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Communiqués de presse Organes conventionnels

Le Comité des droits de l'homme examine le rapport de l'Éthiopie

12 Juillet 2011

Comité des droits de l'homme
12 juillet 2011

Le Comité des droits de l'homme a examiné, hier après-midi et aujourd'hui, le rapport initial de l'Éthiopie sur les mesures prises par ce pays pour se conformer aux dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

Présentant le rapport de son pays, M. Fisseha Yimer Aboye, conseiller spécial du Ministre des affaires étrangères, a affirmé que l'Éthiopie avait accompli de grands progrès dans la promotion et la protection des droits de l'homme, grâce notamment à l'adoption de la Constitution fédérale en 1995 et la ratification des principaux instruments internationaux de défense des droits de l'homme. Pour remédier aux contraintes financières, le Gouvernement éthiopien s'est engagé dans une étroite coopération avec les institutions locales et internationales pertinentes, dont le Haut-Commissariat aux droits de l'homme. Le pays est sorti de manière remarquable d'un passé répressif au cours duquel l'État avait commis des abus en matière de droits de l'homme, la pratique massive de la torture notamment. Quant à la peine capitale, bien que demeurant en vigueur, elle fait l'objet d'un moratoire de fait, a fait valoir le chef de la délégation. La Constitution reconnaît la suprématie des instruments internationaux des droits de l'homme auxquels le pays est partie. Tous les citoyens, ressortissants étrangers ou réfugiés, jouissent des droits garantis par la Constitution sans aucune forme de discrimination ni de distinction.

La délégation éthiopienne était également composée de M. Mebrate Teklemariam, Directeur général adjoint de l'administration pénitentiaire fédérale, de M. Minelik Alemu Getahun, Représentant permanent de l'Éthiopie aux Nations Unies à Genève, et de représentants du ministère des affaires étrangères, de la justice et de la défense. Elle a répondu aux nombreux commentaires et questions des membres du Comité. Le rôle apparemment fort limité de la Commission nationale des droits de l'homme, le flou d'une législation antiterroriste susceptible de permettre de réprimer toute opposition, voire d'arrêter des journalistes y compris étrangers, l'absence de médias indépendants, la question des pratiques traditionnelles telles que les mutilations génitales féminines pratiquées de façon massive, la volonté politique de favoriser la parité des sexes, la pénalisation de l'homosexualité ont particulièrement retenu l'attention des experts.

La délégation a notamment affirmé que les mutilations génitales avaient fortement régressé et qu'il s'agissait d'une pratique désormais très minoritaire. Elle a démenti que la Commission des droits de l'homme soit aux ordres du Gouvernement et assuré que le nombre de médias indépendants proliférait dans tout le pays, les stations de radios notamment. Elle a reconnu qu'un certain nombre de journaux avaient été fermés à la suite des troubles postélectoraux de 2005, en raison de l'irresponsabilité et de la désinformation à laquelle ils s'étaient livrés. Elle a démenti que la législation antiterroriste soit utilisée pour museler la presse. La délégation a également fourni des réponses aux questions du Comité s'agissant de deux journalistes suédois récemment arrêtés en Éthiopie.

Les observations finales du Comité sur les rapports des pays examinés au cours de la session seront rendues publiques à la fin des travaux, le 29 juillet prochain.

Le Comité, qui tient demain matin une séance privée, entamera dans l'après-midi l'examen du rapport périodique de la Bulgarie (CCPR/C/BGR/3).

Présentation du rapport

M. FISSEHA YIMER, Conseiller spécial du Ministre des affaires étrangères de l'Éthiopie, a rappelé que son pays était partie au Pacte relatif aux droits civils et politiques depuis 1993. Au grand regret de son gouvernement, le rapport initial du pays accuse un certain retard, a-t-il reconnu, ce qui n'est pas dû à l'absence d'efforts de la part des autorités mais en raison de capacités techniques limitées, une situation que l'Éthiopie partage avec la plupart des pays en développement.

