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Communiqués de presse Organes conventionnels

Le Comité pour l'Elimination de la discrimination raciale examine le rapport de la Géorgie

17 août 2011

Comité pour l'élimination
de la discrimination raciale

17 août 2011

Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport périodique de la Géorgie sur les mesures prises par ce pays pour se conformer aux dispositions de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.

Présentant le rapport de son pays, M. Zurab Tchiaberashvili, Représentant permanent auprès des Nations Unies à Genève, a souligné la diversité ethnique, culturelle, linguistique et religieuse de la Géorgie et déclaré que l'État est tenu d'accorder une attention particulière aux minorités nationales et à leur développement. Le Gouvernement s'appuie dans ce domaine sur le Concept national pour la tolérance et l'intégration civile et son Plan d'action. Les mesures prises conformément aux orientations stratégiques de ce Concept national portent sur six domaines: primauté du droit; éducation et langue de l'État; médias et accès à l'information; intégration politique et participation civique; intégration sociale et régionale; culture et préservation de l'identité. En ce qui concerne enfin la situation dans les territoires occupés d'Abkhazie (Géorgie) et de la région de Tskhinvali (Ossétie du Sud, Géorgie), le chef de la délégation a souligné que la Géorgie ne peut pas exercer un contrôle réel sur ces parties de son territoire occupé depuis 2008 et encourage donc les organisations internationales à se rendre sur place pour disposer d'informations crédibles sur la situation dans ces régions actuellement sous occupation militaire de la Fédération de Russie.

La délégation géorgienne était également composée de Mme Tina Burjaliani, première Ministre adjointe de la justice; de Mme Tamar Martiashvili, première Ministre adjointe des personnes déplacées des territoires occupés, du logement et des réfugiés; de M. Irakli Porchkidze, premier Ministre adjoint au Bureau du Ministre d'État à la réintégration; de Mme Irine Kurdadze, Ministre adjointe de l'éducation et des sciences; ainsi que de représentants du Conseil national de sécurité, du Ministère des affaires étrangères, du Ministère de la justice, du Ministère des affaires intérieures et du Ministère de l'éducation et des sciences. Elle a fourni aux experts des compléments d'information en ce qui concerne, notamment, les populations déplacées du fait de l'occupation des régions géorgiennes d'Abkhazie et de Tskhinvali par la Fédération de Russie; le cas des populations déplacées de force par l'URSS dans les années 1940; la situation des divers groupes minoritaires et leurs rapports avec la population majoritaire; les mesures visant à s'assurer que les stéréotypes sont absents des manuels scolaires; l'incrimination des discours de haine.

Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de la Géorgie, M. Ion Diaconu, a estimé que des progrès ont été enregistrés par le pays, notamment sur le plan du droit, des institutions et de certaines mesures adoptées, mais a estimé que beaucoup reste à faire. Il a notamment relevé que le Code pénal ne semble pas interdire les discours racistes, la diffusion d'idées racistes, les manifestations de haine raciale ou encore l'incitation à la discrimination raciale. Il a en outre rappelé que le Comité ne demande pas que les actes de discrimination raciale soient érigés en délit, mais qu'ils soient interdits. L'un des problèmes auxquels sont confrontées les minorités ethniques réside dans leur faible connaissance de la langue géorgienne, ce qui leur crée des difficultés pour exercer de nombreux droits de l'homme, notamment en termes de droits politiques et d'accès à l'emploi. Des informations semblent indiquer que des stéréotypes, des préjugés et des conceptions erronées persistent à l'égard des minorités ethniques et religieuses, de la part des politiciens et des médias, ainsi que dans les manuels scolaires, s'est inquiété M. Diaconu. Le rapporteur a d'autre part fait état d'allégations de détentions arbitraires et de mauvais traitements à l'encontre des membres de groupes ethniques et d'étrangers.

Le Comité adoptera ultérieurement ses observations finales sur le rapport de la Géorgie, qui seront rendues publiques à la clôture de la session, le vendredi 2 septembre prochain.

Cet après-midi à 15 heures, le Comité entamera l'examen du rapport périodique de l'Ukraine (CERD/C/UKR/19-21).

Présentation du rapport

M. ZURAB TCHIABERASHVILI, Représentant permanent de la Géorgie auprès des Nations Unies à Genève, a souligné la diversité ethnique, culturelle, linguistique et religieuse de son pays, ajoutant que l'État est tenu d'accorder une attention particulière aux minorités nationales et à leur développement. Il a rappelé qu'en 2005, la Géorgie a reconnu la compétence du Comité pour examiner les plaintes individuelles qui peuvent lui être soumises en vertu de l'article 14 de la Convention. Les principes d'égalité et de non-discrimination sont énoncés dans un certain nombre de textes législatifs énumérés au paragraphe 4 du rapport, a souligné M. Tchiaberashvili. L'une des principales institutions chargées de protéger les droits de l'homme sans discrimination est le Comité parlementaire sur les droits de l'homme et l'intégration civile, a-t-il précisé. En outre, l'ombudsman établi par la loi organique de 1996 est une institution constitutionnelle indépendante des droits de l'homme qui a notamment pour mandat de promouvoir la jouissance des droits de l'homme sans discrimination.

