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Communiqués de presse Organes conventionnels

Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels examine le rapport de la Tanzanie

14 Novembre 2012

14 novembre 2012

Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a examiné, hier et ce matin, le rapport initial présenté par la République-Unie de Tanzanie sur les mesures prises par ce pays en application du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

La Vice-Ministre des affaires constitutionnelles et juridiques de la Tanzanie, Mme Angellah Jasmine Kairuki, a rappelé que la Tanzanie faisait partie des pays les moins avancés dont l'économie repose essentiellement sur l'agriculture. Le ralentissement récent de la croissance du PIB est en grande partie attribuable aux conditions de sécheresse, mais la Vice-Ministre a tenu à souligner que ces dernières années ont été marquées globalement par la croissance économique, l'augmentation du revenu par habitant, l'amélioration de l'autosuffisance alimentaire, la transparence accrue dans l'utilisation des ressources publiques, le renforcement de la lutte contre la corruption, ainsi que l'amélioration des performances dans les domaines de l'éducation, de la santé et de l'eau. La Tanzanie a atteint, cinq ans avant la date butoir de 2015, l'objectif du Millénaire pour le développement relatif à la réalisation de l'éducation primaire universelle. Mme Kairuki a par ailleurs attiré l'attention sur les travaux entamés en 2011 pour l'élaboration, dans un délai de 28 mois, d'un projet de nouvelle constitution qui sera adaptée à son époque et aux besoins de la population.

L'importante délégation tanzanienne était également composée de représentants du Ministère de l'intérieur; du Ministère des terres et des établissements humains; du Ministère de la justice et des affaires constitutionnelles et juridiques; du Ministère de l'eau; du Ministère des ressources naturelles et du tourisme; du Ministère des finances; du Ministère des affaires étrangères et de la coopération internationale; du bureau du Procureur général; de la Commission de médiation et d'arbitrage; du bureau du Président de la République; du Conseil national de gestion de l'environnement; du Bureau de prévention et de lutte contre la corruption; de l'Agence réglementaire de la sécurité sociale. Elle a répondu aux questions que lui ont adressées les membres du Comité s'agissant, entre autres, des expulsions forcées dans le contexte des activités minières; de la situation des communautés traditionnelles et de l'accès à la terre; de l'importance du droit coutumier et du droit islamique; des questions d'emploi et de salaires; des mesures de protection sociale; de l'interdiction du travail forcé dans les prisons; des mariages précoces; des mutilations génitales féminines; des questions de santé, en particulier s'agissant de la mortalité maternelle; des questions de logement; de la protection de l'environnement; de la lutte contre la traite de personnes et contre le travail des enfants; ou encore des abandons scolaires, en particulier des jeunes filles enceintes.

Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de la Tanzanie, M. Aslan Khuseinovich Abashidze, a notamment fait remarquer que suite à l'Examen périodique universel du Conseil des droits de l'homme, il a été constaté que l'inégalité et la discrimination perduraient en Tanzanie. Dans ce contexte, le rapporteur a suggéré que le pays adopte une loi unique antidiscrimination. Plusieurs autres membres du Comité ont soulevé la problématique des droits fonciers, en particulier dans le contexte des expulsions forcées de populations de leurs terres ancestrales suite à des projets d'exploitation minière, voire de création de zones protégées. En conclusion du dialogue, le Président du Comité, M. Ariranga Pillay, a invité la Tanzanie à améliorer les moyens de protéger tous les droits énoncés dans le Pacte, en particulier pour ce qui est des droits à la santé et à un niveau de vie décent. Il a exprimé l'espoir que le plan national de droits de l'homme tienne compte de toutes les recommandations des organes de traités, des procédures spéciales et du Conseil des droits de l'homme dans le cadre de l'Examen périodique universel. Il reste encore beaucoup à faire en Tanzanie pour enrayer la pauvreté, et le Comité est très préoccupé par la faiblesse de la couverture de la sécurité sociale, par l'insuffisante application des normes relatives au travail, par la pénurie de logements, par les expulsions forcées et par les taux élevés de mortalité maternelle et infantile.

Le Comité adoptera avant la fin de la session, le vendredi 30 novembre prochain, des observations finales sur le rapport de la Tanzanie.