Depuis le début des années 1990, l'Éthiopie a accompli d'importants progrès dans la promotion et la protection des droits de l'homme, en particulier dans le cadre de l'adoption de sa Constitution fédérale en 1995 et la ratification des grands instruments internationaux des droits de l'homme. Pour remédier à un manque de capacité et aux contraintes financières, le Gouvernement éthiopien a pris un certain nombre de mesures en faveur d'une coopération plus étroite avec les institutions locales et internationales pertinentes. L'une de ces institutions est le Haut-Commissariat aux droits de l'homme avec lequel le Gouvernement entretient une relation extrêmement efficace et exemplaire, grâce notamment à son bureau d'Addis Abeba pour la corne de l'Afrique et l'Afrique de l'est. Pour préparer ce rapport, les autorités ont respecté un processus transparent et participatif, notamment avec la Commission éthiopienne des droits de l'homme. M. Yimer a souligné que le système fédéral de son pays autorisait une plus grande liberté et une reconnaissance des droits et de la diversité des divers groupes la constituant qui avaient été victimes, par le passé, d'abus et de négligence. Le pays est sorti de manière remarquable d'un passé répressif au cours duquel l'État avait commis des abus en matière de droits de l'homme, la pratique de la torture notamment, et ce à une échelle massive.

La Constitution reconnaît la suprématie des instruments internationaux des droits de l'homme auxquels le pays est partie en tant que sources d'interprétation des dispositions de la Constitution qui soient pertinentes à la protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Tous les citoyens, ressortissants étrangers ou réfugiés, jouissent des droits garantis par la Constitution sans aucune forme de discrimination ni de distinction. Par ailleurs, le code pénal punit le fait de porter atteinte à l'intégrité physique et psychologique, ce qui inclut les mutilations génitales féminines et le mariage des enfants.

La peine capitale reste en vigueur comme dans de nombreux autres États, mais d'une manière que l'on peut considérer comme constituant un moratoire de fait, puisque l'application de la peine de mort est rarissime. S'agissant des conditions d'incarcération et de l'administration pénitentiaire, l'Éthiopie dispose désormais d'un système facilitant les visites en prison par les particuliers et les institutions.

Des mesures institutionnelles et administratives ont été prises afin de renforcer le pouvoir des institutions chargées de la mise en œuvre de la loi. La Commission des droits de l'homme et le bureau du médiateur jouent un rôle important à cet égard. Par ailleurs, le Gouvernement a encouragé la création d'un mécanisme indépendant d'investigation sur les violations des droits de l'homme ayant pu survenir dans le passé, tels que les désordres estudiantins des années 90 à Addis Abeba, les troubles dans l'État de Gambella en 2003 ou les violences post-électorales de 2005. Ces enquêtes ont blanchi les forces de l'ordre à l'exception du deuxième cas pour lequel six militaires ont été traduits en justice.

Face au terrorisme, une approche intégrant plusieurs éléments a été adoptée, le pays étant confronté à un défi considérable, à l'instar de nombreux autres pays. L'Éthiopie entend assurer la sécurité de sa population tout en respectant les normes internationales. L'arrestation de tout suspect se fait dans le plein respect des droits et de la dignité de la personne, a assuré le chef de la délégation.

Par ailleurs, en matière d'éducation, l'Éthiopie a élaboré un programme d'éducation civique global particulièrement ambitieux. En outre, un institut de formation judiciaire prodigue un enseignement particulièrement approfondi en matière de droit humanitaire. Certes l'Éthiopie se heurte à de nombreux problèmes et surmonter ces défis n'est pas facile en raison d'un manque de ressources financières, humaines et de capacités techniques. Mais son Gouvernement est convaincu de pouvoir surmonter ces obstacles, par lui-même et avec l'aide, la coopération et la compréhension internationale indispensables pour atteindre ces objectifs avec succès.
Le rapport initial de l'Éthiopie (CCPR/C/ETH/1) assure que la Constitution du pays garantit le droit à l'autodétermination de ses nations, nationalités et peuples, y compris la sécession. L'exercice du droit à l'autodétermination est le droit à un plein gouvernement autonome, qui englobe le droit pour un groupe donné de créer des institutions de gouvernement sur le territoire qu'il habite, précise le document. L'une des modalités de l'autodétermination est la sécession, par laquelle une nation, une nationalité ou un peuple peut se constituer en État souverain en vertu du droit international. Vu que l'unité des peuples dans la diversité et la fraternité règne en Éthiopie et que les droits fondamentaux individuels et collectifs y sont protégés, la question de la sécession n'est guère susceptible de s'y poser, indique toutefois le rapport. Celui-ci souligne que les nations, nationalités et peuples de l'Éthiopie sont aussi représentés de façon équitable dans les administrations publiques. Il précise que dans tous les organes chargés de l'application de la loi, dont la police, le parquet et l'appareil judiciaire, des efforts sont déployés pour assurer une représentation proportionnelle à la totalité des nations, nationalités et peuples.

