Communiqués de presse Organes conventionnels
Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale examine le rapport du Royaume-Uni
24 août 2011
24 août 2011
Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport du Royaume-Uni sur les mesures prises par cet État partie pour se conformer aux dispositions de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.
Présentant le rapport, M. Stuart Hoggan, Directeur adjoint en charge de l'intégration au Ministère des communautés et des collectivités territoriales, a souligné que le Royaume-Uni est un pays multinational, précisant que Londres assumait l'entière responsabilité pour ce qui est du cadre législatif en matière d'égalité en Angleterre, en Écosse et au Pays de Galles, alors que l'Irlande du Nord assume sa propre responsabilité dans ce domaine. Le Royaume-Uni estime erroné de vouloir aborder la question des inégalités en termes seulement de race et d'origine ethnique, car la situation socioéconomique et la pauvreté affectent les chances des individus indépendamment de leur origine raciale ou ethnique. S'agissant des troubles récents qui ont touché le Royaume-Uni, le représentant a insisté sur la nécessité de ne pas en simplifier à outrance la nature ni les causes sous-jacentes. Ces troubles n'avaient rien à voir avec de quelconques coupures budgétaires; elles étaient dirigées contre des magasins et non contre le Parlement. Ces troubles étaient avant tout une explosion de criminalité; ils n'avaient rien à voir avec la race. Les auteurs des émeutes, tout comme les victimes, étaient aussi bien blancs, qu'asiatiques ou africains.
La délégation britannique était également composée de représentants du Ministère des communautés et des collectivités territoriales; du Ministère de l'intérieur; du Ministère de la justice; du Gouvernement écossais; du Gouvernement du Pays de Galles; de l'exécutif nord-irlandais; de Jersey; de Guernesey; de l'île de Man; et de la Mission permanente du Royaume-Uni auprès des Nations Unies à Genève. La délégation a fourni aux experts des compléments d'information en ce qui concerne, notamment, les récents troubles qui ont eu lieu au Royaume-Uni; la persistance de la discrimination fondée sur la caste dans certains groupes de population; la situation des Gitans et Gens du voyage; l'adoption d'une politique plus restrictive en matière de demandes d'asile; la pratique des interpellations et fouilles (Stop and Search); la responsabilité en matière de droits de l'homme des entreprises opérant à l'étranger; ou encore le fait que le Royaume-Uni ne reconnaît pas la compétence du Comité pour recevoir et examiner des plaintes de particuliers.
M. Dilip Lahiri, rapporteur du Comité pour le rapport du Royaume-Uni, a salué les nombreux progrès réalisés au Royaume-Uni concernant la lutte contre la discrimination, notamment en matière législative. Il a déclaré que les récents troubles qu'a connus le Royaume-Uni constituent une question épineuse au sujet de laquelle, en particulier s'agissant des mesures envisagées suite à ces troubles, dont la suppression des prestations sociales pour les personnes ayant commis des délits liés à ces émeutes ou encore l'expulsion de logements sociaux des familles de ces personnes. Ces événements ont montré que «la race et l'appartenance ethnique, associées aux désavantages économiques structurels, restent la partie inflammable du chaudron de la sorcière du mécontentement social et économique», a déclaré M. Lahiri. Les observations finales du Comité aborderont en outre les questions relatives au traitement des minorités, notamment les Gitans et les Gens du voyage. Ils feront également part de leurs préoccupations quant à la manière dont les autorités britanniques traitent les mesures antiterroristes, ce qui n'est pas sans conséquences pour la communauté musulmane. La pratique des interpellations et des fouilles (Stop and Search) sera également abordée.
Le Comité adoptera des observations finales sur le rapport du Royaume-Uni qui seront rendues publiques à la clôture de la session, le vendredi 2 septembre prochain.
Cet après-midi, à 15 heures, le Comité entamera l'examen du rapport périodique de Malte (CERD/C/MLT/15-20).
Présentation du rapport du Royaume-Uni
M. STUART HOGGAN, Directeur adjoint en charge de l'intégration au Ministère des communautés et des collectivités territoriales, a souligné que le Royaume-Uni était un pays multinational et que le Parlement britannique a accordé des pouvoirs importants aux législatures nationales en Écosse, au Pays de Galles et en Irlande du Nord, précisant toutefois que le Royaume-Uni assumait l'entière responsabilité pour ce qui est du cadre législatif en matière d'égalité en Angleterre, en Écosse et au Pays de Galles. L'Irlande du Nord assume la responsabilité pour son propre cadre législatif dans ce domaine. En outre, l'Écosse, l'Irlande du Nord et le Pays de Galles assument une responsabilité législative pour ce qui est d'importants domaines ayant trait aux politiques publiques en matière de santé, d'éducation, de logement, de gouvernement local et de justice, entre autres.
