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Communiqués de presse Organes conventionnels

Le Comité des droits de l'homme examine le rapport de la Lituanie

11 Juillet 2012

Comité des droits de l'homme
11 juillet 2012

Le Comité des droits de l'homme a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport périodique de la Lituanie sur la mise en œuvre des dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

Présentant le rapport, Mme Asta Skaigiryte Liauskiene, Vice-Ministre des affaires étrangères, a déclaré que la Lituanie est fermement engagée en faveur de la pleine réalisation des droits de l'homme. Mentionnant de nombreuses lois récemment entrées en vigueur, ou actuellement soumise à l'examen du Parlement, elle a souligné que la loi sur la protection contre la violence domestique, entrée en vigueur en décembre 2011, déploie déjà des effets tangibles. Par ailleurs, la Vice-Ministre a souligné les efforts déployés pour améliorer l'accès à la justice et garantir le droit à un procès équitable. Elle a aussi évoqué la vétusté du système pénitentiaire, qui devrait prochainement faire l'objet d'une réforme de grande ampleur. Elle a encore relevé que les recommandations des organes conventionnels aident à évaluer et améliorer les politiques mises en œuvre. La Vice-Ministre a conclu en reconnaissant que, malgré l'amélioration constante de la législation et de la pratique, beaucoup reste à faire.

La délégation lituanienne était également composée de représentants des Ministères de l'intérieur, des affaires étrangères, de la justice, de la culture, de la santé et de la sécurité sociale et du travail, ainsi que du bureau du Procureur et du service d'inspection de l'éthique des journalistes. Elle a répondu aux questions soulevées par les membres du Comité s'agissant notamment des conditions et de la durée de la détention préventive, de la violence et de la protection des personnes vulnérables et des minorités, notamment de la communauté des lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres. Les experts ont aussi fait part de leur inquiétude quant à la résurgence de discours haineux et au manque de fermeté des autorités face aux manifestations publiques de groupes néonazis. L'antisémitisme rampant, ainsi que la discrimination à l'égard de la population rom, ont aussi été déplorés par les experts.

À l'issue de l'examen du rapport, la Présidente du Comité, Mme Zonke Zanele Majodina, s'est félicitée de l'incorporation progressive des dispositions du Pacte dans la législation lituanienne. Elle a par contre relevé les préoccupations des membres du Comité face, notamment, aux lacunes en matière de lutte contre l'incitation à la haine et à la discrimination. Elle a salué les progrès accomplis par la Lituanie pour mettre en œuvre les dispositions du Pacte depuis son indépendance.

Le Comité présentera des observations finales sur le rapport de la Lituanie à la fin de la session, le vendredi 27 juillet 2012.

Lors de sa prochaine séance publique, demain à 10 heures, le Comité examinera ses méthodes de travail, avant d'entamer, à 15 heures, l'examen du rapport initial des Maldives (CCPR/C/MDV/1).

 

Présentation du rapport de la Lituanie

Le troisième rapport périodique de la Lituanie (CCPR/C/LTU/3) a été présenté par MME ASTA SKAISGYRTE LIAUSKIENE, Vice-Ministre des affaires étrangères, qui a déclaré que ce rapport avait été préparé en coopération avec les institutions publiques et des représentants de la société civile. Réitérant l'engagement ferme de la Lituanie en faveur de la pleine réalisation des obligations nationales et internationales auxquelles elle a souscrit en matière de droits de l'homme, elle a rappelé qu'au cours de l'année 2011, la Lituanie a présenté trois rapports relatifs aux droits de l'homme devant des institutions régionales et internationales, à savoir l'Examen périodique universel du Conseil des droits de l'homme, le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale et le Conseil de l'Europe.

La Vice-Ministre a souligné que la loi sur la protection contre la violence domestique, entrée en vigueur en décembre 2011, déploie déjà ses effets, grâce à la coopération entre les institutions gouvernementales et la société civile. La violence domestique est désormais poursuivie d'office, évitant ainsi aux victimes la crainte de représailles. Des mesures de protection sont également mises en œuvre, comme l'interdiction de contacts entre l'agresseur et la victime, a indiqué Mme Liauskiene.

L'adoption de la loi sur l'indemnisation de bonne volonté pour les biens immobiliers spoliés à la communauté juive a permis d'établir une fondation qui vient en aide aux Juifs victimes de la Seconde guerre mondiale et des régimes totalitaires. La Lituanie a en outre adopté diverses lois pour lutter contre le racisme et la haine.

