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Communiqués de presse Organes conventionnels

Le Comité des droits de l'homme examine le rapport du Tadjikistan

10 Juillet 2013

Comité des droits de l'homme


10 juillet 2013

Le Comité des droits de l'homme a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport du Tadjikistan sur les mesures qu'il a prises en application des dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

Le Ministre de la justice du Tadjikistan, M. Rustam Mengeliev, a assuré que son pays n'avait de cesse de garantir la bonne application du Pacte et qu'il avait entrepris l'harmonisation de la législation judiciaire nationale avec les disposition du droit international, en particulier en matière de justice des mineurs. Un médiateur des droits de l'homme est en poste depuis 2009 et un nouveau code de procédure pénale est entré en vigueur en 2010. Le relèvement de l'âge minimal pour le mariage a eu pour objectif de permettre aux jeunes filles de poursuivre des études, a expliqué le Ministre, qui a reconnu un certain retard des mentalités sur cette question, en particulier dans les campagnes. Un moratoire sur la peine capitale a été décrété et, dans le cadre de la candidature du pays au Conseil des droits de l'homme pour la période 2015-2017, le chef de l'État a décidé de demander la ratification du Protocole facultatif au Pacte relatif à l'abolition de la peine de mort. La lutte contre la traite des personnes est une priorité pour le Tadjikistan, qui ne fait plus partie de la liste des pays affectés par ce fléau.

L'importante délégation tadjike était également composée de M. Nurillo Oripov, premier Vice-Ministre de l'intérieur, de M. Zarif Alizoda, Médiateur des droits de l'homme, de M. Abdulkodir Muhammadiev, Procureur général adjoint, de M. Muzaffar Ashurov, Secrétaire général de la présidence de la République, de M. Azizov Zafar, Président du Conseil de la justice, de Mme Sumangul Tagoeva, Chef du Comité gouvernemental de la femme et des relations familiales, ainsi que de représentants du Ministère des affaires étrangères et du Comité gouvernemental aux affaires religieuses. M. Salohiddin Nasriddinov, Représentant permanent de l'Ukraine auprès de l'ONU à Genève, était également présent. La délégation a notamment fourni des renseignements sur les règles régissant le séjour des étrangers sur le territoire et les dispositions en matière d'expulsions et d'extraditions; l'impact des réfugiés venus essentiellement d'Afghanistan, du Kirghizstan et de l'Iran; les conséquences du retrait des troupes étrangères de l'Afghanistan, pays voisin; la protection de la liberté de culte; la lutte contre la torture.

Les membres du Comité se sont félicités des réformes de la législation tadjike, tout en rappelant que la pratique comptait tout autant, relevant notamment des informations concernant le droit de bénéficier de l'assistance d'un avocat lors d'une arrestation ainsi que des cas nombreux de torture lors des interrogatoires préliminaires. Un expert s'est inquiété des restrictions à la liberté religieuse. Le Comité a noté que les objectifs concernant la participation des femmes à la vie publique n'ont pas été atteints par le Tadjikistan. Tout en se félicitant de la décision prise d'abolir la peine de mort, le Comité a souhaité savoir si une échéance avait été fixée à la ratification du Protocole facultatif. Il a déploré par ailleurs que le processus de sélection du Médiateur manque de transparence. Enfin, les experts ont évoqué les troubles survenus il y a un an dans la ville de Khorog où une vingtaine de civils auraient perdu la vie, la délégation précisant que l'enquête ouverte à ce sujet n'était pas achevée, tout en affirmant qu'à une seule exception près, tous les civils tués étaient des «bandits».

Le Comité rendra publiques, après la fin de la session le vendredi 26 juillet, des observations finales résultant de l'examen du rapport du Tadjikistan.

Cet après-midi et tout au long de la journée de demain, le Comité examinera le rapport initial de l'Indonésie (CCPR/C/IDN/1).

