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Communiqués de presse Conseil des droits de l’homme

Le Conseil des droits de l'homme examine des rapports sur l'indépendance de la justice et sur la violence contre les femmes

25 Juin 2012

Conseil des droits de l'homme
MI-JOURNÉE

25 juin 2012

Le Conseil des droits de l'homme a été saisi, à la mi-journée, des rapports de la Rapporteuse spéciale sur l'indépendance des juges et des avocats, Mme Gabriela Knaul, et de la Rapporteuse spéciale sur la violence contre les femmes, ses causes et ses conséquences, Mme Rashida Manjoo, avec lesquelles il a entamé un débat interactif.

Le rapport de cette année de Mme Knaul porte sur la manière d'assurer et de renforcer l'objectivité et l'impartialité des procureurs. La Rapporteuse spéciale a constaté la difficulté d'adopter des normes internationales communes dans ce domaine, étant donné la diversité des normes internationales et régionales concernant les procureurs et ministères publics. D'une manière générale, Mme Knaul estime que les paramètres d'action et l'autorité des acteurs concernés devraient être clairement définis afin de remédier aux abus de pouvoir. Mme Knaul a aussi rendu compte des résultats de ses missions en Roumanie, en Bulgarie et en Turquie. Les délégations de ces trois pays sont intervenues à titre de pays concernés.

Mme Manjoo a indiqué que son rapport thématique portait son attention sur les meurtres de femmes dans la sphère privée et communautaire. Ces manifestations sont culturellement et socialement enracinées et continuent d'être acceptées, voire tolérées ou justifiées. La responsabilité des États d'agir avec diligence pour la promotion et la protection des droits des femmes est largement défaillante, a regretté Mme Manjoo. La Rapporteuse spéciale a en outre rendu compte des missions qu'elle a menées en Jordanie, en Somalie et en Italie. La Jordanie et l'institution nationale de droits de l'homme jordanienne, ainsi que l'Italie, ont fait des déclarations.

Au cours du débat interactif, des délégations se sont dites d'accord avec la Rapporteuse spéciale sur l'indépendance des juges et des avocats pour constater que les ministères publics jouent un rôle essentiel dans l'administration de la justice et contre l'impunité. Il a été aussi souligné que le fonctionnement indépendant et autonome du ministère public est l'une des conditions de la bonne administration de la justice et de la confiance du public dans la justice. Des délégations ont ajouté qu'une indépendance accrue des procureurs doit s'accompagner du renforcement de leur responsabilité. S'agissant de la violence contre les femmes, les délégations ont partagé l'inquiétude de la Rapporteuse spéciale selon laquelle l'impunité ne fait qu'aggraver la violence et risque de faire passer ce comportement pour normal et acceptable.

Les États et observateurs suivants ont participé au débat: Mauritanie, Union européenne, Jordanie (au nom du Groupe arabe), Chine, Chili, Congo, Autriche, Sénégal (au nom du Groupe africain), République tchèque, Pakistan (au nom de l'Organisation de la coopération islamique), Slovénie, Finlande, Fédération de Russie, Guatemala, Équateur, Espagne, Croatie, Royaume-Uni, Colombie, Honduras, Belgique, France, Cuba, Grèce, Maldives, Maroc, Bosnie-Herzégovine, Bélarus, Algérie, Afrique du Sud, Uruguay, Indonésie et Suisse.

Le Cameroun a exercé le droit de réponse en fin de séance s'agissant de l'intervention faite ce matin par une organisation non gouvernementale sur la question de la traite des êtres humains.

Le Conseil tient à partir de 15h30 son débat annuel sur les droits fondamentaux des femmes, consacré cette année aux recours dont disposent les femmes victimes d'actes de violence et qui se poursuivra demain matin. Le débat avec Mmes Knaul et Manjoo reprendra demain après-midi.

Examen de rapports sur l'indépendance de la justice et la violence contre les femmes

Présentation des rapports

Le rapport sur l'indépendance des juges et des avocats (A/HRC/20/19 en anglais) a été présenté par MME GABRIELA KNAUL, Rapporteuse spéciale sur la question l'indépendance des juges et des avocats.  Le rapport de cette année porte en particulier son attention sur les normes internationales et régionales existantes relatives aux procureurs et aux services de poursuites, examine la relation entre les procureurs et les autres acteurs qui opèrent dans le système de justice pénale, et sur les divers éléments qui peuvent avoir un impact sur l'indépendance et l'impartialité des procureurs.  Le rapport analyse également la question de la responsabilité des procureurs.  La Rapporteuse spéciale a également présenté une étude thématique sur l'éducation et la formation des professionnels du droit (A/HRC/20/20 en anglais), ainsi que des rapports sur les missions qu'elle a effectuées en Roumanie (en anglais), en Bulgarie et en Turquie.