Cet après-midi, à partir de 15 heures, le Comité entamera l'examen du rapport périodique de l'Équateur (E/C.12/ECU/3), qui se poursuivra jusqu'à la mi-journée demain.

Présentation du rapport

Présentant le rapport initial de la Tanzanie (E/C.12/TZA/1-3), MME ANGELLAH JASMINE KAIRUKI, Vice-Ministre des affaires constitutionnelles et juridiques de la République-Unie de Tanzanie, a rappelé que le rapport initial de la Tanzanie devait être soumis au Comité depuis 1990; outre le manque de ressources, ce sont certaines lacunes organisationnelles, notamment l'absence d'une institution spécifiquement chargée de coordonner les obligations de présentation des rapports du pays, qui sont à l'origine du retard pris dans la présentation de ce premier rapport. Ces lacunes ont maintenant été comblées puisqu'une division des affaires constitutionnelles et des droits de l'homme a été créée au sein du bureau du Procureur général, qui est notamment chargée d'assurer la coordination dans ce domaine.

Selon le recensement de la population et des foyers de 2002, la population totale de la Tanzanie est estimée à 44,5 millions d'habitants en 2011, dont 1,3 millions d'habitants pour Zanzibar, a poursuivi Mme Kairuki, précisant que 74,3% de la population vit dans les zones rurales. Au mois d'août dernier, le cinquième recensement général de la population a été mené; ses résultats restent à publier. Les projections laissent apparaître que la population pourrait atteindre 45,8 millions d'habitants cette année, a indiqué la Vice-Ministre.

Mme Kairuki a en outre rappelé que la Tanzanie fait partie des pays les moins avancés dont l'économie repose essentiellement sur l'agriculture. La croissance réelle du PIB a été de 6,4% en 2011, contre 7% en 2010, a-t-elle souligné, précisant que ce ralentissement de la croissance est en grande partie attribuable aux conditions de sécheresse. Le taux moyen d'inflation est passé de 10,5% en 2010 à 12,7% en 2011, a-t-elle poursuivi, expliquant que cette hausse de l'inflation est due à la croissance continue du prix moyen du pétrole sur le marché mondial ainsi que des prix alimentaires. Le Plan national de développement pour 2012-2013 s'est fixé pour objectif d'atteindre une croissance réelle du PIB de 6,8% en 2012 et de parvenir à une croissance de 8,5% d'ici 2016, a indiqué la Vice-Ministre.

Mme Kairuki a d'autre part rappelé que la jouissance des droits économiques, sociaux et culturels dépend largement de l'éradication de la pauvreté. Aussi, le Gouvernement tanzanien a-t-il élaboré une «Vision nationale de développement à l'horizon 2025» pour la partie continentale de la Tanzanie et une Vision à l'horizon 2020 pour Zanzibar. À l'appui de l'application de ces objectifs, une Stratégie nationale pour la croissance économique et la réduction de la pauvreté a été mise en place. La première phase d'application s'est achevée en 2010 et au nombre des réalisations enregistrées durant cette première phase, figurent une amélioration de la croissance économique, une augmentation du revenu par habitant, une amélioration de l'autosuffisance alimentaire, une transparence accrue dans l'utilisation des ressources publiques, un renforcement de la lutte contre la corruption, ainsi que des performances améliorées dans les domaines de l'éducation, de la santé et de l'accès à l'eau.

La Vice-Ministre a par ailleurs attiré l'attention sur l'adoption, en 2011, de la Loi sur la révision constitutionnelle portant création d'une Commission de révision constitutionnelle qui dispose de 18 mois pour élaborer un projet de nouvelle constitution «adaptée aux changements de notre temps et aux besoins de la population».

