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Communiqués de presse Conseil des droits de l’homme

Le Conseil des droits de l'homme se penche sur la participation des personnes handicapées à la vie politique

01 Mars 2012

Conseil des droits de l'homme
MI-JOURNÉE 1er mars 2012


Le Conseil des droits de l'homme a tenu, à la mi-journée, son débat annuel sur les droits des personnes handicapées, consacré spécialement à la participation à la vie politique et publique.  Le Conseil a entendu une déclaration liminaire de Mme Navi Pillay, Haut-Commissaire aux droits de l'homme, suivie des interventions de trois panélistes: Mme Theresia Degener, Rapporteuse du Comité sur les droits des personnes handicapées; Mme Shantha Rau Barriga, experte en droit des personnes handicapées à Human Rights Watch; et M. Patrick Clark, Président de Down Syndrome International.  Le Conseil a également entendu le témoignage de Mme María Alejandra Villanueva, de la Société péruvienne du syndrome de Down.

Mme Pillay a présenté l'étude thématique du Haut Commissariat consacrée à la participation des personnes handicapées à la vie politique et à la vie publique, qui donne un certain nombre d'exemples de mesures assurant la réalisation des droits politiques des personnes handicapées.  La ratification universelle et la mise en œuvre effective de la Convention relative aux droits des personnes handicapées contribueront en outre à assurer la jouissance de leurs droits politiques par les personnes handicapées, a estimé Mme Pillay.

Mme Degener a déploré les obstacles matériels qui empêchent les personnes handicapées d'exercer leur droit à participer à la vie politique, notamment l'inaccessibilité aux locaux de scrutin, le caractère complexe des procédures de vote ou encore le placement en institutions spécialisées.  Pour l'experte du Comité des <droits des personnes handicapées, l'heure est venue de mettre en cause les stéréotypes sur les personnes ayant des handicaps mentaux, de même que la vision selon laquelle la décision intellectuelle est exclusivement rationnelle.  Mme Barriga a déploré que les bonnes intentions ne fassent pas toujours les bonnes politiques: ceci est particulièrement vrai en ce qui concerne les personnes handicapées, que l'on empêche souvent de participer à la vie publique en croyant les protéger.  Le principal problème consiste à savoir comment appliquer la Convention relative aux droits des personnes handicapées et il faudra à cet égard aligner certaines conventions internationales relatives aux droits de l'homme sur les dispositions de la Convention relative aux droits des personnes handicapées.  Pour M. Clark, les États doivent encourager la participation des personnes handicapées à la vie publique, notamment au sein des partis politiques et des organisations de la société civile.  Il a aussi insisté sur l'importance de la coopération internationale en matière d'assistance technique. 

Au cours des débats, plusieurs délégations ont exposé les mesures prises par leurs pays pour améliorer la participation à la vie politique et citoyenne des personnes handicapées.  Une délégation a mis en garde contre la méconnaissance des textes de loi en faveur des handicapés et contre la persistance de préjugés, qui sont autant d'obstacles à l'effectivité des droits.  On a également souligné que la création d'un environnement favorable aux droits des personnes handicapées est une œuvre de longue haleine, exigeant de lourds investissements.  Les politiques d'austérité susceptibles de sacrifier les droits des personnes handicapées sont préoccupantes à cet égard.  Il conviendrait de réfléchir aux possibilités qu'offre la coopération Sud-Sud.

Les délégations des États suivants ont participé aux échanges: Mexique, Nouvelle Zélande, Indonésie, Brésil, Chine, Mauritanie, Arabie saoudite, Fédération de Russie, États-Unis, Argentine, Éthiopie, Uruguay, Finlande, Pakistan au nom de l'Organisation de la coopération islamique (OCI), Turquie, Équateur, Burkina Faso, Bangladesh, Autriche, Sénégal au nom du Groupe africain, Thaïlande, Maroc, Pérou, Azerbaïdjan et Australie.  Le Fonds des Nations Unies pour l'enfance, le Conseil national des droits de l'homme du Maroc, le Comité de coordination des institutions nationales de droits de l'homme ont également fait des déclarations, ainsi que des organisations non gouvernementales: All Russian Society of the Deaf / All Russian Public Organization of Persons with Disabilities, Human Rights Watch et Down Syndrome International. 


Le Conseil des droits de l'homme doit conclure, cet après-midi, son débat de haut niveau.