Le représentant géorgien a indiqué que le Concept national pour la tolérance et l'intégration civile et le Plan d'action associé constituent les documents fondamentaux sur lesquels s'appuie la politique du Gouvernement dans ce domaine; ils ont été formulés en se fondant sur la Convention-cadre du Conseil de l'Europe pour la protection des minorités nationales. Afin d'assurer un large consensus, le processus d'élaboration du Concept et du plan d'action ont bénéficié de la participation de toutes les parties intéressées. Un mémorandum de coopération a été signé entre le Conseil pour la tolérance et l'intégration civile et le Conseil des minorités nationales, a ajouté M. Tchiaberashvili. Le Concept national met l'accent sur six grandes orientations stratégiques, a-t-il précisé: primauté du droit; éducation et langue de l'État; médias et accès à l'information; intégration politique et participation civique; intégration sociale et régionale; et enfin, culture et préservation de l'identité.

M. Tchiaberashvili a souligné que la Géorgie avait améliorée et renforcé les dispositions législatives relatives aux lois de protection des minorités, s'agissant notamment du droit du travail, de la santé, du système éducatif, des questions électorales ou encore de la législation pénale. Il a précisé que les principaux groupes minoritaires de Géorgie sont les Abkhazes, les Ossètes du Sud, les Arméniens et les Azéris.

Tous les groupes religieux en Géorgie jouissent du droit à la liberté de religion, a affirmé le représentant. Le 5 juillet dernier, le Code civil a été amendé pour permettre l'enregistrement des groupes religieux en tant qu'associations religieuses.

S'agissant des questions relatives à l'éducation et à la langue d'État, M. Tchiaberashvili a notamment indiqué que depuis 2009, le Ministère de l'éducation et des sciences a lancé un projet destiné à soutenir l'apprentissage de la langue géorgienne parmi les minorités ethniques au niveau préscolaire. Le représentant permanent a en outre attiré l'attention sur les mesures prises en faveur de l'amélioration des qualifications des enseignants dans les écoles des minorités. Sur les 2093 écoles secondaires que compte le pays, 297 sont des écoles dans lesquelles la langue d'enseignement n'est pas la langue d'État (langue géorgienne); sur ces 297 écoles, 116 sont des écoles arméniennes, 89 des écoles azéris, 12 des écoles russes et 80 des écoles mixtes enseignant deux langues ou plus, a indiqué M. Tchiaberashvili. Pour ce qui est de l'enseignement supérieur, il a indiqué que l'une des grandes réalisations de l'année 2010 a été l'instauration d'un système de quota pour les minorités ethniques dans les établissements d'enseignement supérieur; ainsi, les personnes parlant l'arménien et l'azerbaïdjanais en Géorgie se voient octroyer 10% de toutes les places dans les universités d'État. Les bourses d'État pour les élèves des minorités nationales ont également considérablement augmenté, passant de 11 en 2008 à 213 en 2010, a fait valoir le représentant.

Pour ce qui est des questions relatives aux médias et à l'accès à l'information, M. Tchiaberashvili a notamment fait valoir que depuis l'effondrement de l'Union soviétique, les informations de la radiodiffusion publique sont diffusées dans les six langues de minorités que sont l'abkhaze, l'ossète, l'arménien, l'azerbaïdjanais, le kurde et le russe.

En matière d'intégration politique et de participation civile, le chef de la délégation géorgienne a notamment indiqué que pour garantir la participation avisée des minorités nationales au processus électoral, la Commission électorale centrale a créé un groupe de travail spécial et fournit des documents en langues arménienne, azéri et russe. Suite à la réforme des collectivités locales de 2006, le nombre de sièges occupés par des membres des minorités ethniques dans les conseils municipaux est représentatif de la composition ethnique de chaque région.

En ce qui concerne l'intégration sociale et régionale, M. Tchiaberashvili a rendu compte des mesures prises afin de développer les infrastructures régionales, en particulier dans la partie méridionale du pays.