Présentation du rapport

Présentant le rapport périodique du Tadjikistan (CCPR/C/TJK/2), M. RUSTAM MENGELIEV, Ministre de la justice, a assuré que son pays n'avait de cesse de garantir la bonne application du Pacte international relatif aux droits civils et politiques sur son territoire. Une commission parlementaire a été créée en 2002 pour s'assurer de la bonne application des instruments internationaux ratifiés par le pays. Les Rapporteurs spéciaux du Conseil des droits de l'homme de l'ONU sont régulièrement accueillis dans le pays. Le ministre a aussi fait valoir que le poste de médiateur a été créé par une loi de 2003, et son premier titulaire a été nommé l'année suivante. Si les Tadjiks sont majoritaires, plus de 120 nationalités coexistent dans le pays, notamment des Russes, des Ouzbeks et des Arméniens.

L'égalité des chances entre hommes et femmes est garantie par la loi, a indiqué le ministre. En 2010, une Stratégie nationale a été lancée pour renforcer le rôle de la femme, dont l'application courra jusqu'en 2020. Le relèvement de l'âge minimal pour le mariage a visé à permettre aux jeunes filles de poursuivre des études. En matière judiciaire, une harmonisation de la législation avec le droit international a été lancée, en particulier en matière de justice des mineurs.

La lutte contre la traite des personnes est une priorité, a poursuivi M. Mengeliev, et un programme complet a été édicté pour la période 2011-2013. Le Tadjikistan a été exclu de la liste des pays affectés par ce fléau, ce qui constitue incontestablement une illustration du succès de sa politique, a-t-il ajouté.

Un moratoire sur la peine capitale a été décrété et dans le cadre de la candidature du pays au Conseil des droits de l'homme le chef de l'État a décidé de demander la ratification du Deuxième Protocole facultatif aux droits civils et politiques relatif à l'abolition de la peine de mort, a précisé le ministre. Un nouveau code de procédure pénale est entré en vigueur en 2010, a-t-il poursuivi, et les prévenus et des suspects bénéficient désormais de garanties minimales concernant leurs conditions de détention. L'intégrité de la personne est garantie par l'interdiction de la torture et autres peines cruelles, inhumaines ou dégradantes. Sous la houlette du Médiateur a été créée une instance pour prévenir la pratique de la torture dans les lieux de détention.

L'un des aspects essentiels d'un État démocratique étant l'accès à la justice, un programme de réforme judiciaire a été mis en œuvre à compter de 2010, a poursuivi le ministre. La réforme se poursuit pour l'exercice 2011-2013, prévoyant notamment une procédure de règlement des différends par voie de conciliation afin d'éviter autant que faire se peut de recourir aux tribunaux.

Le droit de participer à la vie politique est garanti par la Constitution, ainsi que celui de choisir le culte de son choix, a déclaré le ministre. Il a précisé que, si l'islam est majoritaire dans le pays, de nombreuses autres religions y sont pratiquées.

Le Tadjikistan compte un grand nombre de médias, a fait valoir le ministre, dont neuf chaînes de télévision publiques et une vingtaine de télévisions privées. Les citoyens ont le droit de créer des formations politiques, huit partis étant enregistrés au niveau national.

Par ailleurs, le Tadjikistan, qui est candidat à un siège au Conseil des droits de l'homme pour la période 2015-2017, s'est soumis à l'Examen périodique universel du Conseil des droits de l'homme, a précisé M. Mengeliev, qui a conclu sa présentation en réitérant l'engagement de son pays en faveur du respect des droits universels de l'homme.

Répondant dans aux questions écrites adressées au Tadjikistan par le Comité, M. Mengeliev a notamment fait observer qu'une loi avait été adoptée en 2005 afin de garantir l'égalité des droits entre hommes et femmes. Une douzaine de parlementaires sont des femmes aux deux chambres du Parlement, tandis qu'une femme est vice-premier ministre. Des mesures ont été prises par l'État afin de lutter contre l'abandon de la scolarité par les filles et l'âge légal du mariage a été relevé de 17 à 18 ans afin de lutter contre le mariage précoce. Il s'agit toutefois d'un problème lié aux traditions culturelles et l'évolution exigera du temps et de la patience. Des mesures préventives ont par ailleurs été prises contre la violence domestique.

