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Communiqués de presse Organes conventionnels

Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale examine le rapport de l'Ukraine

18 août 2011

Comité pour l'élimination
de la discrimination raciale

18 août 2011

Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport périodique de l'Ukraine sur les mesures prises par ce pays pour se conformer aux dispositions de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.

Présentant le rapport de son pays, M. Mykola Maimeskul, Représentant permanent auprès des Nations Unies à Genève, a rappelé que l'Ukraine est un État démocratique et pluriethnique qui assure l'égalité de tous les citoyens, quelles que soient leur origine, leur religion et leur langue maternelle. Le pays est parvenu à jeter les bases d'une forte tolérance interethnique, a-t-il affirmé, soulignant le caractère sporadique des conflits interethniques ou interreligieux qui ont pu se produire. Il a aussi indiqué que le Ministère de la justice est en train d'élaborer un projet de loi-cadre pour l'interdiction de la discrimination. Par ailleurs, dans huit régions du pays, des groupes spécialisés ont été constitués pour détecter les délits à l'encontre des ressortissants étrangers et enquêter sur eux, et une campagne a été lancée pour prévenir toute forme d'intolérance vis-à-vis des étrangers. Le représentant a d'autre part indiqué que la Loi ukrainienne sur les réfugiés et les personnes ayant besoin d'une protection temporaire avait été adoptée en juillet dernier. Il a par ailleurs indiqué que le Conseil des ministres a approuvé en 2006 un programme concernant la réinstallation et la réinsertion des Tatars de Crimée et des personnes d'autres origines ethniques anciennement déportées qui sont revenues vivre en Ukraine.

La délégation ukrainienne était également composée de représentants du Ministère de l'intérieur, du Ministère de la justice, du Service de l'État chargé des migrations et de la Mission permanente de l'Ukraine auprès des Nations Unies à Genève. Elle a fourni aux experts des compléments d'information en ce qui concerne, notamment, la réforme administrative lancée à la fin de l'année dernière; les mesures législatives prises aux fins de l'élimination de la discrimination raciale; les requérants d'asile et les réfugiés; la situation des minorités, en particulier des Roms; les agissements de groupes extrémistes et plus particulièrement des skinheads et la lutte contre ces groupes; ou encore la situation s'agissant du racisme dans le sport.

Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de l'Ukraine, M. Patrick Thornberry, s'est notamment réjoui que le pays ait engagé le processus d'élaboration d'une loi-cadre contre la discrimination. Il a d'autre part souligné que le Comité a toujours accordé la plus haute importance au problème des discours incitant à la haine en cherchant l'équilibre entre interdiction de tels discours et respect de la liberté d'expression. Il a rappelé que l'article 4 de la Convention, qui est l'un des piliers de la Convention, exige l'interdiction des organisations à caractère raciste et incitant à la haine. Plusieurs membres du Comité se sont en effet inquiétés de l'action de groupes de jeunes délinquants extrémistes qui se livrent à des attaques visant essentiellement les étrangers.

Le Comité adoptera ultérieurement ses observations finales sur le rapport de l'Ukraine, qui seront rendues publiques à la clôture de la session, le vendredi 2 septembre prochain.

Cet après-midi à 15 heures, le Comité entamera l'examen du rapport périodique de la République tchèque (CERD/C/CZE/8-9)

Présentation du rapport

M. MYKOLA MAIMESKUL, Représentant permanent de l'Ukraine auprès des Nations Unies à Genève, a souligné que ce rapport couvre la période allant de 2006 à 2010. L'Ukraine est un État démocratique qui assure l'égalité de tous les citoyens, quelles que soient leur origine, leur religion et leur langue maternelle. C'est un pays pluriethnique dans lequel vivent des représentants d'un grand nombre de groupes ethniques utilisant différentes langues et pratiquant différentes religions, a insisté M. Maimeskul.

La population ukrainienne est composée à 78% d'Ukrainiens, à 17% de Russes et, pour le reste, de nombreux autres groupes ethniques, a poursuivi M. Maimeskul. Le pays est parvenu à jeter les bases d'une forte tolérance interethnique, a-t-il indiqué, soulignant le caractère sporadique des conflits interethniques ou interreligieux qui ont pu se produire. Afin d'améliorer la législation existante en la matière, le Ministère de la justice est en train d'élaborer un projet de loi-cadre pour l'interdiction de la discrimination, a par ailleurs fait valoir le représentant.