La Vice-Ministre a aussi attiré l'attention sur les efforts déployés pour améliorer l'accès à la justice et garantir des procès équitables. Le Gouvernement a en outre mis en place des lignes directrices afin de limiter autant que possible la durée des procédures judiciaires. En 2011, le Parlement a adopté une nouvelle loi sur la libération sous caution, qui prévoit par exemple la possibilité pour certaines catégories de prisonniers de purger leur peine à domicile.

Le système pénitentiaire actuel est hérité de l'époque soviétique et il est à la fois coûteux et inefficace. Le système de libération sous caution et des alternatives à la détention permettront de réduire le nombre de détenus. Le Gouvernement envisage aussi d'améliorer le système carcéral en réduisant le nombre d'établissements pénitentiaires et en augmentant leur taille.

La question de l'éducation aux droits de l'homme est cruciale, en particulier pour une société lituanienne en transition. Le Gouvernement souhaite à cet égard poursuivre l'intégration des droits de l'homme au sein des programmes scolaires.

Les recommandations des organes conventionnels aident à évaluer les politiques mises en œuvre afin de les améliorer, a poursuivi la Vice-Ministre. La Lituanie a obtenu de très bons résultats dans le domaine des droits de l'homme et s'engage à protéger et promouvoir l'ensemble des droits de l'homme, qui doivent être concrets et efficaces.

La Vice-Ministre a conclu en assurant que législation et la pratique sont constamment améliorées, tout en reconnaissant qu'il reste beaucoup à faire.

La Lituanie avait par ailleurs fourni des réponses écrites (CCPR/C/LTU/Q/3/Add.1 en anglais) à une liste de questions (CCPR/C/LTU/Q/3 en anglais) que le Comité avait fait parvenir aux autorités.

Examen du rapport

Questions et observations des membres du Comité

S'agissant du cadre général d'application du Pacte, des membres du Comité se sont interrogés sur l'applicabilité directe dans l'ordre juridique lituanien et sur la place des dispositions du Pacte par rapport à la législation nationale. Des membres du Comité se sont par ailleurs inquiétés de ce que, selon certaines organisations non gouvernementales, l'opinion publique et la majorité politique perçoivent les droits de l'homme de façon de plus en plus négative. Un expert s'est félicité que le Gouvernement ait appliqué les recommandations émises par le Comité au sujet des deux communications reçues concernant la Lituanie. Il a toutefois voulu savoir si les recommandations du Comité sont reçues par la Lituanie sur un pied d'égalité avec les décisions de justice de la Commission européenne des droits de l'homme Cour européenne des droits de l'homme.

Des membres du Comité ont relevé qu'il n'existe pas de définition de la torture dans la législation lituanienne et demandé à la délégation si la Lituanie envisage d'amender le Code pénal afin d'y inclure la définition de la torture telle que consacrée par la Convention contre la torture. Un expert a demandé des précisions sur les dispositions relatives au recours à la force publique et à la validité de preuves obtenues par des violences psychologiques et physiques, demandant si le gouvernement a l'intention d'amender l'article 20 du Code pénal, qui ne prévoit pas clairement le caractère illégal des preuves obtenues à l'aide de violence.

Notant que des dispositions imposant que les enquêtes réalisées au cours de la détention préventive doivent aboutir dans un délai de trois à neuf mois, les membres du Comité ont souhaité obtenir des informations concernant la situation lorsque le délai est dépassé et a demandé si les personnes acquittées peuvent obtenir une indemnisation et si les tribunaux peuvent prévoir des sanctions moins sévères en cas de longue détention préventive. Un membre du Comité s'est inquiété du fait que le Procureur puisse prolonger une détention préventive sans que le tribunal compétent ne soit saisi. Des mesures autres que carcérales sont-elles envisagées dans le cadre de la détention provisoire? Un autre expert a souhaité obtenir davantage d'informations sur la pratique judiciaire en matière de droits de l'homme, car même si les avancées législatives sont importantes, il faut examiner la pratique concrète. Des questions ont par ailleurs été posées sur les mesures prises pour réduire la surpopulation carcérale.

