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Communiqués de presse Organes conventionnels

Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale examine le rapport du Portugal

21 Février 2012

21 février 2012

Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport du Portugal sur les mesures prises par ce pays pour se conformer aux dispositions de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.

Présentant le rapport de son pays, Mme Rosario Farmhouse, Haut-Commissaire à l'immigration et au dialogue interculturel du Portugal, a rappelé qu'aucun pays au monde ne saurait se prévaloir d'être totalement exempt du phénomène de la discrimination raciale et de la xénophobie; à cet égard, a-t-elle ajouté, le Portugal ne fait pas exception. Elle a ensuite expliqué que les décideurs portugais estiment qu'il est de leur devoir moral d'accueillir les migrants qui arrivent au Portugal de la même façon que celle dont ils souhaiteraient que leurs compatriotes soient accueillis et traités à l'étranger. La société portugaise, en règle générale, est tolérante et variée, ce qui explique sans doute pourquoi il n'existe pas de partis politiques extrémistes dans ce pays, a ajouté la Haut-Commissaire, faisant par ailleurs valoir que le Rapport sur le développement humain du Programme des Nations Unies pour le développement pour 2009 soulignait que le Portugal était le pays doté du meilleur cadre juridique de protection des droits des migrants.

S'agissant de la situation des Roms, un groupe particulièrement vulnérable à la discrimination dans le pays, Mme Farmhouse a mis en exergue plusieurs initiatives ciblant cette communauté, dont le lancement, en décembre dernier, d'un débat autour d'une stratégie nationale pour l'inclusion des communautés roms. La lutte contre la discrimination est un processus évolutif et continu, a conclu la Haut-Commissaire à l'immigration et au dialogue interculturel du Portugal.

La délégation portugaise était également composée de représentants du Ministère de la justice; du Ministère des affaires étrangères; du Haut Commissariat à l'immigration et au dialogue interculturel; et du Bureau de l'Ombudsman. Elle a fourni aux experts des compléments d'information s'agissant, entre autres, de l'institution de l'Ombudsman; du recueil de données; de la possibilité, non encore admise au Portugal, d'une inversion de la charge de la preuve dans les affaires de discrimination; de l'application de l'article 4 de la Convention; de la situation de la communauté rom; de la situation aux Açores et à Madère; de la langue mirandaise; des conditions carcérales; ou encore de l'affaire du match de football entre Manchester City et Porto.

Tout en saluant les progrès considérables accomplis par le pays, la rapporteuse du Comité pour l'examen du rapport portugais, Mme Anastasia Crickley, a – dans ses observations préliminaires à l'issue du dialogue – indiqué douter que le fait que les personnes victimes de discrimination ne portent pas plainte signifie qu'elles ne veuillent pas déposer plainte. En effet, a-t-elle précisé, une telle absence de plaintes pourrait s'expliquer par un manque d'information sur les voies de recours existantes. Par ailleurs, il y a une différence entre les initiatives destinées à asseoir le multiculturalisme et l'interculturel, d'une part, et les mesures prises pour lutter contre la discrimination raciale, de l'autre, a souligné Mme Crickley.

Le Comité adoptera ultérieurement, à huis clos, ses observations finales sur le rapport du Portugal et les rendra publiques à la fin de sa session, le vendredi 9 mars prochain.


Cet après-midi, à 15 heures, le Comité entamera l'examen du rapport du Viet Nam.

Présentation du rapport

Présentant le rapport du Portugal (CERD/C/PRT/12-14), MME ROSARIO FARMHOUSE, Haut-Commissaire à l'immigration et au dialogue interculturel du Portugal, a reconnu que le Comité avait joué un rôle fondamental dans la consolidation des normes de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale. Déplorant le retard pris par son pays dans la présentation de ses rapports périodiques, elle a annoncé que le quinzième rapport, pour la période 2009 -2011, était d'ores et déjà en cours de préparation et serait soumis au Comité dans le courant de l'année, à l'issue d'une consultation avec la société civile quant à son contenu.

Mme Farmhouse a ensuite rappelé qu'aucun pays au monde ne saurait se prévaloir d'être totalement exempt du phénomène de la discrimination raciale et de la xénophobie; à cet égard, a-t-elle ajouté, le Portugal ne fait pas exception. Elle a ensuite passé en revue les efforts et investissements consentis par son Gouvernement, un des chefs de file pour les politiques d'intégration, citant notamment la mise sur pied d'un Institut public chargé de la lutte contre le racisme et la promotion de l'intégration des migrants et des communautés roms.

