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Communiqués de presse Organes conventionnels

Le Comité contre la torture entame l'examen du rapport de l'Arménie

10 Mai 2012

MATIN

10 mai 2012

Le Comité contre la torture a entamé, ce matin, l'examen du rapport présenté par l'Arménie sur les mesures prises par ce pays pour mettre en application la Convention internationale contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

M. Yeghishé Kirakosyan, Vice-Ministre de la justice de l'Arménie et chef de la délégation, a notamment déclaré que, ces dernières années, la législation nationale a été progressivement mise en conformité avec les dispositions de Convention. Des mesures ont été prises pour améliorer l'application des garanties prévues aux personnes privées de liberté. Le problème de la torture qui existait par le passé dans les établissements pénitentiaires a été résolu et l'accent est mis aujourd'hui sur l'amélioration des conditions de détention, en particulier pour réduire la surpopulation. Par ailleurs, les réformes en cours au sien de la police nationale prévoient l'établissement d'un procès-verbal électronique dès l'arrestation d'une personne. L'Arménie s'inquiète par ailleurs de la propagande anti-arménienne à grande échelle orchestrée par des gouvernements étrangers. La délégation était composée d'autres représentants des Ministères des affaires étrangères, de la justice et de la défense, ainsi que de la police nationale, du Parquet et de la Cour de cassation.

Mme Felice Gaer, membre du Comité et rapporteuse pour l'examen du rapport de l'Arménie, a observé que des problèmes se posent en Arménie du fait de la corruption et de la méfiance de la population à l'égard de police et de la justice, ainsi que de l'impunité des auteurs d'actes relevant de la Convention. Elle s'est interrogée sur les conditions régissant la détention provisoire dans les commissariats, en particulier l'accès à un avocat: les organisations non gouvernementales soulignent que cette exigence n'est pas respectée dans la pratique. Le rapport de l'Arménie indique pour sa part que les agents de police peuvent voir leur responsabilité juridique engagée en cas de non respect de la règle de détention maximale de trois jours avant renvoi devant un juge, mais Mme Gaer a souhaité que la délégation présente des exemples des sanctions qui ont pu être prises à cet égard. Le corapporteur, M. Xuexian Wang, a salué les améliorations notables enregistrées en Arménie dans le domaine de la lutte contre la torture et du respect des droits des personnes détenues. M. Wang a demandé des précisions sur les sanctions prévues contre les faits de torture, sur les mesures prises pour donner pleinement effet à l'interdiction des châtiments corporels et sur l'application de l'article de loi interdisant l'utilisation en justice d'aveux obtenus par la torture.

Le Comité entendra demain après-midi, à 15 heures, les réponses de la délégation de l'Arménie aux questions qui lui ont été adressées ce matin.


Cet après-midi, à 15 heures, le Comité entendra les réponses de la délégation de la Grèce aux questions posées par les experts hier matin.


Présentation du rapport

Présentant le rapport périodique de l'Arménie (CAT/C/ARM/3), M. YEGHISHÉ KIRAKOSYAN, Vice-Ministre de la justice, a déclaré que, ces dernières années, la législation nationale a été progressivement mise en conformité avec les dispositions de Convention. En particulier, un projet d'amendement au Code pénal a été préparé qui introduit une définition de la torture conforme aux exigences de la Convention. Le projet de loi sera adopté par la nouvelle Assemblée nationale. D'autres mesures sont prises pour éclaircir la confusion dans l'application de la notion de «dommages graves», sur la base de la jurisprudence existante.

L'Arménie continue par ailleurs de prendre des mesures pour garantir le respect des doits des personnes privées de liberté, a affirmé le chef de la délégation. Il a attiré l'attention, à cet égard, sur l'élaboration en cours d'un nouveau Code de procédure pénale. Les réformes qui sont en train d'être mises en place au sein de la police nationale prévoient l'établissement d'un procès-verbal électronique dès l'arrestation d'une personne, au moyen de terminaux reliés au réseau de la police. Des livrets d'information sur les droits des citoyens confrontés à la police seront rédigés en arménien, en russe et en anglais. Les directives sur les droits et obligations des fonctionnaires de police dans le traitement des justiciables, notamment lors des arrestations et de la détention dans les commissariats, sont d'ores et déjà diffusées et en vigueur. La Cour de cassation est en train de constituer une importante jurisprudence dans le domaine de la défense des droits des justiciables.

