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Communiqués de presse Organes conventionnels

Le Comité contre la torture entame l'examen du rapport du Canada

21 Mai 2012

21 mai 2012

Le Comité contre la torture a entamé, ce matin, l'examen du rapport présenté par le Canada sur les mesures prises par ce pays pour mettre en œuvre les dispositions de la Convention internationale contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Présentant le rapport, M. Alan H. Kessel, jurisconsulte au Ministère des affaires étrangères et du commerce international du Canada, a déclaré que le Canada est fier de sa feuille de route en ce qui concerne le respect de ses obligations en vertu de la Convention contre la torture. Le Canada est une société libre et ouverte qui respecte les droits et les libertés de ses citoyens et qui s'oppose au recours à la torture par n'importe quel État ou organisme et pour quelque raison que ce soit. Dans le domaine des services correctionnels, le Canada est résolu à assurer des conditions de détention sûres, sécuritaires et humaines et les normes nationales pour les programmes correctionnels fédéraux remplissent les normes internationales minimales «et, bien souvent, les dépassent», a déclaré M. Kessel, ajoutant que le Service correctionnel a entrepris un programme de transformation ambitieux. Il a ajouté que le Canada est résolu à ne pas devenir un refuge pour les personnes impliquées dans des crimes de guerre, des crimes contre l'humanité ou le crime de génocide. Indiquant que quatorze personnes ont été reconnues coupables d'infractions criminelles en vertu de la Loi antiterroriste du Canada, il a précisé qu'elle ne constitue pas une mesure législative d'urgence et ne déroge nullement à la Convention contre la torture. M. Kessel a aussi fait valoir qu'il existe des mécanismes de surveillance externes et indépendants ayant pour mandat spécifique d'enquêter sur les plaintes reçues concernant le comportement des forces policières. Il a d'autre part déclaré que le système d'asile canadien est reconnu mondialement pour son équité et sa générosité exemplaire, tout en admettant qu'il fait actuellement face à des difficultés, s'agissant notamment de la durée de l'attente pour les décisions sur les demandes d'asile.

La délégation canadienne était également composée de représentants du Ministère de la sécurité publique, du Ministère de la justice, du Ministère de la citoyenneté et de l'immigration, de la Mission permanente du Canada auprès des Nations Unies à Genève et du Ministère des relations internationales du Québec.

Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport du Canada, M. Alessio Bruni, a rappelé que le Canada avait promis en 2006, lorsqu'il s'était porté candidat au Conseil des droits de l'homme, de ratifier le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture, promesse réitérée en 2009 lors de l'Examen périodique universel du Conseil, mais a relevé que le pays ne l'a toujours pas fait. M. Bruni s'est par ailleurs inquiété qu'il soit possible de placer un détenu en isolement pour une durée pouvant aller jusqu'à trente jours, à titre mesure disciplinaire. Il s'est aussi intéressé à la liste de 30 individus suspectés d'avoir commis des crimes de guerre publiée par le Gouvernement l'an dernier. Il s'est aussi enquis du cas de M. Omar Khadr, un Canadien qui se trouve toujours emprisonné à Guantanamo alors qu'il aurait pu être rapatrié au Canada depuis octobre 1991. La corapporteuse, Mme Essadia Belmir, a reconnu que le Canada est l'un des plus ardents défenseurs des droits de l'homme, mais a souligné que personne n'est parfait. Elle a notamment fait observer que la privation de liberté d'une personne pour une durée indéterminée n'est pas conforme aux garanties relatives à une procédure équitable. Elle s'est par ailleurs inquiétée de l'utilisation du taser, estimant que son utilisation contre une personne risque de la tuer et relève donc de l'intention de tuer.

Le Comité entendra demain après-midi, à 15 heures, les réponses de la délégation canadienne aux questions qui lui ont été adressées ce matin.


Demain matin, à 10 heures, le Comité entamera l'examen du rapport de Cuba (CAT/C/CUB/2).


Présentation du rapport

Présentant le rapport du Canada (CAT/C/CAN/6), M. Alan H. Kessel, jurisconsulte au Ministère des affaires étrangères et du commerce international du Canada, a déclaré que le Canada est fier de son excellente feuille de route en ce qui concerne le respect de ses obligations en vertu de la Convention contre la torture. Tous les niveaux de gouvernement au Canada connaissent – et prennent sérieusement – leurs obligations conventionnelles, y compris celles découlant de la Convention contre la torture, a-t-il souligné. Le Canada applique la Convention à l'échelle nationale par l'entremise de divers mécanismes, plus particulièrement la Constitution canadienne, qui comprend la Charte canadienne des droits et libertés. Parmi les autres mécanismes utilisés, M. Kessel a mentionné la Déclaration canadienne des droits, le Code criminel, la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés et la Loi sur l'extradition.