Mme Knaul a constaté la difficulté de mettre en place des normes internationales communes face à la grande variété des normes internationales et régionales concernant les procureurs et les ministères publics. Cela s'explique par la grande variété des systèmes de justice pénale de par le monde et les différences dans le rôle et le statut des procureurs et des services chargés d'instruire les poursuites en justice. Toutefois des normes internationales existent dans ce domaine et doivent être diffusées. Concrètement, le principal instrument pouvant servir de base à la définition des droits et devoirs des procureurs se trouve dans les Principes directeurs des Nations Unies sur le rôle des procureurs.

D'une manière générale, la Rapporteuse spéciale estime que les paramètres d'action et l'autorité des acteurs concernés devraient être clairement définis, afin notamment de remédier aux abus de pouvoir. Un manque de ressources financières et logistiques peut toutefois handicaper la mise en place des garanties voulues; les agents du ministère public doivent à la fois être protégés et ils doivent aussi rendre des comptes. Ils doivent pouvoir agir de manière indépendante sans avoir à craindre des menaces pouvant résulter de l'exercice de leur tâche.

Mme Knaul a par ailleurs rendu compte des missions qu'elle a effectuées en Roumanie, en Bulgarie et en Turquie. Elle a félicité la Roumanie, qui a notamment adopté un nouveau code pénal, pour ses efforts dans ce domaine. S'agissant de la Bulgarie, elle aussi observé les sincères efforts pour améliorer le système judiciaire et donner confiance aux justiciables. Dans ces deux cas, des défis demeurent toutefois, a-t-elle observé, notamment en ce qui concerne les coûts qu'implique l'accès à la justice. Quant à sa visite en Turquie, Mme Knaul a aussi reconnu le caractère positif des améliorations apportées mais s'est inquiétée de la compatibilité des mesures antiterroristes avec le droit international. Mme Knaul, qui s'est aussi rendue au Pakistan, prévoit de présenter un rapport lors de la session de juin 2013 du Conseil. Elle prévoit de se rendre en Amérique centrale en novembre prochain, dans le cadre d'une consultation sous-régionale qui devrait lui permettre de rencontrer des représentants de sept pays. Mme Knaul prévoit aussi de se rendre en 2013 en Fédération de Russie et, si possible, aux Maldives. Elle a appelé les pays n'ayant pas encore répondu à sa demande d'invitation de le faire le plus tôt possible, citant l'Argentine, la Chine, l'Inde, la Malaisie, le Népal, le Togo, les États-Unis et le Venezuela.

La Rapporteuse spéciale a enfin indiqué avoir reçu les réponses de 70 pays et entités à la suite de sa demande d'information lui ayant permis de rédiger le premier volet de son étude thématique sur l'amélioration de la formation des personnels de justice.

MME RASHIDA MANJOO, Rapporteuse spéciale sur la violence à l'égard des femmes, ses causes et ses conséquences, a présenté son rapport (A/HRC/20/16 en anglais) consacré cette année au thème des meurtres de femmes.  Elle a également rendu compte de ses missions en Jordanie, en Italie (en anglais) et en Somalie. 

La Rapporteuse spéciale a précisé que son rapport thématique est axé cette année sur les féminicides dans la sphère privée, communautaire ou lorsque ceux-ci sont perpétrés par les autorités étatiques, soulignant que la prévalence de ces meurtres est globalement en augmentation. Ces actes ne sont pas une nouvelle forme de violence et ne sont pas des actes isolés mais interviennent dans un cadre global de violence, a expliqué Mme Manjoo, ajoutant que son rapport fournit un vue globale sur cette tendance et sur les manifestations de cette violence à l'égard des femmes. Ces cas de meurtres incluent les meurtres par la violence des partenaires, les crimes d'honneur, les meurtres liés à des accusations de sorcellerie ou encore dans le contexte de conflit armés ou de crime organisé. Le rapport souligne que ces manifestations sont culturellement et socialement implantées et continuent d'être acceptées voire tolérée ou justifiée. La responsabilité des États d'agir avec diligence pour la promotion et la protection des droits des femmes est largement défaillante au regard de ces crimes, a encore déclaré Mme Manjoo, soulignant que tuer des femmes constitue une violation de divers droits dont celui à la vie, à l'égalité ou encore à la non-discrimination et à celui à ne pas être soumis à la torture et autres traitement cruel, dégradants et inhumain. Dans ce contexte, le rapport souligne la nécessité d'une approche globale et préventive dans le cadre de la lutte contre ce phénomène. Il recommande également une évaluation par les États des législations, programmes et politiques en vigueur. Il rappelle enfin comment les cadres internationaux et sous-régionaux ont interprété l'obligation de diligence auxquels les États ont souscrit.

