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Le Comité consultatif du Conseil des droits de l'homme se penche sur les études qu'il mène sur le droit à l'alimentation

21 Février 2012

21 février 2012

Il termine son débat consacré à la promotion des droits de l'homme et des libertés fondamentales par une meilleure compréhension des valeurs traditionnelles de l'humanité

Le Comité consultatif du Conseil des droits de l'homme s'est penché, ce matin, sur les questions relatives au droit à l'alimentation. Il était saisi, dans ce cadre, de l'étude finale sur la promotion des droits des paysans et autres personnes travaillant dans les zones rurales, présentée par M. José Antonio Bengoa Cabello, rapporteur du groupe de rédaction sur le droit à l'alimentation. Le Comité était également saisi de l'étude sur la malnutrition des enfants et les maladies infantiles, en particulier le noma, présenté par M. Jean Ziegler au nom du groupe de rédaction sur le droit à l'alimentation.

M. Bengoa Cabello a souligné que l'étude sur les personnes travaillant en zones rurales a pour objectif d'analyser comment protéger les paysans où qu'ils vivent dans le monde. Elle intègre en outre une approche sexospécifique en se penchant sur la situation des femmes paysannes et évoque les défis auxquels la communauté internationale est aujourd'hui confrontée dans ce domaine. Par ailleurs, le rapport contient un projet de déclaration relatif aux droits des paysans, premier instrument du genre, a précisé le rapporteur.

M. Ziegler a pour sa part déploré que le noma ne soit toujours pas une maladie reconnue par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) et qu'il soit ignoré par la plupart des États. À cause de ce manque de reconnaissance, le nombre exact d'enfant victimes de cette maladie est inconnu. Pourtant, le coût de la guérison est estimé à seulement trois euros, a souligné M. Ziegler, qui a appelé l'OMS à reconnaître le noma comme maladie négligée et à mettre les ressources nécessaires à disposition pour combattre ce fléau.

Les délégations de l'Éthiopie et de l'Uruguay se sont exprimées dans le cadre du débat qui a suivi ces présentations, ainsi que deux organisations non gouvernementales: l'Association internationale des juristes et Foodfirst Information and Action Network.

En début de séance, le Comité a terminé son débat sur la promotion des droits de l'homme et des libertés fondamentales par une meilleure compréhension des valeurs traditionnelles de l'humanité, qui faisait suite à la présentation, hier après-midi, d'un document sur les travaux de recherche préliminaire en vue d'une étude sur la question. Les membres du Comité ont souligné que ces questions sont sensibles et complexes. Néanmoins, la méconnaissance de ce thème exige qu'il fasse l'objet d'une étude. Il a également été souligné que les droits de l'homme doivent être respectés en toutes circonstances et ne sauraient être inféodés aux valeurs traditionnelles. Il a aussi été dit qu'il ne fallait pas «donner des arguments à ceux qui sont en faveur de la violation des droits de l'homme».

Certaines délégations observatrices qui sont intervenues ont estimé que l'approche adoptée dans le document présenté allait à l'encontre du mandat du Comité et qu'il y avait un risque d'ouvrir la boîte de Pandore du fait des «conclusions relativistes» qu'il comporte, en subordonnant le droit international aux valeurs traditionnelles. Les délégations des pays suivants ont pris la parole: La Fédération de Russie, l'Union européenne, le Mexique, l'Irlande, Cuba et la Suisse. Les organisations non gouvernementales suivantes ont également pris la parole: Commission internationale des juristes, Cairo Institute for Human Rights Studies, Reporters Sans Frontières International, Canada HIV/AIDS Legal Network, Service international pour les droits de l'homme, Joint United Nations Programme on HIV/AIDS, European Region of the International Federation of Gays and Lesbians, Conseil indien d'Amérique du Sud, Association internationale pour la défense de la liberté religieuse, Human Rights Watch.


Le Comité poursuivra ses travaux demain dès 10 heures afin de se pencher sur les droits de l'homme et les questions relatives à la prise d'otages par des groupes terroristes; ainsi que sur les questions relatives à la coopération internationale dans le domaine des droits de l'homme et à la solidarité internationale.