Mme Kairuki a souligné que tant la Constitution de la partie continentale de la Tanzanie que celle de Zanzibar garantissent la jouissance des droits de l'homme par tous sur un pied d'égalité et interdisent expressément la discrimination fondée sur la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion, l'origine politique, nationale ou sociale, ou encore la naissance, entre autres. En outre, la loi foncière ainsi que les lois sur l'emploi et les relations de travail et sur le VIH/sida prévoient la non-discrimination et l'égalité entre hommes et femmes. La Tanzanie dispose aussi de politiques antidiscriminatoires et en faveur de l'égalité s'agissant de l'éducation, du VIH/sida, des personnes âgées, des enfants, des personnes handicapées ou encore des femmes. Des programmes d'action affirmative ont également été élaborés afin de parvenir à l'égalité dans plusieurs domaines, a insisté la Vice-Ministre. En 2003, a-t-elle fait valoir, des amendements constitutionnels ont augmenté le quota de sièges pour les femmes au Parlement; à ce jour, la proportion de femmes a atteint 36,6% parmi les parlementaires.

Le chef de la délégation tanzanienne a ensuite attiré l'attention sur le déclin rapide et constant de la mortalité infantile, qui est passée de 96 décès pour mille naissances vivantes dans la période 1996-2000 à 51 décès pour mille naissances vivantes en 2010. Il est ainsi prévu que la Tanzanie aura atteint en 2015 l'objectif fixé de 38 pour mille. De la même manière, durant la période 2005-2010, le taux de mortalité des enfants de moins de cinq ans a chuté de 112 pour mille à 81 pour mille et le taux de mortalité maternelle de 578 pour mille à 454 pour mille. Mme Kairuki a en outre indiqué que la prévalence du VIH parmi les jeunes âgés de 15 à 24 ans est passée de 7,4% en 2005 à 5% en 2010.

Pour ce qui est du droit à l'éducation, le taux net d'enrôlement à l'école primaire est passé de 96,1% en 2005 à 99% en 2010 et le ratio élèves/enseignant, qui était de 56 pour 1 en 2005, est passé à 45 pour 1 en 2010, a poursuivi Mme Kairuki. Suite à cette performance impressionnante, a-t-elle fait valoir, la Tanzanie a reçu en 2010 un prix des Nations Unies pour avoir atteint cinq ans avant la date butoir de 2015 l'objectif du Millénaire pour le développement relatif à la réalisation de l'éducation primaire universelle. Quant au nombre d'élèves scolarisés au niveau du secondaire, il est passé de 1 466 402 en 2009 à 1 638 699 en 2010, ce qui représente une hausse de 11,7%, a ajouté la Vice-Ministre. La question des grossesses d'adolescentes est l'un des défis auxquels est confronté le pays en termes de réalisation du droit à l'éducation pour les jeunes filles et le Gouvernement a donc adopté une politique de retour à l'école, après l'accouchement, pour remédier à ce problème. Parmi les autres mesures prises pour répondre à ce défi, figure l'introduction d'un enseignement à la santé sexuelle et génésique dans les programmes scolaires aux niveaux du primaire et du secondaire.

Mme Kairuki a ensuite évoqué les questions relatives au droit du travail en soulignant que durant la période 2005-2010, le taux de chômage était passé de 12% à 11% en Tanzanie. La plupart des conventions de l'Organisation internationale du travail ont été intégrées dans l'ordre juridique interne par le biais des lois sur l'emploi et les relations de travail et sur les institutions professionnelles adoptées en 2004, a-t-elle précisé.

Le régime actuel de sécurité sociale veille à ce que tous les employés retraités perçoivent leur pension de retraite le plus tôt possible après avoir pris leur retraite, a poursuivi Mme Kairuki, avant d'ajouter que le Gouvernement œuvre actuellement à la mise en place d'un régime de protection sociale qui aboutira à l'adoption d'une loi sur la retraite universelle pour tous les citoyens âgés.

S'agissant du droit à l'alimentation et à la sécurité alimentaire, la Vice-Ministre a fait état de la mise sur pied, en 1996, d'une Agence nationale de réserve alimentaire et a attiré l'attention sur l'adoption d'une législation sur la sécurité alimentaire qui a permis l'installation d'un Département de la sécurité alimentaire ayant pour objet de superviser la réserve stratégique de grains.

La Tanzanie est un État multiculturel composé de plus de 120 groupes ethniques, tous unifiés par une seule et même langue nationale – le kiswahili – ce qui a permis à une culture d'unité et d'harmonie de prévaloir en Tanzanie depuis des décennies, a en outre fait valoir Mme Kairuki.