S'agissant de ses visites de terrain la Rapporteuse spéciale a relevé qu'en Jordanie, les femmes jouissent en droit à l'égalité avec les hommes. Un système de quota a par exemple été mis en place pour la représentativité politique et de nombreuses femmes font partie du gouvernement. La Rapporteuse spéciale a félicité la Jordanie pour la loi contre les violences domestiques, mais reste préoccupée par son interprétation, notamment pour ce qui concerne la priorité qui doit être accordée à la réconciliation familiale et à l'intégration de la femme, au détriment de la volonté et de la liberté individuelles. Malgré de nombreux efforts, des lois discriminatoires sont encore en vigueur en Jordanie, notamment en matière de nationalité, de sécurité sociale ou de pensions. L'un des défis que doit relever le pays concerne les stéréotypes sociaux, a poursuivi la Rapporteuse spéciale, qui a également appelé à l'adoption de mesures autres que législatives et programmatiques.

En Somalie, les autorités de transition ont annoncé un projet de loi contre la violence à l'égard des femmes. Elles ont également mis en place une équipe spéciale sur les violences fondées sur le sexe et ont nommé une femme au gouvernement. Par ailleurs la Rapporteuse spéciale a reçu des informations faisant état de violences sexuelles à l'encontre de femmes déplacées internes. L'absence de cadre redditionnel et de services spécialisés a rendu ces cas inaudibles et invisibles. La violence domestique est un des problèmes les plus vivaces en Somalie, a également souligné Mme Manjoo.

Abordant enfin sa visite en Italie, la Rapporteuse spéciale a souligné que la violence à l'égard des femmes demeure un problème, en dépit des mesures législatives adoptées par le pays. La plupart de ces crimes ont lieu dans un contexte de domination patriarcale où la violence domestique n'est pas considérée comme un crime et où les victimes sont largement économiquement dépendants des auteurs de violence, a-t-elle analysé, citant le cas de la communauté sinti. De même, les femmes migrantes, en raison de leur vulnérabilité, sont victimes de violences et de discriminations, en dépit des législations en leur faveur.

Parties concernées

En ce qui concerne les missions de terrain de la Rapporteuse spéciale sur l'indépendance des juges et des avocats, la Roumanie a indiqué que la réforme de son système judiciaire a été une des grandes priorités des gouvernements roumains successifs. Elle a adopté d'importants progrès dans ce domaine, notamment l'adoption d'un cadre législatif moderne, la consolidation des institutions et l'obtention de résultats tangibles en termes d'application. La Roumanie a lancé une réforme sans précédent de son appareil législatif, grâce à l'adoption de quatre nouveaux codes, instruments modernes de simplification de l'appareil judiciaire. La révision du cadre législatif s'accompagne d'activités intenses en matière de formation des magistrats et avocats, ainsi que de sensibilisation et d'information du public. Toutes ces mesures sont conformes aux pratiques européennes et internationales, a assuré la délégation.

La Bulgarie a déclaré avoir pris bonne note du rapport de la Rapporteuse spéciale sur sa mission, dont elle a accepté les recommandations. Les autorités bulgares observent qu'elles ont déjà donné suite à la recommandation en vue de la participation accrue des procureurs aux réformes des procédures judiciaires. Des consultations ont été organisées à cet effet. Le Ministère de l'intérieur a par ailleurs amélioré la coordination entre les procureurs et les forces de l'ordre et pris des mesures pour remédier à la durée excessive des procès; les citoyens et les personnes morales lésées pourront être indemnisées à hauteur des sommes prévues par les lois en vigueur dans les pays de l'Union européenne.

La Turquie observe que le rapport de Mme Knaul paraît au moment où la Turquie est engagée dans des réformes destinées à renforcer l'efficacité du pouvoir judiciaire. Ces réformes visent essentiellement à accélérer les processus judiciaires et à remédier aux problèmes dus à la longueur des périodes de détention avant jugement. La stratégie de réforme judiciaire contiendra des dispositions relatives à l'indépendance et à l'impartialité des juges et des procureurs, à la restructuration de la justice militaire, à la liberté d'association du personnel judiciaire et à la sensibilisation de l'opinion publique sur l'indépendance des magistrats. Le Premier Ministre ne joue qu'un rôle honorifique au sein du Haut Conseil des juges et procureurs, a précisé la délégation. Le Haut Conseil est doté d'une personnalité juridique distincte et dispose, à titre indépendant, de nombre de compétences anciennement dévolues au Ministère de la justice. La Turquie estime que ces réformes entreprises dans le but de renforcer la démocratisation remédieront à certaines des préoccupations de Mme Knaul.