Mme Farmhouse a souligné que la société portugaise a été et continue d'être une société profondément marquée par une histoire migratoire. Elle a attiré l'attention sur le dilemme des sans papiers portugais expulsés du Canada et l'exploitation des travailleurs migrants portugais dans plusieurs pays; de telles situations ne manquent pas d'influencer le débat public sur la migration, a-t-elle fait observer, expliquant que les décideurs portugais estiment qu'il est de leur devoir moral d'accueillir les migrants qui arrivent au Portugal de la même façon que celle dont ils souhaiteraient que leurs compatriotes soient accueillis et traités à l'étranger. Cette notion constitue un facteur clé de l'attitude positive de la nation portugaise à cet égard, a-t-elle insisté. Le combat contre le racisme et la discrimination raciale doit être incorporé à tous les niveaux et parmi toutes les parties prenantes, tant publiques que privées, a-t-elle ajouté.

Outre la perspective universelle de ce combat, a poursuivi la Haut-Commissaire à l'immigration et au dialogue interculturel, la deuxième dimension d'importance dans l'approche holistique de lutte contre le racisme repose sur des politiques visant l'intégration, la promotion et la protection du plein respect de tous les droits de l'homme, indépendamment de l'origine, du sexe, de la race, de la langue, du lieu d'origine, de la religion, des croyances politiques et idéologiques, de l'éducation, de la situation économique, des circonstances sociales ou de l'orientation sexuelle de la personne, comme le prescrit par la Constitution nationale portugaise.

La société portugaise, en règle générale, est tolérante et variée, ce qui explique sans doute pourquoi il n'existe pas de partis politiques extrémistes dans ce pays, a expliqué Mme Farmhouse. Ceci a été d'ailleurs démontré dans le baromètre européen 2011 qui révèle que seulement 3% des Portugais interrogés considèrent la migration comme «un problème en Europe» et aucun ne considère qu'il s'agit d'un problème au niveau du pays. La moyenne au niveau européen était, en revanche de 20% et 12% respectivement. D'autre part, en 2009, le Rapport sur le développement humain du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) soulignait que le Portugal était le pays doté du meilleur cadre juridique de protection des droits des migrants. Quant au Rapport mondial sur la migration, 2010, il met en lumière plusieurs mesures et politiques prises par le Portugal constituant autant d'exemples optimaux de bonnes pratiques, a fait valoir la Haut-Commissaire. Elle a en outre ajouté que, plus récemment (2011), la Haute Commission à l'immigration et au dialogue interculturel qu'elle dirige a reçu le Premier Prix de l'EPSA (European Public Sector Award) sous le thème «Ouvrir le secteur public à travers la gouvernance collaborative».

Mme Farmhouse a néanmoins souligné qu'il ne faudrait pas sous-estimer l'impact de l'actuelle crise économique sur le phénomène du racisme.

Abordant la liste des thèmes soulevés par le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de son pays, la Haut-Commissaire a évoqué la Loi de 2006 sur la nationalité en soulignant que ce texte élargit les critères d'octroi de la citoyenneté, en renforçant le principe du jus soli (droit du sol) et en reconnaissant les individus qui ont une solide connexion avec le Portugal, explicitement les deuxième et troisième générations de migrants. La chef de la délégation a aussi ensuite décrit les deux Plans d'action pour l'intégration des migrants, mis en place depuis 2007, dont l'objectif est de supprimer toute discrimination dans de nombreux domaines tels que l'emploi, la santé, l'éducation, la justice, le logement, la culture et la langue, la participation civique et la traite de personnes et qui traitent de thèmes transversaux comme l'égalité entre les sexes, le racisme et la discrimination ou encore la promotion de la diversité et du dialogue interculturel. Ces plans nationaux adoptent une approche systémique impliquant une dizaine de ministères et servent de référence, tant pour le Gouvernement que pour la société civile, dans la conception et la mise en œuvre d'initiatives spécifiques.

Tout ceci a fait que jusqu'à présent, aucun parti politique représenté au Parlement national ne s'est servi de la migration comme thème de débat politique, ni n'a cherché à développer de sentiment anti-migrants auprès de l'opinion publique, a fait valoir la Haut-Commissaire, précisant que l'extrême droite n'avait jamais obtenu de score significatif aux élections (0,32% à l'issue de celles de 2011).