M. Maimeskul a indiqué que le nombre de citoyens apprenant les langues minoritaires n'est pas toujours en rapport avec le nombre de personnes composant ces populations minoritaires. Ainsi, a-t-il précisé, le nombre de personnes apprenant le tatar est-il bien inférieur à la population des Tatars de Crimée.

Le chef de la délégation ukrainienne a par ailleurs attiré l'attention sur l'importance de l'appui financier du Gouvernement pour soutenir la diversité culturelle de l'Ukraine. Les organes gouvernementaux, en coopération avec les organisations représentants les minorités ethniques, organisent des concours, des concerts, des expositions, des conférences à caractère scientifique, a-t-il notamment précisé.

M. Maimeskul a ensuite souligné qu'en mars 2009, des représentants des organes gouvernementaux (Conseil des ministres, Conseil national de la radiotélévision, Commission nationale d'experts sur la protection de la moralité publique) et des médias ont signé une charte de partenariat sur les droits et les libertés en matière d'information et sur la protection de la moralité publique. Les signataires ont approuvé la charte en considérant la nécessité de prévenir l'apparition ou la diffusion de la xénophobie, des sentiments anti-ukrainiens, de l'antisémitisme, du racisme et de l'incitation aux conflits interrégionaux, interethniques ou interreligieux, et dans l'intention de contribuer à un climat de tolérance et d'harmonie civile en Ukraine. Il est précisé dans la charte que les médias assureront un respect rigoureux des lois sur la moralité publique et ne tolèreront pas la diffusion de la xénophobie, des sentiments anti-ukrainiens, de l'antisémitisme, du racisme, de l'apologie de la violence et de l'incitation aux conflits interrégionaux, interethniques ou interreligieux. Des programmes radiophoniques ont également été mis au point pour prévenir la xénophobie, a ajouté le représentant de l'Ukraine.

Dans huit régions du pays, des groupes spécialisés ont été constitués pour détecter les délits à l'encontre des ressortissants étrangers et enquêter sur eux, a fait valoir M. Maimeskul. Une campagne a par ailleurs été lancée pour prévenir toute forme d'intolérance vis-à-vis des étrangers.

M. Maimeskul a aussi déclaré que le nombre de cas de vandalisme contre des sites religieux n'a cessé de chuter durant la période couverte par le présent rapport, passant de 7 en 2007 à 4 en 2008 et zéro en 2009.

Le représentant ukrainien a d'autre part indiqué que la Loi ukrainienne sur les réfugiés et les personnes ayant besoin d'une protection temporaire a été adoptée en juillet 2011; elle définit les modalités de reconnaissance du statut de réfugié, en tenant notamment compte des conventions pertinentes sur les réfugiés et des protocoles y afférents.

Le nombre de fonctionnaires et de responsables locaux appartenant aux populations déportées ne cesse d'augmenter, a par ailleurs fait valoir M. Maimeskul. Ainsi, les Tatars de Crimée représentent-ils plus de 15% des personnes élues aux conseils des différents échelons dans la République autonome de Crimée.

Le Conseil des ministres d'Ukraine, par un décret adopté en 2006, a approuvé un programme concernant la réinstallation et la réinsertion des Tatars de Crimée et des personnes d'autres origines ethniques anciennement déportées qui sont revenues vivre en Ukraine, ainsi que l'adaptation et la réintégration de ces personnes dans la société ukrainienne pour la période allant jusqu'en 2010, programme destiné à résoudre les questions qui subsistent dans ces domaines, a d'autre part fait valoir le Représentant permanent.

Un autre membre de la délégation ukrainienne a notamment souligné que dans la nouvelle loi sur les réfugiés, adoptée cet été, les membres des familles des personnes se trouvant au bénéfice d'une protection au titre de cette loi peuvent entrer en Ukraine dans le cadre de la réunification familiale. La délégation a précisé qu'un projet de programme d'intégration, à l'horizon 2020, des personnes ayant obtenu le statut de réfugiés est en cours d'élaboration.

Le processus de réintégration des personnes anciennement déportées est encore loin d'être achevé, a par ailleurs reconnu la délégation; aussi, un programme de réintégration à l'horizon 2015 est-il en train d'être mis en place à cette fin, a-t-elle indiqué.

Évoquant la situation des Roms, la délégation a notamment fait part des mesures prises pour promouvoir l'éducation et la délivrance de passeports en faveur de ces personnes.