Un membre du Comité a demandé si des statistiques sont recueillies qui permettraient de vérifier l'efficacité des nouvelles normes, par exemple en matière de violence domestique. Il a en outre été demandé à la délégation si les programmes dans ce domaine sont suffisamment financés. Des questions ont été posées sur la définition du crime de violence domestique et le rapport entre la loi sur la violence domestique et la mise en œuvre du Pacte. Un membre du Comité a également souhaité obtenir plus d'informations sur la loi contre la violence domestique, qui ne punit apparemment pas les châtiments corporels faits aux enfants.

Un expert a souhaité obtenir davantage d'informations sur la réalité de l'accès des femmes à des postes à responsabilité au sein de la fonction publique, ainsi que des données chiffrées plus précises à ce sujet. Un membre du Comité a salué les mesures prises pour éviter aux femmes de se retrouver en situation de grossesse non désirée.

Des membres du Comité ont d'autre part relevé que certaines organisations non gouvernementales se disent préoccupées par l'avortement forcé que la Lituanie imposerait aux handicapés mentaux; la Lituanie a-t-elle l'intention de traiter le problème des avortements de personnes handicapées? Il a aussi été demandé si le Gouvernement envisageait de mettre en place une stratégie pour prendre en compte la volonté des personnes handicapées.

Un membre du Comité a soulevé la question de l'antisémitisme et des attaques perpétrées contre des lieux de cultes et des cimetières juifs. Bien que le cadre juridique concernant la poursuite judiciaire des actes d'antisémitisme ait été renforcé, la charge de la preuve incombe toujours à la victime, ce qui rend toute condamnation très difficile. Selon certaines sources, les affaires en la matière n'ont été poursuivies en justice que lorsque des organisations non gouvernementales exercent des pressions.

D'après des informations reçues par le Comité, les groupes néonazis persistent en Lituanie. De nombreux incidents antisémites ont eu lieu au cours des dernières années, sans que les suspects soient identifiés ni poursuivis. L'utilisation de la croix gammée a en outre été jugée acceptable par un tribunal et un membre du Comité a souhaité savoir quelles mesures le Gouvernement avait prises pour remédier à cette situation. Déclarant avoir pris bonne note des informations sur les mesures prises pour éduquer la population sur l'Holocauste, un expert s'est dit préoccupé par les manifestations publiques pronazies; l'État lituanien s'est peut-être «laissé surprendre» par la première manifestation de ce type, mais les manifestations suivantes ne pouvaient pas constituer une surprise et le Gouvernement aurait du prendre des mesures de surveillance. L'expert s'est inquiété que les manifestations promouvant la haine raciale seraient autorisées alors que celles en faveur de la tolérance ne le seraient pas. Il a également demandé si un code de déontologie pour les journalistes avait été mis en place.

Concernant les slogans nazis relevés par des membres du Comité, la délégation a rappelé que les normes du droit international pénal relatives aux crimes de guerre et aux crimes contre l'humanité sont prises en compte par les autorités judiciaires. Pour ce qui concerne les criminels nazis d'origine lituanienne, depuis l'indépendance du pays en 1990, il y a eu environ soixante-dix procès au pénal qui concernaient des personnes soupçonnées de crimes de guerre, dont trois anciens fonctionnaires de l'administration d'occupation allemande. Leur grand âge et leur état de santé n'ont pas donné la possibilité objective de les condamner à des peines privatives de liberté.

Pour ce qui est des crimes de haine, un expert a demandé plus d'informations concernant les condamnations effectivement prononcées. L'interdiction des discours extrêmes contenue dans l'article 20 du Pacte est remise en cause par la tolérance envers le port de symboles nazis en public, a estimé l'expert. Un autre expert s'est déclaré surpris de constater l'absence de mécanisme juridique pour traiter du problème de l'incitation à la haine et a demandé comment les manifestations nazies avaient pu être autorisées par l'autorité compétente.

Pour ce qui est de la discrimination à l'égard des Roms, les statistiques portées à l'attention du Comité sont extrêmement préoccupantes. Des attitudes discriminatoires à l'encontre des Roms s'exacerbent malgré les campagnes de sensibilisation. Un plan d'action national concernant la situation des Roms est en place, mais les organisations non gouvernementales ont indiqué que ce plan d'action pose problème, du fait notamment qu'il ne dispose pas de suffisamment de ressources.