Mme Farmhouse a ensuite mentionné la création, en 2003, d'un Observatoire de la migration et la mise sur pied d'un réseau de 86 centres nationaux d'aide aux immigrés (CNAI) pour l'intégration locale des migrants. Des centres locaux d'aide aux immigrés (CLAI) ont également été créés à Lisbonne, Porto et plus récemment à Faro, réunissant plusieurs services et prestations ciblant les migrants, a-t-elle ajouté. Elle a aussi évoqué le programme «Médiation interculturelle dans les services publics», projet pilote coordonné par l'Institut des migrations.

Le pays ne ménage aucun effort, au niveau de la presse et des moyens de communication, pour favoriser une éducation à la diversité et a pris une série d'initiatives visant à favoriser l'entente et la tolérance, a par ailleurs indiqué la Haut-Commissaire. Des structures de recours ont également été mises en place en faveur des migrants victimes de discrimination raciale et ethnique, par le biais d'une unité créée à cet effet (UAVIDRE), a-t-elle ajouté. Un Observatoire sur la traite de personnes a été créé, avec pour tâche de recueillir des données sur ce fléau et un rapporteur national responsable de la surveillance de la traite des personnes a également été nommé.

S'agissant de la situation des Roms, un groupe particulièrement vulnérable à la discrimination dans le pays, Mme Farmhouse a mis en exergue trois initiatives ciblant cette communauté : un projet pilote mis en place en 2009 consistant à placer des médiateurs municipaux pour cette communauté ; un ensemble de 66 projets destinés à répondre aux besoins des enfants roms ; et le lancement, en décembre dernier, d'un débat autour d'une stratégie nationale pour l'inclusion des communautés roms. Cette stratégie constituera un instrument important pour une intégration réelle des communautés roms et une élimination de tout préjugé à leur égard. Beaucoup reste à faire pour supprimer la stigmatisation dont souffrent les Roms, en particulier en termes d'accès à un logement convenable ou à l'eau et à l'assainissement sans discrimination aucune, a reconnu Mme Farmhouse. Relever ce défi requiert une action coordonnée à tous les niveaux - national, régional, et local, a-t-elle souligné. La lutte contre la discrimination est un processus évolutif et continu, a conclu la Haut-Commissaire à l'immigration et au dialogue interculturel du Portugal.

Examen du rapport

Questions et observations des membres du Comité

MME ANASTASIA CRICKLEY, rapporteuse du Comité pour l'examen du rapport du Portugal, a salué les nombreuses initiatives prises par le Portugal pour faire du pays une société véritablement multiculturelle. En aucun cas, les crises économiques ne doivent être utilisées pour justifier la discrimination raciale à l'égard des migrants ou de tout autre groupe de population, a-t-elle rappelé. Elle a souligné que le Portugal, qui était un pays d'émigration, est devenu un pays d'immigration, accueillant des migrants. A cet égard, elle a regretté le manque d'informations fournies quant à la situation des ressortissants étrangers dans les îles portugaises – Açores et Madère.

Il est clair que lorsque le Portugal parle de l'intégration, il fait allusion à celle des migrants en situation régulière, sans préciser ce qu'il adviendra de ceux qui se trouvent en situation irrégulière, a par ailleurs fait observer la rapporteuse. Elle a d'autre part relevé que la population carcérale est constituée de 20% d'étrangers, au sujet desquels il serait bon d'avoir des précisions quant à leur situation. Au niveau de l'emploi, a poursuivi Mme Crickley, les migrants étrangers sont moins bien payés que les citoyens portugais. Elle a fait observer que dans l'étude européenne sur la discrimination à l'encontre des migrants, une majorité écrasante de Brésiliens a indiqué se sentir victime de discrimination; il en est de même pour les migrants d'origine subsaharienne. D'autre part, a ajouté la rapporteuse, les informations fournies – tant dans le rapport que par Mme Farmhouse – sur la situation des Roms ne sont pas suffisantes. Les organisations non gouvernementales font état de difficultés auxquelles sont régulièrement confrontés les Roms en termes d'accès aux services, de discours méprisants de la part de personnalités politiques et d'un faible accès des Roms à l'enseignement supérieur. Dans quelle mesure la Stratégie en faveur de l'intégration des migrants apportera-t-elle des réponses positives aux besoins de la communauté rom, s'est interrogée Mme Crickley? Evoquant la problématique des femmes, en particulier celle des femmes appartenant aux minorités, elle s'est inquiétée des discriminations directes et graves dont celles-ci sont victimes, à commencer par les femmes roms.