En ce qui concerne les décès en détention, un certain nombre de cas sont dus à des maladies, a souligné le ministre, qui a assuré qu'une attention particulière est portée à la lutte contre la torture. M. Mengeliev a aussi rappelé que son pays avait été examiné par le Comité contre la torture. Par ailleurs, le code de procédure pénale prévoit la présence d'un avocat dès le début de la procédure. Quant aux tribunaux militaires, ils sont eux-mêmes partie intégrante du système judiciaire.

Les procédures en matière d'expulsions et d'extraditions, qui relèvent du code de procédure pénale, sont conformes aux textes internationaux, a assuré le ministre, qui a rappelé que son pays accueille près de 2400 réfugiés venus essentiellement d'Afghanistan, du Kirghizstan et de l'Iran. Le Tadjikistan souhaite bénéficier d'une assistance internationale face aux conséquences de la déstabilisation de l'Afghanistan.

Répondant à des questions sur les droits de l'enfant, le ministre a fait valoir que l'enfance est dûment protégée par la législation tadjike et que les châtiments corporels ne sont pas autorisés.

La liberté de culte est assurée conformément aux principes constitutionnels et la liberté de religion n'est sujette qu'aux restrictions imposées par la loi, a déclaré le ministre. Le service militaire est obligatoire pour les hommes âgés de 18 à 27 ans. Reconnaissant que des cas d'enrôlement forcé avant 18 ans ont été signalés, le ministre a indiqué qu'une enquête a été ouverte sur la question.

Le droit à l'information est garanti par la Constitution. Une nouvelle loi offre un plus grand nombre de garanties en matière de liberté de presse. La législation n'exige pas de permis particulier, sauf pour la radio et la télévision.

Tout citoyen a le droit de s'affilier à une formation politique, a déclaré M. Mengeliev, qui a rappelé que le pays comptait huit partis ainsi qu'une quarantaine de syndicats. L'incitation à la haine raciale ou nationale est prohibée. Certaines organisations ne respectant pas la législation ont été interdites, tout comme des organisations ne s'étant pas soumises à l'obligation d'enregistrement préalable.

Examen du rapport

Questions et observations des membres du Comité

M. GERALD NEUMAN, expert du Comité chargé de l'examen du rapport, s'est félicité des réformes de la législation tadjike, tout en soulignant que le Comité était surtout intéressé par la pratique en matière de droits de l'homme dans le pays. Il a souhaité savoir si des décisions de justice s'appuient sur le Pacte. Il a regretté que le Tadjikistan n'ait pas suivi certains des avis du Comité, se demandant si la délégation avait une explication à cette attitude. L'expert a estimé que le processus de sélection du Médiateur manquait de transparence et a souhaité savoir si des mesures sont envisagées pour renforcer l'indépendance de cette institution. S'agissant de la participation politique des femmes, le Tadjikistan n'a pas atteint les objectifs qu'il s'était fixé précédemment, y compris au sein de la formation gouvernementale majoritaire, a observé l'expert, qui s'est étonné que l'État partie n'ait pas fait plus d'efforts en ce sens.

Le Comité se félicite de la décision prise d'abolir la peine de mort, annoncée en 2010. Il souhaite savoir à quelle échéance le Protocole facultatif sera ratifié.

Face à l'affirmation selon laquelle la torture n'est pas un phénomène répandu, l'expert a jugé pourtant clair que les plaintes à cet égard sont rarement prises au sérieux. L'obtention d'aveux représente semble-t-il l'effort essentiel de la police pour recueillir des preuves. Le Comité dispose d'informations selon lesquelles l'enregistrement des personnes placées en état d'arrestation se fait souvent avec retard. Les avocats doivent demander une autorisation spéciale pour voir leur client, quand ce n'est pas la personne mise en cause elle-même qui doit faire cette requête. L'accès à un avocat est souvent refusé aux mineurs sous le simple prétexte qu'ils sont des enfants. Il y a trop souvent un fossé entre les dispositions de la loi et la pratique dans les faits.