De nombreux cas devant la Cour européenne des droits de l'homme et mentionnés par des organisations non gouvernementales et des Rapporteurs spéciaux indiquent que des détentions et des extraditions extrajudiciaires ont eu lieu en Lituanie. Une enquête menée par le Gouvernement a conclu que des centres de détention clandestins existent mais que rien n'indique qu'ils aient été utilisés. Au vu des nouveaux éléments apparus depuis l'enquête menée par les autorités lituaniennes, notamment la publication du rapport conjoint de Rapporteurs spéciaux à ce sujet, du rapport d'Amnesty International et du rapport du Parlement européen qui a constaté que ces incidents ont bien eu lieu, il a été demandé si le Gouvernement envisage de rouvrir ces enquêtes et quelle est sa position s'agissant des détentions au secret et extraditions extraordinaires.

Un membre du Comité a demandé à la délégation si elle pouvait confirmer que la loi pour la protection des mineurs contre les informations publiques pouvant avoir des effets préjudiciables sur eux allait être amendée au sujet de l'interdiction de la diffusion d'informations sur l'homosexualité. Il a souhaité obtenir plus d'informations sur les mesures prises pour protéger cette communauté vulnérable, étant donné le fait qu'une majorité des discours de haine constatés sur Internet vise la communauté gay, lesbienne, bisexuelle et transgenre (LGBT). Selon des informations d'organisations non gouvernementales, la communauté LGBT a la plus grande difficulté à s'exprimer librement et un expert a souhaité savoir si des mesures garantissant la liberté d'expression de la communauté LGBT avaient été prises. Un expert a demandé si les discours de haine à l'encontre de la communauté LGBT, qui sont apparemment courants, feront l'objet de mesures répressives plus efficaces. Un autre expert a demandé s'il est vrai qu'une disposition législative pénalise la «publication d'informations promouvant les relations homosexuelles».

Un expert a souhaité savoir si un système global d'analyse sur la traite d'êtres humains avait été mis en place pour étudier la situation en Lituanie non seulement en tant que pays cible mais aussi comme pays source et de transit. Les victimes de la traite bénéficient-elles d'une aide et d'un soutien?

Un membre du Comité a souhaité obtenir plus d'information sur les résultats du programme d'amélioration de la justice pour mineurs. Des précisions sur l'aide juridictionnelle ont également été demandées, en particulier sur les critères d'allocation de cette aide.

Un expert a demandé des éclaircissements au sujet de l'expulsion des étrangers pouvant constituer une menace pour l'ordre public et de son articulation au principe de non-refoulement. En pratique, cela signifierait que la Lituanie n'applique pas le principe de non-refoulement et renvoie des personnes pouvant être soumises à la torture dans leur pays d'origine.

Un autre membre du Comité s'est inquiété de la situation relative à la liberté d'expression. Le commentaire général n°34 adopté par la Comité a permis d'établir un certain nombre de critères pour appliquer l'article 19 du Pacte.

La loi sur les étrangers a aussi retenu l'attention d'un expert, qui s'est demandé si l'amendement de l'article concernant l'expulsion en cas de menace pour la sécurité nationale est en vigueur ou s'il s'agit d'un projet. Cet amendement prévoit qu'au lieu d'une «menace raisonnable», seule une «possibilité de menace» suffit pour déclencher une expulsion.

Réponses de la délégation

Répondant aux questions des experts sur le cadre général d'application, en particulier en ce qui concerne la société lituanienne et une prétendue détérioration de la situation des droits de l'homme dans le pays, la délégation a rappelé que la Lituanie est un pays qui a obtenu son indépendance il y a seulement vingt-deux ans. À cette époque, la question centrale était de savoir comment promouvoir les droits de l'homme, qui étaient insignifiants à l'époque du pouvoir soviétique. Des concepts fondamentaux, comme la liberté d'expression, étaient parfaitement inconnus des Lituaniens, car ces questions n'étaient pas abordées par le système éducatif soviétique. Aujourd'hui, la Lituanie est toujours en transition et la prise de conscience de l'importance des droits de l'homme a été progressive au sein de la population. Dans ce contexte, on peut parler d'un véritable processus de maturation de la société.

Pour ce qui est de l'applicabilité du Pacte, la délégation a précisé que la Constitution lituanienne prévoit que les accords internationaux ratifiés par le pays doivent être appliqués. Il n'existe pas de statistique sur le nombre de fois où le Pacte a été invoqué devant un tribunal, mais la délégation a assuré que c'est fréquemment le cas.