En fin de compte, quels sont les groupes les plus vulnérables au Portugal et quelles sont les initiatives concrètes prévues pour remédier aux différentes formes de discrimination à leur encontre, a demandé Mme Crickley?

Un autre membre du Comité a fait état d'informations émanant directement de jeunes portugais d'ascendance africaine qui ont exprimé leur profonde préoccupation face aux difficultés auxquelles sont confrontés les jeunes migrants pour s'intégrer dans leur société d'adoption. Cet expert a fait référence aux événements qui se sont produits en 2000 où ces frustrations se sont exprimées de manière fort regrettable. Il s'est enquis des initiatives prévues aux fins d'établir un dialogue avec la population migrante.

Un expert a relevé que 82% des victimes potentielles de racisme affirment qu'elles préfèreraient ne pas déposer plainte et s'est donc demandé si cela ne provenait pas de la crainte d'une réprobation sociale ou d'un manque de confiance dans les forces de police et les autorités judiciaires.

Plusieurs membres du Comité ont prié la délégation d'expliciter les mesures envisagées pour lutter contre l'appel au racisme sur l'Internet et pour combattre les attitudes de rejet et de stigmatisation dont certains groupes sont encore victimes.

Le Portugal envisage-t-il de condamner publiquement la politique expansionniste et esclavagiste qu'il a menée dans le passé, a demandé un expert? Un autre expert a voulu en savoir davantage au sujet de la façon dont l'histoire du colonialisme portugais est traitée dans les manuels scolaires. Prenant note de la Campagne «Football contre le racisme», cet expert s'est inquiété des phénomènes de harcèlement à l'encontre des footballeurs d'origine africaine.

Un membre du Comité s'est dit frappé par le fait que le sentiment antisémite au Portugal n'est pas aussi important qu'ailleurs dans la région; néanmoins, cet expert a noté avec inquiétude que l'extrême droite, jusqu'ici «modeste» au Portugal, s'unissait actuellement avec les skinheads.

Un expert a salué la réaction du Portugal face aux résultats de son examen périodique universel, à l'issue duquel il a accepté 88 des 89 recommandations qui lui avaient été adressées. Cet expert a salué la volonté politique du Gouvernement portugais de susciter une prise de conscience quant à la discrimination raciale et de mettre en œuvre les dispositions de la Convention.

Un membre du Comité a souhaité en savoir davantage sur les plaintes reçues par le médiateur.

Pour vérifier les progrès réalisés dans l'élimination de la discrimination raciale, il faudrait que l'Etat portugais recueille des statistiques et des données concrètes, a-t-il été souligné. En effet, comment les autorités portugaises pourraient-elles identifier la discrimination raciale à laquelle des citoyens sont exposés au quotidien si ceux-ci ne sont pas identifiés sur la base de leur nationalité d'origine?

Un expert a exprimé le vœu qu'une décision de la Cour suprême du Portugal puisse affirmer la primauté des instruments régionaux et internationaux sur la législation nationale et ce, aux fins de résoudre certaines contradictions.

Réponses de la délégation

La délégation a indiqué qu'en dépit des restrictions imposées par la crise financière qui continue de sévir, le Bureau de l'Ombudsman a poursuivi ses activités en cherchant à les améliorer, conformément aux Principes de Paris et aux dispositions de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination. L'Ombudsman (ou Médiateur) fait donc office d'institution nationale des droits de l'homme, a insisté la délégation. Il vient en aide à chacun, indépendamment de sa nationalité, de son origine ethnique ou de son lieu de résidence. Le mandat de l'Ombudsman consiste en particulier à intervenir en faveur de la promotion et de la protection des migrants et des étrangers aux fins de remédier aux discriminations ou aux abus dont ils pourraient être victimes. Les activités de cette institution ont été axées sur la lutte contre la discrimination fondée sur la race ou l'origine ethnique, a insisté la délégation, avant de préciser que si peu de plaintes ont finalement été déposées auprès de l'Ombudsman, c'est parce que la médiation a suffi dans la plupart des cas. Il n'en demeure pas moins qu'il existe parfois un manque d'information publique sur l'existence du Bureau du l'Ombudsman. L'Ombdusman reste toujours vigilant et veille à ce qu'il n'y ait pas de domaine de préoccupation majeure. Menant de nombreuses inspections dans les commissariats et les centres de détention, le Bureau de l'Ombudsman détient également des pouvoirs spéciaux auprès du Parlement portugais, a indiqué la délégation.