Le Royaume-Uni est un pays multiethnique et multiconfessionnel, a poursuivi M. Hoggan. Quelque 10% de la population s'identifient comme appartenant à une minorité ethnique, a-t-il précisé. Les membres des communautés ethniques minoritaires ont apporté une énorme contribution à la vie sociale, économique et culturelle du Royaume-Uni, a ajouté le représentant. De nombreux Noirs et membres des communautés ethniques minoritaires figurent parmi les personnes qui réussissent le mieux à l'école, a-t-il ajouté. En 2010, a-t-il fait valoir, les hommes chinois et indiens étaient près de deux fois plus susceptibles d'occuper des emplois de cadres que les hommes britanniques blancs. À l'école, a insisté M. Hoggan, les performances des élèves noirs et des élèves des autres minorités ethniques ont progressé encore plus vite que celles des autres élèves durant les cinq dernières années. Il n'en demeure pas moins que le Gouvernement britannique reconnaît qu'un certain nombre de difficultés persistent et que certains individus et certaines communautés luttent pour réaliser leur potentiel, a-t-il ajouté, évoquant notamment la situation des femmes bangladaises et pakistanaises dans le domaine de l'emploi ou encore celle des élèves roms et nomades irlandais.
M. Hoggan a souligné qu'à ce jour, l'essentiel de la loi de 2010 sur l'égalité a été mis en œuvre, notamment par le biais d'un nouveau «devoir d'égalité» dans le secteur public qui exige des organes publics qu'ils accordent toute l'attention voulue à l'élimination de la discrimination illégale, à la promotion de l'égalité des chances et à la promotion de bonnes relations entre les personnes issues de différents groupes. La législation britannique sur l'égalité est parmi les plus vigoureuses en Europe et est désormais plus globale et cohérente qu'auparavant, a insisté le Directeur adjoint.
Le Royaume-Uni estime erroné de vouloir aborder la question des inégalités en termes seulement de race et d'origine ethnique, a poursuivi M. Hoggan. En effet, la situation socioéconomique et la pauvreté affectent les chances des individus indépendamment de leur origine raciale ou ethnique, a-t-il expliqué.
S'agissant des récents troubles qui ont touché le Royaume-Uni, M. Hoggan a insisté sur la nécessité de ne pas en simplifier à outrance la nature ni les causes sous-jacentes de ces événements. Des situations différentes se sont présentées dans différentes parties du pays, a-t-il affirmé. Par exemple, à Tottenham, au nord de Londres, une partie de la colère était dirigée contre la police, alors qu'à Salford, dans le nord-ouest de l'Angleterre, il s'agissait de crime organisé. Ces troubles n'avaient rien à voir avec de quelconques coupures budgétaires; elles étaient dirigées contre des magasins et non contre le Parlement, a souligné M. Hoggan. En premier lieu, ces troubles étaient une explosion de criminalité, a-t-il insisté. Il conviendra bientôt de comprendre et de répondre aux causes sous-jacentes de ces comportements, a-t-il reconnu. Ces émeutes n'avaient rien à voir avec la race; les auteurs des émeutes, tout comme les victimes, étaient aussi bien blancs, qu'asiatiques ou africains, a-t-il souligné.
Préoccupé par les inégalités dont souffrent les Gitans et les Gens du voyage en Angleterre, le Gouvernement britannique a mis sur pied un groupe de travail ministériel, présidé par le Secrétaire d'État pour les communautés et le gouvernement local, qui s'efforce de trouver des moyens de remédier aux faibles avancées sociales enregistrées par ces deux communautés.
Un autre membre de la délégation britannique a reconnu que dans un certain nombre de domaines, notamment pour ce qui est des interpellations et fouilles (Stop and Search), certains groupes sont surreprésentés, par exemple les Noirs et les minorités ethniques. Aussi, le Gouvernement aide-t-il les forces de police à identifier les causes de l'apparente disparité dans l'utilisation de ces pouvoirs contre les Noirs et les Asiatiques, afin d'y remédier. Certaines communautés à Londres sont touchées de manière disproportionnée par les violences et la criminalité, a poursuivi la délégation; ainsi, entre 2006-2007 et 2008-2009, par exemple, 34% des victimes d'homicides à Londres étaient noires alors que les Noirs ne représentent que 11% de la population de la capitale.
