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Communiqués de presse Organes conventionnels

Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels examine le rapport de la Jamaïque

02 Mai 2013

Comité des droits économiques,  
  sociaux et culturels 

2 mai 2013

Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a examiné, aujourd'hui, le rapport périodique présenté par la Jamaïque sur les mesures qu'elle a prises pour mettre en œuvre les dispositions du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

M. Wayne McCook, Représentant permanent de la Jamaïque auprès des Nations Unies à Genève, a assuré que des progrès considérables ont été réalisés par le pays dans la promotion et de protection des droits économiques, sociaux et culturels de ses citoyens, en dépit des nombreux défis qui ont été exacerbés par l'impact de la crise financière et économique mondiale dont la Jamaïque est encore en train de se relever.  La Jamaïque est un petit pays à revenu intermédiaire, vulnérable et lourdement endetté, qui est exposé aux chocs externes, notamment aux catastrophes naturelles.  Tout en restant engagé en faveur de la pleine et entière mise en œuvre des dispositions du Pacte, la Jamaïque a besoin d'une assistance technique et d'un soutien à la création de capacités.  Le représentant a indiqué que l'accès à l'eau potable allait être amélioré grâce aux programmes d'approvisionnement en eau en cours et planifiés qui doivent être exécutés durant la période 2012-2015 et qui devraient permettre de porter à 85% le taux d'accès à l'eau potable.  M. McCook a ajouté qu'une politique de sécurité alimentaire et nutritionnelle a été soumise au Gouvernement pour approbation.

La délégation jamaïcaine était également composée, entre autres, de représentants du Ministère des affaires étrangères et du commerce extérieur et du bureau du Procureur général de la Jamaïque.  Elle a répondu aux questions des membres du Comité s'agissant, notamment, de la lutte contre la corruption; du respect du principe de non-discrimination, en particulier au motif de l'orientation sexuelle; des mesures de promotion de l'égalité entre hommes et femmes; de la violence familiale; de la situation des réfugiés, notamment Haïtiens, en Jamaïque; de la diaspora des Jamaïcains vivant à l'étranger; des questions de santé et d'éducation, notamment pour ce qui a trait aux grossesses d'adolescentes, à l'avortement, au VIH/sida et à l'alphabétisation; ou encore de l'accès à l'eau.  La situation des Marrons – descendants des esclaves fugitifs de la période coloniale - a également été évoquée.

Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de la Jamaïque, M. Renato Zerbini Ribeiro Leao, a salué les progrès considérables réalisés par le pays pour ce qui est de divers indicateurs sociaux importants tels que l'espérance de vie, l'accès à l'eau potable ou encore la réalisation de l'accès universel à l'enseignement primaire et secondaire.  Néanmoins, de nombreux défis restent à relever pour la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels.  La Jamaïque a encore de nombreuses difficultés à résoudre pour renforcer la jouissance de ces droits économiques, sociaux et culturels mais elle s'y attelle, a estimé le rapporteur.  Plusieurs membres du Comité se sont inquiétés de la discrimination à l'encontre des homosexuels en Jamaïque, exprimant leurs préoccupations face à l'incrimination des relations sexuelles consenties entre adultes du même sexe et plaidant pour l'adoption d'une législation pénalisant les actes de discrimination homophobe.  Les experts ont dénoncé à cet égard, l'attitude de certains musiciens qui incitent, par leurs chansons, à la violence contre les homosexuels.
 
Le Comité présentera des observations finales sur le rapport de la Jamaïque le premier jour ouvrable suivant la fin de la session, qui se termine le vendredi 17 mai prochain.

Le Comité examinera demain, à partir de 10 heures, le rapport périodique de l'Azerbaïdjan (E/C.12/AZE/3).