Il n'y a pas de grave préoccupation dans le domaine de la discrimination raciale, du fait de la solidité de la législation en la matière, a poursuivi la délégation.

S'agissant de la communauté rom, a-t-elle déclaré, le Médiateur a pris en considération la Charte européenne des droits de l'homme et reste vigilant quant à la situation des Roms et aux mesures adoptées en leur faveur. La Stratégie (en dix points) d'intégration des Roms est en cours d'exécution et le Médiateur veille à sa mise en œuvre continue, a ajouté la délégation. Reste qu'il faut continuer à améliorer la sensibilisation de l'opinion publique et des groupes les plus vulnérables à la défense des droits fondamentaux de tous, a-t-elle affirmé. Revenant par la suite sur la question de l'intégration de la communauté rom, la délégation a reconnu que cette communauté, arrivée au Portugal au XVe siècle, faisait l'objet de discriminations. Aussi, a-t-elle admis la nécessité d'apporter un soutien plus systématique et efficace aux membres de cette communauté au terme d'un diagnostic de leur situation dans divers domaines socioéconomiques. La délégation a rappelé qu'un Bureau d'aide à la communauté rom avait été établi en janvier 2007. Les aspects de discrimination, de justice et médiation et de sécurité figurent parmi les axes clés visant à obtenir une image plus précise de cette communauté, a précisé la délégation. Elle a indiqué qu'une évaluation externe de la Stratégie d'intégration des Roms serait conduite par une université, qui formulera des recommandations sur les éventuelles améliorations à apporter. Dans les écoles, il sera désormais possible de connaître le nombre de Roms, mais il ne sera pas permis d'obtenir leurs noms, conformément à la Constitution, a poursuivi la délégation. Elle a ajouté que le Portugal se propose d'accompagner chaque année quelque 1500 Roms dans le domaine de l'emploi. La délégation a précisé qu'au Portugal, les Roms préfèrent être appelés Ciganos.

Le Portugal a en outre célébré l'Année internationale des personnes d'ascendance africaine et créé, à Almeida, un monument en leur hommage.

La Constitution portugaise ne permet pas la collecte d'un certain nombre de données ventilées, a rappelé la délégation. Cependant, les statistiques nationales permettent de révéler la présence de 4,5 millions d'étrangers dans le pays, dont 12% d'Ukrainiens, 9.8% de Cap-Verdiens, 8,8% de Roumains, 4,4% de Bissau-Guinéens, ainsi que plus de 27 000 Angolais, entre autres. Le Portugal a les mêmes frontières depuis 900 ans environ et la révolution de 1974 a mis fin à une longue dictature, le pays ayant connu le classement des citoyens par race, ce qui fut une expérience traumatisante pour la population, a en outre souligné la délégation. L'adoption d'une quelconque politique qui, d'une manière ou d'une autre, ferait référence au concept de race et rappellerait les temps coloniaux, choquerait profondément la population portugaise, a-t-elle assuré.

L'enseignement interculturel met l'accent sur les dénominateurs communs et non sur les différences, a par ailleurs expliqué la délégation.

La délégation a d'autre part indiqué que la langue mirandaise est parlée par peu de personnes, dans la région du nord-est du Portugal, autour de Miranda do douro, Mogadouro et Vimioso; il s'agit d'un vestige du groupe linguistique astur-léonais et cette langue est aujourd'hui parlée par moins de 5 000 personnes – auxquelles s'ajoutent 10 000 autres personnes qui la parlent en tant que deuxième langue.

S'agissant des renseignements demandés au sujet de la situation aux Açores et à Madère, la délégation a indiqué que chacune de ces deux régions avait un statut administratif et des institutions propres; ces régions autonomes sont habilitées à légiférer sur des questions d'intérêt régional spécifique, a-t-elle précisé.

La délégation a souligné que la jurisprudence portugaise est en harmonie avec la Convention. En vertu du droit pénal Portugal, la motivation raciale d'un crime constitue une circonstance aggravante, a-t-elle précisé. La question de la répartition de la charge de la preuve (dans les affaires de discrimination) a été abordée par le législateur, mais les choses pourraient encore il est vrai être améliorée de ce point de vue, a admis la délégation. Elle a ensuite mis l'accent sur le principe de la libre appréciation de la preuve par le juge et a souligné que la juge du parquet de Lisbonne avait transmis une circulaire demandant à ce que tous les cas de plaintes et d'affaires de discrimination lui soient communiqués. La délégation a admis que l'inversion de la charge de la preuve dans les affaires de discrimination pourrait être souhaitable mais a expliqué que l'ordre juridique actuel n'est pas encore prêt pour ce genre de changement; néanmoins, toute l'attention voulue sera apportée à cette question.