La délégation a par ailleurs rejeté l'assertion du Comité selon laquelle il y aurait un nombre disproportionné de décès en détention de personnes noires ou issues des minorités ethniques. Sur les 60 suicides enregistrés en détention en 2009, 55 concernaient des personnes blanches, a-t-elle fait remarquer. Les prisonniers noirs ou membres de minorités ethniques représentent environ 27% de la population carcérale totale, a précisé la délégation.
Les mariages forcés ne sont pas tolérables pour la société britannique, a par ailleurs souligné la délégation. Aussi, afin de traiter de ce problème, l'âge pour les visas à des fins de mariage est-il passé de 18 à 21 ans en novembre 2008, a fait valoir la délégation.
Présentant la situation en Écosse au regard de la mise en œuvre de la Convention, la délégation a notamment souligné que le Gouvernement écossais encourage l'intégration dans la société écossaise des réfugiés, des migrants et des requérants d'asile dès le premier jour de leur arrivée en Écosse. Les élèves des minorités ethniques en Écosse ne souffrent pas d'un taux disproportionnellement élevé d'exclusion, a assuré la délégation. Elle a notamment attiré l'attention sur les programmes soutenus par le Gouvernement écossais pour remédier aux inégalités dont souffrent les Gitans et les Gens du voyage dans le domaine de la santé.
S'agissant du Pays de Galles, la délégation a reconnu qu'en comparaison avec la moyenne nationale, les élèves de certaines minorités ethniques au Pays de Galles sont davantage susceptibles d'être exclus; aussi, le Gouvernement gallois est-il en train de revoir ses orientations en la matière afin de mieux prévenir tout type d'exclusion à l'école. La lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale est une priorité pour le gouvernement du Pays de Galles, a insisté la délégation, ajoutant qu'il était sur le point de lancer sa Stratégie pour les Gitans et les Gens du voyage le mois prochain.
Pour sa part, l'Irlande du Nord dispose d'une législation et d'une politique très solides pour lutter contre le sectarisme.
Le rapport périodique du Royaume-Uni (CERD/C/GBR/18-20) indique que le Gouvernement britannique et les administrations décentralisées en Écosse, au Pays de Galles et en Irlande du Nord se sont fermement engagés à éliminer toutes les formes de racisme et d'intolérance qui leur sont liées et à élaborer des politiques qui prennent pour cibles la discrimination, l'intolérance et la violence racistes. L'objectif du gouvernement est d'assurer la cohésion sociale des communautés dans lesquelles vit chaque individu, quelle que soit sa religion, ses croyances ou son origine ethnique. L'égalité des droits, des possibilités et des responsabilités doit lui être garantie afin qu'il puisse développer toutes ses potentialités. Le Gouvernement britannique estime que l'intégration dans le Royaume-Uni ne se réduit pas à une assimilation au sein d'une culture unique et homogène. Il est déterminé à construire une société fondamentalement intégratrice et soudée; il souhaite créer un sentiment d'inclusion et d'identité britannique partagée, fondé sur des possibilités communes et l'attente mutuelle que tous les citoyens apportent leur contribution à leur société et respectent autrui. Cette approche ne s'applique pas seulement aux communautés minoritaires. Sans la participation sociale de tous et la valorisation de toutes les cultures locales, les membres de la communauté majoritaire risquent aussi de se sentir exclus ou marginalisés par les changements qui s'opèrent dans la société.
Des progrès substantiels ont été accomplis ces dernières années, poursuit le rapport. Dans le système scolaire, où, il y a quelques années, les élèves de nombreux groupes ethniques se trouvaient en échec, des projets comme le Programme de soutien scolaire aux élèves noirs. Cela a conduit à une hausse significative du niveau parmi les enfants de nombreux groupes ethniques ayant les résultats les plus faibles. En matière d'emploi, le Groupe d'action pour l'emploi des minorités ethniques s'est particulièrement attaché à augmenter le taux d'emploi des minorités ethniques. Dans la justice pénale, où certains défis étaient particulièrement difficiles, nous avons assisté à des changements profonds, poursuit le rapport. Des objectifs de représentation, de recrutement et de progression pour les fonctionnaires issus des minorités ethniques ont été fixés. La formation des policiers pour les sensibiliser aux problèmes rencontrés a été modifiée et s'assurer qu'ils traitent correctement les communautés minoritaires. Le nombre de policiers issus des minorités ethniques a plus que doublé au cours des dix dernières années, passant de 2447 à 5793.