Le droit à un avocat semble entravé lors de l'étape préliminaire d'un interrogatoire, moment où des mauvais traitements, voire de la torture, peuvent avoir lieu. Le Comité dispose d'informations selon lesquelles des notifications officielles d'arrestation n'ont été effectués qu'au bout de plusieurs jours. La mise en détention d'un suspect doit être justifiée, a rappelé M. Neuman. En outre, les juges ne posent pas les bonnes questions lorsqu'un détenu se plaint de mauvais traitements, la raison semblant tenir au fait que le code de procédure pénale ne prévoit pas précisément ce cas de figure.

M. Neuman a par ailleurs évoqué les cas d'enlèvements de Tadjiks à l'étranger ramenés de force dans leur pays, semble-t-il pour être traduits en justice. L'État affirme ne pas être responsable mais aucune enquête n'a été ouverte pour faire la lumière sur ces cas.

D'autres membres du Comité ont évoqué de possibles persécutions politiques et fait état d'entraves à la liberté d'expression. Le cas d'un ancien ministre de l'industrie, M. Zayd Saidov, contre lequel ont été intentées des poursuites pour corruption dans l'exercice de ses anciennes fonctions gouvernementales alors qu'il a fondé son propre parti et envisagerait de se présenter à la prochaine élection présidentielle, a été cité. Ont été également citées des poursuites pour injures et atteinte à l'honneur du chef de l'État, la forte amende infligée à un journal qui avait mentionné le cas d'un citoyen tadjik condamné pour trafic de drogue par la justice russe lors d'une audience à huis clos, ou encore l'interdiction de 31 associations durant les dernières années, alors même que la procédure d'enregistrement des associations est complexe et contraignante.

Un expert a cité un certain nombre de textes de loi, décrets et programmes visant à assurer l'égalité hommes-femmes. Plus le temps passe, plus le nombre et la représentativité des femmes augmente, a-t-il constaté, ce qui est particulièrement patent dans l'éducation. En outre, le programme de soutien à la lutte contre la violence faite aux femmes ou encore les subventions accordées aux femmes entrepreneurs constituent des exemples d'un effort réel et louable dans ce domaine. Néanmoins, le Comité pour l'élimination de toutes les discriminations à l'égard des femmes a constaté la résurgence d'attitudes patriarcales, une mentalité qui freine peut-être l'action du Gouvernement, notamment dans les campagnes. Que fait le Gouvernement pour contrer ces mentalités archaïques? Le Gouvernement rencontre-t-il des difficultés dans la mise en œuvre de la loi sur l'égalité des chances de 2005? Le même expert a souhaité savoir où en était le processus d'accession du pays à la Convention pour l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes.

Un autre membre du Comité a demandé quel était le taux réel d'abandon des écolières dans les zones rurales, ajoutant que le phénomène semble s'expliquer par des mentalités traditionnelles et religieuses néfastes. L'État a organisé des réunions pour sensibiliser la population, constatant que le chiffre officiel semblait atteindre un taux de 30% d'abandon. L'expert a demandé à qui s'adressaient exactement ces campagnes et si l'État se fixait un objectif pour en finir avec le décrochage scolaire. Un autre expert a évoqué lui aussi le problème de la violence à l'égard des femmes, cette attitude étant considérée comme normale au sein des familles. Le phénomène est bien réel et il est grave, incitant de nombreuses femmes à songer au suicide, si l'on en croit une enquête d'opinion, a-t-il fait observer, avant de s'interroger face aux statistiques officielles sur les violences contre les femmes, qui apparaissent incohérentes.

Les cas de violence policière contre les enfants apparaissent relativement courants lorsque l'on cherche à extorquer des aveux, a déclaré un expert, qui a demandé par ailleurs ce qu'il en était du projet de loi sur la violence domestique et quelle quelles dispositions ce texte prévoyait. Il a demandé si des campagnes d'information étaient organisées en direction de la population sur ces questions, rappelant l'importance d'informer les communautés sur leurs droits et devoirs.