Le Canada est une société libre et ouverte qui respecte les droits et les libertés de ses citoyens et qui s'oppose au recours à la torture par n'importe quel État ou organisme et pour quelque raison que ce soit, a poursuivi M. Kessel. Dans le domaine des services correctionnels, le Canada est résolu à assurer des conditions de détention sûres, sécuritaires et humaines. «Nos normes nationales à l'égard de la gestion et de la prestation des programmes correctionnels fédéraux remplissent les normes internationales minimales et, bien souvent, les dépassent», a-t-il déclaré. «Un organisme de surveillance efficace veille à ce que les droits des détenus fédéraux soient respectés et que notre système correctionnel fonctionne de manière équitable, transparente et responsable», a-t-il ajouté. Le Service correctionnel du Canada a entrepris un programme de transformation ambitieux qui répond à la majorité des recommandations qui figurent dans le Rapport de 2007 de son Comité d'examen indépendant, a fait valoir M. Kessel. La mise en œuvre de la grande majorité des recommandations est en cours ou a été complétée, a-t-il indiqué. Le Service correctionnel du Canada met l'accent sur un certain nombre de thèmes où des améliorations pourraient être apportées: l'amélioration de la responsabilisation des délinquants; l'amélioration des interventions et des compétences professionnelles des délinquants; l'élimination de la drogue dans les établissements; et la modernisation de l'infrastructure physique.

En ce qui concerne l'obligation de poursuivre les auteurs d'actes de torture et de venir en aide aux autres États à cet égard, M. Kessel a déclaré que le Canada est résolu à ne pas devenir un refuge pour les personnes impliquées dans des crimes de guerre, des crimes contre l'humanité ou du génocide. De plus, le Canada est déterminé à contribuer efficacement aux efforts mondiaux en vue de renforcer la responsabilisation des auteurs de tels crimes. Le Canada a démontré son engagement à cet égard en engageant récemment des poursuites contre des personnes accusées d'actes de génocide ou de crimes contre l'humanité au Rwanda, a souligné M. Kessel. De plus, le Canada croit que, dans la mesure du possible, les personnes accusées de crimes aussi graves devraient être traduites en justice dans les pays où les crimes ont été commis. Dans le cas où cette procédure s'avèrerait impossible, il pourra être fait appel à des tribunaux internationaux et à d'autres mécanismes afin que les responsables des pires crimes internationaux aient à rendre compte de leurs actes, a affirmé M. Kessel.

Dans le domaine de la sécurité nationale, le Canada est fier de son bilan en matière de lutte contre le terrorisme dans le respect des normes et des garanties relatives aux droits fondamentaux. À ce jour, a indiqué M. Kessel, quatorze personnes ont été reconnues coupables d'infractions criminelles en vertu de la Loi antiterroriste du Canada. Cette Loi ne constitue pas une mesure législative d'urgence et ne déroge nullement à la Convention contre la torture, a-t-il assuré. Elle a modifié le Code criminel en créant de nouvelles infractions de terrorisme, sous réserve du droit constitutionnel à un procès équitable ainsi qu'aux garanties d'égalité et de non-discrimination de la Charte, a-t-il indiqué.

M. Kessel a fait valoir qu'il existe des mécanismes de surveillance externes et indépendants ayant pour mandat spécifique d'enquêter sur les plaintes reçues concernant le comportement des forces policières dans l'ensemble des juridictions du Canada. «Les forces policières canadiennes ont reçu de la formation au sujet du cadre juridique qui régit leurs opérations, y compris la protection juridique contre les actes de torture et les peines ou traitements cruels et inusités», a-t-il ajouté. Les policiers sont soumis à des enquêtes criminelles ou déontologiques ainsi qu'à un examen externe à la suite de plaintes du public. «À notre connaissance, aucune enquête disciplinaire n'est en cours au sujet d'allégations d'actes de torture ou de traitements cruels, inhumains ou dégradants commis par des agents de la paix canadiens», a déclaré M. Kessel.