Revenant sur le projet de loi-cadre sur la lutte contre la discrimination actuellement en cours d'élaboration, déjà mentionné par M. Maimeskul, la délégation a indiqué que ce projet prévoit des dispositions sur la définition des différentes formes de discrimination (directe, indirecte…) et prévoit également de déterminer les droits et obligations des organes qui seront chargés de la prévention, de la lutte et de la répression contre la discrimination. L'essentiel est qu'il existe une volonté politique de régler ces problèmes, a souligné la délégation.

Le rapport périodique de l'Ukraine (CERD/C/UKR/19-21) indique que la législation ukrainienne garantit aux citoyens les mêmes droits et libertés, ainsi que l'égalité devant la loi, quels que soient leur race, leur sexe, leur appartenance ethnique, leur langue, leur attitude à l'égard de la religion, leur origine sociale, leurs convictions ou leur situation sociale. L'égalité des citoyens devant la loi, dans tous les domaines de la vie économique, sociale, politique et culturelle, est inscrite dans la Constitution. L'égalité des citoyens devant la loi et l'interdiction de toute discrimination pour des motifs ethniques ou raciaux sont également inscrites dans plusieurs lois et règlements. Il convient de noter que la cohabitation prolongée de différentes communautés ethniques et religieuses en Ukraine a instauré une tradition de compréhension interethnique et interreligieuse qui favorise la stabilité, la tolérance et le respect mutuel, affirme par ailleurs le rapport. La Constitution interdit la création et l'activité des partis politiques et des associations qui tendent, par leurs programmes ou leurs actions, à propager les conflits ou la violence, à susciter une hostilité ethnique, raciale ou religieuse, ou à porter atteinte aux droits de l'homme et aux libertés. La loi sur la liberté de conscience et les institutions religieuses stipule que l'incitation à l'hostilité ou à la haine pour des motifs religieux ou les offenses aux convictions religieuses des citoyens sont réprimées par la loi. L'atteinte à l'égalité des droits des citoyens pour des motifs liés à leur race, leur appartenance ethnique ou leur attitude à l'égard de la religion entraîne des conséquences pénales et, depuis novembre 2009, les dispositions concernant les infractions motivées par l'intolérance raciale, ethnique ou religieuse ont été modifiées afin de durcir les peines prévues. L'Ukraine a en outre signé en avril 2005 le Protocole facultatif annexé à la Convention sur la cybercriminalité, relatif à l'incrimination des actes de nature raciste et xénophobe commis par le biais des systèmes informatiques. Un service chargé de développer et mettre en œuvre une stratégie de lutte contre les délits correspondant à des motifs ethniques a été créé au Ministère de l'intérieur, et une subdivision chargée de repérer et de réprimer les actes incitant à la discorde raciale ou ethnique a été mise en place au sein du Service de sûreté de l'État. Enfin, un poste d'ambassadeur extraordinaire chargé des questions de lutte contre le racisme, la xénophobie et la discrimination a été institué au Ministère des affaires étrangères. Au début de 2008, un groupe de travail interministériel pour la lutte contre la xénophobie et l'intolérance ethnique et raciale, composé d'experts appartenant à des organes du pouvoir exécutif, de scientifiques et de représentants d'associations, a été créé en vue de mener un combat intégré et systématique contre la xénophobie et le racisme dans la société ukrainienne. Le Plan de lutte contre le racisme et la xénophobie à l'horizon 2012 a été approuvé le 18 février 2010.

Les contrôles effectués par les procureurs ont révélé que, dans la seule République autonome de Crimée, plus de 6000 familles de Tatars de Crimée et 180 familles de membres d'autres groupes ethniques anciennement déportés sont sur une liste d'attente pour un logement. Dans les trois années écoulées, des logements ont été attribués à 387 familles de personnes déportées. Selon le Comité républicain pour la protection des ressources foncières de la République autonome de Crimée, 72 200 rapatriés ont reçu 186 200 hectares de terres pour l'agriculture, 9880 hectares pour la construction de logements et 65,9 hectares pour le commerce. Les autorités publiques de la République autonome de Crimée ne prennent cependant pas les mesures qui conviennent pour empêcher, par exemple grâce à une protection judiciaire des intérêts des communautés locales, que des terres soient accaparées ou utilisées sans autorisation. Il existe un réseau étendu d'établissements d'enseignement préscolaire, général, professionnel et supérieur destiné à concrétiser le droit à recevoir une éducation dans les langues des minorités ethniques et à étudier ces langues, souligné par ailleurs le rapport. L'ukrainien, en tant que langue nationale, est étudié dans tous les établissements d'enseignement général sans exception, rappelle-t-il. L'article 53 de la Constitution et l'article 6 de la loi sur les minorités ethniques d'Ukraine garantit aux citoyens appartenant à ces minorités le droit à une éducation dans leur langue maternelle ou à l'étude de leur langue maternelle dans les établissements d'enseignement nationaux ou communaux ou par l'intermédiaire des associations culturelles ethniques. Selon les organismes ukrainiens chargés d'appliquer la loi, 253 863 personnes anciennement déportées vivent maintenant en République de Crimée. Parmi ces personnes, on compte 249 623 Tatars de Crimée et 4240 membres d'autres groupes ethniques: 980 Bulgares, 740 Arméniens, 1800 Grecs et 720 Allemands. En outre, 5750 anciens déportés vivent à Sébastopol et 5500 dans la région de Kherson.