S'agissant enfin du sixième axe stratégique du Concept national, à savoir la culture et la préservation de l'identité, M. Tchiaberashvili a notamment rappelé qu'églises arméniennes ou orthodoxes, mosquées et synagogues se côtoient depuis des siècles en Géorgie. Depuis 2008, un festival interethnique a été créé sous le slogan: «La diversité est notre richesse». L'Université d'État de Tbilissi gère un Institut des études du Caucase où sont enseignées les langues du Caucase, y compris celles de petits groupes ethniques tels que les Tchétchènes, les Ossètes et les Ingouches, a ajouté le Représentant permanent de la Géorgie.

M. Tchiaberashvili a ensuite évoqué la situation des Roms en indiquant qu'un programme de prévention avait été mis en place dès 2008 afin de veiller à ce qu'il n'y ait plus de problème d'enregistrement des naissances s'agissant de ces personnes.

Le représentant a d'autre part assuré que les autorités veillent à ce que toutes les personnes se trouvant sur le territoire géorgien jouissent des mêmes droits, sauf bien entendu pour ce qui est de certains droits exclusivement réservés aux citoyens géorgiens par la Constitution et la législation pertinente dans la mesure où cela est autorisé par le droit international. À l'heure actuelle, a précisé M. Tchiaberashvili, la Géorgie compte 1781 apatrides et jusqu'à 17 000 étrangers non citoyens qui ont des permis de séjour temporaires ou permanents. Il a indiqué que la Géorgie a donné son accord pour adhérer à la Convention de 1954 relative au statut des apatrides. Selon les chiffres officiels, a ajouté le Représentant permanent, la Géorgie compte à ce jour quelque 547 personnes ayant obtenu le statut de réfugiés. Au cours de l'année 2010-2011, 15 personnes se sont vu octroyer ce statut, a-t-il précisé. La plupart d'entre elles viennent de la Fédération de Russie, a-t-il ajouté.

M. Tchiaberashvili a souligné que deux vagues d'épuration ethnique ont frappé le pays en 1991-1993 et en 2008, en Abkhazie (Géorgie) et dans la région de Tskhinvali (Ossétie du Sud, Géorgie), la plupart des Géorgiens ayant été expulsés des territoires concernés sous la pression des forces militaires d'un pays tiers. La Géorgie s'est dotée d'un plan en faveur de ces personnes déplacées; à ce jour, quelque 8000 familles de personnes déplacées suite à la guerre de 2008 ont obtenu une solution durable pour leur logement.

En ce qui concerne enfin la situation dans les territoires occupés d'Abkhazie (Géorgie) et de la région de Tskhinvali (Ossétie du Sud, Géorgie), la position du Gouvernement géorgien est que la Géorgie ne peut pas exercer un contrôle réel sur ces parties de son territoire et ne dispose pas des informations lui permettant de tout vérifier; elle encourage donc les organisations internationales à se rendre sur place pour disposer d'informations crédibles sur ce qui s'y passe réellement. Ces régions se trouvent sous occupation militaire de la Fédération de Russie, a rappelé M. Tchiaberashvili. Les autorités centrales du Gouvernement géorgien, comme les autorités légitimes de ces régions actuellement en exil sont privés des moyens pratiques de gouverner ces territoires et se trouvent donc dans l'incapacité d'exercer un contrôle effectif de ces territoires afin d'y assurer l'application des dispositions de la Convention, a-t-il insisté. «La puissance occupante, la Fédération de Russie, n'a pas réussi à prévenir la discrimination raciale – à laquelle elle a aussi directement participé – perpétrée par ses forces armées, ses services de sécurité, ses forces de police, ses administrations civiles et autres personnes relevant de son autorité ou de son contrôle», a déclaré M. Tchiaberashvili. Il a précisé que les actions ici en cause, qui constituent autant de violations de la Convention, ont consisté à empêcher que ne s'exerce le droit au retour des Géorgiens expulsés de leurs foyers en Abkhazie (Géorgie) et dans la région de Tskhinvali (Ossétie du Sud, Géorgie) durant les années 1990 (ainsi qu'en 2008 pour cette dernière région) et à mener un nettoyage ethnique dans cette dernière région et dans les zones adjacentes de Géorgie durant le mois d'août 2008 et les mois qui ont suivi. M. Tchiaberashvili a par ailleurs dénoncé la discrimination contre les Géorgiens vivant actuellement dans les zones occupées de la Géorgie contrôlées par la Fédération de Russie.