La Constitution éthiopienne reconnaît aux femmes le droit à une jouissance égale des droits et garanties qu'elle consacre, dont à l'évidence les droits civils et politiques. Mais le rapport reconnaît que malgré ces efforts, il serait prématuré d'affirmer que les Éthiopiennes exercent désormais pleinement sur un pied d'égalité leurs droits civils et politiques comme le prescrit le Pacte. Des discriminations et inégalités persistantes freinent le rythme de leurs progrès dans presque tous les domaines de la vie. Le Gouvernement entend accélérer le changement dans tous les secteurs dans le souci de la pleine intégration des femmes sur un pied d'égalité avec les hommes. Par ailleurs, la traite des femmes constitue depuis peu un grave problème dans le pays et pour y remédier un comité national contre la circulation illégale des personnes a été institué sous la tutelle du Ministère fédéral de la justice

Le Code pénal prévoit la peine capitale seulement contre des délinquants extrêmement dangereux ayant commis des crimes graves en l'absence de circonstances atténuantes. Ce cadre juridique général explique pourquoi la peine de mort n'est prononcée qu'à titre très exceptionnel en Éthiopie, tandis que le très petit nombre d'exécutions à ce jour et les réticences qu'elles soulèvent montrent clairement que cette peine est en disparition, affirment les auteurs. Ces quinze dernières années, seuls trois condamnés à mort ont été exécutés. En ce qui concerne les mesures de sensibilisation des forces de l'ordre au respect des droits de l'homme, plusieurs campagnes ont été menées dans différentes régions du pays. Avec l'aide financière du Gouvernement norvégien, une formation aux droits de l'homme a été dispensée à l'échelle nationale aux agents des forces de l'ordre. Depuis 1991, des efforts sont déployés en vue de passer d'un système pénitentiaire punitif et répressif à un système privilégiant la réadaptation et le reclassement. Des progrès sensibles ont été accomplis mais beaucoup reste à faire pour satisfaire aux normes, précise encore le rapport. Enfin, la Constitution consacre la liberté de pensée, de conscience et de religion dans les mêmes termes que les dispositions relatives du Pacte. Le droit de se réunir librement est garanti et les citoyens sont autorisés à former des organisations politiques en vue de briguer et d'occuper des postes politiques.

Examen du rapport initial de l'Éthiopie

Questions et observations des membres du Comité

M. MICHAEL O'FLAHERTY, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de l'Éthiopie, a qualifié d'exceptionnel le rapport fourni par ce pays, en raison de la qualité du travail fourni. Il s'est dit déçu en revanche par les réponses apportées aux questions complémentaires du Comité.

S'agissant de la transposition des instruments internationaux dans la législation locale, il a estimé qu'une certaine confusion semblait régner à cet égard, en raison notamment de l'absence de publication dans les journaux officiels. Cela signifie que le Pacte n'est pas diffusé dans les langues nationales. S'agissant du rôle de la Commission nationale des droits de l'homme, celle-ci ne semble guère active et elle ne semble pas jouir d'une grande crédibilité auprès de la population. M. O'Flaherty a souhaité savoir si les autorités entendaient remédier à cette faiblesse.

Le rapporteur a souhaité en savoir plus sur les politiques gouvernementales en faveur des femmes, s'agissant en particulier du viol conjugal, crime qui semble être laissé à l'appréciation des juges. S'agissant des mutilations génitales féminines, celles-ci seraient passées de 23% à 12,5%, si l'on en croit le rapport, alors que le chiffre mentionné lors de l'Examen périodique universel approche les 75%. L'Éthiopie est semble-t-il le pays où cette pratique préjudiciable est la plus courante.