De nouvelles garanties sur l'activité des avocats ont été adoptées, a fait valoir le chef de la délégation. Il a ajouté que le bureau du défenseur public chargé d'organiser et de dispenser l'aide juridique gratuite dépend non pas de l'État mais de l'ordre des avocats. Le Défenseur des droits de l'homme correspond au mécanisme national de prévention prévu par le Protocole facultatif à la Convention. Autre domaine de réforme: la lutte contre la discrimination fondée sur le sexe. Le projet de loi sur cette question devrait être rapidement adopté par le Parlement. L'État prend aussi des mesures de prévention et de lutte contre la violence domestique. Dans un contexte d'augmentation générale de la criminalité, on constate une baisse de la délinquance des mineurs, imputable à une meilleure prévention de la part des forces de police chargées de mineurs, a ajouté Kirakosyan. L'Arménie s'est par ailleurs dotée d'un mécanisme national de référence pour les victimes du trafic d'êtres humains. Elle a ratifié, à cet égard, tous les instruments juridiques internationaux et régionaux de lutte contre le trafic d'êtres humains, notamment la Convention du Conseil de l'Europe du 16 mai 2005.

Le Vice-Ministre de la justice a enfin souligné que l'Arménie a beaucoup fait pour lutter contre la torture dans les établissements carcéraux, un problème qui s'est posé par le passé. Aujourd'hui, la préoccupation réside dans les conditions de détention. L'État prend des mesures en particulier contre la surpopulation carcérale. Ainsi, un nouveau centre de détention d'une capacité de mille places est-il actuellement en construction. Il a d'autre part indiqué que le pays examine la possibilité d'instaurer un service militaire alternatif.

L'Arménie s'inquiète, enfin, d'une propagande anti-arménienne à grande échelle orchestrée par des gouvernements étrangers, et du fait que la police de l'Azerbaïdjan s'en prend régulièrement à des ressortissants arméniens, a conclu le Vice-Ministre arménien.

Questions et observations des membres du Comité

MME FELICE GAER, membre du Comité, rapporteuse pour l'examen du rapport de l'Arménie, a déclaré que le Comité aurait souhaité que les projets de lois mentionnés par la délégation eussent été déjà adoptés. Quoi qu'il en soit, le Comité se félicite des réponses complètes données aux questions qu'il avait posées par écrit. Mme Gaer s'est dite frappée par certaines contradictions entre des affirmations du rapport et les constatations d'autres organes de l'ONU. Ainsi, le Programme des Nations Unies pour le développement s'est inquiété du respect de la Convention par l'Arménie, alors que la violence domestique ne fait toujours pas l'objet d'une loi spécifique.

Des problèmes se posent s'agissant de la corruption et de la méfiance envers la police et la justice, et du fait de l'impunité des auteurs d'actes relevant de la Convention. La rapporteuse s'est s'interrogée sur les conditions régissant la détention provisoire dans les commissariats, en particulier l'accès à un avocat: les organisations non gouvernementales soulignent que cette exigence n'est pas respectée dans la pratique. Il semble de plus que la police ne respecte le délai maximal de trois heures pour l'établissement des protocoles d'arrestation. Il serait utile que les forces de police adoptent un système de surveillance vidéo dans les commissariats. Le rapport indique par ailleurs que les agents de police peuvent voir leur responsabilité juridique engagée en cas de non respect de la règle de détention maximale de trois jours avant renvoi devant un juge: Mme Gaer a demandé des exemples de sanctions, pénales ou disciplinaires, qui ont pu être prises à ce titre, et des dédommagements versés. Elle a aussi voulu savoir quelles mesures sont prises pour aider les victimes de torture ou mauvais traitements à déposer plainte.

Mme Gaer a relevé que le Défenseur des droits de l'homme arménien, ainsi que d'autres observateurs, a soulevé de nombreux problèmes portant notamment sur les violations du droit de consulter un avocat; les carences de l'assistance juridique; sur le respect par la police du délai d'information des proches des personnes arrêtées; sur le droit des détenus de demander à faire l'objet d'examens médicaux; ou encore sur la capacité du Service spécial d'enquête d'élucider des allégations d'homicides dans des lieux de détention. La rapporteuse a observé que le fait de nommer et définir la torture est une démarche capitale car elle permet de sensibiliser le public et les fonctionnaires à la gravité de cette violation des droits de l'homme. Or, l'article de loi sur la torture ne s'applique pas aux fonctionnaires de l'État soupçonnés de ce crime, qui ne sont généralement poursuivis que pour abus de pouvoir – et bien souvent amnistiés. Mme Gaer a demandé en outre des précisions statistiques sur les faits de bizutage contre des jeunes soldats, dont certains ont entraîné des décès, et sur les sanctions prises contre leurs auteurs.