Le rapport périodique de la Géorgie (CERD/C/GEO/4-5) indique que la Constitution garantit les droits des personnes appartenant à des minorités nationales et interdit la discrimination, y compris la discrimination fondée sur l'appartenance ethnique ou religieuse. Après la «révolution des roses», la pleine intégration de toutes les minorités ethniques en Géorgie reste une entreprise difficile pour le gouvernement actuel. Les traités internationaux font partie intégrante de la législation géorgienne, poursuit le rapport. Le principe d'égalité est appliqué par le biais de plusieurs actes législatifs nationaux, souligne-t-il en outre: la Constitution de Géorgie, le Code pénal, le Code de procédure pénale, le Code civil, le Code de procédure civile et le Code administratif général de Géorgie. La liste ci-dessous énumère d'autres lois ayant directement ou indirectement trait à l'interdiction de la discrimination fondée sur différents motifs: loi sur les associations politiques de citoyens; loi sur les rassemblements et les manifestations; Code du travail; loi sur la radiodiffusion et la télévision; loi sur l'enseignement public; loi sur l'enseignement supérieur; loi sur les droits des patients; loi sur la protection de la santé; loi sur la culture; loi sur l'application des peines non privatives de liberté et sur la probation; loi de la Géorgie sur la réhabilitation et la restitution de propriétés des victimes du conflit armé dans l'ancien district autonome d'Ossétie du Sud sur le territoire de la Géorgie; loi sur la lutte contre la traite des personnes; loi sur les communications électroniques, loi sur le libre-échange et la concurrence; loi sur les avocats, loi sur le droit privé international; loi sur les conflits d'intérêts dans la fonction publique et la corruption; loi sur la protection sociale des personnes handicapées. L'article 142 1) du Code pénal géorgien, qui est d'application générale, érige en infraction pénale la discrimination raciale commise par toute personne physique ou morale, poursuit le rapport. Les motivations raciales, religieuses, fondées sur la nationalité ou l'ethnie sont considérées comme des circonstances aggravantes par le Code pénal géorgien, précise le rapport.

Le Centre européen pour les questions des minorités (ECMI) a mené, pendant le second semestre de 2008 et au début de 2009, une étude visant à recueillir des informations sur les lieux de résidence des Roms en Géorgie, ainsi que des données démographiques et des données sur la structure sociale de la communauté rom et les difficultés sociales, économiques ou autres auxquelles elle est confrontée. La communauté rom compte environ 1000 personnes en Géorgie, y compris le campement moldove à Tbilissi et une petite communauté installée à Kutaisi, et toutes suivent le mode de vie rom. Ce chiffre n'inclut pas les Roms qui résident en Abkhazie (Géorgie). Le niveau de scolarisation est très faible parmi les Roms, dans la mesure où quelques enfants seulement sont inscrits dans les écoles; d'après les résultats de l'étude, c'est essentiellement la réticence des parents qui explique le faible taux de scolarisation des enfants roms, indique le rapport. Presque tous les campements roms de Géorgie sont situés dans un environnement multiethnique, où les Roms entretiennent des relations permanentes avec des personnes appartenant à différents groupes ethniques, assure-t-il. Ce sont les personnes d'origine tchétchène qui constituent le principal groupe de refugiés en Géorgie, indique par ailleurs le rapport; le Gouvernement s'emploie à trouver des solutions durables à leurs problèmes pour répondre à leurs besoins, indique-t-il.

Examen du rapport

Questions et observations des membres du Comité

M. ION DIACONU, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de la Géorgie, a souligné que de nombreux changements importants sont intervenus en Géorgie qui intéressent le Comité, notamment s'agissant du Concept national et du conflit armé qui s'est déroulé sur le territoire du pays au cours de la période couverte par le rapport. M. Diaconu a souligné que la Géorgie n'exerce pas de contrôle sur deux régions de son territoire et qu'elle ne saurait donc être tenue pour responsable de la situation qui prévaut sur des territoires. Par ailleurs, a ajouté le rapporteur, le Comité, lorsqu'il discute du rapport de la Géorgie, ne peut examiner la situation dans d'autres États parties.

Selon le recensement de 2002, a poursuivi M. Diaconu, les minorités composent 16,7% de la population de la Géorgie; parmi elles, les Azéris représentent 6,5% de la population du pays, les Arméniens 5,7%, les Russes 1,5% et les Ossètes 0,9%. Le rapporteur a demandé une mise à jour de ces chiffres, compte tenu en particulier du conflit de 2008.

S'agissant de l'application de l'article 4 de la Convention, M. Diaconu a relevé que le Code pénal ne semble pas interdire les discours racistes, la diffusion d'idées racistes, les manifestations de haine raciale ou encore l'incitation à la discrimination raciale. L'expert a en outre souhaité savoir pourquoi la qualification raciale d'un crime n'est considérée comme une circonstance aggravante que pour certains crimes graves et pas pour tous les crimes. De plus, les associations et organisations qui font la promotion du racisme ne sont pas interdites, a-t-il relevé. Aussi, le Comité pourrait-il recommander à la Géorgie de revoir sa législation s'agissant de ces questions, a-t-il suggéré.