Présentation du rapport

Présentant le rapport de la Jamaïque (E/C.12/JAM/3-4 et Corr.1), M. Wayne McCook, Représentant permanent de la Jamaïque auprès des Nations Unies à Genève, a assuré que des progrès considérables ont été réalisés par son pays dans la promotion et de protection des droits économiques, sociaux et culturels des citoyens, en dépit des nombreux défis qui ont été exacerbés par l'impact de la crise financière et économique mondiale dont la Jamaïque est encore en train de se relever.  La Jamaïque est un petit pays à revenu intermédiaire, vulnérable et lourdement endetté; la dette de 1,812 milliard de dollars représente 134% du PIB.  Le pays est exposé aux chocs externes, notamment aux catastrophes naturelles; le passage de l'ouragan Sandy en septembre 2012 s'est soldé par des dommages et des pertes équivalant à 1,5 million de dollars.  Dans ce contexte, M. McCook a rappelé que l'article 2.1 du Pacte souligne le caractère progressif de la réalisation des droits énoncés dans cet instrument.  Tout en assurant qu'il reste engagé en faveur de la pleine et entière mise en œuvre des dispositions du Pacte, le Gouvernement tient à souligner que la Jamaïque a besoin d'une assistance technique et d'un soutien pour la création de capacités.

Pour sa part, le Gouvernement jamaïcain a adopté en avril 2011 la Charte sur les droits et libertés fondamentaux, incluant certains droits économiques et sociaux ainsi que les droits civils et politiques établis.  Cette Charte a notamment permis de renforcer le droit à l'égalité devant la loi, a précisé le Représentant permanent.  Elle comporte en outre des dispositions telles que le droit de tout enfant à être protégé en tant que mineur ou le droit de jouir d'un environnement sain.

Se disant fier des réalisations de son pays en matière de droits de l'homme, M. McCook a notamment attiré l'attention sur le Dispositif pour le mieux-être par la santé et l'instruction (PATH, selon l'acronyme anglais), un programme financé par le Gouvernement et la Banque mondiale qui fournit des prestations en espèces aux groupes les plus nécessiteux et vulnérables de la société et concerne actuellement quelque 412 701 bénéficiaires dans 135 000 foyers.  Il a également attiré l'attention sur le régime national d'assurance qui offre une protection financière au travailleur et à sa famille contre la perte de revenu résultant d'un accident de travail, d'un handicap, de la retraite ou du décès de l'assuré.  Ce régime est ouvert à tous les citoyens, a poursuivi M. McCook, ajoutant que pour assurer une couverture universelle de ce régime, le Gouvernement a lancé des campagnes d'éducation publique à l'intention de groupes cibles du secteur informel.  Ce régime ne couvre pas l'assurance chômage, a-t-il précisé, indiquant que pour remédier à cette lacune, le Gouvernement a mis sur pied un comité chargé d'étudier la faisabilité de l'introduction d'un régime d'assurance chômage en Jamaïque. 

M. McCook a ensuite fait valoir que le Fonds d'investissement social de la Jamaïque applique actuellement un certain nombre de programmes de réduction et d'atténuation de la pauvreté.  Il a également attiré l'attention sur le Fonds national pour le logement, qui mène un certain nombre d'initiatives afin d'accroître l'accès à des unités de logement et leur disponibilité.  M. McCook a par ailleurs évoqué les activités menées dans le cadre du Programme d'élimination du travail des enfants par l'éducation (programme TACKLE).

S'agissant de la condition de la femme, M. McCook a indiqué que le Ministère chargé des questions d'égalité entre les sexes avait lancé une campagne d'éducation publique de six mois visant à promouvoir l'égalité et l'émancipation des femmes.  Cette campagne vient en soutien de l'application de la politique nationale de la Jamaïque en faveur de l'égalité entre les sexes, a précisé le Représentant permanent.  Parallèlement, un projet de plan stratégique national pour l'élimination de la violence fondée sur le sexe a été préparé.

La Jamaïque ne s'est pas dotée, à l'heure actuelle, d'un système de quotas visant à assurer que les femmes soient équitablement représentées au Parlement et autres entités publiques, a poursuivi M. McCook.  Il convient toutefois de rappeler que le Premier Ministre de la Jamaïque, Mme Portia Simpson Miller, a nommé trois femmes dans son Cabinet et s'est engagée à assurer que les femmes soient impliquées dans les processus de prise de décision aux plus hauts niveaux.  Les femmes représentent actuellement 12,7% des députés; 20% des ministres du Cabinet; 25% des sénateurs; 16,7% des conseillers municipaux; et 28,6% des maires.