Les personnes ayant été soumises à une détention provisoire et qui sont acquittées par la suite peuvent recevoir une indemnisation selon des règles clairement établies. En réponse à des questions complémentaires, la délégation a indiqué que le Code pénal prévoit que toute personne subissant un préjudice en raison d'un acte illégal de l'administration peut bénéficier d'une indemnisation. Le temps passé en détention est toujours déduit de la peine de prison infligée, a-t-elle précisé. Les tribunaux suivent la pratique établie par la Cour européenne des droits de l'homme. Ainsi, la Cour suprême a clairement établi par un arrêt de 2010 que l'indemnisation était nécessaire dans les cas de détention préventive excessive ou en cas de procédure trop longue. Une indemnité non-pécuniaire est prévue pour la personne détenue ou jugée pendant une période excessive.

Toute personne se trouvant en détention préventive est examinée par un médecin, afin de déterminer si elle a été l'objet de violence. En cas d'infraction, deux types de procédures existent: pénale et administrative. Dans le cas d'une infraction administrative, la loi prévoit que les gardes à vue ne peuvent pas excéder cinq heures. En matière de détention administrative, par exemple suite au passage illégal d'une frontière, le Code administratif impose un délai maximum de trois heures de détention. Lorsqu'il s'agit d'une personne sans papier, la détention peut aller jusqu'à quarante-huit heures en raison des recherches nécessaires pour l'identifier. En matière pénale, la détention provisoire ne peut excéder quarante-huit heures. Passé ce délai, le Procureur doit saisir le juge afin de prendre d'autres mesures telles que la prolongation de la détention, la confiscation des papiers, l'interdiction de voyager. La délégation a par la suite précisé que la détention provisoire a une durée maximale de six mois; à l'expiration de ce délai, le Procureur peut prolonger cette détention de un à trois mois, si nécessaire. Le Code de procédure pénale prévoit que, si plus de six mois se sont écoulés depuis le début de la détention préventive, tout suspect a le droit de saisir un tribunal pour qu'il examine l'affaire. La délégation a par la suite précisé que le Code pénal prévoit une détention maximale de 18 mois – 12 mois pour les mineurs: il ne peut y avoir de prolongation supérieure à ces délais. La prolongation de la détention provisoire est une mesure exceptionnelle prise par le tribunal compétent, en l'absence d'autre solution. La détention provisoire a concerné 711 personnes au 1e janvier 2011.

Lorsque la Convention contre la torture a été ratifiée, la Lituanie a tenté d'inclure un certain nombre d'éléments de la Convention dans son système juridique. Un amendement au Code de procédure pénale a été envisagé pour faire en sorte que les tribunaux puissent utiliser une définition claire de la torture; même si l'inclusion d'une telle définition a été abandonnée, les différentes caractéristiques de la torture sont établies dans les dispositions du Code pénal.

Répondant aux questions sur la violence domestique, la délégation a indiqué que toute forme de traitement violent et intentionnel qui entraîne des dommages physiques, sexuels ou économiques est interdite par la loi. L'environnement domestique est défini de manière très large: il s'agit de toutes personnes ayant une relation proche ou qui partage le domicile de l'intéressé. Il existe des centres d'aide spécialisée qui fournissent une aide, notamment en matière juridique et psychologique. La loi prévoit qu'en cas de signalement de violence domestique, les policiers ont l'obligation de prendre des mesures immédiates pour protéger la victime et d'ouvrir une enquête. La loi prévoit aussi que la personne soupçonnée de violence doit être séparée du milieu dans lequel elle se trouvait. Les statistiques couvrant le premier semestre 2012 (soit depuis l'entrée en vigueur de la loi) montrent que le nombre de cas de violence domestique diminue, a fait valoir la délégation. La délégation a par la suite indiqué qu'elle présenterait par écrit des statistiques détaillées sur l'application de la violence domestique.