En tant que pays concerné par le rapport sur la violence à l'égard des femmes, la Jordanie a souligné que le Roi avait demandé qu'une réflexion soit menée sur la condition de la femme dans le pays. Un ministère des femmes a été créé de manière à renforcer les droits des femmes jordaniennes. Contrairement à ce qu'indique le rapport, les peines pour crimes d'honneur sont punies d'au moins dix ans de prison et ne bénéficient pas systématiquement de circonstances atténuantes, a assuré la Jordanie. En outre, les femmes jordaniennes peuvent faire faire valoir tous leurs droits dans le cadre du contrat de mariage en refusant par exemple la polygamie et elles peuvent même divorcer. Les femmes victimes de violence ou risquant de faire l'objet de crimes d'honneur bénéficient en outre d'un programme de protection adéquat.

Le Centre national des droits de l'homme de la Jordanie a apprécié l'approche participative de la visite de la Rapporteuse spéciale et espère que celle-ci se poursuivra. La coopération avec tous les mécanismes internationaux et nationaux doit être renforcée afin de lutter efficacement contre les violences faites aux femmes. Le Centre national des droits de l'homme souhaite aboutir à une large consultation de la société, à des mécanismes d'évaluation de la législation en vigueur dans le pays ainsi qu'à la création d'un observatoire des violences à l'égard des femmes.

L'Italie a déclaré que le pays dispose déjà d'un arsenal juridique solide en matière de protection des femmes de la violence. Il a ainsi présenté quelques unes des lois existantes dans ce domaine, y compris en matière de protection des victimes de la traite. Celles-ci peuvent se voir délivrer une carte de séjour temporaire, sans qu'une plainte préalable soit exigée. L'Italie dispose en outre d'une loi contre les atteintes à la dignité de la femme et permet notamment de faire retirer une publicité attentatoire sous quarante huit heures. Une autre disposition impose également aux entreprises de recruter les femmes handicapées à égalité du nombre d'hommes.

Débat interactif

S'agissant des travaux de la Rapporteuse spéciale sur l'indépendance des juges et des avocats, l'Autriche se félicite de l'importance qu'elle accorde au rôle des ministères publics dans l'administration de la justice et contre l'impunité et a demandé à Mme Knaul quelles qualités et compétences doivent posséder les procureurs pour lutter contre des crimes systémiques tels que les crimes contre l'humanité ou les génocides. La République tchèque a souligné que le fonctionnement indépendant et autonome du ministère public est l'une des conditions du bon fonctionnement de la justice et de la confiance du public dans la justice. Elle s'est par ailleurs interrogée sur la possibilité pour les parties lésées de contester une décision de non-poursuite prise par un procureur. La Fédération de Russie a partagé la conclusion de la Rapporteuse spéciale selon laquelle le bureau du Procureur doit être autonome et impartial et ne doit pas exercer d'influence sur le système de justice, en particulier pour ce qui est des enquêtes pénales. Malheureusement, trop souvent, dans de nombreux pays, les juges sont cantonnés à un rôle qui consiste à entériner les décisions du Procureur, a déploré la Fédération de Russie.
Le Chili a indiqué disposer, depuis plus de dix ans, d'un ministère public autonome, dont l'un des objectifs principaux est la protection des victimes et des témoins.

Le Sénégal, au nom du Groupe africain, a noté avec intérêt que la Rapporteuse spéciale estime que plus d'indépendance pour les procureurs ne saurait s'envisager sans accroître leur responsabilité. En termes de garanties d'indépendance du procureur, la plupart des législations africaines contiennent des dispositions portant sur la gestion de la carrière des procureurs, qui reviennent le plus souvent à des structures autonomes et indépendantes du pouvoir judiciaire.

L'Union européenne juge prioritaire la formation des magistrats à tous les aspects des droits de l'homme. Le réseau européen de formation des membres du pouvoir judicaire joue un rôle très important à cet égard. L'Union européenne a demandé à la Rapporteuse spéciale de préciser quelles mesures intérimaires doivent être prises en attendant l'abolition des systèmes de règlements alternatifs à la justice, souvent plus rapides et abordables que la justice formelle, mais ne présentant pas toutes les garanties d'impartialité ni d'indépendance.