Questions et observations des membres du Comité

M. ASLAN KHUSEINOVICH ABASHIDZE, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de la Tanzanie, a rappelé que la présentation d'un rapport périodique dans les délais impartis constitue l'un des engagements fondamentaux pris par tout État partie à un traité de droits de l'homme tel que le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Il a regretté que la Tanzanie ait fait savoir, dans le cadre de l'Examen périodique universel du Conseil des droits de l'homme, que la question de la ratification du Protocole facultatif se rapportant au Pacte ne pouvait pas être envisagée à l'heure actuelle par le Gouvernement pour des raisons d'ordre juridique et technique. Le rapporteur a demandé si la position du Gouvernement avait changé et a voulu savoir quels sont les problèmes d'ordre juridique et technique qui empêchent le pays de ratifier le Protocole.

M. Abashidze a par ailleurs souhaité savoir si la Tanzanie envisage d'inclure dans la Constitution, en cours de révision, les dispositions pertinentes qui permettraient d'incorporer dans l'ordre juridique interne du pays les dispositions des instruments internationaux auxquels le pays est partie.

Le rapporteur a ensuite fait remarquer que suite à l'examen périodique de la Tanzanie par le Conseil des droits de l'homme, il a été constaté que l'inégalité et la discrimination perduraient dans le pays, notamment la discrimination fondée sur le sexe et l'orientation sexuelle ou la discrimination à l'égard de différentes communautés culturelles. Dans ce contexte, le moment n'est-il pas venu pour le pays d'adopter une loi unique antidiscrimination, a demandé M. Abashidze?

Un autre membre du Comité a souhaité connaître les mesures prises par la Tanzanie pour assurer que le droit musulman traditionnel et le droit coutumier n'entravent pas l'exercice des droits économiques, sociaux et culturels reconnus par le Pacte.

Un expert a rappelé qu'en arabe, le nom de la ville principale du pays, Dar es Salam, signifie «la maison de la paix». Il a salué les efforts déployés par le pays aux fins de la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels. Certes, il est dit que la Tanzanie est un État laïc, a poursuivi cet expert; mais en fait, la common law en Tanzanie laisse souvent la place au droit musulman et aux droits coutumiers locaux, surtout en matière de droit familial et pour ce qui a trait au statut personnel, a-t-il fait observer. L'expert a souhaité savoir si c'était le rite chiite ou le rite sunnite qui prédominait en Tanzanie. Qu'en est-il de la place du droit musulman devant les tribunaux et quelle proportion de la population tanzanienne est-elle musulmane, a-t-il demandé?

L'expert a en outre évoqué la question des activités minières menées dans le pays et le problème de l'expulsion de personnes de leurs terres. Les personnes qui vivent sur ces terres ont-elles des titres de propriété relevant du droit positif ou des titres de propriété relevant du droit coutumier, a-t-il voulu savoir? Dans ce dernier cas, ces personnes peuvent-elles réellement se prévaloir devant les tribunaux, sur la base de titres coutumiers, de leur droit à la propriété?

Un autre expert a fait observer que la Constitution tanzanienne ne contient pas de disposition concernant les droits fonciers. Or, certaines organisations non gouvernementales ont fait des allégations faisant état d'expulsions forcées de populations de leurs terres ancestrales, a souligné cet expert.

La Tanzanie ne reconnaît pas de peuples autochtones et donc, du point de vue du droit foncier, ne reconnaît pas de liens entre ces peuples et leurs terres ancestrales, s'est également inquiété un autre membre du Comité.

Le Code pénal a-t-il été modifié afin de dépénaliser les relations homosexuelles entre adultes, a en outre demandé cet expert?

En Tanzanie, le salaire minimum varierait selon les régions et les catégories socioprofessionnelles de 56 000 shillings à 350 000 shillings, a fait observer un membre du Comité, avant de demander dans la quelle mesure ce salaire minimum assure un niveau de vie décent. Y a-t-il suffisamment d'inspecteurs du travail en Tanzanie, a demandé cet expert, relevant que selon certaines informations, leur nombre pour l'ensemble du pays serait très réduit. Les compagnies minières ne semblent pas toujours permettre aux travailleurs de se syndiquer librement, s'est également inquiété l'expert. Qu'en est-il des limitations au droit de grève, a-t-il en outre demandé?