Examen du rapport

Questions et observations des membres du Comité

M. PATRICK THORNBERRY, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de l'Ukraine, a relevé qu'en Ukraine, 85% des personnes s'identifient comme Ukrainiens et que le pays, tout en étant un État unitaire, compte aussi sur la République autonome de Crimée. Il a par ailleurs relevé que l'Ukraine n'a pas encore accédé à la Convention n°169 de l'Organisation internationale du travail sur les droits des peuples indigènes et tribaux, pas plus qu'elle n'a accédé à la Convention du Conseil de l'Europe sur la participation des étrangers à la vie publique au niveau local. M. Thornberry s'est ensuite réjoui que le pays ait engagé le processus d'élaboration d'une loi-cadre contre la discrimination; il faut espérer que la participation et l'apport de la société civile à l'élaboration de cette loi-cadre seront importants, a-t-il déclaré.

Le rapporteur s'est d'autre part enquis des mesures prises par l'État pour assurer la coordination et le suivi de la mise en œuvre des recommandations adressées à l'Ukraine par le Comité. M. Thornberry a par ailleurs indiqué avoir reçu des informations laissant apparaître que le Comité d'État pour les affaires ethniques et religieuses n'existerait plus depuis le mois de décembre 2010 et que ses attributions auraient été confiées au Ministère de la culture, demandant des précisions à cet égard.

Relevant le commentaire figurant au paragraphe 85 du rapport selon lequel «les mouvements d'extrême droite ne sont pas de la compétence juridique du Ministère», M. Thornberry a souhaité que soit explicité plus avant ce commentaire, étant entendu qu'il est probable qu'il y ait parmi ces mouvements d'extrême droite des groupes racistes.

L'article 4 de la Convention est l'un des piliers de la Convention, a par ailleurs souligné M. Thornberry, ajoutant qu'il ne semble pas exister dans la législation ukrainienne de dispositions relatives à la lutte contre la dissémination d'idées racistes ou l'incitation à la violence raciale ou ethnique. Le rapporteur s'est enquis du statut juridique de l'Organisation des patriotes d'Ukraine, rappelant que la Convention exige le bannissement des organisations à caractère raciste et incitant à la haine.

Les Tatars de Crimée constituent l'essentiel des personnes anciennement déportées qui sont retournées en Ukraine, a poursuivi M. Thornberry, qui a relevé que cette population demande que soient restaurés leurs droits économiques, sociaux et culturels dans la péninsule de Crimée. Beaucoup a été fait dans ce domaine, certes, mais les organisations de la société civile font observer qu'il n'existe pas, en fait, de cadre juridique approprié pour traiter des questions relatives à ces personnes anciennement déportées, a souligné l'expert.

La discrimination n'est pas toujours intentionnelle et peut être le résultat de politiques bien intentionnées, a par ailleurs rappelé M. Thornberry; aussi, a-t-il demandé à la délégation si l'Ukraine avait envisagé de se doter d'un moyen d'appréhender la discrimination indirecte.

Évoquant ensuite la situation des Roms, le rapporteur a relevé que selon les données officielles, ils étaient 40 000 en Ukraine en 2001, alors que selon les évaluations des organisations non gouvernementales, leur nombre s'établirait plutôt aux alentours de 250 000. Il en va de même pour les Juifs, au sujet desquels les chiffres officiels indiquent que 105 000 personnes se déclaraient juives en Ukraine en 2001, alors que selon d'autres sources, il y aurait entre 250 000 et 300 000 Juifs en Ukraine.

S'agissant des Ruthènes, M. Thornberry a relevé que la réponse fournie à leur sujet dans le rapport de l'Ukraine s'inscrit dans le contexte de la sécurité, le paragraphe 579 du rapport indiquant que le Service de sûreté de l'État se serait trouvé contraint à engager des poursuites pénales pour «actes de séparatisme».