En 1999, précise en outre le rapport britannique, seuls 1,6% des cadres de la fonction publique étaient issus d'une minorité ethnique. En 2008, le pourcentage est passé à 4,3%; ce résultat est encore éloigné de ce qu'il devrait être, mais il témoigne d'une amélioration significative. Les personnes appartenant aux minorités ethniques sont deux fois plus susceptibles d'être pauvres et c'est souvent la pauvreté, plutôt que la seule origine ethnique, qui exerce un impact dévastateur sur leurs chances d'en sortir. Parmi les minorités ethniques, le nombre de gens qui ont un diplôme universitaire, jouissent d'un bon travail et sont propriétaires de leur logement, augmente considérablement et les élèves d'origine chinoise et indienne, en particulier, obtiennent de meilleurs résultats scolaires que la moyenne. Cependant, ces groupes se heurtent à des défis anciens dans des contextes nouveaux. Par exemple, de meilleurs résultats scolaires ne se traduisent pas toujours par des revenus plus élevés. En janvier 2010, le gouvernement a lancé la nouvelle Stratégie pour combattre les inégalités raciales. Elle s'appuie sur les progrès et les réalisations de la dernière décennie, mais reconnaît également que le contexte a évolué, pour ce qui concerne les inégalités subies par les minorités ethniques. Ce terme désigne les personnes appartenant à des minorités «visibles», définies lors du recensement de 2001 comme n'appartenant pas au groupe des Blancs: les Noirs, les Sud-Asiatiques et les Chinois, ainsi que les tsiganes et les Nomades Irlandais (Irish Travellers). La troisième partie du Public Order Act (Loi sur l'ordre public) de 1986 considère comme une infraction le fait de proférer ou de publier des propos (ou d'avoir des comportements) insultants ou injurieux dans l'intention de créer la haine raciale, ou de l'attiser quand elle existe déjà. Cette disposition concerne la haine visant un groupe de personnes définies par leur couleur, leur race, leur nationalité ou leurs origines.
Examen du rapport
Questions et observations des membres du Comité
M. DILIP LAHIRI, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport du Royaume-Uni, a rappelé que le racisme et la discrimination raciale institutionnalisée faisaient partie intégrante du projet impérial du Royaume-Uni pendant plus de deux siècles. Ainsi, les attitudes racistes étaient-elles répandues et socialement respectables jusqu'à il y a seulement 40 ou 50 ans, a-t-il souligné, avant de porter au crédit des gouvernements et politiques britanniques de ces quatre dernières décennies les changements considérables qu'ont connus les lois et les attitudes sociales s'agissant de la discrimination et de l'égalité. «Il n'en demeure pas moins que, comme l'a montré la tonalité raciale des émeutes et du vandalisme qui ont récemment frappé le Royaume-Uni, la race et l'appartenance ethnique, associées aux désavantages économiques structurels, restent la partie inflammable du chaudron de la sorcière du mécontentement social et économique», a déclaré M. Lahiri. De petits incidents peuvent de manière tout à fait inattendue dégénérer en rupture avec la loi et l'ordre et nuire à des décennies de progrès, a-t-il ajouté. Ayant cela à l'esprit, a poursuivi le rapporteur, on aurait pu s'attendre à ce que le pays veille à ce que la réponse politique aux émeutes cherche à traiter des causes sous-jacentes et à promouvoir la cohésion ethnique; or, parmi les solutions politiques envisagées par le Gouvernement face à ces émeutes, figurent celle de supprimer les prestations sociales pour les personnes condamnées mais non emprisonnées pour des délits liés à ces émeutes et celle envisageant d'expulser de leurs logements sociaux les familles des personnes impliquées dans les émeutes. De telles mesures, qui auront un impact particulier sur les groupes d'origine pauvre et donc, inévitablement, d'origine ethnique minoritaire, ne peuvent qu'aggraver les inégalités raciales dans le pays, a déploré M. Lahiri.
S'agissant des territoires d'outre-mer, M. Lahiri a souligné que le Comité ne saurait passer sous silence le traitement regrettable qu'ont connu les anciens habitants expulsés de Diego García (îles Chagos), le manque de compensation à leur égard et les arguments peu convaincants avancés en guise de justification en la matière.