La rapporteuse a également demandé à la délégation si l'Arménie compte suivre les recommandations du Groupe de travail sur les détentions arbitraires s'agissant notamment de la surveillance vidéo dans les commissariats. Elle s'est interrogée sur la coopération bilatérale de l'Arménie en matière d'extradition et d'octroi de garanties diplomatiques. Concrètement, l'Arménie peut-elle surveiller, dans le pays de renvoi, les conditions de détention d'une personne extradée? Elle a par ailleurs demandé des précisions chiffrées sur l'emprisonnement des objecteurs de conscience, notamment les Témoins de Jéhovah, et sur l'évolution du travail législatif en matière d'alternative au service militaire. L'experte a enfin espéré que les prochaines élections ne susciteront pas une répétition des événements du 1er mars 2008.

M. XUEXIAN WANG, membre du Comité, corapporteur, a salué les améliorations notables enregistrées en Arménie dans le domaine de la lutte contre la torture et du respect des droits des personnes détenues. L'expert a relevé une contradiction entre l'exemption accordée aux personnes réfugiées des sanctions prévues par la loi sur le séjour irrégulier et la condamnation de nombreuses personnes réfugiées à ce titre. M. Wang a voulu savoir si la formation spéciale qui était prévue à l'intention des garde-frontières dans le domaine des droits de l'homme des migrants est effectivement dispensée. L'expert a demandé des précisions sur les sanctions prévues contre les faits de torture, sur les mesures prises pour donner pleinement effet à l'interdiction des châtiments corporels et sur l'application de l'article de loi interdisant l'utilisation, dans les procédures de justice, d'aveux obtenus par la torture.

Un autre membre du Comité s'est interrogé sur la distinction qui est faite, dans la loi arménienne, entre «droits de l'homme» et «droits civils et politiques». Elle a souligné que la population arménienne ne semble pas avoir confiance dans un système judiciaire exagérément axé sur l'accusation. L'experte a salué le travail de prévention de la criminalité réalisé auprès des mineurs, mais a demandé des renseignements sur le système proprement dit de justice pour les mineurs.

Un expert a remercié l'Arménie de la présentation du rapport, tout en soulignant un retard de sept ans. L'expert a voulu savoir s'il existe une procédure administrative permettant à un subordonné de contester un ordre manifestement contraire à la loi. Il s'est interrogé sur la clémence de la sanction prévue pour des faits de torture, soit un maximum de sept ans de détention. L'expert a par ailleurs jugé excessive la peine de dix jours de mise à l'isolement qui peut être infligée à des détenus mineurs. Le Comité européen de prévention de la torture a préconisé une réduction de la durée de cette mesure disciplinaire, voire son abolition, a rappelé l'expert.

Un autre expert s'est dit surpris de constater que les juges peuvent être sommés, de par la loi, de répondre devant la justice de jugements partiaux et intéressés: cette disposition ne consiste-t-elle pas en une forme de pression exercée sur la magistrature? Le rapport ne dit rien de l'éventuelle compétence universelle de l'Arménie dans la poursuite d'auteurs d'actes de torture commis à l'étranger, a aussi observé l'expert. Il a demandé quelles dispositions sont prévues pour assurer une réparation aux victimes de la torture.

Un expert a voulu savoir si les travailleurs immigrés en situation irrégulière sont traités en tant que délinquants. Un autre a demandé à l'État de veiller à assurer la formation professionnelle continue du personnel judiciaire, afin de le mettre en situation d'appliquer les normes du droit international: on semble en effet confronté à un écart important entre le contenu de la loi et la réalité du terrain.

L'inclusion dans le projet de nouveau Code pénal arménien d'une définition de la torture conforme à la Convention a été saluée. Des précisions ont été demandées au sujet de la définition qui est envisagée. Un autre expert a salué la création du poste d'ombudsman des droits de l'homme.

Des questions ont porté sur l'accès des personnes sans revenus à l'assistance juridique gratuite; sur la suite donnée aux vingt-cinq décisions de la Cour européenne des droits de l'homme s'agissant de l'Arménie; sur la disponibilité pour les victimes de mécanismes de plainte confidentiels; sur la situation des gays, lesbiennes, transgenre et bisexuels détenus dans les commissariats, où, selon des renseignements, ils font régulièrement l'objet de mauvais traitements.

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