Un expert s'est étonné qu'il existe plusieurs salaires minima en Tanzanie, allant du simple au double, alors que le coût de la vie doit être sensiblement le même sur l'ensemble du territoire. L'expert s'est également inquiété de l'existence d'une politique antisyndicale assez nette, en particulier dans le secteur minier. D'après l'Organisation internationale du travail, il existe des obstacles assez vifs à la négociation collective et à la syndicalisation, a-t-il insisté.

Le salaire des hommes est, selon certaines informations, 1,7 fois plus élevé que celui des femmes, a fait observer un membre du Comité.

Le régime actuel de sécurité sociale ne couvre qu'environ 1% de la population, s'est inquiété un autre membre du Comité.

S'agissant des questions de santé, l'attention de la délégation a été attirée sur la problématique des grossesses précoces. Un expert s'est enquis des mesures envisagées pour atteindre d'ici 2015 l'objectif du Millénaire pour le développement relatif à la mortalité maternelle. L'OMS a constaté en 2010 un taux de mortalité maternelle très élevé en Tanzanie, a fait observer un autre membre du Comité.

La délégation a en outre été interrogée sur les mesures prises pour prévenir l'emploi d'enfants dans les activités minières d'extraction de pierres précieuses.

Un expert s'est enquis des stratégies mises en place par la Tanzanie pour lutter contre la violence domestique. Relevant que le viol conjugal n'est pas incriminé dans le Code pénal, sauf pour les époux séparés, l'expert a encouragé le pays à reconsidérer sa position en faisant en sorte que le viol conjugal soit également incriminé lorsqu'il est se produit entre époux. La polygamie est-elle toujours tolérée, notamment à Zanzibar? Dans quelle mesure l'avortement est-il autorisé en Tanzanie, a également voulu savoir l'expert?

Un autre expert s'est enquis de l'ampleur des phénomènes du travail des enfants et des enfants des rues en Tanzanie.

La traite de personnes reste un phénomène bien réel en Tanzanie, en particulier la traite au niveau interne, qui est plus importante dans ce pays que la traite à caractère international, s'est inquiété un membre du Comité.

Un expert a insisté pour connaître les mesures prises pour résoudre les problèmes de logement des personnes marginalisées ou appartenant à des groupes vulnérables, y compris pour ce qui est des personnes qui vivent dans des bidonvilles où elles risquent l'expulsion forcée. L'absence de logement a un effet négatif sur les efforts déployés par les autorités tanzaniennes en vue de réduire la pauvreté, a rappelé cet expert. Il s'est inquiété de chiffres indiquant qu'en 2009, 34% de la population vivaient dans des conditions insalubres et inacceptables.

Dans une série de questions complémentaires, plusieurs experts ont insisté sur les liens entre grossesses précoces et abandons scolaires; une experte s'est enquise de la proportion de filles ayant abandonné l'école à cause d'une grossesse et y reviennent après leur accouchement. Une experte s'est inquiétée d'informations selon lesquelles les enseignants des établissements secondaires soumettraient les jeunes filles à des tests de grossesse par palpation du ventre, les jeunes filles qui s'avèrent enceintes étant alors exclues de l'établissement. En 2010, 66 000 abandons scolaires ont été enregistrés en Tanzanie, a relevé un autre expert, avant de s'enquérir de la proportion respective des garçons et des filles dans ce nombre.

La délégation a en outre été interrogée sur les mesures prises en vue de promouvoir l'éducation inclusive des enfants handicapés.

Un expert a indiqué ne pas comprendre comment la Tanzanie peut ne pas reconnaître l'existence de peuples autochtones dans le pays tout en reconnaissant l'existence d'environ 120 groupes ethniques.

Réponses de la délégation

S'agissant de la place du Pacte dans l'ordre juridique interne, la délégation a rappelé que la Tanzanie est un pays dualiste, de sorte que les dispositions d'un traité international ratifié par le pays ne sont pas d'application directe, un texte de loi devant en permettre l'incorporation dans l'ordre juridique interne.