M. Lahiri a par ailleurs fait observer que souvent, la division entre les communautés en Irlande du Nord est appréhendée sur la seule base de la religion et non comme une forme particulière de racisme recoupant la religion en tant qu'indicateur ethnique. Ainsi, la situation entre Unionistes et Nationalistes en Irlande du Nord est-elle laissée en dehors du cadre de protection contre la discrimination fourni par la Convention. Mais cela semble ignorer l'origine ethno-raciale historique de ce problème, a déclaré le rapporteur, rappelant qu'entre 1610 et 1717, jusqu'à 100 000 personnes sont arrivées d'Écosse jusqu'à ce que l'Ulster compte cinq Écossais pour trois Irlandais et un Anglais, ce qui serait, selon certain, à l'origine de la discrimination structurelle et des inégalités économiques qui existent entre les protestants, plus riches, et les catholiques, plus pauvres. L'Irlande du Nord, qui est essentiellement blanche, est profondément séparée selon des lignes sectaires, a poursuivi M. Lahiri. Le racisme affectant les communautés immigrantes en Irlande du Nord est également revêtu un caractère sectaire, a-t-il ajouté, avant de rappeler qu'en 2006, suite à une série de crimes haineux commis à l'encontre d'immigrants, l'Irlande du Nord avait été élue capitale européenne de la haine raciale dans un rapport du Conseil pour les minorités ethniques d'Irlande du Nord. Des informations laissent apparaître que certains membres de la police d'Irlande du Nord en reviennent aux comportements de leurs prédécesseurs de la police de l'Ulster (Royal Ulster Constabulary) et la Marching Season de l'Ordre d'Orange a été marquée cette année par de graves émeutes. Aussi, le Comité pourrait-il être amené à traiter de la discrimination en Irlande du Nord non pas comme d'une simple question de sectarisme mais comme d'une manifestation particulière de racisme, au même titre que l'islamophobie ou l'antisémitisme, a déclaré M. Lahiri.
La loi de 2010 sur l'égalité constitue sans aucun doute un point de repère essentiel de la législation antidiscriminatoire du Royaume-Uni, a reconnu le rapporteur. Assurer un équilibre entre la nécessité de renforcer les mesures de lutte contre la discrimination et les coupures budgétaires qu'exige la crise financière constitue indéniablement un défi pour le Royaume-Uni comme pour les autres gouvernements, a-t-il poursuivi. Mais précisément, diverses parties prenantes se plaignent que les actes actuels du Gouvernement britannique témoignent d'un manque d'engagement en faveur de l'égalité raciale; ces actes, affirment ces parties prenantes, ne cherchent guère à veiller à ce que les lois et politiques adoptées se traduisent par une plus grande égalité de revenus pour les minorités ethniques du pays.
Dans ses précédentes observations finales, a rappelé M. Lahiri, le Comité avait relevé que la loi sur les relations raciales de 1976 enfreignait la Convention parce qu'elle autorisait explicitement la discrimination dans certaines situations, notamment dans la manière de traiter l'immigration; malheureusement, cette exception à l'interdiction de la discrimination a été maintenue dans la Loi de 2010 sur l'égalité.
M. Lahiri a par ailleurs déclaré que la manière largement négative dont les médias font état des minorités ethniques, des requérants d'asile, des réfugiés, des Gitans et des Gens du voyage continue d'être un sujet de préoccupation. En outre, le fait que les interpellations et fouilles (Stop and Search) affectent les communautés noire et asiatique de manière disproportionnée continue de poser problème et les pouvoirs discrétionnaires accordés à la police dans l'exercice de ces interpellations et fouilles est beaucoup trop large, sans compter que l'an dernier, le Gouvernement a levé l'obligation d'enregistrer les interpellations qui n'aboutissent pas à une fouille, a souligné le rapporteur.
Comme de nombreux autres pays, le Royaume-Uni continue d'être confronté aux nouvelles dimensions de la discrimination émanant des défis à relever dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, qui nourrit les stéréotypes ethniques et raciaux, l'exclusion sociale et les préjugés fondés sur la manifestation de la religion. Nombre des mesures adoptées en matière de lutte contre le terrorisme ont un impact néfaste sur les musulmans et les ressortissants étrangers, a insisté M. Lahiri, avant de se féliciter, dans ce contexte, de la révision de la législation antiterroriste effectuée en 2010.
La violence motivée par la race et la religion et les crimes de haine restent un phénomène persistant au Royaume-Uni, a d'autre part relevé M. Lahiri, qui s'est inquiété qu'il n'y ait pas, dans ce pays, d'enregistrement des crimes de haine à motivation religieuse en dépit de toutes les indications attestant d'un niveau élevé de violence prenant pour cibles les musulmans et les mosquées.
Enfin, M. Lahiri a déploré que la Convention ne soit toujours pas incorporée dans l'ordre juridique interne britannique et a relevé que le pays maintient sa déclaration d'interprétation restrictive des dispositions de l'article 4 de la Convention.