Promotion des droits de l'homme par une meilleure compréhension des valeurs traditionnelles

Suite du débat

MME LAURENCE BOISSON DE CHAZOURNES a partagé l'idée selon laquelle il fallait adopter une approche interdisciplinaire dans le cadre d'une étude sur les valeurs traditionnelles et de leur relation avec les droits de l'homme. Pour autant, les droits de l'homme doivent être respectés en toutes circonstances et ne sauraient être inféodés aux valeurs traditionnelles. Dans ce contexte, l'experte a suggéré la modification des paragraphes 75 et 76 du rapport, afin de souligner cette primauté des droits de l'homme sur les valeurs traditionnelles. De même, le paragraphe 78 induit en erreur et doit être modifié, a-t-elle estimé. L'experte a également souligné que le rapport devait prendre en compte d'autres sources documentaires onusiennes ayant déjà abordé des thématiques similaires, notamment les thèmes de la famille ou les mutilations sexuelles à l'égard des jeunes filles. Tout en prenant note du caractère préliminaire du rapport, l'experte a enfin suggéré l'adoption d'une approche sexospécifique pour l'élaboration des prochaines versions de cette étude.

M. OBIORA CHINEDU OKAFOR a déclaré que, vu le caractère sensible de la question, il faut faire attention à la manière dont sont formulés certains concepts. L'utilité de ce projet est que la question est peu étudiée. Prenant exemple sur les pratiques ancestrales ayant eu cours au Congo, notamment en matière de justice équitable, M. Okafor a souligné que les droits de l'homme n'ont pas une origine exclusivement occidentale. Dans ce contexte, il a réitéré son appel à la prudence lorsqu'il s'agit d'aborder de telles thématiques. Il faut équilibrer les points de vue et veiller à ce que le rapport n'aboutisse pas à des interprétations erronées. Il ne faut pas donner des arguments à ceux qui sont en faveur de la violation des droits de l'homme, a-t-il conclu.

MME CHINSUNG CHUNG a fait remarquer qu'au regard des délais impartis, il sera impossible de remettre le rapport à temps au Conseil des droits de l'homme, et a suggéré un report de la date de dépôt du rapport devant le Conseil.

M. DHEERUJLALL SEETULSINGH a estimé qu'en raison de la complexité des questions soulevées par cette thématique, il n'était pas possible d'aborder tous les aspects de la question dans un seul document. De plus, l'approche adoptée par le rapport «peut poser des problèmes», a-t-il ajouté, avant de suggérer que la notion de dignité y soit incluse. Il y a un certain nombre de valeurs communes à l'humanité sur lesquelles il faudrait se pencher, a-t-il également plaidé. Il faut se demander comment inclure les notions de devoirs et de responsabilités, a-t-il conclu.

MME ANANTONIA REYES PRADO a jugé essentielle la question de la méthodologie pour mener à bien cette étude. Il y a des cultures qui peuvent nous apprendre à aborder ce sujet, a-t-elle ajouté, estimant par ailleurs que la dimension sociale des droits de l'homme a souvent été sous estimée. Elle a promis que pour sa part, sa contribution irait dans ce sens.

M. AHMER BILAL SOOFI s'est lui aussi demandé quelle méthodologie allait être adoptée pour aborder la problématique des valeurs traditionnelles de l'humanité, qualifiant cette question de véritable défi. Dans ce contexte, il a lancé un appel à tous les membres du Comité afin qu'ils fournissent toute la documentation dont ils disposent qui pourrait aider à aborder le problème. M. Soofi a ensuite estimé que le mandat du Comité consultatif consiste à évoquer les pratiques qui contribuent positivement aux droits de l'homme et non celles qui les entravent.

M. SOOFI a par la suite déclaré qu'aucune valeur traditionnelle ne saurait prévaloir sur le droit international. Au contraire, a-t-il ajouté, elles doivent aider au respect des engagements pris au niveau international. Le droit relatif aux droits de l'homme est irréversible, a-t-il conclu.

M. SHIQIU CHEN a souligné le caractère complexe de l'étude, avant de souligner que la difficulté consiste à relever les défis communs à toute l'humanité. Il faudrait aussi réfléchir à la manière dont on portera un jugement sur telle ou telle valeur, a encore déclaré l'expert. En conclusion, M. Chen a aussi estimé que les délais imposés au Comité sont courts. Il faudrait plus de temps pour coordonner les efforts et parvenir à un consensus, a-t-il encore plaidé.