La Chine a pour sa part amendé sa loi pour assurer aux procureurs une plus grande autonomie dans l'exercice de leurs fonctions. Ils travaillent sans ingérence des autres branches du gouvernement. Les procédures juridiques ne sont pas remises en question. Les nouveaux procureurs sont recrutés sur la base de normes très strictes, sur concours. Le Code de procédure pénale a été révisé en 2012, conférant aux magistrats un champ d'action plus vaste et davantage d'autonomie.

La Mauritanie a donné des précisions sur le cas soulevé par la Rapporteuse spéciale relatif aux sanctions prises contre des magistrats mauritaniens en septembre 2011. Cette affaire a trait au démantèlement d'un réseau de trafiquants de drogues en 2007. Ce réseau a été jugé et condamné par la Cour criminelle de Nouakchott. En seconde instance, l'affaire a été confiée au juge Moctar et ses collègues. Ce magistrat a solitairement conclu à la nullité de la première procédure et à l'acquittement des condamnés, en violation du principe de collégialité. Cette irrégularité a été sanctionnée par la radiation du magistrat. Le droit à la défense du juge a été scrupuleusement respecté, a assuré la délégation.

Le Pakistan, au nom de l'Organisation de la coopération islamique, a souscrit au point de vue de la Rapporteuse spéciale sur l'indépendance des juges et des avocats quant à la nécessité de garantir l'autonomie, l'indépendance et l'impartialité des procureurs et de leurs services. Les pays de l'Organisation de la coopération islamique soulignent toutefois que la manière de parvenir à cet objectif dépend des systèmes juridiques et politiques des États concernés, tant il est vrai qu'une seule approche empirique censée être applicable à toutes les situations ne fonctionnerait pas dans tous les cas.

Le Guatemala a pour sa part exprimé l'espoir que les conclusions que la Rapporteuse spéciale présentera à l'issue de la mission qu'elle effectuera dans le pays auront un effet positif sur l'administration de la justice au Guatemala. L'Équateur a indiqué être en train de mener un processus de réforme du pouvoir judiciaire fondé sur le référendum de mai 2011 lors duquel les Équatoriens se sont prononcés en faveur d'une réforme du système de justice et en faveur de la création d'un conseil de transition de la justice.

La France a constaté que le rapport de Mme Knaul invite les États à instaurer des mécanismes particuliers afin d'accroître l'efficacité des poursuites des auteurs de crimes sexuels et de crimes fondés sur le genre et a souhaité que la Rapporteuse spéciale précise sa pensée sur les mécanismes susceptibles de progresser sur cette question. La Grèce, qui convient avec la Rapporteuse spéciale que les procureurs doivent rendre des comptes de leur action, a souhaité savoir comment elle voyait la concrétisation de cette obligation redditionnelle.

Le Maroc a établi l'indépendance du pouvoir judiciaire, estimant que les recommandations de Mme Knaul allaient dans le même sens des principes fondateurs et des objectifs stratégiques de la Haute instance du dialogue national sur la réforme de la justice qui vient d'être installée par le Roi. Celle-ci vise à renforcer l'indépendance de la justice et à moraliser les professions judiciaires. Les Maldives ont évoqué la réforme judiciaire lancée dans l'archipel en 2008 et qui a abouti à l'indépendance du procureur général. Mais la concrétisation de cette indépendance se heurtant à des obstacles, une table-ronde à ce sujet doit réunir des représentants maldiviens et de l'ONU pour en débattre. Les Maldives appellent de leurs vœux une visite de la Rapporteuse spéciale. La Bosnie-Herzégovine a évoqué elle aussi les réformes judiciaires mises en œuvre dans le pays afin de parvenir à l'indépendance du parquet qui doit être protégé de toute ingérence. En outre, elle est convaincue de l'importance d'organiser des formations régulières pour les procureurs, de concert dans certains cas avec les juges et les avocats, l'effort devant porter sur les normes régionales et internationales en matière de droits de l'homme.