La Géorgie a de nombreux problèmes à résoudre, dont un certain nombre sont un héritage du passé alors que d'autres résultent des deux conflits qui ont affecté la situation socioéconomique du pays, a poursuivi M. Diaconu.

Le rapporteur a fait observer que l'un des problèmes auxquels sont confrontés les minorités ethniques réside dans leur faible connaissance de la langue géorgienne, ce qui leur crée des difficultés pour exercer de nombreux droits de l'homme, notamment en termes de droits politiques et d'accès à l'emploi. Bien que certaines mesures aient été prises dans ce domaine, comme par exemple la promotion de l'éducation bilingue dans les écoles publiques, beaucoup reste à faire pour assurer que les enfants des minorités ethniques puissent apprendre la langue officielle de manière à ne pas être défavorisés dans leur accès à l'éducation supérieure ou à l'emploi, a souligné M. Diaconu. Davantage doit également être fait pour apprendre la langue officielle aux adultes appartenant aux minorités, a-t-il ajouté.

Des informations semblent indiquer que des stéréotypes, des préjugés et des conceptions erronées persistent à l'égard des minorités ethniques et religieuses, de la part des politiciens et des médias, ainsi que dans les manuels scolaires, a poursuivi M. Diaconu, déplorant que les membres de certaines minorités soient considérés comme ennemis du pays et qu'aucune distinction ne soit donc opérée entre situation politique, conflit, population et relations interethniques en Géorgie. Des mesures déterminées doivent être prises pour instaurer ou restaurer la confiance et promouvoir la réconciliation entre le groupe majoritaire et les minorités, a déclaré le rapporteur; il faut promouvoir la tolérance et la coexistence pacifique, y compris dans les discours politiques, a-t-il insisté.

D'autre part, des mesures doivent être prises pour promouvoir la situation globale de certains groupes ethniques plus petits, a déclaré le rapporteur, s'agissant avant tout de la situation des populations déportées de Géorgie durant les années 1940, du temps de l'URSS, en particulier les Meskhètes turcophones, victimes d'une certaine hostilité de la part de la population géorgienne, principalement parmi la population arménienne de la région dont ils avaient été expulsés. M. Diaconu a souhaité savoir combien de Meskhètes se trouvent encore en Géorgie, combien n'ont pas été acceptés en tant que citoyens rapatriés et comment le Gouvernement géorgien entend résoudre ce problème. D'une manière générale, a estimé le rapporteur, la Géorgie devrait renforcer ses efforts visant à intégrer ces personnes dans la société et à éviter les réactions d'intolérance à leur égard par le biais d'une stratégie globale à cette fin, axée sur l'étude de la langue géorgienne et l'accès à l'éducation et à l'emploi.

Davantage d'attention devrait être accordée aux Roms, qui sont victimes de préjugés fortement négatifs, de marginalisation, de pauvreté extrême et d'un faible taux de scolarisation, a poursuivi M. Diaconu. Il s'est inquiété que certains d'entre eux ne possèdent toujours pas de papiers d'identité. Par ailleurs, les membres des minorités azérie et arménienne souffrent également d'un manque d'infrastructures, de transports et de communications entre leurs régions et le reste du pays.

M. Diaconu a également souhaité en savoir davantage au sujet de la situation des groupes minoritaires juif, grec, kurde, qist, yezidi et ukrainien mentionnés dans le rapport, ainsi qu'au sujet du statut de la République autonome d'Adjara.

En dépit des efforts déployés par la Géorgie en leur faveur, des personnes déplacées restent confrontées à des difficultés dans de nombreux domaines de la vie sociale, en raison de la pauvreté, du manque d'emploi et des autres obstacles qui s'opposent au processus d'intégration, a poursuivi le rapporteur. Aussi, s'est-il enquis des mesures prévues par la Géorgie pour résoudre les problèmes restants et intégrer ces personnes dans la société.

M. Diaconu s'est en outre inquiété de la situation des quelque 1700 personnes qui seraient considérées comme apatrides, essentiellement parce qu'elles n'ont pas de certificat de naissance et sont confrontées à d'autres problèmes de documentation.

Le rapporteur a par ailleurs estimé que le Gouvernement géorgien devrait prendre des mesures appropriées pour assurer une représentation politique et une participation adéquates des minorités, en particulier pour ce qui est des communautés azérie et arménienne, et promouvoir leur intégration dans la société géorgienne.

Le rapporteur a d'autre part fait état d'allégations de détentions arbitraires et de mauvais traitements à l'encontre des membres de groupes ethniques et d'étrangers.