Observateurs

Les délégations d'États observateurs et d'organisations non gouvernementales ont émis des réserves, notamment en ce qui concerne l'approche adoptée par le document présenté et en particulier s'agissant de certaines conclusions auxquelles il parvient. Pour plusieurs d'entre elles, dont la Suisse, l'Union européenne, le Mexique ou encore la Commission internationales des juristes, rien ne permet d'affirmer que le droit international doit se subordonner aux pratiques traditionnelles et l'on ne saurait accepter de réduire la portée des instruments internationaux. Dénonçant ainsi une forme de relativisme, elles ont mis le Comité consultatif garde contre une telle approche, qui, selon l'Irlande, ouvre une boite de Pandore et risque d'édulcorer le droit international. Le Comité ne doit pas laisser la porte ouverte à une telle conception et doit au contraire réaffirmer le principe d'universalité, a ajouté la délégation de Service international pour les droits de l'homme.

Par ailleurs, document n'est pas conforme au mandat confié au Comité consultatif, a ajouté une organisation non gouvernementale, dénonçant aussi une volonté d'affaiblir le droit international. Cela pourrait justifier les agissements les plus durs au nom des valeurs traditionnelles, a argué une autre. En conséquence, les délégations, dont celle de la Fédération de Russie, de Cuba ou de Canada HIV/AIDS Legal Network, ont appelé le Comité à respecter son mandat et à se focaliser sur la promotion et la protection des droits de l'homme. À l'avenir, a ajouté une délégation, il ne faudrait plus parler de valeurs «positives» ou «négatives, mais de la «neutralité» des valeurs traditionnelles.

Le rapport du Comité consultatif sur ces questions doit être revu, a estimé l'Union européenne. Plusieurs délégations ont également invité le Comité à préparer un nouveau document tenant compte des critiques et remarques qui lui ont été formulées. Dans ce cadre, Cuba a demandé au Comité de mettre en lumière la volonté des États occidentaux d'imposer leurs valeurs aux autres.

Conclusion

M. VLADIMIR KARTASHKIN, rapporteur du Groupe de travail sur la promotion des valeurs traditionnelles de l'humanité, a rappelé qu'il ne s'agissait que d'un rapport préliminaire. Se déclarant favorable à la critique, il a estimé qu'elle permet toujours d'améliorer le travail effectué. L'expert a ensuite rappelé que le Groupe n'avait disposé que de deux mois pour produire son document de travail. Il a reconnu que le paragraphe 75, en particulier, nécessitait des remaniements. Pour autant, l'expert a mis en cause les critiques formulées par certaines organisations non gouvernementales. Pour M. Kartashkin, les droits de l'homme ont des limites et des restrictions. À cet égard, il a invité les délégations à lire certains instruments internationaux, dont la Pacte international sur les droits civiques et politiques ou la Charte africaines des droits de l'homme et des peuples. Les droits des personnes connaissent des limites et sont associés à un certain nombre d'obligations, a-t-il ajouté, avant de souligner que le non-respect des obligations ou de la discipline pousserait le monde dans l'anarchie. M. Kartashkin a enfin reconnu que certaines formulations sont peut être maladroites, réitérant toutefois qu'il ne s'agissait que d'un document préliminaire.

MME HALIMA EMBARECK WARZAZI s'est pour sa part étonné de voir les délégations et les organisations non gouvernementales être sur la défensive. Ont-elles bien lu les textes internationaux, s'est demandé Mme Warzazi? Rappelant la question qui a été posée au Comité consultatif par le Conseil des droits de l'homme, elle a insisté sur l'expression «valeurs positives» contenue dans cette question. Il ne s'agit pas de revenir sur les abus en matière de droits de l'homme, mais de répondre à la question qui est posée, a-t-elle conclu.

