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Tunisie : « Les défenseurs des droit de l’homme doivent être pleinement impliqués dans le processus de rédaction de la nouvelle Constitution » affirment deux expertes de l’ONU et de la Commission Africaine
Tunisie / Droit de l’homme
05 octobre 2012
TUNIS (5 octobre 2012) – Deux expertes internationales des droits de l’homme ont appelé aujourd’hui les autorités tunisiennes à garantir la participation effective des défenseurs des droits de l’homme au processus de rédaction de la nouvelle Constitution et à s’assurer que le texte final respecte pleinement leur travail.
« La Tunisie se situe à un tournant historique avec la rédaction d’une nouvelle Constitution. Les défenseurs des droits de l’homme doivent pouvoir participer pleinement au processus de rédaction », ont déclaré Mme Margaret Sekaggya, Rapporteuse de l’ONU sur les défenseurs des droits de l’homme, et Mme Reine Alapini-Gansou, son homologue de la Commission Africaine des droits de l’homme et des peuples, à la fin de leur visite conjointe* en Tunisie.
Les deux expertes ont félicité le Gouvernement pour son approche participative et inclusive lors du processus de rédaction mais ont fait part de leurs préoccupations quant à sa mise en œuvre pratique. « L’assemblée constituante doit avoir une stratégie claire quant à la manière de traiter les propositions émises par le public. Le public doit être mieux informé du processus en cours, ainsi que de la manière dont l’assemblée gère le processus de rédaction », ont-elles fait valoir.
Situation Générale
« La situation des défenseurs des droits de l’homme s’est améliorée en comparaison avec la situation existant antérieurement à la Révolution », ont remarqué les deux expertes. « Cependant, la question de leur sécurité est devenue moins prévisible qu’auparavant ».
Les femmes défenseures des droits de l’homme, les journalistes, les artistes, les universitaires, les syndicalistes et les membres d’organisations non gouvernementales font partie des groupes qui ont fait l’objet d’attaques physiques, de tentatives de meurtre, d’actes de harcèlement et de menaces depuis la Révolution dans différentes régions du pays. «Un manque de réponse adéquate de la part de la police nous a été rapporté à de multiples reprises. Ceci est illustré par le fait que les citoyens semblent n’avoir que peu de confiance dans les services de police », ont-elles expliqué.
Liberté de réunion pacifique et d’association
Les Tunisiens ont continué de manifester sur divers sujets après la Révolution et les Rapporteuses Spéciales ont félicité le Gouvernement pour leur respect de l’exercice du droit de réunion pacifique. Néanmoins, les expertes ont signalé des recours excessifs à la force par la police et par la Garde Nationale, une absence de protection adéquate en cas de contre-manifestation, des arrestations arbitraires et des allégations de torture de manifestants lors de leur détention.
La liberté d’association a fait l’objet de développements législatifs favorables après la Révolution, ce qui est illustré par la prolifération d’ONG dans le pays. « Cependant, nous sommes préoccupées par le traitement favorable dévolu aux ONG dont les positions sont perçues comme étant idéologiquement alignées sur celles du gouvernement actuel », ont relevé les expertes. « Il est important de souligner que la liberté d’association est dépendante du droit à l’égalité et à la non-discrimination », ont-elles ajouté.
Liberté de religion et de conscience
Pour les expertes indépendantes, certaines dispositions du projet préliminaire de Constitution sont sujettes à préoccupations. « La Tunisie doit s’assurer que la Constitution insiste sur l’importance de respecter les obligations internationales. Ses lois doivent être en conformité avec les standards internationaux. » De plus, lorsqu’elle protège la liberté de religion et de conscience, « la Constitution ne doit pas criminaliser les attaques sur ‘le sacré’. La loi ne définit pas clairement ce qui constitue de telles attaques, ni ne définit ce qu’est ‘le sacré’. »
Les rôles des femmes et des hommes
La formulation entourant la notion de complémentarité entre les rôles des femmes et des hommes a causé un important débat en Tunisie ainsi qu’une crainte de régression des droits des femmes. « Cela crée une confusion à propos du statut des femmes dans la société, et ce en dépit du fait que l’égalité est mise en avant dans d’autres parties du projet de texte. Cela pourrait avoir des implications directes sur l’environnement dans lequel les femmes défenseures des droits de l’homme travaillent », ont affirmé les expertes.
« L’égalité doit être clairement et explicitement soutenue dans le projet de Constitution et les références à la complémentarité doivent être supprimées pour assurer la clarté des droits humains des femmes », ont recommandé les Rapporteuses Spéciales.
Liberté d’expression
Les expertes ont relevé des progrès de la liberté d’expression depuis la Révolution, mais ont souligné que des réformes importantes devaient être entreprises dans le domaine des medias. Les différends entre le gouvernement et les media souligne la nécessité de traiter urgemment la question afin d’assurer l’indépendance des medias.
« Les libertés artistiques et académiques disposent d’une longue tradition au service des droits de l’homme dans le pays. Elles sont aujourd’hui sujettes à de sérieuses menaces et nécessitent toute l’attention du Gouvernement », ont indiqué les Rapporteuses Spéciales.
Independence du système judiciaire
« Le système judiciaire n’est, à l’heure actuelle, pas indépendant, et il manque de légitimité auprès de la population. Des reformes sont, selon les informations transmises, en cours, mais cette question doit être prise très au sérieux par le Gouvernement. Un conseil de la magistrature indépendant est urgemment souhaitable et le Gouvernement doit résoudre de nombreux problèmes relatifs à la nomination des juges », ont ajouté les deux expertes.
Les Rapporteuses Spéciales ont rendu hommage à ceux qui ont perdu la vie et qui ont été blessés pour avoir défendu les droits de l’homme durant la Révolution. « A ce jour, la plupart d’entre eux n’a pas bénéficié d’un recours efficace », ont-elles rappelé, soulignant la nécessité d’une compensation juste et adéquate, y compris pour assurer leur accès aux soins médicaux.
La Rapporteuse Spéciale des Nations Unies présentera ses conclusions dans un rapport au Conseil des droits de l’homme en mars 2013. La Rapporteure Spéciale de la Commission africaine présentera son rapport à la Commission africaine lors de sa session d’avril 2013.
(*) Voir la déclaration complète de fin de mission des deux Rapporteuses à : http://www.ohchr.org/fr/statements/2012/10/joint-statement-united-nations-special-rapporteur-situation-human-rights
Margaret Sekaggya a été nommée Rapporteuse Spéciale sur la situation des défenseurs des droits de l’homme par le Conseil des droits de l’homme en mars 2008. Mme Sekaggya est une avocate originaire de l’Ouganda avec plus que 30 ans d’expérience dans les domaines de la justice et des droits de l’homme, notamment en tant que Présidente de la Commission des Droits de l’Homme de l’Ouganda, juge et enseignante à l’université. Pour de plus amples renseignements, visitez :
http://www.ohchr.org/en/special-procedures/sr-human-rights-defenders (en anglais seulement)
Reine Alapini-Gansou, avocate du Bénin, a été nommée Rapporteure Spéciale sur les défenseurs des droits de l’homme de la Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples (CADHP) en novembre 2011 pour un deuxième terme, après avoir occupé ce même poste de 2005 à 2009. Entre 2009 and 2011, Mme Alapini-Gansou a également servi en tant que Présidente de la CADHP. Pour de plus amples renseignements, visitez
http://www.achpr.org/fr/mechanisms/human-rights-defenders/
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