Un autre membre du Comité a souhaité disposer de données ventilées concernant la représentation des différents groupes ethniques présents au Royaume-Uni dans la population totale. L'expert a fait état d'informations émanant d'ONG selon lesquelles il existerait toujours au Royaume-Uni une discrimination fondée sur la caste pratiquée par des populations d'origine asiatique. Aussi, l'expert s'est-il enquis des mesures adoptées pour lutter contre ce phénomène.
Un autre expert s'est enquis de la politique du Royaume-Uni à l'égard des Gens du voyage, dont un certain nombre doivent être expulsés dans les prochains jours.
S'agissant des émeutes qui se sont produites au début du mois au Royaume-Uni, un expert a relevé que les troubles ont éclaté dans les quartiers où se trouvent les populations les plus défavorisées et de nombreux membres des minorités ethniques. C'est un élément racial qui a mis le feu à la poudrière, a affirmé un autre membre du Comité, avant d'attirer l'attention sur les problèmes socioéconomiques évidents que connaissent les minorités ethniques, et ajoutant que l'Europe a un sérieux problème en termes d'intégration. Un autre a estimé que l'on «ne peut exclure certains aspects ethno-raciaux» et a relevé que ces troubles ont suscité une controverse quant à leur cause – les conservateurs les cherchant dans la montée de la délinquance, dans le refus de certains de s'intégrer et dans la montée de certains groupes extrémistes, notamment islamistes. Cela ne va pas sans rappeler la situation qu'avait connue la France il y a quelques années; or, précisément, les débats tenus à l'époque dans ce pays au sein de la Commission nationale consultative des droits de l'homme avaient permis de constater le rôle déterminant qu'auraient pu jouer la société civile, les représentants des quartiers, bref tous les éléments proches de la population et susceptibles d'intervenir comme médiateur dans un conflit. Aussi, l'expert s'est-il demandé si ce n'est pas d'abord le rôle de la société civile qu'il faut promouvoir pour, en quelque sorte, assurer la cohésion sociale.
Un autre membre du Comité a souhaité en savoir davantage sur les circonstances exactes de la mort de Mark Duggan qui a été à l'origine du déclenchement des émeutes récentes au Royaume-Uni.
Au-delà des causes, ce sont les conséquences de ces émeutes sur lesquelles il faut se pencher, afin de prévenir toute discrimination, a souligné une experte.
Plusieurs membres du Comité se sont enquis de la responsabilité en matière de droits de l'homme des entreprises britanniques opérant à l'étranger.
Nombre d'entre eux se sont félicités que le Royaume-Uni ait adopté une loi sur l'égalité, comme le lui avait recommandé le Comité. Depuis la présentation du précédent rapport du Royaume-Uni, a souligné l'un d'eux, des mesures législatives ont été prises pour lutter contre la discrimination raciale; cela est salutaire mais l'essentiel est d'assurer l'application de ces mesures, a souligné l'expert. Or, des disparités subsistent en matière de jouissance des droits à l'éducation, à la santé et au logement; il y a donc lieu de redoubler d'efforts pour lutter contre le racisme, la discrimination et l'exclusion.
Une experte s'est dite préoccupée de constater que le nombre de demandes d'asile est au plus bas au Royaume-Uni. Elle a aussi souhaité obtenir davantage d'informations sur les droits des migrants, en particulier des travailleurs migrants.
Le Royaume-Uni n'a pas accédé aux conventions relatives au crime d'apartheid et à l'apartheid dans les sports, a relevé un membre du Comité.
Déclarations de représentants d'institutions des droits de l'homme du Royaume-Uni
Un représentant de la Commission pour l'égalité et les droits de l'homme du Royaume-Uni s'est félicité de l'adoption de la loi de 2010 sur l'égalité. En matière d'emploi, mais aussi en matière judiciaire, des mesures ont été prises pour lutter contre les disparités, s'est-il également réjoui. Il s'est toutefois inquiété de la possibilité qui existe désormais d'interpeller et de fouiller des individus sans que des soupçons ne pèsent sur eux; ces pratiques se sont multipliées en Angleterre et au Pays de Galles, a-t-il souligné. En ce qui concerne la garde à vue, il a fait observer que ces six derniers mois, cinq décès de membres de minorités se sont produits dans des commissariats de police du pays. L'éducation étant l'un des piliers de la réalisation du potentiel de chaque individu dans sa vie, il faut tout faire pour éviter que les enfants de certaines minorités ne soient exclus de l'enseignement, a poursuivi le représentant. Il a en outre évoqué les inégalités qui subsistent au Royaume-Uni en matière d'emploi et de salaires. Les mesures prises dans le cadre de la lutte contre le terrorisme ont des incidences disproportionnées sur les communautés musulmanes, a-t-il par ailleurs souligné. Les Gitans et les Gens du voyage ne bénéficient pas de logements adéquats, suffisants et sûrs et les mesures proposées à cet égard par les autorités restent très insuffisantes, a d'autre part affirmé le représentant de la Commission pour l'égalité et les droits de l'homme.