Le Bélarus a dénoncé le sort fait à Julian Assange au mépris des règles des pays concernés en matière d'extradition. Il s'agit d'un précédent extrêmement dangereux, le droit à une protection juridique du justiciable étant refusé. Si ce cas devait faire jurisprudence, cela signifierait que n'importe quel citoyen européen pourrait désormais être extradé non pas sur la base du caractère étayé des accusations mais sur la base d'une simple demande de tel ou tel procureur. Pis, Julian Assange pourrait à terme être extradé vers les États-Unis où il risquerait la peine de mort. Cuba a évoqué pour sa part le sort des cinq combattants cubains antiterroristes emprisonnés injustement aux États-Unis, notant que Mme Knaul, à l'instar de son prédécesseur, avait envoyé une lettre aux autorités de Washington. Cuba souhaite savoir si elle a reçu une réponse et connaître son point de vue sur ce dossier. Elle a aussi demandé à Mme Manjoo quelle action elle avait entreprise de son côté au regard du refus, sans explication, d'accorder des visas aux épouses des hommes emprisonnés par les États-Unis. Cuba appelle la communauté internationale à apporter son appui le plus large pour que, après 14 ans d'emprisonnement injuste de ces cinq combattants antiterroristes, cette affaire reçoive une solution humaine, immédiate et définitive.

L'Algérie a déclaré que les éléments du rapport de Mme Knaul ont été au cœur du processus de réforme de la justice initié par le pays en 1999. Ainsi, aux termes de la loi portant sur le statut de la magistrature de 2004, il incombe aux magistrats, dont ceux du parquet, de se préserver de toute suspicion et attitude portant préjudice à leur impartialité et indépendance. La même loi énonce aussi la protection des magistrats contre les menaces, outrages, injures ou attaques de quelque nature que ce soit dont ils risquent d'être l'objet dans l'exercice de leurs fonctions. La Rapporteuse spéciale a été priée de dire dans quelle mesure l'adoption de codes d'éthique pour les procureurs qu'elle préconise répondent mieux à l'objectif recherché que les dispositions légales.

En ce qui concerne la violence à l'égard des femmes, l'Union européenne partage l'inquiétude de la Rapporteuse spéciale selon laquelle l'impunité ne fait qu'aggraver la violence et fait passer le mauvais message nuisible au corps social. En effet, a précisé la Jordanie, au nom du Groupe arabe, les États qui omettent de punir les auteurs de violence contre les femmes risquent de conforter l'idée que ce comportement est normal et acceptable. Les femmes font d'ailleurs l'objet d'un grand respect de la part des États arabes, a souligné la délégation: ces États ont pris et prennent toute mesure susceptible d'assurer l'autonomie des femmes et les protéger contre la violence. Les États arabes s'engagent en outre à assurer l'égalité des femmes. Ils militent enfin pour une modification de l'image stéréotypée de la femme dans la société, et procèdent, pour ce faire, à des campagnes de sensibilisation dans les médias.

Le Chili estime que l'élimination de la violence contre les femmes dépend de la prise en compte des inégalités structurelles et des hiérarchies sociales entre hommes et femmes, entre autres facteurs. Pour la Chine, la communauté internationale doit lutter contre le problème de la violence à l'égard des femmes motivée par des croyances erronées. Il convient en outre de renforcer les mesures de prévention de la violence domestique, ce à quoi s'appliquent activement les autorités chinoises par le biais de l'action déterminée de la justice. La Chine émet par ailleurs des doutes sur la méthode scientifique de la Rapporteuse spéciale. Le Congo s'est donné pour objectif d'éliminer toutes les formes de violence à l'égard des femmes. Des actions de vulgarisation de la Politique nationale de genre ont été menées dans les villes principales du pays. Le Gouvernement congolais a aussi mis en œuvre des activités de mobilisation sociale, comme par exemple l'organisation de tribunes radiotélévisées et la réalisation d'une étude sur le harcèlement sexuel à l'Université Marien Ngouabi. En outre, le Gouvernement congolais se joint chaque année à la communauté internationale pour célébrer la journée mondiale de tolérance zéro contre les mutilations génitales féminines.

L'Autriche a demandé à Mme Manjoo quel rôle la société civile, en particulier les organisations non gouvernementales, peut jouer dans la préparation et l'application de textes de lois interdisant et sanctionnant la violence contre les femmes.

Le Pakistan, au nom de l'Organisation de la coopération islamique, a attiré l'attention sur la difficulté qu'il y a à recueillir des données sur les enquêtes menées s'agissant des crimes perpétrés contre les femmes sur la base de leur sexe; en effet, comme l'a souligné la Rapporteuse spéciale sur la violence contre les femmes, il est souvent difficile de collecter de telles données car cela implique de se pencher sur les motivations du tueur. Or celles-ci ne sont pas toujours aussi claires que le rapport de la Rapporteuse spéciale le laisse entendre.