La situation des réfugiés et des requérants d'asile est également un sujet de préoccupation, a déclaré M. Diaconu, faisant observer que la situation géographique de la Géorgie en fait un pays de destination. L'expert a souhaité en savoir davantage sur le nombre de réfugiés et de requérants d'asile que compte la Géorgie actuellement et sur leur origine. Il s'est également inquiété d'informations faisant état d'enlèvements de femmes destinées à être mariées, en particulier parmi les minorités ethniques.

Enfin, M. Diaconu a mentionné une lettre adressée au Comité par une organisation non gouvernementale géorgienne située à Tbilissi qui se plaignait que les forces armées arméniennes se livrent à des actes de harcèlement et de violence à l'encontre des villages azéris situés à la frontière, du côté géorgien. Précisant que la délégation arménienne avait totalement nié ces faits, M. Diaconu a demandé à la délégation géorgienne si elle avait eu connaissance de cette plainte et, dans ce cas, quelle avait été la réaction de l'État géorgien.

Un autre membre du Comité a rappelé que la Fédération de Russie et la Géorgie entretiennent une relation de longue date. L' expert russe a ajouté qu'il y a beaucoup de Géorgiens en Fédération de Russie, où ils sont installés depuis le XVIe siècle et où existe une église orthodoxe géorgienne. Il a ensuite exprimé le souhait d'en savoir davantage sur la relation de l'État géorgien avec le Comité, rappelant que, dans une requête déposée devant la Cour internationale de justice de La Haye, la Géorgie a fait des commentaires «qui n'étaient pas toujours favorables à ce Comité». Il a précisé que M. James R. Crawford, représentant la Géorgie devant la Cour, s'est interrogé sur l'intérêt de maintenir un dialogue avec un Comité jugé «faible» et donc «inutile» car «dépourvu» face à un État «intransigeant».

L'expert s'est par ailleurs enquis de la situation des Roms en Géorgie, notamment s'agissant de la langue qu'ils utilisent. Il s'est en outre enquis des raisons pour lesquelles si peu de Meskhètes sont revenus en Géorgie alors que c'est là que se trouve leur patrie. Pourquoi la législation géorgienne parle-t-elle de «personnes» déplacées de force alors que c'est le peuple meskhète qui a été déplacé de force, a insisté l'expert russe, se demandant s'il s'agit d'éviter la question d'un retour collectif?

Un autre expert a rappelé que le précédent rapport de la Géorgie avait été examiné en août 2005 et que, depuis, de nombreux événements nouveaux se sont produits, en particulier le conflit armé de 2008. Évoquant la législation pénale géorgienne contre la discrimination raciale, l'expert a souligné que si des efforts ont été accomplis pour la rendre conforme aux dispositions de la Convention, des lacunes subsistent en la matière pour assurer la pleine conformité de la législation nationale avec l'article 4 de la Convention, s'agissant notamment de l'incrimination des discours de haine et de l'interdiction des organisations à caractère raciste. S'agissant des manifestations de xénophobie et de racisme, il s'est dit préoccupé par un rapport d'avril 2010 de la Commission européenne contre le racisme et l'intolérance (ECRI) qui s'inquiète de l'aggravation des phénomènes de racisme et de xénophobie en Géorgie suite au conflit armé de 2008, s'agissant notamment de l'inclusion de stéréotypes négatifs dans les manuels scolaires.

Un autre expert a souligné que dans un document remis au Comité, le Défenseur du peuple de la Géorgie, tout en reconnaissant les efforts menés par le Gouvernement en faveur de la reconnaissance des droits des minorités ethniques, relève toute une série de problèmes qui continuent de se poser dans le pays s'agissant des minorités. Le Défenseur du peuple mentionne notamment les difficulté s'agissant de l'accès à l'éducation, de l'insuffisante participation des minorités ethniques à la vie publique, de leur manque de connaissance de la langue géorgienne, des lacunes en matière de protection de leur patrimoine culturel et des difficultés que rencontrent les religions minoritaires. Le Défenseur aborde également le problème préoccupant de la situation des Roms et celui des discours de haine diffusés contre les minorités ethniques par les médias et certains politiciens.

Quelle langue parlent les Meskhètes et existe-t-il en Géorgie des écoles dans leur langue, a demandé un membre du Comité? Il a par ailleurs déploré que le Comité ne puisse disposer de données ventilées concernant le niveau de vie des minorités en Géorgie. Il s'est en outre inquiété des diminutions conséquentes du nombre de personnes appartenant à chaque minorité ethnique en Géorgie.