En ce qui concerne l'eau et l'assainissement, M. McCook a notamment indiqué que l'accès à l'eau potable allait être amélioré par le biais des programmes d'approvisionnement en eau en cours et planifiés qui doivent être exécutés durant la période 2012-2015.  Ces programmes devraient permettre de porter à 85% le taux d'accès à l'eau potable, a-t-il indiqué.  Afin de combler les 15% restants, le Ministère de l'eau, de la terre, de l'environnement et du changement climatique va engager une cartographie de toutes les zones ne sont pas encore approvisionnées en eau, dans le but de déterminer les systèmes qui seraient les plus appropriés ainsi que les coûts que cela implique.

La sécurité alimentaire est également cruciale pour la réduction de la pauvreté et l'amélioration de la vie des citoyens, a poursuivi M. McCook.  À cette fin, une politique de sécurité alimentaire et nutritionnelle a été soumise au Cabinet pour approbation.

Enfin, le représentant jamaïcain a souligné que les politiques culturelles de la Jamaïque insistent sur le droit des personnes de pratiquer et de jouir des expressions culturelles.  La politique menée en la matière reconnaît la diversité de la population jamaïcaine, des célébrations se déroulant chaque année en reconnaissance des diverses cultures, ce qui inclut les cultures rastafari et marron – reconnues comme «cultures autochtones» en Jamaïque.

Examen du rapport

Questions et observations des membres du Comité

M. Renato Zerbini Ribeiro Leao, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de la Jamaïque, a pris note des progrès considérables réalisés par le pays pour ce qui est de divers indicateurs sociaux importants tels que l'espérance de vie, l'accès à l'eau potable ou encore la réalisation de l'accès universel à l'enseignement primaire et secondaire.  Néanmoins, de nombreux défis restent à relever s'agissant de la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels.

M. Ribeiro Leao a souhaité en savoir davantage sur l'impact réel du Pacte dans l'ordre juridique interne.  Il a demandé si la Jamaïque entendait modifier le paragraphe 2.a de l'article 13 de la Constitution afin d'y inclure l'orientation sexuelle parmi les motifs de discrimination interdits.  Est-il prévu de modifier le Code pénal jamaïcain afin de dépénaliser les relations sexuelles consenties entre adultes du même sexe, a insisté le rapporteur?

M. Ribeiro Leao a ensuite relevé que la Jamaïque était extrêmement vulnérable aux crises externes, comme en témoignent les graves répercussions de l'actuelle crise économique mondiale sur son développement économique et social, entravant la réalisation des buts fixés dans le cadre des objectifs du Millénaire pour le développement.

S'il n'existe en Jamaïque aucune loi spécifique sur le droit au travail, il n'existe pas non plus de disposition restreignant l'accès à l'emploi ou exerçant une discrimination à l'encontre de personnes cherchant un emploi, a poursuivi le rapporteur.  Il n'en demeure pas moins que les taux d'emploi et de chômage ont fluctué du fait de la crise économique et financière mondiale.  Ainsi, en juillet 2009, le pays enregistrait une hausse du taux de chômage, qui était passé de à 11,3%, contre 10,2% un an auparavant.  M. Ribeiro Leao a souligné qu'entre 2008 et 2009, la main-d'œuvre employée avait chuté de 38 600 personnes dans le pays.  À cet égard, le chômage des jeunes et des femmes constitue un grand motif de préoccupation, tant les taux de chômage pour ces deux groupes se maintiennent à des niveaux élevés.  Les femmes et les jeunes restent, avec les personnes handicapées, parmi les groupes les plus vulnérables du marché du travail, a insisté le rapporteur.  Dans ce contexte, il s'est enquis des effets des mesures adoptées pour améliorer l'accès des femmes à l'emploi dans l'économie formelle, en particulier s'agissant des femmes rurales.  Qu'en est-il en outre des mesures prises par le Gouvernement pour réduire les différences de rémunération entre hommes et femmes, a-t-il demandé?