La Slovénie a souligné que les meurtres perpétrés sur la base du sexe de la victime constituent l'une des formes de violation de droits de l'homme parmi les plus horribles. Les déplorables crimes misogynes et sexistes nourris soit par la haine des femmes, soit par un sentiment de supériorité ne devraient jamais être légitimés. Passer sous silence voire entériner le meurtre de femme comme faisant partie d'une pratique culturelle, traditionnelle ou religieuse revient à institutionnaliser un cadre systémique de violence contre les femmes. La Finlande a pour sa part souligné que la persistance des meurtres perpétrés contre les femmes en raison de leur sexe est en particulier due au fait que ces meurtres sont trop souvent acceptés, tolérés ou justifiés en tant que manifestations culturellement ou socialement ancrées. Le Royaume-Uni a souligné combien il est important de mettre un terme à l'impunité et d'assurer l'obligation de rendre des comptes si l'on veut éliminer la violence à l'égard des femmes sous toutes ses formes. Il a indiqué partager la préoccupation de la Rapporteuse spéciale quant à l'impunité qui semble de plus en plus répandue face aux meurtres fondés sur le sexe.

Le Guatemala a reconnu qu'en dépit des mesures que le pays a prises jusqu'ici, les cas restent nombreux de féminicides et de violence à l'égard des femmes et le Gouvernement est conscient que les efforts visant à éradiquer ce type de violence doivent être permanents. Néanmoins, le Guatemala déplore que la Rapporteuse spéciale, qui attire l'attention sur la gravité de la situation au Guatemala, ne mentionne pas dans son rapport la série de mesures que le pays a prises ces dernières années en vue d'éradiquer la violence contre les femmes. L'Équateur a souligné que pour lutter contre la violence à l'égard des femmes, il est indispensable de sensibiliser les sociétés à ce problème, afin de le tirer de l'indifférence ou de l'oubli. L'Équateur, pour sa part, lutte contre la violence familiale et sexuelle dont les victimes bénéficient d'une attention prioritaire de la part de l'État et le pays a mis en place un Plan national de lutte contre la violence à l'égard des femmes; les mesures prises par l'Équateur dans ce domaine ont commencé à apporter des changements structurels et à faire disparaître les stéréotypes à l'égard des femmes.

L'Espagne a attiré l'attention sur la législation complète dans le pays pour lutter contre la violence à l'égard des femmes. L'Espagne a en outre indiqué partager la préoccupation exprimée par la Rapporteuse spéciale quant à l'impunité dans le domaine de la violence à l'égard des femmes. L'Espagne a par ailleurs rappelé que se tiendrait en octobre prochain au Guatemala une seconde réunion, après celle tenue à New York en octobre dernier, en vue de l'élaboration d'un protocole prévoyant des enquêtes pour les formes extrêmes de meurtres violents de femmes.

La Colombie a souligné que la lutte contre la violence à l'égard des femmes était une priorité de son gouvernement et elle a déploré que ses efforts, pourtant reconnus par le Secrétaire général et par la Haut-Commissaire, ne soient pas mentionnés dans le rapport. Elle a aussi déploré la citation de sources fragmentaires, négatives et hors contexte. Enfin, le qualificatif de «guerre civile» utilisée par la Rapporteuse spéciale est totalement inacceptable pour la Colombie, qui rappelle que le système des Nations Unies utilise les termes de «conflit armé interne».

Le Honduras a indiqué que sa législation comportait une loi contre la violence domestique qui a permis de créer des juridictions spécialisée. Pour lutter contre les assassinats de femmes, l'État a créé une Unité spéciale chargée des morts violentes de femmes rattachée au ministère publique spécial en charge des femmes, ainsi qu'une Commission interinstitutionnelle des féminicides. La Belgique souscrit à l'analyse de la Rapporteuse spéciale selon laquelle le féminicide est l'étape ultime d'une surenchère d'actes de violence exercés dans un contexte d'impunité. Sa représentante a soulevé la problématique des foeticides et des infanticides où l'assassinat prémédité est motivé par la dot convoitée. Les États concernés doivent prendre leur responsabilité à cet égard, notamment sur le plan légal et d'administration effective de la justice.

Les Maldives ont promulgué une loi contre la violence domestique, la première de ce genre dans le pays. Pour la mise en œuvre de ce texte, le chef de l'État a annoncé la création d'une Autorité de protection de la famille qui a notamment pour mission de faire prendre conscience du problème et de fournir des mécanismes de réparation pour les victimes.