La délégation a par ailleurs déploré l'interpénétration des mouvements d'extrême droite et de skinheads. Elle a affirmé que l'article 240 du Code pénal, introduit en 1995, donne effet à l'article 4 de la Convention. Concernant l'éventualité d'un parti raciste, il n'existe aucune interdiction spécifique, mais il est interdit de constituer un parti sur la base de la race ou de l'appartenance ethnique, a ajouté la délégation.

La délégation a reconnu la surpopulation carcérale dont souffre le pays, mais a assuré que le Portugal a déployé d'immenses efforts en vue de l'amélioration des conditions de détention. Certains centres sont en passe d'être agrandis et améliorés, y compris aux Açores, a-t-elle précisé. Il y a 12 500 détenus au Portugal, dont 20% sont originaires d'Afrique et 16% d'Amérique latine. En outre, 23% des personnes placées en détention provisoire sont des étrangers. Quant à la question de savoir quelle est la raison de cette représentation élevée des étrangers parmi les détenus, la délégation a expliqué que le Portugal était un point de passage et que de nombreux étrangers étaient placés en détention provisoire dans des affaires de drogues ou pour non-respect de la législation relative à l'immigration. La police judiciaire a accueilli favorablement la recommandation pour l'égalité et la lutte contre la discrimination raciale visant à ne pas révéler l'origine raciale des suspects. De nouvelles dispositions ont en outre été adoptées relativement au droit des personnes placées en détention à l'information en différentes langues.

La délégation a par ailleurs indiqué qu'une commission spécifique pour la préparation et le suivi des rapports périodiques présentés devant le Comité avait été créée. Cette commission, composée de 12 ministères, est coordonnée par le Ministère des affaires étrangères et présidée par le Secrétaire d'état aux affaires étrangères, qui traite également des questions relatives aux droits de l'homme. Cette commission s'est réunie à neuf reprises depuis sa création et a consacré trois de ses réunions à un échange avec une cinquantaine d'organisations non gouvernementales.

En réponse aux questions soulevées par un membre du Comité au sujet du match de football entre Manchester City et Porto, la délégation a indiqué que Manchester avait déjà déposé une plainte suite aux chants de certains supporters portugais décrits comme racistes à l'encontre de certains joueurs de l'équipe mancurienne.

Pour ce qui est de la recommandation visant la ratification par le pays de la Convention sur les droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille, la délégation a affirmé que compte tenu de son appartenance à l'Union européenne, le Portugal ne pouvait prendre de décision unilatérale concernant cet instrument.

Le Portugal attache la plus grande importance à sa candidature au Conseil des droits de l'homme pour les années 2012-2017, a en outre souligné la délégation. Le pays a érigé cet objectif en priorité nationale et s'est porté volontaire pour soumettre un rapport à mi-parcours, a-t-elle fait valoir. Le contexte actuel de crise économique ne devrait pas faire obstacle aux investissements sociaux, a-t-elle souligné, avant d'ajouter que les réductions budgétaires ne devraient pas conditionner l'engagement en faveur des droits de l'homme dans une société interculturelle comme le Portugal.

Observations préliminaires

Présentant des observations préliminaires à l'issue de ce dialogue, MME CRICKLEY, rapporteuse pour l'examen du rapport du Portugal, s'est réjouie du dialogue utile qui s'est noué entre les experts et la délégation portugaise tout au long de ces deux séances de travail. Elle s'est également réjouie que le Portugal ait reconnu que le travail en matière de lutte contre la discrimination était évolutif et continu. Tout en saluant les progrès considérables accomplis par le pays, elle a douté que le fait que les personnes victimes de discrimination ne portent pas plainte signifie qu'elles ne veuillent pas déposer plainte. En effet, a-t-elle précisé, une telle absence de plaintes pourrait s'expliquer par un manque d'information sur les voies de recours existantes. Par ailleurs, il y a une différence entre les initiatives destinées à asseoir le multiculturalisme et l'interculturel, d'une part, et les mesures prises pour lutter contre la discrimination raciale, de l'autre, a souligné Mme Crickley.

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