M. Thornberry s'est par ailleurs fait l'écho d'informations faisant état de profilage racial de la part de la police contre les personnes qui ne leur semblent pas «européennes».

Évoquant enfin la question du racisme dans les sports, le rapporteur a demandé quelles mesures ont été mises en place pour garantir que le championnat d'Europe de football en 2012 ne soit pas marqué par des violences racistes contre des joueurs ou des supporteurs.

Un autre membre du Comité a jugé excellente la pratique consistant à créer des centres de formation pour les Roms comme cela a été fait en Ukraine. L'expert a ensuite attiré l'attention sur le problème que constitue l'action de groupes de jeunes délinquants extrémistes qui se livrent à des attaques visant essentiellement les étrangers. Le «Centre d'action sociale» et les Patriotes d'Ukraine (Patriot Ukrainy) figurent au nombre de tels groupes extrémistes, a-t-il précisé. La question qui se pose est celle de la protection des étrangers contre les actes de violence de ce type, a poursuivi l'expert. Or, comme s'en plaignent certaines organisations non gouvernementales, la législation ukrainienne semble lacunaire ou contradictoire pour prévenir et combattre de tels agissements, ce qui rend possibles de telles attaques, a souligné l'expert. En fin de compte, la question qui se pose consiste à savoir ce que l'État ukrainien fait pour prévenir et combattre de tels actes contre les étrangers, a-t-il insisté.

L'expert a par ailleurs évoqué la nécessité de disposer d'écoles en langue rom dans les zones peuples de Roms, notamment en Transcarpatie. Combien de Roms restent-ils sans carte d'identité, a-t-il par ailleurs demandé? Existe-t-il en Ukraine des Roms qui ne s'auto-identifient pas comme Roms, afin peut-être d'avoir davantage de chances d'être mieux intégrés dans la société ukrainienne et de ne pas avoir à subir les conditions de vie actuelles de cette minorité dans ce pays, a demandé un autre expert? Les programmes d'histoire enseignés dans les établissements d'éducation en Ukraine font-ils référence à l'holocauste qui s'est produit contre les Roms, a-t-il également demandé?

Un expert a estimé qu'il n'est pas légitime qu'un groupe minoritaire demande de disposer de son propre État, ce qui équivaut au séparatisme. Il n'en demeure pas moins que les Ruthènes ne sont même pas reconnus comme une minorité nationale en Ukraine, alors qu'ils le sont en Roumanie, par exemple, aux côtés d'ailleurs de la minorité ukrainienne, a fait observer l'expert. Un autre membre du Comité a estimé que la non-reconnaissance des Ruthènes risque de favoriser la politisation de la question et qu'il conviendrait de reconnaître la langue ruthène.

L'Ukraine est l'un des plus anciens États parties à la Convention, puisque le pays a ratifié cet instrument dès le 7 mars 1969, a fait observer un membre du Comité. Lors de son examen périodique universel, l'Ukraine a rejeté deux recommandations qui lui étaient adressées et qui intéressent particulièrement le Comité, à savoir celle visant à ce que le pays reconnaisse le russe comme deuxième langue officielle du pays et celle visant à ce que soient prises davantage de mesures en matière de protection des minorités ethniques et linguistiques.

L'expert s'est en outre enquis des compétences exactes de l'ambassadeur extraordinaire chargé des questions de lutte contre le racisme, la xénophobie et la discrimination et a souhaité savoir s'il n'y avait pas des risques de double emploi dans les compétences de tous les organes créés aux fins de la lutte contre le racisme.

D'autre part, a poursuivi l'expert, des informations font état de mauvais traitements, de profilage racial et d'arrestations arbitraires de la part de la police et visant des membres des minorités, notamment des roms ainsi que des personnes d'origine africaine, des non-slaves et des non-orthodoxes. Il a insisté sur l'exigence d'engager des poursuivre contre de tels actes. Il s'est en outre inquiété d'informations laissant apparaître l'existence d'obstacles à la profession de la foi musulmane, notamment en ce qui concerne les mosquées et les cimetières.

Le suivi des recommandations antérieures du Comité a été parfaitement assuré par l'Ukraine, s'est pour sa part félicité un membre du Comité. L'Ukraine est un pays ouvert et hospitalier, a déclaré une autre experte, après avoir félicité ce pays pour la régularité avec laquelle il présente ses rapports au Comité.