Débat annuel sur les droits des personnes handicapées portant sur la participation à la vie politique et à la vie publique

Déclaration liminaire

MME NAVI PILLAY, Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, a déclaré que l'organisation de ce débat annuel reflète l'importance croissante que la communauté internationale accorde à la promotion et à la protection des droits fondamentaux des personnes handicapées.  Elle a noté que, depuis son adoption en 2006, la Convention relative aux droits des personnes handicapées a été ratifiée par 109 États, ce qui démontre un engagement ferme de la communauté internationale en faveur de la jouissance pleine et effective des droits des personnes handicapées.  Les États parties doivent adopter toutes les mesures appropriées pour harmoniser leurs législations et leurs infrastructures avec leurs obligations en la matière. 

La Haut-Commissaire a rappelé que le Conseil avait demandé au Haut-Commissariat, par sa résolution 16/15, de produire une étude sur la participation des personnes handicapées à la vie publique.  Elle a souligné que l'article 29 de la Convention exige que les États parties garantissent les droits politiques des personnes handicapées; ceci concerne le droit de voter et d'être élu, sans exception pour aucun groupe d'handicapés.  L'étude du Haut-Commissariat donne un certain nombre d'exemples positifs de mesures destinées à assurer la réalisation de l'ensemble des droits politiques des personnes handicapées.  Toutefois, des obstacles juridiques, physiques et d'accès existent encore dans certains pays, comme par exemple l'inaccessibilité des bureaux ou du matériel de vote.  La ratification universelle et la mise en œuvre effective de la Convention contribueront à assurer la jouissance des droits politiques par les handicapés.  En tant qu'institution des Nations Unies, le Conseil est en mesure d'identifier les mesures susceptibles de renforcer la participation effective des personnes handicapées, sur un pied d'égalité. 

Le Conseil est saisi de l'Étude thématique sur la participation des personnes handicapées à la vie politique et à la vie publique (A/HRC/19/36), établie à sa demande par le Haut-Commissariat. 

Déclarations des panélistes

MME THERESIA DEGENER, Rapporteuse du Comité des droits des personnes handicapées, a déclaré que toute violation des droits des personnes handicapées à la participation politique constitue une violation de l'article 29 de la Convention relative aux droits des personnes handicapées.  Même si on débat encore de certaines restrictions du droit à la participation à la vie publique et politique, surtout par les personnes intellectuellement déficientes, la rapporteuse a observé que plusieurs instruments internationaux, notamment au niveau européen, garantissent la pleine participation des personnes handicapées à la vie publique et politique.  Hors du cadre législatif, il existe d'autres entraves au droit des personnes handicapées à participer à la vie politique, notamment l'inaccessibilité aux locaux de scrutin, le caractère complexe des procédures de vote ou encore le placement en institutions spécialisées.  Dans ce contexte, la rapporteuse a appelé les États à abolir la privation de facto des droits des personnes handicapées en légiférant, en adaptant leurs processus électoraux et en améliorant l'accès matériel des personnes handicapées aux locaux et matériel de vote.  L'heure est venue de mettre en cause les stéréotypes sur les personnes ayant des handicaps mentaux, de même que la vision selon laquelle la décision intellectuelle est exclusivement rationnelle, a conclu Mme Degener. 

MME SHANTA RAU BARRIGA, spécialiste des droits des personnes handicapées à l'organisation Human Rights Watch, a relevé que la marginalisation des personnes handicapées les empêche souvent de participer pleinement à la vie publique.  La publication du rapport du Haut-Commissariat, dans un format accessible, illustre son engagement dans ce domaine.  L'experte a donné des exemples de personnes empêchées d'exercer le droit de vote en Ouganda et au Pérou.  Les bonnes intentions ne font pas toujours les bonnes politiques: ceci est particulièrement vrai en ce qui concerne les personnes handicapées, que l'on empêche souvent de participer à la vie publique en croyant les protéger.  Le principal problème consiste à savoir comment appliquer la Convention relative aux droits des personnes handicapées.  L'exclusion des personnes handicapées de la vie publique en raison de leur prétendue incapacité de voter ayant des racines profondes, il importe d'abord de prendre des mesures de réforme au niveau national.  Il faut ensuite harmoniser les conventions internationales relatives aux droits de l'homme avec les dispositions de la Convention relative aux droits des personnes handicapées: l'inadéquation de l'article 25 du Pacte international sur les droits civils et politiques est un cas d'espèce.  Enfin, on doit comprendre que le droit de vote implique, par définition, qu'on ne peut exiger qu'un citoyen réalise ce droit d'une manière particulière.  Il ne devrait donc y avoir aucune restriction au droit de vote en raison des capacités des votants.  Globalement, il faut enfin modifier la manière dont l'opinion publique perçoit les handicapés.