Un représentant de la Commission des droits de l'homme de l'Irlande du Nord, une institution créée en 1998, a rappelé que l'Irlande du Nord dispose de politiques distinctes dans un certain nombre de domaines intéressant le Comité. En dépit des recommandations du Comité, rien n'a été fait pour adopter une législation unique en matière d'égalité en Irlande du Nord, a-t-il déploré. Il faudrait que le Comité se penche de manière spécifique sur la situation des Gens du voyage en Irlande du Nord (Irish Travellers). Rien n'a été fait non plus pour remédier aux inégalités de traitement en fonction de la nationalité; en effet, les personnes ayant demandé un permis de résidence en Irlande du Nord se voient parfois refuser l'accès aux services de base, notamment en matière de santé.
Réponses de la délégation
EN ce qui concerne le cadre général d'application de la Convention, la délégation britannique a expliqué, s'agissant de la déclaration interprétative que le pays maintient à l'égard d'une disposition de la Convention, que le Royaume-Uni ne ratifie un instrument que s'il est sûr de pouvoir l'appliquer totalement. Il peut être amené à faire des déclarations interprétatives sur telle ou telle disposition de ces instruments, comme c'est le cas s'agissant de l'article 4 de la Convention. Le Royaume-Uni est d'avis que sa législation assure un bon équilibre entre la protection de la liberté d'expression et la protection des individus contre la violence et la haine, a déclaré la délégation.
En ce qui concerne la raison pour laquelle le Royaume-Uni n'a pas encore fait la déclaration prévue à l'article 14 de la Convention pour reconnaître la compétence du Comité pour recevoir et examiner des plaintes individuelles (communications), la délégation a indiqué que le Royaume-Uni n'est pas encore convaincu des avantages que représenterait la possibilité pour ses habitants de saisir le Comité au titre de cette disposition.
La législation en vigueur au Royaume-Uni ne reconnaît pas la notion de double discrimination; mais une personne qui serait victime de deux discriminations concomitantes peut toujours porter plainte pour l'une ou l'autre de ces discriminations, a expliqué la délégation. La délégation a d'autre part indiqué, en réponse à une autre question, que les deux derniers recensements au Royaume-Uni permettaient de s'identifier comme métis.
Le Royaume-Uni est responsable de l'application de la Convention sur l'ensemble du territoire national, a affirmé la délégation; le Gouvernement britannique coordonne toutes les législatures – ce qui inclut celles de l'Écosse, du Pays de Galles et de l'Irlande du Nord, a souligné la délégation. Le pays s'efforce de trouver un équilibre en maintenant un cadre et des garanties de niveau national tout en permettant l'initiative locale. Il est donc important de ne pas imposer un trop grand dirigisme central.
Pour ce qui est de la situation s'agissant de la discrimination fondée sur la caste, la délégation a rappelé que le Gouvernement avait demandé un rapport indépendant sur la nature et la gravité de ce type de discrimination au Royaume-Uni. La loi de 2010 sur l'égalité prévoit de pouvoir considérer la caste comme une forme de race et donc un motif de discrimination. Mais il n'y a pas de consensus à ce sujet, a souligné la délégation.
S'agissant de la situation des Gitans et Gens du voyage, la délégation a notamment rappelé que les États Membres de l'Union européenne ont toute latitude pour élaborer des stratégies ou politiques en matière d'inclusion des Roms, Tsiganes et Gens du voyage qui soient adaptées à la taille et à la situation de ces communautés dans leurs pays.
Des campagnes de sensibilisation ont été menées au Royaume-Uni sur les souffrances causées par l'esclavage, a poursuivi la délégation. Pour marquer le bicentenaire de l'abolition de l'esclavage, un fonds a fourni 15 millions de livres sterling en faveur de 180 projets relatifs à l'esclavage et à son abolition, notamment pour des musées à Londres et Liverpool, a précisé la délégation.
En ce qui concerne les rejets de demandes d'asile, la délégation a admis qu'ils avaient atteint un niveau record, avec 17 790 rejets pour la dernière année.