S'agissant des organisations à caractère raciste et xénophobe qui prolifèrent en Ukraine, cette experte a affirmé que les autorités ukrainiennes, par excès de laxisme ou de sévérité, se sont peut-être trouvées devant un phénomène qui les a dépassées. Il n'est pas bon que l'Ukraine, qui est un pays ouvert et qui accueille nombre de manifestations internationales, soit toujours confrontée à cette xénophobie qui ne semble pas vouloir se calmer, a insisté l'experte. Un autre membre du Comité s'est dit surpris que les ressortissants d'un pays qui a lutté contre le nazisme se réclament aujourd'hui du néo-nazisme, même si la situation socioéconomique et le chômage peuvent apporter quelques explications en la matière.

Revenant par la suite sur l'importance des mouvements d'extrême droite en Ukraine, un expert a reconnu que ce problème ne concerne certes pas uniquement ce pays. Il n'en demeure pas moins que des mouvements qui préparent la jeunesse à la violence par des moyens idéologiques, en invoquant l'ordre, la justice et le bien-être pour tous (des valeurs auxquels peu de gens s'opposent), sont particulièrement dangereux, a-t-il souligné. Il conviendrait donc peut-être que les autorités ukrainiennes accordent davantage d'attention aux agissements de ces organisations fascistes, a-t-il insisté. Il ne s'agit pas ici de dire que l'Ukraine est un pays moins tolérant que d'autres mais de veiller à ce que ce phénomène ne devienne pas une banalité, a souligné un autre expert.

Ce problème de la montée de l'extrémisme et de la xénophobie intéresse prioritairement le Comité, qui y a été confronté en examinant les situations de nombreux États, a pour sa part rappelé un membre du Comité. Se penchant sur les causes de ce phénomène, il a notamment souligné que la liberté d'expression ne peut pas tout justifier; le Comité attend donc du Gouvernement ukrainien des mesures visant à responsabiliser les hommes politiques à cet égard.

Un membre du Comité a indiqué avoir pris connaissance d'un rapport de la Commission européenne contre le racisme et l'intolérance qui renvoie à une page du site web du Ministère des affaires intérieures de l'Ukraine qui contient des expressions incitant au rejet et à la ségrégation des Roms, recommandant aux Ukrainiens de les tenir à l'écart et de ne pas entrer en contact avec eux.

Relevant les informations figurant dans le rapport selon lesquelles 671 Karaïtes et 204 Krymchaks, dont la moyenne d'âge était d'environ 60 ans, vivaient en Crimée, un autre membre du Comité a souligné qu'avec de tels chiffres, on ne parle plus de groupes minoritaires mais d'une «espèce en voie d'extinction», de sorte qu'il n'est pas juste de les traiter comme les autres groupes minoritaires, car ils vont bientôt disparaître. Il faut leur accorder un traitement spécial, une protection spéciale, ne serait-ce que pour enregistrer leur contribution historique à la civilisation, a insisté l'expert.

Réponses de la délégation

Répondant aux questions des experts sur le cadre d'application de la Convention, la délégation a notamment déclaré, s'agissant des nombreux organes chargés des questions intéressant la Convention et des risques de double emploi entre les fonctions de ces différents organes, qu'il existe un certain flou et donc certains chevauchements en la matière; mais la réforme administrative lancée à la fin de l'année dernière vise précisément à y remédier. La première étape de cette réforme, qui concerne plus précisément la réforme des organes centraux, est terminée. La deuxième étape, qui concerne la réforme des organes locaux, va maintenant pouvoir commencer, a indiqué la délégation. À titre d'exemple, elle a notamment précisé que les questions concernant les réfugiés relèvent désormais des services centraux des migrations.

En ce qui concerne les mesures législatives prises aux fins de l'élimination de la discrimination raciale, la délégation a rappelé que l'article 24 de la Constitution interdit toute restriction directe ou indirecte des droits des citoyens fondée sur la race, la couleur de la peau, les convictions politiques ou religieuses, le sexe, l'appartenance ethnique ou sociale ou sur toute autre caractéristique. En outre, l'article 161 du Code pénal ukrainien prévoit des peines en cas de violation de cette norme constitutionnelle. L'égalité des citoyens devant la loi et l'interdiction de toute discrimination pour des motifs ethniques ou raciaux sont également inscrites dans toute une série de lois et règlements, a ajouté la délégation. En mai 2011, a-t-elle poursuivi, le Président ukrainien a chargé le Ministère de la justice d'élaborer une stratégie de lutte contre la discrimination en Ukraine et il a alors été rapidement décidé, dans ce contexte, d'élaborer une loi-cadre sur la lutte contre la discrimination. Le projet de loi-cadre en la matière est en train d'être élaboré par le Ministère de la justice et très bientôt, le pays devrait donc se doter d'une nouvelle législation en matière de lutte contre la discrimination, a précisé la délégation.