La délégation a indiqué que la position de la Tanzanie au sujet du Protocole facultatif se rapportant au Pacte n'a pas changé par rapport à celle qui a été exposée durant le processus d'examen périodique universel du pays.

En ce qui concerne le processus de réforme constitutionnelle en cours, la délégation a indiqué ne pas être en mesure d'engager le Gouvernement pour ce qui est de savoir si les droits économiques, sociaux et culturels seront consacrés dans la Constitution par cette réforme.

Pour ce qui est du principe de non-discrimination, la délégation a reconnu que la Tanzanie ne dispose pas, pour l'heure, d'un texte juridique unique permettant de couvrir tous les aspects de ce qui a trait à la discrimination, mais plutôt de plusieurs textes sectoriels couvrant ces aspects; il n'en demeure pas moins que le pays est disposé à réfléchir à l'opportunité de disposer d'un texte unique en la matière, a-t-elle indiqué.

Depuis la promulgation de la loi foncière, les femmes peuvent désormais hériter la terre, a par ailleurs fait valoir la délégation.

En Tanzanie, a poursuivi la délégation, cohabitent un droit positif et un droit coutumier. Certains secteurs de la population, en particulier les peuples ancestraux, possèdent leurs terres en vertu du droit coutumier et ces propriétaires peuvent faire valoir leurs titres devant les tribunaux.

Le droit islamique garantit l'exercice de tous les droits, économiques, sociaux, culturels et autres, a souligné la délégation. Les tribunaux des cadis règlent essentiellement les différends entre musulmans concernant les questions de succession, de mariage et de divorce; il peut être fait appel devant la Cour suprême des décisions prises par ces tribunaux, a précisé la délégation.

Pour ce qui est de connaître les places respectives des rites chiite et sunnite dans le pays, la délégation a indiqué que la Tanzanie n'appréhende l'islam que de manière générale, comme un tout.

Quant à la question de savoir pourquoi la Tanzanie ne reconnaît pas de peuple autochtone sur son territoire, la délégation a expliqué qu'en Tanzanie, tout le monde peut être considéré comme appartenant à la population ancestrale, de sorte qu'il semble difficile de dire qui serait autochtone et qui ne le serait pas

La Tanzanie dispose depuis 2003 d'une Loi sur la gestion de l'environnement qui comporte un certain nombre de règlements, lesquels sont également applicables, bien entendu, aux entreprises d'extraction minière, a en outre fait valoir la délégation.

S'agissant des expulsions forcées, en particulier dans le contexte des activités minières, la délégation a souligné qu'il existe deux types d'expulsions: des expulsions de contrevenants et des expulsions de personnes vivant sur des lieux où va être déployé un projet de développement. Dans le premier cas, a précisé la délégation, il n'y a pas de compensation. Dans l'autre cas, en cas par exemple d'activités minières ou de création de zone protégée (réserve de chasse, réserve naturelle..), la loi est claire: sont évalués de manière équitable les biens de l'individu dans la zone concernée et la personne reçoit une somme équivalant à la valeur de sa terre selon le prix du marché. Des indemnités sont également versées pour la gêne occasionnée et les individus peuvent également se voir offrir l'opportunité de recevoir d'autres terres, en particulier si ce sont des cultivateurs ou des bergers.

Après avoir rappelé que la Tanzanie considère qu'il n'y a pas de peuples autochtones dans le pays – toute la population pouvant en effet être considérée comme autochtone –, la délégation a indiqué que les communautés traditionnelles, en vertu de la loi, sont des groupes de population dont les modes de vie dépendent, en particulier, de la faune et de l'environnement. Ces communautés ont été identifiées; elles dépendent de la cueillette et de la chasse, entre autres, a insisté la délégation. Des quotas d'animaux pouvant être chassés par ces communautés sont fixés pour leur permettre de vivre selon leurs modes de vie traditionnels, a-t-elle expliqué. En général, a-t-elle fait valoir, ces communautés traditionnelles ont le droit de continuer à vivre sur place même après création d'une zone protégée, car leur mode de vie est jugé compatible.

S'agissant des questions d'emploi et de salaires, la délégation a assuré qu'à travail égal, il n'y a pas de différence de salaires entre hommes et femmes en Tanzanie. Le salaire est fondé sur la compétence, l'ancienneté et le mérite, a-t-elle souligné.