Suite à une nouvelle série de questions, la délégation a indiqué que la loi sur l'interdiction de la violence domestique prévoit que les enfants victimes de violence peuvent bénéficier de prestations sociales gratuites pour les protéger et les aider. En 2007, les services sociaux comptaient 556 employés à plein temps, ce chiffre a connu une augmentation annuelle constante. Les services sociaux ont été saisis de plus de 2000 cas de violence domestique, seuls 6% d'entre eux concernant des violences sexuelles. Une ligne téléphonique d'urgence a été mise en place, conformément à une directive européenne. Cette ligne téléphonique permet aux enfants dans le besoin d'obtenir des informations et une aide d'urgence, a-t-elle relevé. Diverses lois ont été promulguées pour interdire le châtiment corporel, en institution et au foyer, mais ces pratiques ont toujours lieu, notamment à l'école, a reconnu la délégation. La loi et les recours judiciaires pour protéger les enfants existent, mais la délégation a reconnu qu'il n'y avait pas de disposition claire et unique à ce sujet. Un projet de loi est en cours d'examen pour inclure une disposition explicite sur l'interdiction des châtiments corporels et pour protéger les enfants contre tout acte portant atteinte à leur intégrité.

Les femmes représentent 75% des hauts-fonctionnaires, ce qui témoigne de la grande participation des femmes à la prise de décision et à la fonction publique. Plusieurs femmes occupent les plus hautes fonctions, dont la présidence de la République et celle du Parlement. La délégation a également fait valoir que les femmes ont le droit d'avorter et de se fournir en contraceptifs sans ordonnance.

Le Code civil prévoit que si quelqu'un est dans l'incapacité de s'occuper d'un enfant, il peut être contraint à la stérilisation, mais uniquement sur ordre d'un tribunal. Aucune donnée statistique n'est disponible s'agissant de cas d'avortement forcé imposé à des personnes handicapées mentalement. S'agissant des personnes handicapées souhaitant avorter ou pour toute question relative à leur santé, toute décision est prise par un tribunal en consultation avec la personne concernée et son tuteur.

Pour ce qui est du racisme et des discours haineux à l'encontre de certains groupes, des initiatives ont été prises par le Procureur pour que le Parquet poursuive systématiquement ces infractions. De 2006 à 2012, le nombre de nouvelles affaires portées devant la justice a constamment augmenté. Dans la majorité des cas d'affaires d'antisémitisme, ces actes sont accomplis sur Internet et de manière anonyme. Les actes d'incitation à la haine à l'égard de différents groupes raciaux, ethniques, religieux, d'orientation sexuelle et autres sont interdits par la loi. Le Parquet lituanien, dont la fonction est définie par la loi, instruit les affaires et réagit après la commission d'un crime. Le Procureur n'a pas de mandat de surveillance, ni de rôle préventif; cependant, toute personne peut demander – même de manière anonyme – qu'une enquête soit menée sur une affaire d'incitation à la haine présumée ou avérée. Le Procureur peut également, sur sa propre initiative, ouvrir une procédure pénale. En outre, la police, afin d'éviter ces activités illégales, a l'obligation d'exercer une surveillance renforcée des lieux sensibles, de coopérer activement avec le public et de prendre toute mesure nécessaire pour éviter que ces délits soient commis. La législation interdit par ailleurs la diffusion d'informations qui viseraient à ridiculiser quelqu'un notamment en raison de sa race, de son origine, de sa religion, de ses opinions ou de son orientation sexuelle.

Pour ce qui est de l'incitation à la haine dans les médias, celle-ci constitue un délit pénal conformément à la Constitution et au Code pénal. Il est en outre interdit de publier des informations par lesquels les médias pourraient inciter à la guerre, à la haine, aux les conflits, à la violence, aux mauvais traitements envers une personne ou un groupe. Malgré cela, de plus en plus de déclarations anonymes incitant à la haine sont constatées sur Internet. En conséquence, le Parlement a adopté des amendements à la loi concernée pour permettre à la Commission d'éthique des médias de se livrer à des inspections pour déterminer si de telles déclarations étaient faites. Après enquête, il a été relevé que 113 demandes avaient été déposées auprès des autorités compétentes afin de savoir si certaines informations publiées par les médias contenaient du matériel pouvant inciter à la haine. Au cours de la période 2010-2011, cette Commission a examiné un certain nombre d'affaires impliquant le Ministère public, les commissariats et d'autres autorités. Les conclusions ont constaté qu'environ 700 documents (affiches, articles de presse etc.) incitaient à la haine et à la violence principalement en raison de l'orientation sexuelle et de l'origine ethnique. Répondant à une nouvelle série de questions, la délégation a indiqué qu'au moins dix personnes ont été condamnées à des peines pécuniaires pour participation à des manifestations nazies, en vertu de l'article 170 du Code civil qui prévoit des poursuites en cas d'incitation à la haine. Lorsque l'amende ne peut être prélevée en raison de la situation personnelle du condamné, la peine est remplacée par une peine de travaux d'intérêt général ou de détention, qui ne peut excéder trois mois. La délégation a assuré que l'ensemble de la classe politique lituanienne a exprimé son mépris pour ce type d'agissements.