M. Ribeiro Leao a par ailleurs souhaité obtenir des statistiques concernant l'impact social de l'ajustement périodique subi par le salaire minimum.  De la même manière, il s'est enquis de données actualisées sur l'impact du Plan national d'assurances, qui un régime obligatoire financé par les contributions de sécurité sociale.

Le rapporteur a ensuite relevé que la Jamaïque est parvenue à élever le niveau de vie général de la population et est sur le point de réaliser avant 2015 certains des objectifs du Millénaire pour le développement.  L'espérance de vie, qui était de 72 ans en 2007, est aujourd'hui proche de celle des pays à hauts revenus, a insisté M. Ribeiro Leao.  En outre, la proportion de la population vivant en dessous du seuil de pauvreté est passée de 1 sur 4 en 1990 à 1 sur 10 en 2007.  L'incidence de la pauvreté est plus élevée dans les zones rurales (15,3%), lesquelles abritent 71,3% des pauvres du pays, que dans les zones urbaines (4% en moyenne et 6,2% à Kingston).  Dans ce contexte, le rapporteur a souhaité obtenir des statistiques sur l'application des programmes nationaux d'éradication de la pauvreté et des informations attestant que les mesures adoptées bénéficient aux personnes et groupes défavorisés et marginalisés. 

M. Ribeiro Leao s'est en outre enquis des mesures prises pour assurer que les Marrons jouissent en Jamaïque de l'accès aux services de base – qu'il s'agisse de l'approvisionnement en eau, du logement, de l'assainissement, des soins de santé, de l'éducation ou de la sécurité sociale ­– dans des conditions d'égalité avec les communautés majoritaires.  Il a également souhaité obtenir des informations sur les mesures concrètes qui ont été prises pour faire face aux problèmes aigus en matière de logement, notamment pour ce qui est du manque d'infrastructures sanitaires adéquates dans les zones de taudis urbains.

Le rapporteur a d'autre part souhaité obtenir des données ventilées sur l'impact du Plan stratégique national dans le domaine de la santé.  Il s'est en outre enquis des mesures prises par le pays pour assurer que les mères adolescentes ne soient pas privées de leur droit à l'éducation et puissent poursuivre leurs études.  Enfin, M. Ribeiro Leao a relevé qu'il n'existe pas à l'heure actuelle en Jamaïque de législation protégeant spécifiquement les connaissances traditionnelles des peuples et communautés autochtones dans leur ensemble.


Un autre membre du Comité a fait observer que quelque 2,5 millions de Jamaïcains vivent à l'étranger.  Dans ce contexte, quelle est la politique de l'État pour maintenir le contact avec ces personnes, qui sont souvent très qualifiées, a-t-il demandé?  L'expert s'est en outre enquis de la politique menée par l'État jamaïcain pour résoudre le problème de la corruption, qui a des répercussions sur la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels.  L'expert s'est ensuite inquiété de la discrimination subie par les femmes en Jamaïque; les femmes sont frappées d'un taux de chômage qui est le double de celui des hommes, a-t-il souligné avant de s'enquérir des mesures prises pour remédier à cette situation.  L'expert s'est en outre inquiété de la discrimination contre les homosexuels, plaidant pour l'adoption d'une législation qui pénaliserait les actes de discrimination homophobe.

Une autre experte s'est elle aussi dite préoccupée par la situation des lesbiennes, gays, bisexuels et transsexuels (en Jamaïque, relevant que le pays n'a pas l'intention d'amender sa Constitution ni son Code pénal s'agissant de la question de l'orientation sexuelle.  Dans ce contexte, comment les autorités entendent-elles réduire la violence et la discrimination à l'encontre des lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres, a-t-elle demandé?  Un expert a quant à lui fait part de sa préoccupation face à l'incrimination des relations sexuelles consenties entre adultes du même sexe.  Plusieurs membres du Comité ont dénoncé l'attitude de certains artistes (plus particulièrement des musiciens) qui incitent à la violence contre les homosexuels.