S'agissant de l'homosexualité, considérée comme une infraction dans nombre d'États parties, le rapporteur a demandé ce qu'il en était en Éthiopie. Il a rappelé que le pays n'avait soulevé aucune réserve sur cette question lors de la ratification du Pacte. Or, il semble que les cas de violence et de rejet soient courants envers les homosexuels.

En ce qui concerne les personnes déplacées, des plans de protection ont-ils été élaborées, a-t-il demandé. Des rapports font en effet état de situations extrêmement graves pour ces populations dont la précarité est extrême, selon le constat qui a été fait lors de l'Examen périodique universel de l'Éthiopie.

Un autre membre du Comité a déploré, à l'instar du rapporteur, la présentation confuse des réponses aux interrogations du Comité, soulignant la difficulté de faire le lien avec les questions posées. Il a ajouté qu'il conviendrait désormais de demander à toutes les délégations examinées de répondre explicitement et clairement aux questions supplémentaires posées.

Un expert a abordé la question de la législation antiterroriste, regrettant le caractère vague et général des réponses apportées par le rapport, et relevant que la définition du terrorisme semble extrêmement imprécise, susceptible d'ouvrir la voie à un certain nombre d'abus. Ainsi, des journalistes ont été inquiétés en vertu de la législation antiterroriste pour avoir tenté de pénétrer en Ogaden ou pour s'être exprimés sur des blogs de manière critique envers le Gouvernement. Dans une autre série de questions, un expert a souligné que résolution 1373 du Conseil de sécurité ne devait pas servir à se soustraire à certaines obligations en matière de respect des droits de l'homme dans la lutte antiterroriste. Les mesures prises ont certainement nui à la liberté des citoyens éthiopiens, a-t-il été estimé.

Un expert a souhaité avoir des éclaircissements sur la détention préventive et sur sa durée avant la présentation devant un juge, qui est théoriquement de 48 heures. Un autre expert a noté que le délai de 48 heures ne comptait normalement aucune exception légale. Il s'est ainsi interrogé sur l'arrestation de deux journalistes suédois, incarcérés pendant 11 jours sans avoir été présentés à un magistrat, demandant ce qui justifiait un tel retard. Un expert a par la suite souhaité savoir quels chefs d'accusation avaient été retenus contre les deux journalistes suédois. Quant au délai de 48 heures avant de présenter un prévenu devant un juge, celui-ci peut-il être rallongé, notamment pour tenir compte des délais induits par le transport jusqu'à un tribunal éloigné, par exemple. Il a été rappelé que les journalistes suédois avaient été détenus 11 jours avant leur comparution. Par ailleurs, des informations font état de détentions au secret pendant de longues périodes. Est-il envisagé de poursuivre les responsables de détentions arbitraires?

Un membre du Comité a demandé s'il était exact que le Comité international de la Croix-Rouge n'avait pas accès à la région d'Ogaden et, si oui, pour quelle raison. Un expert, tout en disant comprendre la sensibilité de ce sujet, a souligné que la réponse à la question de savoir pour quelle raison cette région était fermée relevait du débat public et non pas de la confidentialité des échanges entre le CICR et le Gouvernement, contrairement à ce que semble estimer la délégation.

Plusieurs se sont inquiétés par ailleurs du manque d'initiative visant à abolir la polygamie. Un expert a déclaré que la polygamie était attentatoire à la dignité de la femme, tout comme les mutilations génitales féminines. La justification selon laquelle il fallait composer avec la réalité n'est pas suffisante, a-t-il observé, souhaitant que le pays ait recours à la «force du droit». Il s'agit en effet de «violations manifestes du Pacte». Il a par la suite été demandé si la polygamie avait été abrogée localement, dans une région comme le Tigré par exemple et quel était le statut des enfants nés d'unions polygames, qui sont officiellement illicites. S'agissant des mutilations génitales, une experte a estimé qu'il ne suffisait pas d'évoquer le but à atteindre mais de préciser par quels moyens on entendait parvenir à l'éradication de ce phénomène si l'on n'entendait pas recourir à la pénalisation. Un autre membre du Comité s'est interrogé sur les initiatives de l'État pour changer les mentalités, notamment vis-à-vis des femmes. La parité des sexes ne se décrète en effet tout simplement pas par la loi. Le Comité recommande par conséquent de lancer des campagnes de sensibilisation afin de faire en sorte que les femmes puissent participer sur un pied d'égalité à la vie sociale, économique et politique de la société. Quels efforts ont été accomplis par l'Éthiopie à cet égard, a-t-il demandé, déplorant l'absence de précisions dans le rapport? Un expert a aussi a souhaité savoir si une loi relative à la parité des sexes avait été promulguée en Éthiopie.