S'agissant des réfugiés, la délégation a souligné qu'un nouveau service a été créé qui est chargé de mettre en œuvre la politique centrale en matière de migrations. La politique de délivrance du statut de réfugié existe en Ukraine depuis 1996, mais il est incontestable que la nouvelle loi sur les réfugiés et les personnes ayant besoin d'une protection temporaire, qui vient d'être adoptée cet été, constitue une grande avancée dans ce domaine, a ajouté la délégation. Il existe actuellement une instruction unique sur les modalités de réception et de transmission des demandes d'obtention du statut de réfugié, a-t-elle précisé. La procédure d'examen des demandes se fait en deux temps; dans un premier temps, la demande est examinée par les organes territoriaux des services de migration dans les trois mois qui suivent son dépôt; puis, dans un deuxième temps et en dernière analyse, une autre entité statue définitivement sur l'octroi ou non du statut de réfugié. Les requérants d'asile peuvent interjeter appel d'une éventuelle décision de rejet de leur demande auprès du tribunal régional, a indiqué la délégation. Au 1er avril de cette année, l'Ukraine comptait 2435 réfugiés officiellement reconnus comme tels, a précisé la délégation, avant d'attirer l'attention sur les mesures prises pour assurer aux réfugiés la jouissance de leurs droits, notamment en termes d'éducation et de logement. Le nombre de requérants d'asile mineurs croît régulièrement chaque année, a par ailleurs fait observer la délégation. En ce qui concerne le financement du programme d'aide aux demandeurs d'asile, la délégation a expliqué que la crise financière a entravé la construction de nouveaux centres d'accueil dans l'oblast de Kiev, de sorte qu'il a fallu faire appel à l'aide internationale dans le cadre d'une coopération technique.

Pour ce qui est des droits de la minorité nationale rom, la délégation a indiqué que selon le recensement de 2001 – seule source d'information officielle disponible à ce jour pour disposer de chiffres concernant telle ou telle minorité nationale – il y avait alors en Ukraine quelque 47 600 Roms représentant 0,1% de la population totale. Il y a des régions où les Roms sont particulièrement concentrés, comme en Transcarpatie, a précisé la délégation. Le Ministère de l'éducation a élaboré un programme didactique pour l'apprentissage de la langue rom dans les classes de la première à la onzième année, a-t-elle fait valoir. Une partie importante des Roms est socialement peu adaptée et en matière d'éducation, il faut déployer un important travail préparatoire auprès des parents afin de les sensibiliser à la nécessité d'envoyer leurs enfants à l'école, a par ailleurs expliqué la délégation.

S'agissant de la question des documents d'identité pour les Roms, la délégation a tout d'abord tenu à rappeler que le passeport ukrainien ne mentionne pas l'origine nationale de la personne. Les autorités ukrainiennes rencontrent régulièrement les dirigeants des organisations communautaires roms; à l'occasion de ces rencontres, elles se sont rendu compte qu'au 1er juillet 2011, il y avait environ 2800 citoyens roms qui ne disposaient pas de passeports, en grande majorité dans la région de Transcarpatie.

En ce qui concerne l'apparition du phénomène de l'extrémisme sur lesquels se sont attardés plusieurs membres du Comité, la délégation a tout d'abord tenu à préciser que l'article 161 du Code pénal incrimine la discrimination à l'encontre de toute personne, y compris des étrangers. Elle a fait état de chiffres laissant apparaître que sur 28 cas d'infraction à cet article 161, dix étaient des infractions perpétrées contre des étrangers. La délégation a par ailleurs reconnu l'existence de groupes extrémistes dont les membres attaquent les membres des minorités ethniques, notamment des réfugiés, mais a tenu à souligner que des groupes similaires existent dans nombre d'autres pays, en Europe comme en Amérique du Nord. La majorité des Ukrainiens sont des gens tout à fait responsables et tolérants, a déclaré la délégation. Elle a en outre fait valoir que les autorités ukrainiennes ont créé un service de lutte contre la cybercriminalité.

