers qui sont emmenés en Ouzbékistan aux fins de la traite, a insisté la délégation.  Toutes les victimes sont donc ouzbèkes et non pas étrangères.
 
Exiger d'un pays que son institution nationale des droits de l'homme soit accréditée par un comité international de coordination des institutions nationales des droits de l'homme est, de l'avis de l'Ouzbékistan, inacceptable, a déclaré la délégation.  Pourquoi d'ailleurs poser une telle exigence alors qu'un très grand nombre d'institutions nationales pourtant dûment créées à travers le monde ne bénéficient pas de cette accréditation?
 
La délégation a par ailleurs indiqué ne pas du tout comprendre l'insistance avec laquelle les membres du Comité déplorent l'absence de définition de la discrimination raciale dans la législation ouzbèke, alors que le pays a opté pour une approche plus large que celle préconisée par la seule Convention en adaptant sa définition de la discrimination à l'ensemble des instruments internationaux pertinents auxquels le pays est partie et dont les dispositions antidiscriminatoires vont bien au-delà de la seule discrimination raciale.
 
Le Gouvernement ouzbek fait preuve de bonne volonté et est attaché à éradiquer toutes les formes de discrimination raciale, a conclu la délégation. 
 
Observations préliminaires
 
M. DIACONU, rapporteur pour l'Ouzbékistan, a jugé extrêmement intéressant le dialogue qui s'est noué avec la délégation ouzbèke.  Nous avons beaucoup appris de la délégation et j'espère que la délégation a, elle aussi, beaucoup appris du Comité et de son approche de la Convention, a-t-il déclaré.  Il y a en effet des approches différentes entre le Comité et l'Ouzbékistan, a insisté le rapporteur.  Il faut regarder tous les «critères de Paris» (ndlr: en référence aux Principes de Paris applicables aux institutions nationales des droits de l'homme) et non pas seulement quelques-uns d'entre eux pour comprendre ce que l'on attend d'une institution nationale des droits de l'homme au sein des Nations Unies, a souligné M. Diaconu.  Il a exprimé l'espoir que les fondements pour un meilleur dialogue seront trouvés pour la prochaine occasion.
 
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