Un expert a noté la prévalence de la tuberculose dans les cas de décès en détention et y a vu un héritage de l'époque soviétique, tout en souhaitant savoir quelles mesures étaient prises pour lutter contre ce fléau. D'autres cas de décès s'expliquent par les mauvais traitements, une violence à la fois des codétenus comme des gardiens, a-t-il observé. Il a notamment fait part de sa préoccupation face à des cas de décès sous la torture dont il a cité des cas, constatant qu'il existait de nombreuses allégations de morts en détention qui semblent bien étayées et dont des agents de l'État peuvent être considérés comme responsables. Il a souhaité savoir quelles mesures les autorités pourraient envisager de prendre pour y remédier. Plusieurs autres experts ont évoqué le problème de la torture, pratiquée semble-t-il couramment par la police. L'un d'entre eux a demandé si des poursuites avaient été engagées contre les auteurs.

Un expert a mentionné les troubles de Khorog où de nombreux civils auraient été tués en 2012. Officiellement, 18 agents de l'État ont trouvé la mort et des poursuites engagées contre les fauteurs de troubles. Il s'est étonné que l'État partie ne mentionne pas les cas de morts de civils. Y a-t-il eu une enquête indépendante à cet égard? La délégation ayant fourni des explications sur ces incidents, des experts du Comité ont exprimé leur satisfaction qu'une enquête soit menée à Khorog, tout en s'interrogeant sur les conclusions tirées par la délégation selon lesquelles, à une exception près, tous les morts civils seraient des émeutiers.

Un expert a évoqué les procédures en matière de demande d'asile, rappelant qu'une personne franchissant la frontière de manière irrégulière peut légitimement demander l'asile politique. Il existe au moins un cas de renvoi du Tadjikistan en Afghanistan, la personne expulsée ayant été tuée à son retour, a-t-il souligné.

Les conditions d'accès à la citoyenneté tadjike apparaissent comme étant relativement libérales dans la loi, notamment en ce qui concerne les réfugiés dûment enregistrés. Toutefois, les données disponibles montrent que toutes les demandes de naturalisation ont été rejetées, a constaté un expert. En outre, il n'existe apparemment pas d'enregistrement automatique à la naissance, ce qui peut conduire à des cas d'apatridie. Cette lacune semble s'expliquer par le fait que des frais substantiels sont exigés pour l'enregistrement.

Un expert a évoqué la loi sur la liberté religieuse, relevant qu'un certain nombre de restrictions étaient explicitement prévues, justifiées à la fois par la laïcité absolue de l'État et par la volonté affichée d'endiguer l'extrémisme religieux. Il a demandé si les mesures prises avaient été couronnées de succès, en particulier en ce qui concerne le dernier point. Il a indiqué par ailleurs qu'au moins trois obédiences religieuses, dont les Témoins de Jéhovah, n'avaient pu se faire enregistrer et qu'elles se plaignaient d'une violation du Pacte. Par ailleurs, il a fait état d'informations sur des attaques contre des minorités religieuses. Il a par ailleurs demandé pourquoi le port du voile (hijab) était interdit dans les établissements d'enseignement et s'est interrogé sur l'objection de conscience pour raison religieuse.

Réponses de la délégation

Répondant à des questions sur le cadre constitutionnel et juridique de l'application du Pacte, la délégation a indiqué que le Tadjikistan s'est doté d'une nouvelle constitution qui accorde la priorité aux droits de la personne. Tout le travail de l'État et de ses organes vise à respecter ce principe constitutionnel. Les droits de l'homme sont une priorité, y compris sur le plan judiciaire. Par conséquent, les différentes branches du pouvoir s'acquittent de leurs mandats respectifs. Le renforcement du pouvoir judiciaire s'inscrit dans ce cadre en respect des normes internationales et de leur application dans la pratique. En nombre croissant, les juges bénéficient d'une formation spécifique dans laquelle les normes juridiques internationales font partie du curriculum. S'agissant des incohérences statistiques apparentes soulevées par un expert, la délégation a précisé qu'elles concernaient des années différentes. En ce qui concerne l'adhésion aux traités internationaux, un plan d'action national est en place dans le sillage de l'Examen périodique universel. L'adhésion au Protocole facultatif relatif à l'abolition de la peine de mort se fera au plus tôt, a assuré la délégation, qui a rappelé qu'un moratoire sur la peine de mort était en vigueur depuis 2004 et qu'aucune condamnation à mort n'avait plus été prononcée par les tribunaux ces dernières années.