Une experte a fait observer que la Jamaïque ne dispose pas d'une loi-cadre traitant de l'interdiction de la discrimination dans tous les contextes et a demandé si le pays a l'intention d'adopter un tel instrument.  Évoquant ensuite la question du rapatriement de réfugiés haïtiens dans leur pays, l'experte a relevé que les autorités jamaïcaines n'ont pas adopté une démarche cohérente concernant la protection de ces personnes avant leur retour dans leur pays.

Un expert a demandé si la Jamaïque avait l'intention d'accéder au Protocole facultatif se rapportant au Pacte qui permet au Comité de se saisir de plaintes, ce qui étant donné que le Pacte n'est pas très bien reflété dans la loi constitutionnelle, serait souhaitable.  L'expert a aussi plaidé pour la création d'une institution nationale des droits de l'homme conforme aux Principes de Paris.  Le taux de criminalité en Jamaïque est très élevé et cela ternit l'image du pays; il y a certainement un lien entre cette criminalité et la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels, a par ailleurs souligné ce même expert.

Une experte a relevé qu'il existe deux salaires minima en Jamaïque: l'un pour les gardes de sécurité et l'autre pour les autres salariés.  Qu'en est-il des mises à jour de ces salaires minima?  Plusieurs informations, émanant notamment de l'Organisation internationale du travail (OIT), indiquent que des enfants en Jamaïque travaillent dans les secteurs de l'agriculture et de la pêche et dans le secteur informel, a aussi fait observer cette experte.

La région d'Amérique latine et des Caraïbes est l'une des plus violentes du monde, a rappelé un expert; dans ce contexte, qu'en est-il des mesures prises par le Gouvernement pour traiter de ce problème de violence, a-t-il demandé?  En Jamaïque, 35% des foyers ne disposent pas d'un système d'approvisionnement en eau correct, a par ailleurs relevé cet expert.  Selon les chiffres disponibles, le problème du sida est extrêmement grave en Jamaïque; 1,6% des adultes seraient atteints, en particulier les travailleurs sexuels, les détenus et les consommateurs de krach, a poursuivi l'expert.  La Jamaïque connaît un grave problème de trafic et de consommation de drogues, et cela a des répercussions multiples sur la santé, a ajouté l'expert, relevant en particulier qu'un grand nombre de personnes sont emprisonnées à cause du trafic de drogues.

Pour l'heure, la Jamaïque a reconnu deux communautés, les Rastafaris et les Marrons (Maroons), comme étant des communautés autochtones; mais qu'en est-il de la reconnaissance d'autres groupes, a demandé un expert?  Il a aussi souhaité savoir combien le pays comptait de Marrons.

Un expert s'est inquiété du taux apparemment très élevé de l'analphabétisme en Jamaïque; dans ce contexte, le Gouvernement a-t-il prévu une stratégie de lutte contre l'analphabétisme?  L'expert s'est inquiété de la discrimination qui semble exister à l'encontre des enfants handicapés, dont certaines sources affirment que 10% seulement sont scolarisés.  Existe-il un écart entre hommes et femmes dans le système scolaire, a en outre demandé cet expert?
Un membre du Comité a dit avoir le sentiment que les droits économiques, sociaux et culturels sont quelque peu les parents pauvres de la Charte des droits et libertés fondamentaux dont s'est dotée la Jamaïque, appelant le pays à modifier son approche afin d'accorder davantage d'importance aux droits économiques, sociaux et culturels.

Réponses de la délégation

S'agissant de la place du Pacte dans l'ordre juridique interne jamaïcain, la délégation a précisé que la Jamaïque avait adopté une approche dualiste, c'est-à-dire que les traités ratifiés par le pays ne sont pas directement applicables et doivent être intégrés dans la législation nationale par le biais d'une loi interne.