M. PATRICK CLARK, Président de Down Syndrome International, a déploré les nombreuses restrictions à la participation politique qui pèsent sur les personnes handicapées, notamment les personnes intellectuellement déficientes, y compris dans les législations nationales.  M. Clark a appelé les États pratiquant cette forme de discrimination à revoir leurs lois et pratiques et à faire le nécessaire pour que toute nouvelle charte fondamentale ou loi électorale interdise la discrimination fondée sur le handicap.  M. Clark a encore dénoncé d'autres barrières entravant la jouissance des droits politiques des personnes handicapées, singulièrement l'absence d'informations et l'inaccessibilité des bureaux de vote.  La Convention relative aux droits des personnes handicapées ouvre certes la voie vers une société d'égalité totale et complète.  Mais comment protéger concrètement le droit à la participation politique des personnes handicapées?  Les États doivent encourager la participation des personnes handicapées à la vie publique, notamment au sein des partis politiques et des organisations de la société civile.  Ils doivent tirer parti des possibilités offertes par la technologie.  Ils devront aussi se doter des moyens statistiques nécessaires et organiser des échanges de pratiques exemplaires.  Dans ce contexte, M. Clark a souligné l'importance de la coopération internationale en matière d'assistance technique.

MME MARÍA ALEJANDRA VILLANUEVA, membre de la Société péruvienne du syndrome de Down, a témoigné, par message vidéo, des difficultés qu'elle a rencontrées pour exercer son droit de vote.  Après avoir porté plainte et attendu de longs mois, le Registre national d'état civil péruvien a, finalement, rendu une décision qui permet à toute personne atteinte d'un handicap d'être inscrite sur les listes électorales.

Résumé du débat

De nombreux exemples de mesures propices à la participation citoyenne des personnes handicapées ont été donnés par les intervenants et délégations présents.  Le problème des moyens a été soulevé par plusieurs délégations de pays en développement.

La Fédération de Russie a relevé que le groupe des personnes handicapées était particulièrement vulnérable et qu'il fallait œuvrer pour la protection de leurs droits.  La Mauritanie a assuré que les membres du Groupe des pays arabes accordent une grande importance aux besoins spécifiques des personnes handicapées.  Le représentant du Fonds des Nations Unies pour l'enfance a pour sa part indiqué que l'institution s'efforçait de sensibiliser les États à ces problèmes.  L'UNICEF organisera à leur intention, en septembre 2012 à New York, une rencontre consacrée à l'équité et au handicap, dans le cadre de la Conférence des États parties à la Convention relative aux droits des personnes handicapées.

La délégation des États-Unis a précisé qu'une politique fédérale globale avait été mise en place pour assurer la participation des citoyens souffrant d'un handicap.  L'Australie a souligné que le droit de voter et d'être élu est au cœur de l'autonomisation, de l'inclusion et de la non-discrimination.  La Nouvelle-Zélande a pour sa part constaté que le droit de participer à des élections est sans portée aussi longtemps que des obstacles physiques empêchent les handicapés d'accéder aux bureaux de vote.  Le Mexique a relevé que l'intégration des personnes handicapées n'était pas une fin en soi, mais un moyen d'assurer la pleine participation de tous à la vie démocratique d'un pays. 

Le Pakistan, au nom de l'Organisation de la coopération islamique, a souligné que la création d'un environnement favorable était une œuvre de longue haleine exigeant de lourds investissements.  La Turquie a mis en garde contre les politiques d'austérité risquant de sacrifier les droits des personnes handicapées.  Le Bangladesh a rappelé que la Convention envisageait la «réalisation progressive» de la plupart des ses provisions, en fonction des ressources disponibles des pays concernés.  Le Sénégal, au nom du Groupe africain, a proposé de réfléchir aux possibilités qu'offrent la coopération internationale Nord-Sud et Sud-Sud. 

La représentante du Burkina Faso a averti que la méconnaissance des textes de loi en faveur des handicapés et la persistance de préjugés demeuraient des obstacles à l'effectivité des droits.  Une société qui est bonne pour les personnes handicapées est une société qui est meilleure pour tous, a déclaré la Finlande. 