Dans le cadre du rapport de la Commission d'enquête Braidwood, publié en juillet 2009, des recommandations ont été formulées à l'égard des procédures et des politiques relatives aux armes à impulsion électrique, y compris les normes d'utilisation, l'assistance médicale, la formation, la mise à l'essai et la recherche, a poursuivi M. Kessel. Il y était recommandé de ne pas faire usage des armes à impulsion électrique à moins que la personne visée soit «en train de causer des lésions corporelles» ou «sur le point de causer des lésions corporelles». Parmi les nombreuses mesures prises en réponse à la commission d'enquête Braidwood, a indiqué M. Kessel, figurent l'élaboration et l'approbation des nouvelles directives nationales sur l'utilisation des armes à impulsion électrique.

Le Gouvernement canadien étudie actuellement des mesures possibles en vue de moderniser et de renforcer le cadre d'examen des activités de sécurité nationale au Canada dans son ensemble, y compris l'établissement d'un mécanisme pour faciliter les examens interorganismes des activités de sécurité nationale, a en outre fait savoir M. Kessel.

Notre système d'asile est reconnu mondialement pour son équité et sa générosité exemplaire, a par ailleurs déclaré M. Kessel. Toutefois, a-t-il admis, il fait actuellement face à des défis: il y a de longues périodes d'attente pour les décisions en matière de demande d'asile et un important retard dans l'examen des demandes. La procédure prévue pour les demandeurs déboutés est longue et complexe et les renvois sont lents. En 2010, a poursuivi M. Kessel, le Gouvernement a adopté la Loi sur des mesures de réforme équitables concernant les réfugiés, qui permettra de résoudre les difficultés et d'accroître l'efficacité du système en simplifiant le traitement des dossiers ainsi que le renvoi des demandeurs dont la demande est sans fondement et qui profitent de la générosité du Canada et abusent de son système d'asile, tout en veillant à ce que chaque demandeur ait accès à un traitement équitable de sa demande. Le Gouvernement s'est en même temps engagé à accroître de 2500 personnes le nombre de réfugiés réinstallés et, d'ici 2013, le Canada accueillera jusqu'à 14 500 réfugiés dans le cadre de son programme de réinstallation, ce qui «permettra la réinstallation d'environ un réfugié sur dix dans le monde», a fait valoir M. Kessel. «Nous renforcerons également nos pouvoirs de détenir les migrants illégaux ou irréguliers jusqu'à ce que nous puissions déterminer s'ils sont ou non des réfugiés légitimes et s'ils présentent un risque de fuite ou un risque pour la sécurité. Ces mesures permettent au gouvernement de remplir son devoir suprême, soit celui d'assurer la sécurité des Canadiens, en les protégeant entre autres des criminels violents et des terroristes étrangers et en empêchant l'exploitation abusive de la générosité de nos services sociaux, tout en fournissant un refuge pour ceux qui fuient la véritable persécution», a-t-il insisté. En instaurant ces nouvelles mesures, a précisé M. Kessel, le Canada continuera de respecter ses obligations en vertu de la Convention, notamment l'engagement à ne pas expulser, refouler ou extrader une personne vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu'elle risque d'être soumise à la torture.

M. Kessel a par ailleurs indiqué que le Canada aimerait encourager le Comité à prendre des mesures visant à moderniser le processus de présentation de rapports, notamment en substituant un mécanisme de vidéoconférences aux onéreuses délégations de personnes. Le Canada a noté que, dans sa liste de questions écrites préalablement adressée au pays, le Comité a posé des questions sur des sujets qui relèvent plus directement des mandats d'autres organes, par exemple des questions d'ordre général liées à la violence envers les femmes et à la traite des personnes, qui peuvent être mieux examinées par d'autres comités, a ajouté M. Kessel, avant d'exhorter le Comité – et d'autres organes chargés de la mise en œuvre des instruments relatifs aux droits de l'homme – à se concentrer sur leur mission première et à ne pas s'engager «dans le genre de dérive bureaucratique de leur mission à laquelle les organisations, malgré les meilleurs intentions, cèdent trop souvent».

Questions et observations des membres du Comité

M. ALESSIO BRUNI, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport du Canada, a félicité les autorités canadiennes pour la méthodologie très claire utilisée pour élaborer le présent rapport et pour toutes les informations que contient ce document. Néanmoins, il est regrettable que les réponses du Canada à la liste de questions qui lui avait été préalablement adressée par le Comité aient été présentées avec trois mois de retard, c'est-à-dire jeudi dernier seulement, et que les membres du Comité n'aient donc pu en prendre connaissance que vendredi dernier.