En ce qui concerne le principe de non-discrimination, y compris pour ce qui a trait à la question de l'orientation sexuelle, la délégation a indiqué n'avoir rien à ajouter à ce qui a été dit à ce sujet dans le rapport et dans les réponses apportées par la Jamaïque à la liste de points à traiter qui lui a été adressée par le Comité.  La délégation a toutefois souligné que des mesures avaient été prises par l'organisme national de radiodiffusion afin de surveiller l'incidence que pourraient avoir les paroles de certaines chansons sur la dignité des individus et sur la morale publique.

Pour ce qui est de l'égalité de traitement entre hommes et femmes, la Jamaïque estime qu'elle respecte les objectifs de sa Charte sur les droits et libertés fondamentaux et qu'il n'y a pas de discrimination fondée sur le sexe au regard du droit puisque la loi parle des hommes et des femmes de la même façon.  La délégation a reconnu que son pays connaît un problème pour ce qui est de l'égalité entre hommes et femmes en matière d'emploi et de salaires.

En réponse à une question sur les dispositions légales pénalisant la violence familiale, la délégation a attiré l'attention sur la loi sur la violence familiale, en vertu de laquelle toute victime peut porter plainte et demander au tribunal d'éloigner du foyer l'auteur des violences.  Dans ce domaine, des sanctions sont prévues au pénal, en vertu de la common law, en cas de violence aggravée, a précisé la délégation.

La délégation a par ailleurs fait part de l'intention des autorités de promulguer une loi sur le harcèlement sexuel, un projet de loi sur la question étant en cours d'examen auprès du Ministère concerné.

La Jamaïque a mis en place un mécanisme chargé d'interagir avec les membres de la diaspora jamaïcaine, a indiqué la délégation.  Ainsi, par exemple, un service est chargé de faciliter les retours ainsi que les transferts.  Il y a beaucoup de Jamaïcains à l'étranger et il était donc nécessaire de prendre des mesures qui permettent de les impliquer activement dans les questions qui les intéressent.  Des conférences se tiennent tous les deux ans pour réunir toutes les personnes concernées autour des questions intéressant la diaspora, a-t-elle fait valoir; la prochaine se tiendra du 17 au 19 juin 2013.  Un mécanisme a été mis en place afin d'inciter les membres de la diaspora à investir en Jamaïque, a ensuite ajouté la délégation.  On estime à deux millions le nombre de Jamaïcains en Europe et à deux ou trois millions supplémentaires en Amérique du Nord; mais il s'agit d'estimations minimum, a indiqué la délégation. 

Pour ce qui est de l'incidence de la corruption en Jamaïque, la délégation a assuré qu'un cadre législatif et des structures institutionnelles avaient été mis en place pour faire face à ce problème.  Elle a ensuite attiré l'attention sur un projet de loi de prévention de la corruption qui vise à mettre en place un procureur spécial qui serait chargé des poursuites en justice en cas de corruption.

La délégation a rappelé que la croissance économique fait défaut depuis quelques temps; dans ce contexte, il n'a pas été possible de traiter du problème du chômage et de créer les emplois nécessaires et ce problème touche aussi bien les hommes que les femmes.

Répondant à des questions sur la protection des réfugiés, la délégation a affirmé que la Jamaïque avait adopté une politique pour les réfugiés pleinement conforme au Pacte.  Il y a certes des disparités et des décalages dans les pratiques en la matière; les autorités en sont bien conscientes et entendent y remédier, a-t-elle ajouté, admettant la nécessité d'assurer un traitement normalisé pour tous les réfugiés arrivant sur l'île.  Néanmoins, aucune discrimination n'est exercée entre réfugiés ni contre eux une fois que leur statut est reconnu.  Suite au tremblement de terre de 2010 en Haïti, de nombreux Haïtiens sont venus sur le territoire jamaïcain et y ont été accueillis, a poursuivi la délégation, qui a toutefois ajouté qu'il y avait aussi beaucoup de migrants économiques: des Haïtiens qui prennent la mer et qui, en fait, ne cherchent pas à aller en Jamaïque mais aux États-Unis.  S'il s'agit de migrants économiques, la Jamaïque n'est pas obligée de les accepter sur son territoire, a rappelé la délégation.  En revanche, une personne qui affirme encourir un risque de persécution si elle est renvoyée dans son pays sera, une fois les risques encourus établis bien clairement, admise comme réfugiée en Jamaïque.