La délégation a précisé que dans le privé le salaire minimum est fixé par des conseils sectoriels; pour le secteur agricole, il équivaut à 45 dollars des USA par mois, a-t-elle notamment indiqué. Dans la fonction publique, les fonctionnaires sont rémunérés conformément aux barèmes de salaires, a ajouté la délégation.

Interrogée sur les mesures prises pour promouvoir l'emploi des femmes, la délégation a souligné que la Tanzanie consacre l'égalité des chances en matière d'emploi.

Les inspecteurs de travail ont accès aux lieux de travail dans les entreprises afin de s'assurer que les normes internationales relatives au travail, à savoir celles de l'OIT, y sont bien respectées, a poursuivi la délégation.

Interrogée sur les mesures prises pour empêcher toute pratique de travail forcé dans les prisons, la délégation a expliqué qu'après sa condamnation, tout prisonnier doit suivre un parcours de réadaptation et de réinsertion. Avant d'entrer en prison, il subit un examen médical afin de déterminer ses capacités physiques et mentales. Après avoir été examinés par un certain nombre d'experts, les prisonniers se livrent à toute une série d'activités productives, ce qui leur permet notamment de trouver un travail à leur sortie de prison. Il n'y a pas de travail forcé dans les prisons tanzaniennes, a conclu la délégation.

Pour ce qui est du droit de grève, la délégation a souligné que chacun sait qu'il y a des limites au droit de grève. Une grève peut être lancée s'il y a un différend, mais ce n'est que lorsque les négociations ont échoué que l'on peut se résoudre à faire grève, a-t-elle rappelé.

Quant au rôle de la Commission de médiation et d'arbitrage, la délégation a indiqué qu'elle a pour tâche de réglementer les rapports entre travailleurs et employeurs et de contrôler les pratiques d'emploi injustes. Elle peut être saisie de différends en cas de licenciement, par exemple. Il peut être fait appel de la sentence arbitrale devant un tribunal du travail, a précisé la délégation. La Commission a aussi pour tâche de sensibiliser les parties – tant travailleurs qu'employeurs – aux rôles qui leur incombent respectivement, conformément à la loi; elle cherche donc à promouvoir le dialogue social.

En ce qui concerne les droits syndicaux, la délégation a souligné que selon la loi en vigueur en Tanzanie, est considéré comme abusif tout licenciement fondé sur l'appartenance de l'employé à un syndicat.

En ce qui concerne la protection sociale, la délégation a indiqué qu'au total, 5,5% de la population qui travaille est couverte par le programme de sécurité sociale. Les travailleurs du secteur informel bénéficient également de cette couverture depuis un amendement adopté en ce sens en avril dernier par le Parlement. En outre, a fait valoir la délégation, l'assurance maladie profite à 2,5 millions de personnes dans le pays.

La délégation a indiqué que la Commission nationale des droits de l'homme avait été saisie en 2012 d'un total de 8790 plaintes, y compris celles reportées de l'année 2011; 112 concernaient des violations des droits de l'homme et 402 ne concernaient pas le mandat de la Commission, a précisé la délégation.

Pour ce qui est des mariages précoces, la délégation a indiqué que la loi sur le mariage est en train d'être amendée; une fois que cela sera fait, les autorités espèrent que la situation en la matière changera, a-t-elle ajouté. Pour l'heure, l'âge du mariage est fixé à 15 ans et il est vrai que cela est très bas, a-t-elle admis.

Les mutilations génitales féminines sont considérées depuis une loi de 1988 comme une infraction pénale passible d'une peine pouvant aller jusqu'à 15 ans d'emprisonnement et/ou d'une amende, a en outre fait valoir la délégation.

Les autorités tanzaniennes veillent à ce que suffisamment de ressources soient allouées au secteur de la santé, a par ailleurs souligné la délégation. Les causes de la mortalité maternelle sont essentiellement liées à un manque de personnel de santé adéquat (sages-femmes, etc..), a-t-elle expliqué.