Le Médiateur des droits de l'homme, qui fait partie de la délégation tadjike, a expliqué que son institution, créée il y a quatre ans, avait bénéficié de soutiens extérieurs, en particulier des Pays-Bas pendant ses deux premières années d'existence. Son personnel est féminin à 50% et il compte aussi des membres d'autres nationalités, Ouzbeks et Russes en particulier. Un programme d'action à l'horizon 2015 a été défini. Des groupes de travail ont été créés, notamment sur les migrants et sur la torture. Il prévoit de réfléchir à la ratification du Protocole facultatif relatif à l'abolition de la torture.

S'agissant des prisons, elles datent toutes de l'époque soviétique, a reconnu la délégation tadjike, ajoutant que l'une d'entre elles avait même été construite dans les années 1930, ce qui explique leur mauvais état. De nouveaux centres de détention provisoire ont été créés, dont un pour les femmes et un autre pour les agents de la force publique. Les tuberculeux sont incarcérés dans un lieu approprié doté d'un centre de soins. Par ailleurs, des plaintes écrites peuvent être déposées dans une boîte spéciale dans les centres de détention. Celle-ci est scellée et seul un procureur a accès son contenu.

Concernant les droits des personnes en état d'arrestation, la délégation a expliqué que toute interpellation devait être enregistrée dans les trois heures; dans le cas contraire, la personne doit être libérée. Dans la plupart des cas, la personne est informée de son droit à faire appel à un avocat, dès lors que des poursuites sont engagées.

Le Comité gouvernemental de la femme et des relations familiales a produit un rapport à l'intention du Gouvernement sur la loi relative à l'égalité des sexes, à la suite de quoi huit femmes viennent d'être nommées dans des ministères ou des départements où elles étaient absentes à des postes de responsabilité. La délégation a expliqué que les autorités avaient impulsé un programme de promotion des femmes à des postes de responsabilité. Des formations spécifiques sont assurées pour les candidates, dans toutes les régions du pays. Par ailleurs, des organisations non gouvernementales interviennent en faveur de la promotion de la scolarisation des filles.

La délégation a précisé que la notion de violences faites aux femmes, passible de poursuites dans le pays, était très large allant du viol au mariage forcé. Trois refuges ont été créés dans les principales villes pour les jeunes filles victimes ou menacées de violence. Elles bénéficient d'une assistance psychologique et d'une assistance à la recherche d'un emploi si elles sont en âge de travailler.

Des mécanismes de prévention de la violence domestique ont été mis en place et un projet de loi est en cours d'élaboration qui prévoit notamment une formation de la police sur la question. Des mesures sont prévues, telles que l'interdiction faite à la personne violente de continuer de fréquenter ses proches. S'agissant de la violence envers les mineurs, les autorités locales mènent là aussi un travail approfondi de prévention. Les cas de violence physique sont naturellement punis par la loi, tout comme envers les femmes. La loi prévoit des circonstances aggravantes, notamment le fait de s'en prendre à une femme enceinte.

En ce qui concerne l'éducation au sens large, le pays compte désormais 37 établissements d'enseignement supérieur, contre 13 au moment de l'indépendance. Des quotas ont été établis pour les jeunes filles vivant dans des régions reculées. Chaque année, le nombre de jeunes achevant le cycle secondaire est en augmentation, même si le taux d'abandon demeure relativement élevé. Les principales raisons du décrochage scolaire, si elles sont économiques et sociales, s'expliquent aussi par les traditions et les stéréotypes culturels. La délégation a assuré que l'effort des autorités se poursuivrait sans que l'on puisse prédire quand l'abandon scolaire ne serait plus qu'un mauvais souvenir.