En ce qui concerne la situation des réfugiés, un membre du Comité, tout en se disant conscient du flux important de personnes ayant choisi de gagner l'Éthiopie et de la difficulté de la situation, a demandé s'il était exact que la non-reconnaissance des enfants nés en territoire éthiopien allait jusqu'au refus de délivrer des certificats de naissance. S'agissant des personnes déplacées, le Comité a souhaité en savoir plus sur leur prise en charge, estimant que les réponses de la délégation étaient par trop fragmentaires.

Des questions ont été posées sur la législation pénalisant l'homosexualité, un expert soulignant que le fait qu'une personne ne soit pas poursuivie en vertu de la loi n'empêche pas qu'elle puisse souffrir de discriminations de fait. On a le sentiment que les homosexuels préfèrent se cacher, a-t-il été ajouté. L'État partie ne devrait-il pas prendre des mesures pour protéger tous les individus contre la discrimination, a demandé un expert?

Quant à l'indépendance relative de la Commission des droits de l'homme vis-à-vis du gouvernement, celui-ci envisage-t-il de prendre des mesures pour garantir qu'elle soit pleine et entière?

Mentionnant la charia, dont il a souhaité avoir des éléments sur les modalités d'application, un expert a demandé que dans le prochain rapport soient indiquées clairement les circonstances dans lesquelles la loi islamique était applicable et dans lesquelles elles ne l'étaient pas. Des inquiétudes se sont exprimées de ce que les jugements prononcés en vertu de la charia ne puissent faire l'objet d'un recours devant les tribunaux ordinaires. Un expert a qualifié de particulièrement grave le fait que certaines dispositions du Pacte ne s'appliquent pas aux tribunaux islamiques.

En ce qui concerne la peine de mort, un membre du Comité s'est dit préoccupé par un certain nombre d'affaires dans lesquelles des personnes ont été condamnées pour complot. Un expert a demandé si les prévenus avaient bénéficié de toutes les garanties légales requises ainsi que du prétendu moratoire de fait sur la peine capitale. Une experte a demandé quels types de tribunaux pouvaient prononcer la peine capitale et dans le cadre de quelles procédures, notamment s'agissant de la possibilité d'interjeter appel. Un membre du Comité a souhaité savoir si l'on disposait de statistiques quant à l'application de la peine capitale.

Deux experts ont voulu connaître les conditions des jugements par contumace, souhaitant notamment savoir si les personnes mises en cause pouvaient se faire représenter par un avocat. Une experte a par la suite fait observer que la Cour européenne des droits de l'homme avait jugé (arrêt Grumbach contre la France) que la présence d'un avocat était une garantie afin qu'il n'y ait pas d'automaticité des jugements au détriment des accusés jugés en leur absence.

Des membres du Comité ont exprimé leur préoccupation s'agissant de cas de vendetta et de règlements de compte, dont les victimes appartenaient à l'opposition.

Plusieurs questions ont été posées sur des cas d'usage disproportionné de la force par les représentants de l'ordre. Les membres du Comité se sont aussi inquiétés de l'usage semble-t-il courant de la torture. Un expert s'est dit déçu par les dénégations de la délégation sur la torture, soulignant que les informations faisant état d'un usage répandu voire systématique provenaient de sources sérieuses telles qu'Amnesty International. Il a demandé si des poursuites avaient été intentées contre des tortionnaires et si des victimes avaient pu obtenir réparation.