À compter de 2005, le phénomène des skinheads, venu de l'étranger, est apparu en Ukraine où il n'existait pas jusqu'ici, ce qui a eu une influence sur la situation de la criminalité dans le pays, a par ailleurs indiqué la délégation. Le mouvement skinhead s'est surtout répandu dans la capitale, Kiev, où leur influence est particulièrement tangible, a-t-elle précisé. La lutte contre ce mouvement, qui prône la pureté de la race, est rendue difficile par le fait que l'organisation de ce mouvement n'est pas particulièrement structurée et qu'il n'y a pas de chef clairement identifié comme tel. Il n'en demeure pas moins que dès que cela est possible, les skinheads sont fichés, a souligné la délégation. Elle a par ailleurs indiqué qu'une liste de recommandations à l'intention des étudiants étrangers en Ukraine, intitulée «Vos droits et comment les défendre», a été élaborée et diffusée. Le nombre de crimes de haine a diminué ces dernières années, a poursuivi la délégation. Il n'en demeure pas moins que les membres des minorités continuent d'être victimes d'agression de la part de skinheads. Ainsi, la femme du Secrétaire d'Ambassade du Vietnam en Ukraine ainsi que d'autres personnes, originaires du Pakistan et de l'Inde, par exemple, ont-elles été victimes de telles agressions.

La délégation a en outre fait part des mesures prises en vue de prévenir d'éventuelles menaces émanant de groupes organisés extrémistes ou radicaux dans le contexte du championnat de football de l'Euro 2012 qui se déroulera en Ukraine et durant lequel un grand nombre d'étrangers vont arriver en Ukraine. Le racisme dans le sport est un problème qui ne se pose pas en Ukraine, a assuré la délégation. Il n'y a qu'à voir les grandes équipes de football, comme le Dynamo de Kiev; elles intègrent de nombreux joueurs africains, par exemple.

La délégation ukrainienne a assuré que tous les organes du pouvoir, toute la société, vont suivre de près les phénomènes extrémistes et vont réagir, afin de les prévenir.

Répondant à une question sur la situation des Karaïtes et des Krymchaks, la délégation a expliqué que le faible nombre et l'âge moyen élevé de ces personnes mentionnés dans le rapport correspondent à la réalité, mais que a indiqué la délégation. Il n'en demeure pas moins qu'il y a encore des jeunes Karaïtes et Krymchaks, comme en témoigne le fait que pour l'année 2010-2011, il y avait trois écoles du week-end enseignant le karaïte à 25 élèves, a souligné la délégation; des classes similaires permettaient d'enseigner le krymchak à 24 élèves. Ainsi, les autorités ukrainiennes ont-elles pris des mesures pour préserver ces deux langues caractéristiques.

Observations préliminaires

M. THORNBERRY, rapporteur pour l'examen du rapport ukrainien, a remercié la délégation pour les réponses complètes qu'elle a fournies aux experts. Quelles que soient les modalités institutionnelles, a-t-il souligné, il faut que le thème de la (lutte contre la) discrimination raciale reste central dans l'action de l'État et reçoive l'attention voulue. La visibilité institutionnelle, c'est-à-dire la clarté des institutions, est importante, a-t-il insisté. Le Comité suivra de près la progression du processus d'adoption de la loi-cadre sur la lutte contre la discrimination, a-t-il indiqué. En matière de discrimination raciale, il n'y a pas que l'aspect pénal, a par ailleurs souligné le rapporteur; il y a aussi l'aspect de réparation pour le préjudice subi en cas de discrimination.

Le Comité a toujours accordé la plus haute importance au problème des discours incitant à la haine en cherchant l'équilibre entre interdiction de tels discours et respect de la liberté d'expression, a poursuivi M. Thornberry, avant de rappeler que le Comité a adopté le commentaire général n°15 à ce sujet. Pour ce qui est des questions de migrations, l'expert a affirmé avoir apprécié ce qu'a dit la délégation au sujet de la perspective d'intégration des nouveaux migrants. Pour ce qui est des Roms, M. Thornberry a fait observer que lorsque l'on parle de groupes vulnérables, on sous-estime trop souvent l'aspect linguistique de la question. Personne n'a réussi à régler le problème de l'éducation des Roms, a-t-il par ailleurs souligné.

S'agissant des organisations extrémistes, M. Thornberry a indiqué que les choses ne lui paraissent pas très claires en ce qui concerne leur enregistrement.

Par ailleurs, il faudrait peut-être réfléchir à des mesures spéciales en faveur des Karaïtes et des Krymchaks, a déclaré le rapporteur.

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