Le Ministre de la justice a indiqué, au sujet du poids des traditions, que les dignitaires religieux jouissaient d'une grande autorité dans les zones rurales. C'est la raison pour laquelle le chef de l'État a rencontré tout récemment les principaux chefs religieux du pays afin de les inciter à faire évoluer les mentalités.

Un membre de la délégation a indiqué que les ministères avaient le devoir d'accueillir les citoyens et d'entendre leurs plaintes éventuelles. Chaque mois, ils doivent faire un compte-rendu de ces doléances et de leur objet. L'expérience des trois dernières années montre une amélioration de la situation.

Le Procureur général adjoint de la République du Tadjikistan a évoqué les règles gouvernant les extraditions, assurant que personne n'avait été renvoyé dans un pays où il risquait d'être maltraité. Il a démenti qu'il y avait eu des cas d'enlèvements et de renvois de force au Tadjikistan de personnes afin de traduire en justice. Ces allégations mentionnées par des membres du Comité sont sans fondement.

La délégation s'est expliquée sur les événements de Khorog et les circonstances dans lesquelles la ville a été investie il y a un an. Les troubles survenus dans cette localité ont donné lieu à la formation de bandes armées, dont l'une a tué le Directeur régional de la sécurité nationale, M. Abdullah Nazarov, le 21 juillet 2012. Les forces de l'ordre ont été prises en otage, ce qui a nécessité le lancement d'une opération spéciale afin de libérer les otages. Dix-huit agents de la force publique ont perdu la vie et plus d'une quarantaine ont été blessés. La délégation a démenti les rumeurs selon lesquelles plus d'une centaine de civils auraient perdu la vie, affirmant que, sur les 22 morts civils, 21 étaient en fait des bandits armés. Un seul civil aurait été tué après avoir été pris entre deux feux, tandis qu'un autre serait décédé de mort naturelle. Une quantité considérables d'armes, dont une centaine de kalachnikov et des explosifs, a été saisie, a précisé la délégation, qui a rappelé que l'enquête ouverte sur ces événements est toujours en cours. La délégation a par la suite déclaré que la complexité des faits explique le caractère tardif de l'ouverture de l'enquête.

La délégation a reconnu un certain désordre dans la profession d'avocat. Une réorganisation est en cours mais il est difficile de savoir combien de temps elle prendra, peut-être trois ou cinq ans. De fait, une grande partie des avocats exercent actuellement sans aucun document officiel attestant de leur qualité. En même temps, on ne peut s'immiscer dans ce qui relèvera à terme d'un barreau digne de ce nom réglementé par la loi, a commenté la délégation.

La délégation a expliqué que le parti politique de M. Saidov n'est pas enregistré officiellement. Quant à l'ancien ministre mentionné par des membres du Comité, il est effectivement poursuivi pour corruption mais l'enquête n'est pas terminée. Le caractère tardif de la procédure s'explique par le fait que la plainte contre lui est récente.

En ce qui concerne l'enregistrement des associations, qui sont plus de deux mille, il doit être réactualisé en cas de changement de siège et d'adresse, a expliqué la délégation. Les organisations qui n'ont pu obtenir de nouvelles autorisations ne remplissaient pas les conditions mises à leur déménagement.

Pour ce qui concerne la loi régissant l'organisation de manifestations, les organisateurs doivent déposer leur demande deux semaines avant l'événement prévu. Ceux-ci doivent s'engager à respecter l'ordre public.

Quant à la notion de diffamation, elle comprend les injures faites à des représentants de la loi, magistrats et policiers par exemple.

Aucun texte de loi n'empêche l'enregistrement des enfants de réfugiés à leur naissance, formalité qui est soumise à un droit de deux dollars seulement à acquitter.