Une experte s'est intéressée à la question des minorités. Elle a rappelé que 80 langues étaient parlées dans le pays, demandant si elles étaient enseignées. Les peuples concernés ont-ils le statut de peuples autochtones, a-t-elle demandé tout en reconnaissant que cette question était controversée en Afrique.

Un membre du Comité s'est inquiété de l'impact de la crise alimentaire sur les droits civils et politiques, demandant comment l'Éthiopie réagissait à cette menace envers les plus vulnérables. C'est le droit même à la vie, garanti par le Pacte, qui est en cause. L'Éthiopie prend-elle des dispositions pour lutter contre la famine?

Abordant les questions relatives à la liberté de la presse et d'opinion, un expert s'est inquiété que les autorités fassent état de «l'attitude irresponsable d'une partie de la presse», qui aurait été susceptible d'avoir provoqué les troubles postélectoraux de 2005. Treize journaux indépendants ont été fermés et des journalistes harcelés. Cette répression semble monnaie courante sous couvert de lutte antiterroriste, a-t-il relevé, exprimant son sentiment que cette attitude des autorités nuisait gravement à la liberté d'expression. Il a demandé quelles justifications la délégation donnait à ces limitations de la liberté de la presse. Il semble en outre que les médias indépendants n'existent tout simplement pas, seules des entreprises étatiques pouvant exercer dans le domaine médiatique. S'agissant de la diffamation, celle-ci est passible de sanctions sévères. Or, le Comité travaille actuellement à un projet d'observations générales qui appellera à l'abrogation de sanctions pénales pour ce délit. Le Groupe de travail sur la détention arbitraire des Nations Unies a pour sa part constaté de graves atteintes à la liberté d'opinion en Éthiopie, a-t-il rappelé. Un autre expert s'est inquiété du fait que certains sites critiques à l'égard du Gouvernement ne soient pas accessibles, demandant comment était régenté l'Internet.

L'expert s'est par ailleurs inquiété du fait qu'un grand nombre d'organisations non gouvernementales locales aient dû fermer, la loi prévoyant qu'une ONG ne pouvait recevoir de l'étranger plus de 10% de ses ressources. Or, cette règle des 10% apparaît contraire aux dispositions du Pacte.

Une experte a affirmé que 12% des mineurs en Éthiopie étaient orphelins du VIH/sida. Par ailleurs, même si le code pénal interdit la traite des enfants, le même code ne définit pas le terme mineur et enfant. Elle s'est inquiétée du grand nombre d'adolescentes qui seraient contraintes de se prostituer dans des maisons de prostitution de la capitale en particulier; par ailleurs, 36,3% des mineurs âgés de 5 à 14 ans travailleraient et ne seraient par conséquent pas scolarisés. Quelles mesures les autorités entendent-elles prendre contre cette situation? Prévoient-elles en outre de dépénaliser le vagabondage des enfants des rues?

Réponses de la délégation éthiopienne

Répondant aux questions sur le cadre général d'application du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, la délégation a notamment indiqué que les instruments internationaux ratifiés par l'Éthiopie ont pour la plupart été traduits au moins en amharique, ainsi qu'en tigréen et dans au moins une troisième langue locale pour un certain nombre d'entre eux. Certaines dispositions de la Constitution reprennent mot pour mot les dispositions du Pacte. En réponse à des questions ultérieures, la délégation a par ailleurs indiqué que les tribunaux islamiques permettent de juger au civil les différends entre particuliers et qu'ils n'ont pas l'obligation d'appliquer le Pacte, cette dérogation étant un droit constitutionnel. Elle a par la suite indiqué que seules les personnes le souhaitant sont jugées en vertu de la charia. Le règlement des litiges se fonde toutefois sur certaines dispositions du droit civil commun. En outre, ces jugements peuvent faire l'objet d'un appel auprès des tribunaux islamiques, ainsi qu'auprès de l'instance de cassation de la Cour suprême des instances civiles ordinaires.