Répondant à des questions complémentaires de membres du Comité, la délégation a notamment déclaré que l'immigration avait incontestablement enrichi la culture et l'économie du Royaume-Uni. Mais l'immigration illimitée est trop lourde pour le pays et les autorités veulent donc maintenir l'immigration nette à des niveaux viables, en privilégiant les personnes qui viennent occuper un emploi au Royaume-Uni, a-t-elle expliqué.
En réponse aux question des experts sur les pratiques d'interpellations et fouilles (Stop and Search) menées dans le pays, la délégation a fait observer qu'elles avaient permis de prévenir des attentats, de sauver des vies et d'arrêter des délinquants, a déclaré la délégation. La politique d'amélioration des pratiques de la police veille à ce que ces moyens soient utilisés à bon escient. Pour ce qui est des ordonnances de contrôle (control orders) - imposant des restrictions à la liberté d'aller et venir et aux activités d'un individu -, la délégation a indiqué que douze personnes, toutes britanniques, sont aujourd'hui soumises à de telles ordonnances.
S'agissant des troubles récents qui ont eu lieu au Royaume-Uni, la délégation a indiqué que les ministères de la coalition au pouvoir entendent tout mettre en œuvre pour éradiquer ces phénomènes et tentent de comprendre les origines de la situation. Le Gouvernement entend juguler les actes perpétrés par les gangs. La priorité pour le Gouvernement reste la sécurité et le bien-être des familles, a souligné la délégation. En réponse à des questions complémentaires, la délégation a rappelé qu'il s'agissait avant tout de criminalité, de délinquance; mais le Gouvernement n'en est pas moins déterminé à identifier les problèmes socioéconomiques sous-jacents, a-t-elle ajouté. Pour ce qui est des circonstances de la mort de Mark Duggan, une enquête de la commission indépendante de plaintes contre la police est en cours et les résultats de cette enquête seront publiés dès qu'ils seront disponibles, a indiqué la délégation.
L'Irlande du Nord n'est absolument pas la capitale européenne de la haine raciale, comme cela a pu être affirmé et repris par le journal allemand Der Spiegel, a déclaré la délégation. Pour 2009-2010, seul un très petit nombre d'incidents racistes y ont été enregistrés, a-t-elle assuré.
En ce qui concerne les territoires d'outre-mer, la délégation a rappelé qu'ils assument leur propre responsabilité pour tout ce qui a trait aux droits de l'homme. Le Gouvernement du Royaume-Uni, en ce qui le concerne, assume la responsabilité pour ce qui est de la sécurité, de la défense et des relations internationales de ces territoires, a-t-elle ajouté. Depuis 1967, la politique suivie a été que les conventions ne sont applicables aux territoires d'outre-mer que si le Gouvernement étend leur application à ces territoires.
Pour des raisons de défense et de sécurité, le Gouvernement britannique ne peut pas accorder de droit de réinstallation sur le territoire des îles Chagos, en particulier de Diego García, a expliqué la délégation. C'est la raison pour laquelle les Chagossiens ayant la citoyenneté britannique peuvent s'installer dans l'Union européenne, a-t-elle fait valoir.
La Convention n'a pas d'incidence extraterritoriale, de sorte que le Royaume-Uni estime qu'il n'y a pas lieu d'étendre l'application de cet instrument à des entreprises qui opèrent à l'étranger, a par ailleurs indiqué la délégation. Il n'en demeure pas moins que les entreprises ont une responsabilité morale en matière de respect des droits de l'homme, a ajouté la délégation.
Observations préliminaires
M. LAHIRI, rapporteur du Comité pour le rapport du Royaume-Uni, s'est dit satisfait par les nombreux progrès réalisés au Royaume-Uni concernant la lutte contre la discrimination, notamment en matière législative. Ces points positifs s'accompagnent d'un grand nombre de préoccupations, a-t-il tempéré. Il a estimé que les troubles récents qu'a connus le Royaume-Uni constituent une question épineuse au sujet de laquelle, dans ses observations finales, le Comité fera part de sa position quant aux mesures prises par le Gouvernement suite à ces troubles.
Dans ses observations finales, le Comité devrait aborder les questions relatives au traitement des minorités, notamment les Gitans et les Gens du voyage. Il fera également part de leurs préoccupations quant à la manière dont les autorités britanniques traitent la mise en œuvre des mesures antiterroristes, ce qui n'est pas sans conséquences pour la communauté musulmane. La pratique des interpellations et fouilles (Stop and Search) sera également abordée dans ces observations finales, a ajouté M. Lahiri.
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