Réponses de la délégation

Répondant aux questions des experts sur le cadre général d'application de la Convention, la délégation géorgienne a indiqué qu'après la guerre de 2008, la Géorgie a reçu une aide financière des États-Unis et de l'Union européenne, ce qui a permis au pays de renouer avec la croissance, laquelle a atteint 6,4% l'an dernier et devrait rester à ce niveau cette année.

La délégation a d'autre part indiqué que le Défenseur du peuple peut s'adresser à la Cour constitutionnelle pour lui donner son point de vue sur la constitutionnalité des lois. L'indépendance du bureau du Défenseur a été renforcée suite à des amendements législatifs adoptés l'an dernier, a-t-elle ajouté; désormais, ce dernier peut intervenir auprès des tribunaux en tant qu'amicus curiae (c'est-à-dire «ami de la cour»). Il n'y a pas, en Géorgie, d'organe désigné de manière expresse par la loi pour traiter des questions de discrimination raciale; dans les faits, le Bureau du Défenseur du peuple se charge de toutes les fonctions que pourrait être amenée à assumer une institution qui serait spécifiquement chargée de s'occuper de la discrimination raciale, a indiqué la délégation. Elle a par la suite indiqué que les autorités géorgiennes allaient étudier soigneusement le document transmis au Comité par le Défenseur du peuple. Elle a en outre constaté avec satisfaction que les membres du Comité ne contestent pas l'indépendance du Bureau du Défenseur du peuple.

En ce qui concerne les questions relatives aux minorités, la délégation a souligné que la Géorgie consacre des sommes considérables à l'amélioration des conditions de vie des communautés minoritaires. L'appartenance ethnique n'est pas un critère de différenciation pour l'obtention des services et prestations sociaux, a en outre souligné la délégation. Elle a d'autre part fait valoir que le Ministère de l'éducation et des sciences mène une politique systématique en faveur des minorités nationales; il veille notamment à promouvoir leur meilleure connaissance de la langue géorgienne et assure la protection de leur patrimoine culturel. Quatre «maisons des langues» ont été créées dans des régions densément peuplées par des Arméniens et des Azéris d'origine, a en outre rappelé la délégation. Même s'il n'y a pas de heurts interethniques, cela ne signifie pas pour autant que la Géorgie a atteint un niveau suffisant d'intégration de tous les citoyens dans le pays, a reconnu la délégation. La Géorgie n'a pas encore atteint un niveau suffisant en ce qui concerne l'intégration de tous les groupes ethniques à la vie sociale sous tous ses aspects, a-t-elle admis.

Répondant à une question sur les raisons pour lesquelles le nombre de personnes appartenant à des minorités ethniques a chuté en Géorgie, la délégation a souligné que d'une manière globale, la démographie de la Géorgie a chuté pour des raisons économiques suite à l'effondrement de l'Union soviétique. Le nombre de Géorgiens de souche partis en Grèce avoisine les 100 000 et plusieurs dizaines de milliers sont partis vers la Fédération de Russie. Il n'est donc pas étonnant que la démographie des minorités ethniques, groupes particulièrement vulnérables, ait suivi cette tendance, a expliqué la délégation.

S'agissant des «personnes déplacées de force par l'URSS dans les années 1940», la délégation a instamment prié le Comité de ne pas utiliser d'autre terminologie pour évoquer ces questions. Elle a effet précisé que les Meskhètes sont un sous-groupe ethnique géorgien; ils ont pu être désignés comme turcs uniquement en raison de leur religion musulmane. Il n'y a pas de langue meskhète; les Meskhètes parlent le géorgien ou une autre langue locale de la région – arménien, turc ou russe, en particulier.

La délégation a fait état d'une mission menée par des représentants de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) pour évaluer la situation des rapports entre Ossètes et Géorgiens de souche, qui a pu constater que les Ossètes du Sud parlaient, pour la plupart, géorgien et que les doléances de ces personnes étaient liées non pas à de quelconques tensions ethniques mais à des infrastructures insuffisantes et aux obstacles rencontrés pour rendre visite à des proches en Ossétie du Nord du fait des difficultés à obtenir un visa de la Fédération de Russie. La délégation géorgienne a par ailleurs fait valoir que, selon le rapport de mission de l'OSCE, il n'existe aucune plainte ni rumeur faisant état de discrimination dont auraient été victimes des Ossètes de la part de Géorgiens. Le rapport conclut en outre que la guerre d'août 2008 n'a pas changé la situation des Ossètes de souche dans les territoires contrôlés par les autorités géorgiennes.

La délégation a d'autre part souligné que la Commission européenne contre le racisme et l'intolérance (ECRI) avait elle-même relevé que selon de nombreuses sources, le niveau de tolérance à l'égard des Russes, des Abkhazes, des Ossètes et d'autres minorités ethniques restait élevé parmi la population géorgienne, même après le conflit d'août 2008.