La Constitution garantit l'indépendance des juges et le fait d'y porter atteinte et de chercher à entraver le fonctionnement de la justice est passible de poursuites, a indiqué la délégation. Le Conseil de la justice, a précisé le Président de cet organe, est chargé du perfectionnement de la formation des juges, qui inclut des cours théoriques ainsi que des travaux pratiques qui leur permettent d'aiguiser leur compétence professionnelle. Une centaine de postes ont été récemment créés par décret présidentiel afin de permettre à la Justice de répondre à la lourdeur de la tâche. Les salaires ont été augmentés de plus de 100% ce qui, a-t-il affirmé a permis de faire disparaître la corruption. S'agissant des tribunaux militaires, ceux-ci peuvent juger des civils uniquement lorsque ceux-ci sont impliqués dans des délits aux côtés de soldats.

Toute allégation de torture fait l'objet d'une enquête approfondie. Si les faits sont avérés, le jugement peut être annulé par un tribunal de rang supérieur. La délégation a aussi évoqué les châtiments corporels dans les institutions spécialisées, assurant qu'un contrôle systématique avait lieu avec les organisations non gouvernementales. Un projet de loi est en cours d'élaboration pour en finir définitivement avec de tels châtiments.

Il n'y a en aucune manière d'atteinte à la liberté de culte au Tadjikistan, a assuré la délégation. Le nombre important de mosquées et d'écoles coraniques s'explique par le fait que le pays compte huit millions de musulmans. Toutes les conditions sont assurées pour le respect de la liberté de culte, y compris sur le plan vestimentaire. Concernant le port du hijab, un code vestimentaire est en effet imposé dans les établissements, qui relève d'un accord entre ceux-ci et les parents et une recommandation a été faite en 2007 dans le respect des coutumes locales. Les personnes souhaitant porter le hijab peuvent fréquenter des établissements d'enseignement confessionnels et, en dehors des établissements scolaires, aucune règle n'est imposée. Par ailleurs, 75 organisations religieuses non musulmanes sont enregistrées, dont une quinzaine d'églises évangéliques. Il a été mis fin aux activités des Témoins de Jéhovah car ils ne respectaient pas les conditions mises à leur reconnaissance; lorsqu'ils y répondront, ils pourront s'enregistrer et reprendre leurs activités. La législation prévoit des restrictions qui visent à éviter l'endoctrinement des enfants. Le Ministre de la justice a expliqué qu'une restriction mise à la scolarisation de jeunes ressortissants tadjiks désireux de suivre un enseignement religieux à l'étranger résultait du fait que, plus que la religion, certains établissements situé dans des pays comme l'Afghanistan ou le Pakistan, professaient plutôt le terrorisme.

Conclusions

M. MENGELIEV a assuré que les recommandations du Comité seraient examinées attentivement par les autorités et avec les organisations de la société civile. Le ministre tadjik a assuré que son pays avait la ferme intention de poursuivre sa coopération avec les Nations Unies et ses organes des droits de l'homme.

M. NIGEL RODLEY, Président du Comité, a reconnu que le Tadjikistan était un pays toujours en transition depuis qu'il a acquis sa pleine indépendance étatique il y a vingt-cinq ans. Il s'est félicité que la délégation ait confirmé la caducité de la peine de mort. Il a rappelé que, si les États se concentraient sur ce que disent les lois, on ne pouvait ignorer que leur application n'était pas toujours à la hauteur. Les garanties prévues par la loi pour les personnes privées de liberté doivent être respectées. Parfois, la loi est appliquée avec plus de diligence pour certains que pour d'autres. Il existe clairement une certaine liberté d'action de la société civile dans l'État partie, a-t-il reconnu même si les organisations non gouvernementales ont exprimé des sujets de préoccupation. Le Tadjikistan est manifestement sur la bonne voie, a déclaré M. Rodley, qui a souhaité qu'il persévère, notamment en se dotant d'une institution nationale des droits de l'homme de première catégorie. Il s'est félicité que le Médiateur des droits de l'homme fasse partie de la délégation.

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