La délégation a estimé que des infrastructures spécifiques, notamment en termes d'approvisionnement en eau, n'ont pas à être mises en place en faveur des communautés marrons.  Certes, il faut tenir compte des besoins de ces communautés, mais il n'y a en Jamaïque aucune différence quant à la façon dont les infrastructures sont réparties; le système d'approvisionnement en eau est le même pour tout le monde, a insisté la délégation.  Les Marrons sont considérés comme faisant partie intégrante de la Jamaïque, a-t-elle rappelé; ils ne font pas l'objet d'un traitement différencié, car ils bénéficient de tous les services dont bénéficient l'ensemble des Jamaïcains.  La plupart des citoyens jamaïcains – environ 90% de la population – sont d'ascendance africaine, a rappelé la délégation.

Répondant à plusieurs experts qui se sont inquiétés de la situation relative aux grossesses précoces, la délégation a indiqué que la loi sur l'éducation stipule qu'une jeune fille enceinte ne peut pas poursuivre ses études.  Néanmoins, le Ministère de l'éducation a le pouvoir discrétionnaire d'autoriser ces jeunes filles à poursuivre leurs études, mais dans d'autres types d'établissements scolaires que les établissements habituels.  La délégation a par la suite attiré l'attention sur la baisse sensible – de 112 en 1994 à 72 aujourd'hui – du nombre de naissances annuelles issues de grossesses d'adolescentes.

Le Comité consultatif chargé des questions relatives à l'avortement a reçu pour mission de présenter des recommandations pour un éventuel amendement à la loi sur l'avortement en Jamaïque.  À ce stade, ce Comité a présenté un rapport, mais aucune mesure n'a encore été prise et les discussions sur cette question se poursuivent.

La législation actuelle relative aux services d'inspection du travail comporte un certain nombre de lacunes, a reconnu la délégation; c'est pourquoi les dispositions visant à renforcer la sécurité sur les lieux de travail sont en train d'être renforcées.  Un projet de loi doit donc être examiné durant la présente session parlementaire en vue de son adoption cette année.  Cette loi sur la sécurité du travail doit combler des lacunes existantes, tant dans le secteur formel que dans le secteur informel, a ajouté la délégation.

D'après l'évaluation des autorités jamaïcaines, le programme PATH (Dispositif pour le mieux-être par la santé et l'instruction) a bien fonctionné jusqu'ici, a fait valoir la délégation, précisant que les prestations assurées dans le cadre de ce programme se sont améliorées au fil des ans.  Pour l'avenir, tout dépendra des contributions que le pays continuera de recevoir en la matière de la part de la Banque interaméricaine de développement et de la Banque mondiale, a souligné la délégation.

Le Gouvernement a jugé prioritaire la lutte contre le VIH/sida et s'est doté depuis 2006 d'une politique très active en la matière; le nombre de tests de dépistage pratiqués s'est accru et des mesures préventives ont été mises au point, assorties de campagnes de sensibilisation, a d'autre part indiqué la délégation.

Pour l'heure, le taux d'alphabétisation de la population jamaïcaine atteint les 91%, a en outre fait valoir la délégation.

Pour ce qui est du trafic de stupéfiants, la délégation a rappelé que la Jamaïque a toujours recouru à une approche globale face à ce problème de l'abus et du trafic de drogues.

Observations préliminaires

M. Ribeiro Leao, rapporteur pour le rapport de la Jamaïque, a jugé franc et sincère le dialogue que le Comité a noué avec les membres du Comité.  Reste à préciser l'apport réel du Pacte dans l'ordre juridique interne de la Jamaïque, a-t-il souligné.  La Jamaïque a encore de nombreuses difficultés à résoudre pour renforcer la jouissance des droits économiques, sociaux et culturels mais elle s'y attelle et c'est l'essentiel, a conclu M. Ribeiro Leao.

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