Malheureusement, l'économie du pays ne permet pas aux autorités de fournir un logement convenable à tous les Tanzaniens, a en outre fait observer la délégation. Zanzibar, pour sa part, s'efforce de fournir un logement aux personnes marginalisées et doit être saluée pour cela; mais dans la partie continentale de la Tanzanie, l'impossibilité de procéder de même relève d'un problème économique, a ajouté la délégation.

La loi de 2004 sur la gestion de l'environnement stipule que tout projet (d'exploitation ou de développement) doit veiller à prévenir la pollution de l'environnement, ce qui exige qu'avant l'exécution de tout projet, soit menée une étude préalable d'impact environnemental. La Tanzanie respecte les normes internationales en matière d'extraction minière et les sociétés opérant dans ce secteur sont donc tenues de les respecter elles aussi; mais un problème peut surgir pour les toute petites sociétés d'exploitation minière qui peuvent ne pas être au courant de l'existence de ces normes, a expliqué la délégation.

La loi foncière de 1999 fixe trois types de terres: la terre générale, la terre réservée et la terre des villages, a par ailleurs indiqué la délégation. Les terres réservées sont des zones protégées de réserve de chasse, de parcs nationaux ou de réserve forestière. Dans les réserves de chasse, aucune activité pastorale n'est autorisée, a précisé la délégation, soulignant que la loi prévoit qu'aucune réserve de chasse ne doit être incluse dans les terres villageoises.

En ce qui concerne la traite de personnes, la délégation a indiqué que le plan national d'action contre la traite qui a été élaboré en collaboration avec l'OIM pour la période 2012-2014 s'est notamment concentré sur l'objectif de la lutte contre la traite au niveau national.

La Tanzanie possède en outre un plan d'action visant l'éradication du travail des enfants, grâce auquel 22 000 enfants ont cessé de travailler cette année, a indiqué la délégation.

Le projet de loi sur l'enfance a été adopté en 2009, a rappelé la délégation. Cette loi définit un enfant comme tout individu âgé de moins de 18 ans et interdit notamment le travail forcé, le travail de nuit, le travail dangereux et l'exploitation sexuelle des enfants; elle met en outre en place un système de tribunaux pour mineurs.

Répondant à des questions complémentaires des experts, la délégation a indiqué que l'abandon scolaire s'explique parfois par le fait que les enfants des pasteurs, qui sont nomades, ont beaucoup de mal à poursuivre leur scolarité.

Le Gouvernement sait bien que dans certaines écoles, les jeunes filles enceintes sont expulsées, a déclaré la délégation. Ces jeunes filles ont pourtant droit à l'enseignement et il convient donc de trouver pour elles des solutions de rechange, a-t-elle admis.

En Tanzanie, le châtiment corporel à l'école est accepté par la société, a en outre reconnu la délégation.

La délégation a par ailleurs attiré l'attention sur l'existence d'un plan stratégique pour l'éducation des enfants handicapés, soulignant que ces enfants ont, bien entendu, droit à l'éducation comme tous les autres enfants. La Tanzanie s'est dotée d'une politique nationale sur le handicap depuis 2004, a ajouté la délégation.

La délégation a indiqué ne pas être en mesure de répondre à toutes les questions du Comité dans un délai aussi court et s'est engagée à ne ménager aucun effort pour s'efforcer d'apporter dans un délai de 48 heures, c'est-à-dire d'ici vendredi, comme le permet la procédure, des compléments de réponses par écrit.

Conclusion

M. Ariranga Pillay, Président du Comité, a invité la Tanzanie à améliorer les moyens de protéger tous les droits énoncés dans le Pacte, en particulier pour ce qui est des droits à la sécurité sociale, à la santé et à un niveau de vie décent. Il a exprimé l'espoir que le plan national de droits de l'homme tienne compte de toutes les recommandations du Conseil des droits de l'homme dans le cadre de l'Examen périodique universel, des organes conventionnels et des procédures spéciales.

Il reste encore beaucoup à faire en Tanzanie pour enrayer la pauvreté, a souligné le Président. Le Comité est très préoccupé par la faible couverture assurée par la sécurité sociale; par l'insuffisante application des normes relatives au travail; par la pénurie de logements; par les expulsions forcées, tant dans les zones rurales qu'urbaines; ainsi que par les taux élevés de mortalité maternelle et infantile.

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