La délégation a estimé qu'un équilibre devait être trouvé entre la réalisation de la liberté d'expression et celle d'autres droits, avec l'implication de l'ensemble de la société. Répondant à d'autres questions sur la liberté d'expression, la délégation a indiqué que le Gouvernement est conscient des limites de celle-ci et du problème de l'utilisation de symboles nazis dans l'espace public. Un important programme d'éducation sur l'Holocauste est en place depuis dix ans seulement. C'est pourquoi les personnes plus âgées n'ont pas reçu d'informations précises sur la question. Répondant à des questions complémentaires, la délégation a indiqué que la législation lituanienne respecte le principe de la liberté d'expression, condition sine qua non au développement de la démocratie. En même temps, l'incitation à la haine est incompatible avec le principe de la liberté d'expression et constitue un acte répréhensible pénalement. La loi relative à la diffusion des informations contient des critères clairs concernant la publication d'informations et permet de trouver un équilibre entre liberté d'expression et intérêt public. Un service d'inspection a la compétence de mener des enquêtes et de recevoir des plaintes au sujet d'atteintes présumées à la dignité ou à la vie privée dans les médias, a ajouté la délégation.

Les dispositions de la loi pour la protection des mineurs contre les informations publiques pouvant avoir des effets préjudiciables sur eux, qui incriminait l'information sur l'homosexualité ont été en partie abrogées et celles qui subsistent ne sont quasiment jamais applicables en pratique. La délégation a par la suite précisé, s'agissant de la loi sur la protection des mineurs contre des informations publiques ayant un effet néfaste sur eux, que la disposition concernant l'interdiction de «promouvoir les relations homosexuelles» a été abrogée. Cette loi contient une disposition qui interdit de promouvoir les relations sexuelles entre mineurs et d'exprimer le mépris pour les valeurs familiales. Selon le code de déontologie des journalistes, adopté en 1996 puis révisé en 2005, il n'existe pas de mesure spécifique concernant la promotion des relations homosexuelles.

Pour ce qui de la discrimination et l'hostilité à l'encontre des Roms, les données des organisations non gouvernementales indiquent que la plupart des personnes interrogées ne veulent pas vivre dans le voisinage de Roms. L'hostilité ne signifie pas nécessairement que des actes discriminatoires ou racistes soient commis, a précisé la délégation. La minorité Rom représente environ 2000 personnes seulement, et la plupart d'entre eux possède des documents d'identité.

Répondant à des questions sur les mineurs en conflit avec la loi, la délégation a expliqué que les mineurs qui sont placé en détention font l'objet d'une attention particulière. La délégation a reconnu que le système pénitentiaire lituanien n'est pas encore aux normes internationales en la matière, tout en soulignant que des normes strictes de séparation des mineurs et des adultes sont appliquées.

Pour ce qui est de la détention secrète, le Parlement a établi une Commission d'enquête sur la question, tout comme le Procureur général. Avec tout le respect dû aux rapports des organisations non gouvernementales mentionnées et du Parlement européen, aucune nouvelle donnée ou fait nouveau ne permet de rouvrir l'enquête à ce propos.

La délégation a indiqué que des amendements ont été apportés aux règlements en vigueur pour donner plus de moyens à la police de lutter contre la traite et de poursuivre les responsables. Les fonctionnaires de police sont formés à ces problématiques et coopèrent avec les organisations non gouvernementales. De plus, des manifestations sont organisées pour sensibiliser le public à ce problème. Les victimes ont également accès à un grand nombre de services de l'État et restent en contact avec les enquêteurs et des travailleurs sociaux. Les victimes de crimes pénaux graves peuvent témoigner anonymement, bénéficier de protection de la police et d'une aide juridique gratuite. Certains droits concernent les mineurs en particulier, à savoir témoigner en l'absence de l'accusé et rencontrer le juge d'instruction. La traite des personnes en Lituanie est liée à l'exploitation sexuelle et non pas au travail, a-t-elle précisé. Ces crimes sont souvent cachés car les victimes ne se font pas connaître, les chiffres exacts concernant ce genre de crime sont donc difficiles à établir. La police lituanienne a créé une branche spécialisée en la matière et un site Internet dédié permet d'informer les victimes et le public et de recevoir des communications des victimes. Une enquête menée conjointement avec la police britannique a permis de mettre à jour un réseau criminel de traite et de condamner les responsables. Grâce à la coopération avec d'autres pays, il est possible de traiter du problème des crimes transfrontières.