M. Bruni a souhaité en savoir davantage sur l'intention du Canada de ratifier le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture, alors qu'il s'agit d'une promesse que le Canada avait faite en 2006 lorsqu'il s'était porté candidat au Conseil des droits de l'homme et qu'il avait réitérée en 2009 lors de son examen périodique universel.

Des personnes suspectées de menacer la sécurité nationale ne peuvent néanmoins être expulsées si elles courent un risque d'être victimes de torture dans leur pays d'origine, a relevé M. Bruni, qui a toutefois constaté que la loi canadienne ne mentionne pas de période maximale de détention de ces personnes. Ainsi, une personne peut être détenue au Canada sans être dûment jugée, a-t-il fait observer. À l'heure actuelle, trois personnes sont assignées à domicile au Canada, parfois depuis dix ans, s'est-il inquiété.

D'autre part, des personnes sont détenues au Canada comme des criminels alors qu'elles devraient être détenues en vertu de la législation relative à l'immigration, a souligné M. Bruni.

Le rapporteur s'est en outre enquis du nombre de décès en détention ces dernières années au Canada.

Le placement en isolement d'un détenu en tant que mesure disciplinaire est possible au Canada pour une durée pouvant aller jusqu'à trente jours, s'est par ailleurs inquiété M. Bruni, faisant observer que les experts médicaux estiment qu'au-delà d'une durée de 15 jours, le placement en isolement peut avoir des effets irréversibles sur le détenu.

Relevant l'information selon laquelle les services secrets canadiens n'approuvent pas le recours à la torture dans le cadre de leur mission, M. Bruni a déclaré que c'est bien qu'un tel principe soit énoncé, mais qu'il faudrait des informations sur ce qui se passe concrètement dans la pratique.

M. Bruni a par ailleurs souhaité connaître les noms des personnes figurant sur la liste de 30 individus suspectés d'avoir commis des crimes de guerre qu'a publiée le Gouvernement en juillet dernier.

Qu'en est-il de l'intention des autorités canadiennes de rapatrier M. Omar Khadr, qui se trouve toujours emprisonné à Guantanamo alors qu'il aurait pu être rapatrié au Canada depuis octobre 1991, a en outre demandé le rapporteur?

MME ESSADIA BELMIR, corapporteuse du Comité pour l'examen du rapport du Canada, a fait observer que le Canada est l'un des plus ardents défenseurs des droits de l'homme, mais a souligné que personne n'est parfait. Elle s'est inquiétée que la primauté des instruments internationaux de droits de l'homme sur le droit interne ne semble pas être une règle absolue et a fait observer, à titre d'exemple, que la Cour suprême du Canada a ouvert une brèche en affirmant que l'article 3 de la Convention contre la torture (relatif au principe de non-refoulement) pouvait ne pas être de rigueur dans certaines situations.

M. Belmir a en outre fait observer que la privation de liberté d'une personne pour une durée indéterminée n'est pas conforme aux garanties relatives à une procédure équitable.

Chacun sait que le taser est une arme qui peut tuer, a rappelé Mme Belmir; aussi, utiliser cette arme contre une personne et prendre ainsi le risque de la tuer relève-t-il de l'intention de tuer, a-t-elle estimé, regrettant que le Canada tienne coûte que coûte à pouvoir continuer d'utiliser le taser.

Une autre membre du Comité a évoqué la question de la surpopulation carcérale au Canada et s'est inquiétée des disparitions et des exécutions de femmes autochtones ainsi que du manquement à l'obligation de poursuites dans ce contexte. L'experte s'est enquise de la raison de la hausse du nombre d'incidents entre détenus au cours de la décennie écoulée. Elle a en outre voulu savoir quelles mesures sont prises pour instruire les affaires relatives aux exécutions et disparitions de femmes autochtones.

Peut-être serait-il judicieux que le Canada amende sa législation afin de mieux déterminer qui sont les victimes de la torture et quelles sont les réparations auxquelles elles peuvent prétendre, a estimé une experte.

Les garanties diplomatiques obtenues par le Canada sont-elles considérées comme suffisantes et qui est chargé au Canada de se prononcer à cet égard, a demandé un expert?

Au total, quelque 7500 personnes seraient placées en isolement dans les prisons fédérales canadiennes, pour une durée pouvant parfois aller jusqu'à 120 jours, s'est inquiété un membre du Comité. Il s'est en outre enquis des résultats de l'enquête concernant le décès du jeune Polonais tué de deux chocs au taser lors de son arrivée à l'aéroport de Vancouver.

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