Droit à l'alimentation

Présentation du rapport sur la promotion des droits des personnes travaillant dans les zones rurales

M. JOSÉ ANTONIO BENGOA CABELLO, rapporteur du groupe de rédaction sur le droit à l'alimentation, a présenté le rapport final sur la promotion des droits des paysans et des autres personnes travaillant dans les zones rurales (A/HRC/AC/8/6). Il a souligné que cette étude a pour objectif d'analyser comment protéger les paysans où qu'ils vivent dans le monde. La question de la diversité culturelle est aussi largement prise en compte dans cette étude, a ajouté M. Bengoa Cabello. Au regard de la crise alimentaire actuelle et des différents cycles de négociation commerciales en cours, l'étude prend conscience des défis auxquels la communauté internationale est confrontée. Pour la première fois, un projet de déclaration relatif aux droits des paysans est présenté et pourrait servir de base à des législations protectrices, a encore indiqué M. Bengoa Cabello, soulignant qu'il n'existe aucun autre instrument consacrant le droit des paysans.

Par ailleurs, le rapport évoque aussi la question des femmes paysannes et de la promotion de leurs droits, a indiqué M. Bengoa Cabello. Le document fait également état des causes des discriminations, dont la pauvreté ou encore les questions liées à la propriété de la terre, qualifiées d'essentielles par le rapporteur. En outre, l'étude se penche sur les répercussions de l'aide internationale en matière d'alimentation sur les productions agricoles locales.

Rappelant la question posée par le Conseil des droits de l'homme au Comité, l'expert a indiqué que le rapport répond par la positive: oui, il faut un instrument international, puisqu'il n'en existe pas. En conclusion, il a émis le vœu de voir ce rapport adopté en fin de session, afin que le Conseil des droits de l'homme prenne rapidement des initiatives en vue de le mettre en œuvre.

Présentation du rapport dur les enfants touchés par le noma.

M. JEAN ZIEGLER, président du groupe de rédaction sur le droit à l'alimentation, a présenté le rapport final sur les enfants touchés par le noma (A/HRC/AC/8/7, à paraître en français). Après avoir décrit les symptômes handicapants du noma, il a souligné que cette maladie n'est pas reconnue par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) et est ignorée par la plupart des États, notamment africains et asiatiques. À cause de ce manque de reconnaissance, le nombre exact d'enfant victimes de cette maladie est inconnu, a-t-il ajouté. Pour autant, quelques gouttes d'antibiotique suffisent à guérir un enfant, le coût de la guérison étant estimé à seulement trois euros.

Toutes les cinq secondes, un enfant meurt de faim ou de ses conséquences, a poursuivi M. Ziegler. Dans ce cadre, le rapport contient un certain nombre de recommandations adressées aux États, notamment en matière de prévention et d'assistance. L'expert a également invité l'OMS à reconnaître le noma comme maladie négligée, de manière à consacrer les ressources nécessaires pour combattre ce fléau, au lieu de laisser les organisations non gouvernementales comme seuls acteurs sur ce terrain. M. Ziegler a enfin indiqué que si ce rapport est adopté au cours de la session, il pourra être examiné par le Conseil des droits de l'homme au mois de mars, lors de sa prochaine session, ce qui permettrait de mettre en place une dynamique.

Observateurs

Au cours du débat qui a suivi, l'Éthiopie a fortement rejeté les références faites à son pays dans le rapport sur les droits des paysans, les qualifiant d'erronées et non vérifiées. Le représentant a ensuite déploré que les évolutions récentes de son pays, notamment sur les droits des femmes, n'aient pas été dûment reflétées dans le rapport. De plus, il a affirmé qu'il n'y avait pas de phénomène d'accaparement des terres en Éthiopie.

Pour sa part, l'Association internationale des juristes a déclaré appuyer les recommandations du groupe de rédaction sur le droit des paysans, tout en déplorant le refus de certains pays occidentaux de soutenir ce projet d'instrument relatif aux droits des paysans et personnes vivant en milieux rural.

Foodfirst Information and Action Networka qualifié de défi croissant le phénomène d'accaparement des terres dans le monde. Dans ce cadre, le représentant a plaidé pour une reconnaissance et une protection des personnes vivant ou travaillant en milieu rural, notamment en mettant en place un instrument juridique international pertinent. Le représentant de l'Uruguay a, quant à lui, soulevé le paradoxe qui veut que les paysans, producteurs de denrées alimentaires, sont aujourd'hui victimes de la faim. Il a invité les autres délégations à soutenir le projet d'un instrument international sur la question.

Conclusion

M. ZIEGLER, répondant à la délégation de l'Éthiopie, a donné des exemples d'accaparation des terres dans le pays, dont un projet d'investissement saoudien.

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