La France souhaite que les recommandations de Mme Manjoo permettent de renforcer la mobilisation internationale en faveur de la lutte contre l'impunité pour toutes les violences fondées sur le genre et qu'elles débouchent sur des avancées concrètes dans ce domaine. Le Maroc estime qu'une sensibilisation accrue et adaptée à chaque situation s'impose, sans perdre de vue la justice et la réparation en faveur des victimes.

Pour l'Algérie, les crimes et violences liées au genre doivent être réprimés et leurs auteurs traduits en justice. Le Code pénal algérien sanctionne tout auteur de violence sans distinction de sexe et quel que soi le motif. Les violences domestiques sont réprimées par la loi algérienne sans aucune condition préalable. Les victimes des violences commises entre époux sont protégées par la loi. Une stratégie nationale de lutte contre la violence à l'égard des femmes a été mise en place. L'Afrique du Sud a lancé une campagne intitulée «Seize jours sans violence contre les femmes» dans le cadre de ses efforts de sensibilisation, au niveau national et local, à ce problème. La campagne renforce en outre les réseaux locaux de protection des femmes victimes et crée des plates-formes permettant aux particuliers et aux groupements de faire pression sur les autorités afin qu'elles conçoivent et adoptent des politiques adéquates.

L'Uruguay a dénoncé les assassinats et crimes affreux commis contre des femmes et des filles au nom de conceptions millénaires contraires aux principes du droit international, en toute impunité. L'Uruguay, qui n'est elle-même pas à l'abri de ce problème, oriente son action dans le domaine de la prévention de la violence domestique, en particulier. Les autorités sont conscientes aussi de la nécessité de s'attaquer aux inégalités structurelles qui expliquent la violence. L'Indonésie a noté avec inquiétude la prévalence de la discrimination et de la marginalisation des femmes, qui expliquent en grande partie la persistance de la violence à leur encontre. L'Indonésie a créé un réseau de coordination de la lutte contre la violence domestique, dont les auteurs sont désormais traduits en justice et sanctionnés au pénal. Les autorités ont adopté une loi précisant cinq types de services dont doivent pouvoir bénéficier les victimes de la violence: services de santé, réinsertion sociale, aide juridique, rapatriement et réintégration sociale.

La Suisse a demandé à la Rapporteuse spéciale de dire comment elle définirait concrètement une norme internationale concernant l'investigation du féminicide. Elle a également demandé à Mme Manjoo quelles mesures la communauté internationale devrait prendre pour renforcer l'état de droit afin de combattre le climat d'impunité, et quelles stratégies elle suggère pour venir à bout de la stigmatisation fondée sur le sexe, profondément enracinée dans de nombreuses sociétés.

La Croatie a indiqué avoir répondu positivement à la demande de visite que lui a adressée la Rapporteuse spéciale. Le pays a en outre insisté sur le cadre juridique qu'il a mis en place afin de prévenir et punir toutes les formes de violence familiale. La Grèce a indiqué avoir invité la Rapporteuse spéciale à se rendre dans son territoire, ainsi qu'à toutes les procédures spéciales. La Grèce est alarmée par l'augmentation des meurtres liés au genre. La Bosnie-Herzégovine a souligné que la visite de la Rapporteuse spéciale prévue cette année était de la plus haute importance pour le pays.

Conclusion de la Rapporteuse spéciale sur la violence à l'égard des femmes

MME MANJOO a déclaré que les communications de la Jordanie n'ayant pas été officiellement traduites en anglais, elle ne pouvait pas encore y répondre. Elle a remercié l'Italie pour sa réponse rapide. La Rapporteuse spéciale s'est réjouie de la préoccupation partagée par toutes les délégations s'agissant de l'augmentation de la violence à l'égard des femmes. Elle a souligné l'importance de procéder à une collecte ventilée des données afin de mieux mesurer la prévalence du phénomène, d'autant que les meurtres de femmes sont souvent considérés comme des meurtres sans lien avec le genre. Face à cette violence, des textes sont nécessaires mais l'action l'est beaucoup plus, notamment en matière de prévention.

Droit de réponse

Exerçant son droit de réponse après la déclaration de Franciscain international, le Cameroun s'est dit étonné de telles allégations émanant de cette organisation non gouvernementale. Le Cameroun est partie à divers instruments relatifs au travail des enfants et à la traite des personnes. Au Cameroun, la traite d'êtres humains est un crime sanctionné au pénal. Toutes les affaires font l'objet d'une enquête et de sanctions si les cas sont avérés. S'agissant des vols de bébés évoqués par l'organisation non gouvernementale, il n'y a eu qu'un cas constaté dans un hôpital. Cette affaire fait actuellement l'objet d'une enquête.

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