S'agissant de la situation des Roms, la délégation a souligné que depuis 2007-2008, les autorités géorgiennes ont entrepris des mesures spécifiquement destinées à assurer la protection et la promotion des droits de la population rom. Un programme a notamment été mis en place qui visait en premier lieu à identifier les problèmes les plus criants auxquels était confrontée la population rom, a-t-elle précisé. Au nombre des doléances de la population rom qui ont été identifiées, figuraient les lacunes existantes en termes d'enregistrement à l'état civil. Des mesures ont donc été prises pour assurer un enregistrement adéquat des Roms et leur fournir ainsi des documents d'identité, comme il se doit; ce processus d'enregistrement est en cours, a indiqué la délégation. Elle a précisé que le processus d'enregistrement est parfois rendu compliqué par les déplacements fréquent que les Roms à l'intérieur du territoire géorgien.

En 2009-2010, deux organisations non gouvernementales dirigées par les Roms ont été créées dans deux régions géorgiennes, a poursuivi la délégation. Ces ONG s'occupent des dossiers intéressant les Roms et notamment d'éducation, de promotion de la connaissance des droits et d'intégration civile, tout en veillant à la préservation du patrimoine culturel rom. Souvent, les lacunes en matière d'éducation des enfants roms sont imputables aux familles roms elles-mêmes, a par ailleurs déclaré la délégation.

La délégation a par ailleurs rappelé que la Géorgie compte actuellement quelque 547 réfugiés, provenant, pour le plus grand nombre, de Fédération de Russie. En juillet 2010, a-t-elle précisé, des mesures d'assistance ont été prises pour promouvoir plus avant l'intégration des réfugiés, notamment en termes de logement.

La Stratégie en faveur des personnes déplacées victimes de persécutions adoptée en 2007 se fixe deux grands objectifs: créer les conditions propices à une vie digne et à un retour dans la dignité et promouvoir des mesures d'intégration dans tous les domaines, a indiqué la délégation.

En réponse aux interrogations de membres du Comité qui s'inquiétaient du contenu de certains manuels scolaires dans lesquels seraient diffusés des stéréotypes et préjugés, la délégation a souligné que le Ministère de l'éducation n'a reçu aucune plainte laissant entendre que le contenu d'un manuel scolaire ne conviendrait pas.

La Géorgie s'est dotée en 2009 d'une loi très libérale sur la liberté de parole et d'opinion; cette loi interdit les discours de haine s'il y a un danger direct et certain de conséquences pernicieuses, a indiqué la délégation. Par ailleurs, il existe un code de conduite pour les médias qui garantit qu'il ne soit pas incité à l'intolérance aux motifs de la religion ou de l'appartenance ethnique; il faudrait maintenant établir une instance d'appel chargée d'examiner les doléances en la matière, a ajouté la délégation.

La délégation a souligné que selon les rapports disponibles, environ 80% de la population géorgienne a confiance dans la police. Il n'y a pas d'actes de torture en Géorgie, a par ailleurs souligné la délégation.

S'agissant d'une question sur les rapports de la Géorgie avec le Comité, la délégation a souligné que le dialogue d'aujourd'hui témoignait que le pays a pleinement confiance dans le Comité et dans le travail qu'il accomplit. Si l'article 22 de la Convention prévoit des conditions préalables avant toute saisine de la Cour internationale de justice, la Géorgie estime que ces conditions préalables sont alternatives et non pas cumulatives, de sorte qu'il suffit qu'une seule de ces conditions soit remplie pour pouvoir saisir la Cour. Pour l'heure, avec tout le respect dû au jugement rendu par la Cour, le Gouvernement géorgien envisage toutes les mesures possibles de résolution pacifique du différend afin d'assurer le plein respect des droits énoncés dans la Convention dans les territoires occupés d'Abkhazie et de la région de Tskhinvali (Ossétie du Sud), a indiqué la délégation.

Observations préliminaires

M. ION DIACONU, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de la Géorgie, a dit avoir le sentiment que des progrès ont été enregistrés par le pays, notamment sur le plan du droit, des institutions et des mesures adoptées, mais que beaucoup reste à faire. Le Comité ne demande pas que les actes de discrimination raciale soient érigés en délit, mais qu'ils soient interdits. Quant à la question foncière, s'agissant des Azéris et des Arméniens, M. Diaconu a renvoyé au rapport de la Commission européenne contre le racisme et l'intolérance. L'éducation et la participation à la vie publique, même pour les personnes qui viennent de régions qui ne sont pas sous contrôle de l'État géorgien à l'heure actuelle, restent le meilleur moyen pour tisser des liens aux fins de l'instauration d'une société multiculturelle.

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