La délégation a également indiqué que la Lituanie accorde toute l'attention nécessaire à l'éducation des minorités ethniques. Un soutien est fourni aux minorités nationales et religieuses, notamment en matière culturelle. De même, les écoles publiques proposent l'enseignement dans les langues des minorités nationales et des cours sont offerts pour permettre aux membres des minorités nationales d'apprendre le lituanien. Les minorités nationales disposent de leurs propres organisations et dont l'identité est reconnue formellement par l'État. Elles peuvent saisir l'État pour les aider à mettre en place des projets. Il existe un Conseil des minorités ethniques, constitué de représentants de toutes les organisations accréditées, qui se réunit régulièrement en présence de représentants des minorités ethniques et de fonctionnaires publics.

Répondant à des questions sur l'aide juridictionnelle, la délégation a indiqué que tout suspect peut bénéficier d'une telle aide. Pour les mineurs, les personnes incapables de discernement et celles susceptibles d'être condamnées à une peine de prison à vie, l'aide est toujours gratuite, quels que soit la situation personnelle et les revenus de la personne. En 2011, les services d'aide juridictionnelle ont reçu 16 833 demandes d'aide et 283 seulement ont été rejetées.

Répondant à des questions sur le principe de non-refoulement, la délégation a expliqué que la loi sur les étrangers prévoit qu'un étranger peut être expulsé s'il cause un risque pour l'ordre public. De telles décisions sont prises par les tribunaux administratifs, a-t-elle souligné. Une disposition de cette loi prévoit que les décisions d'expulsion ne peuvent être prises si l'on suppose que la personne risque d'être torturée ou persécutée, sur la base de sa race, de sa religion, de son ethnie ou de ses convictions politiques, dans le pays de destination. Des organisations non gouvernementales veillent à ce que cela soit toujours le cas.

Il existe un programme antidiscrimination général, qui a pour but de sensibiliser le public et de l'informer de la situation des différents groupes sociaux. Il s'agit également de promouvoir la tolérance et d'améliorer les voies juridiques à disposition.

S'agissant des règles relatives à la chirurgie de transformation sexuelle, un projet de loi est déposé devant le Parlement pour régir les conséquences administratives d'un changement de sexe.

En conclusion, la Vice-Ministre lituanienne des affaires étrangères a remercié les membres du Comité pour leur travail minutieux et leurs observations, en soulignant l'utilité de l'exercice pour les États membres. La Lituanie poursuivra son travail d'incorporation des dispositions du Pacte dans sa législation nationale, a assuré Mme Liauskiene.

Conclusions de la Présidente

MME ZONKE ZANELE MAJODINA, Présidente du Comité, s'est félicitée de l'incorporation progressive des dispositions du Pacte dans la législation lituanienne en relevant que l'échange a été extrêmement productif et bénéfique à l'ensemble des parties. Elle a pris pour exemple l'efficacité de la loi sur la violence domestique qui déploie ses effets six mois seulement après son entrée en vigueur.

Il reste cependant des efforts à accomplir en matière de lutte contre l'incitation à la haine et à la discrimination a noté la Présidente. La Lituanie devra également sensibiliser la population à cette problématique. Les informations concernant les détentions secrètes proviennent de sources fiables et confirment que ces évènements ont bien eu lieu, même si le Gouvernement lituanien estime qu'aucune preuve ne corrobore ceci. La question reste en suspens, a-t-elle déclaré. Pour ce qui de l'autorisation des manifestations, il semble que les autorités compétentes devront faire preuve de plus de diligence afin d'éviter toute violation des droits de l'homme. En conclusion, elle a souligné les progrès accomplis par la Lituanie pour mettre en œuvre les dispositions du Pacte au cours des vingt-deux dernières années.

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