L'Espagne, l'Azerbaïdjan et l'Argentine ont rendu compte des mesures qu'ils ont prises en faveur des personnes handicapées, notamment en matière d'affichage public et de participation aux processus électoraux.  Ainsi, la législation espagnole réglemente-t-elle les conditions de base pour la participation des personnes handicapées dans la vie politique et les processus électoraux.  L'Autriche a indiqué que les personnes handicapées pouvaient recevoir la visite d'un bureau de vote mobile.  La Thaïlande a indiqué que des interprétations simultanées en langue des signes étaient assurées lors des campagnes électorales.  Le Brésil a déclaré qu'une campagne nationale est en train d'être mise en œuvre pour améliorer l'accessibilité des lieux publics.  L'Indonésie, qui attache une grande importance au droit des personnes handicapées de participer aux élections, organise la mise à disposition de matériel de vote adapté ainsi que l'accès aux locaux de vote.  Le Maroc a indiqué que, pour favoriser l'insertion des handicapés dans le marché du travail, des quotas sont imposés: 7% dans la fonction publique et 5% dans le secteur privé.  L'Éthiopie a dégagé un budget en faveur de la réhabilitation des personnes handicapées et la législation prévoit leur représentation obligatoire dans le monde professionnel, celle des femmes handicapées en particulier.  La Chine a fait état d'améliorations apportées dans l'accès des personnes handicapées aux services collectifs municipaux.  Et l'Arabie saoudite a indiqué avoir affecté une enveloppe de 533 millions de dollars au système de protection des handicapés: des lois prévoient d'accorder des facilités aux personnes handicapées et un quota minimum dans les entreprises privées. 

L'Uruguay a expliqué que plus d'une centaine d'associations étaient regroupées dans une instance de coordination chargée de rechercher les meilleurs moyens d'intégrer les personnes handicapées.  La fonction publique uruguayenne doit compter au moins 4% d'handicapés dans ses effectifs.  Le Pérou a expliqué être passé d'une approche axée sur les besoins des personnes handicapées – approche «paternaliste» – à une approche basée sur leurs droits.

Le représentant de l'Équateur a fait remarquer que le chef de l'État de son pays était lui-même handicapé.  Pour permettre une meilleure participation des personnes handicapées, il a proposé l'organisation d'autres événements spéciaux sur cette question. 

Le Comité de coordination des institutions nationales de droits de l'homme a constaté que la Convention représentait un jalon dans la mesure où les personnes handicapées étaient, pour la première fois, prises en compte en tant que telles par un instrument juridique international.  La représentante a souligné qu'il était important qu'elles soient intégrées à des postes à responsabilité, dans les médias en particulier.

La All Russian Society of the Deaf / All Russian Public Organization of Persons with Disabilities a indiqué veiller à la mise en conformité de la législation russe avec la Convention.  Depuis 2005, toutes les catégories d'handicapés ont droit à un accès à des moyens techniques pour assurer leur participation à la vie politique.  Huit députés à la Douma sont des personnes handicapées.  Le représentant de l'institution russe s'est dit préoccupé, en revanche, par le manque d'effectifs dans la formation aux services au profit des handicapés.  Le Conseil national des droits de l'homme du Maroc a pour sa part demandé à son gouvernement de créer un mécanisme de contrôle des politiques publiques relatives aux personnes handicapées.

Enfin, après s'être félicité de cet échange, le rappeur finlandais Signmark (alias Marko Vuoriheimo), lui-même atteint de surdité, a donné un exemple de son talent d'artiste à l'assemblée.  Il a aussi rappelé l'importance des actes, bien plus que des paroles: selon l'Organisation mondiale de la santé, on compte 650 millions de personnes handicapées dans le monde, et même près d'un milliard si l'on inclut les victimes de guerres.

Conclusions des panélistes

MME DEGENER a observé que l'introduction de quotas minimaux de personnes handicapées dans des postes politiques a pour effet d'inciter les personnes handicapées à se considérer elles-mêmes comme des acteurs politiques et à s'engager davantage.  En outre, aux termes de la Convention relative aux droits des personnes handicapées, les États doivent procéder à des «aménagements raisonnables» pour les handicapés et faciliter ainsi leur vie quotidienne: ces dispositions doivent être négociées avec les associations de personnes handicapées concernées, qui connaissent le mieux les besoins en la matière, a souligné la Rapporteuse du Comité des droits des personnes handicapées.

MME RAU BARRIGA a notamment indiqué que la Constitution ougandaise prévoit une représentation d'au moins cinq personnes handicapées au Parlement.  D'autres pays imposent également des quotas de jeunes ou de femmes.  Les personnes handicapées ne sont pas élues pour représenter les personnes handicapées, mais bien l'ensemble de la population.  L'experte de Human Rights Watch a demandé à l'ensemble des pays de prendre toutes les mesures nécessaires pour que les personnes handicapées participent effectivement aux processus décisionnels.

M. CLARKE a observé que le fait de rendre les bureaux de vote plus accessibles ne coûte pas nécessairement très cher.  Il a salué l'action de l'Argentine en faveur des personnes aveugles, appelant à la poursuite de cette action et à son extension à d'autres catégories de personnes handicapées.  Des efforts devraient par ailleurs être consentis pour inciter les familles à encourager leurs enfants handicapés à participer à la vie publique.  Pour terminer, le Président de Down Syndrome International a demandé aux États de poursuivre leurs efforts pour que ces discussions très intéressantes aient aussi des incidences pratiques.

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