S'agissant du fonctionnement de la justice en général, la délégation a attiré l'attention sur la disposition du «plaider coupable», qui permet en effet d'éviter un procès mais n'autorise pas de faire appel. Néanmoins, le tribunal peut décider de demander des investigations supplémentaires le cas échéant. En revanche, toute personne plaidant coupable et qui serait finalement condamnée peut faire appel. Quant aux services d'interprétation, ils sont à la disposition de tout prévenu qui doit être entendu et doit répondre des charges le concernant dans une langue qu'il comprend.

S'agissant des questions relatives à l'égalité des sexes, la délégation a indiqué que son gouvernement avait pris des mesures afin que 36% des postes de responsabilité soient occupés par des femmes. Le taux d'abandon scolaire reste de 10% plus élevé pour les petites filles. S'il n'existe pas de quotas pour la promotion sociale des femmes, des mesures sont néanmoins prises en leur faveur ainsi qu'en faveur des personnes handicapées. Le parti au pouvoir par exemple a présenté des candidates femmes aux élections, ce que n'ont pas fait les autres formations politiques. La délégation a par la suite jugé souhaitable que la participation politique des femmes soit améliorée. La présence de femmes dans les instances élues est en nette augmentation au sein du système politique, a fait valoir la délégation, qui a indiqué qu'elle était passée de 2,3 à 2,7% en 2010 au sein de l'Assemblée nationale. L'article 3 du Pacte recommandant de prendre des mesures afin de garantir l'égalité, en matière de représentation politique notamment, tous les États régionaux, à l'exception de deux, sont en train d'adopter des législations en faveur de la parité. La Constitution éthiopienne est directement inspirée du Pacte à cet égard. La difficulté est de changer les stéréotypes, a reconnu la délégation, soulignant qu'aucune loi supplémentaire n'était toutefois nécessaire pour cela. La délégation a réitéré que la polygamie était illégale en Éthiopie.

Par ailleurs, une stratégie nationale est mise en œuvre pour lutter contre les pratiques traditionnelles préjudiciables telles que les mutilations génitales ou la polygamie. On s'efforce de sensibiliser la population en créant des associations de femmes par exemple car l'on sait qu'elles sont le mieux à même d'avoir une influence sur leurs pairs. Les autorités sont absolument convaincues que ces mutilations constituent une violation gravissime des droits des femmes. Par ailleurs, la participation des femmes dans les instances politiques est encouragée, ce qui ne peut qu'avoir une influence positive sur l'élimination des pratiques traditionnelles nocives. S'agissant plus précisément de la polygamie et de la violence faite aux femmes, celles-ci sont passibles de poursuites, y compris dans les États régionaux qui n'ont aucune souveraineté dans ce domaine pour refuser d'appliquer le droit commun qui a force de loi sur l'ensemble du territoire.

En réponse à des questions complémentaires, la délégation a assuré que les mutilations sexuelles sont le fait de pratiques traditionnelles en voie de disparition, dont la prévalence est minime. Les chiffres présentés lors de l'Examen périodique universel remontent à une quinzaine d'années et, depuis lors il y a eu une chute drastique de la pratique, a fait valoir la délégation, d'autant que les auteurs de mutilations sont désormais passibles de poursuites. Les principales mesures prises par le Gouvernement visent non seulement à châtier les responsables mais aussi à faire prendre conscience de la question à l'opinion publique.

S'agissant de la durée légale de la détention préventive, elle ne peut excéder 48 jours, soit quatre mois, un juge étant chargé de la surveillance de l'enquête.

Pour ce qui est des personnes déplacées, cette question est traitée par différentes instances et non pas par une institution unique. Une loi datant de 2004 concerne les réfugiés, la majorité d'entre eux étant originaire de la Somalie. Ceux-ci ont le droit de travailler, de créer des entreprises, des commerces en particulier – ils sont d'ailleurs très présents et actifs dans les grandes villes. S'agissant de ceux en provenance d'Érythrée, un certain nombre ont été envoyés en Occident, tandis que ceux demeurés en territoire éthiopien bénéficiaient d'aides à l'intégration. La délégation a indiqué que ces derniers temps l'Éthiopie accueillait jusqu'à 2000 réfugiés de Somalie par jour. Les enfants sont scolarisés, a-t-elle précisé, rappelant la tradition d'accueil de son pays. La délégation a par la suite assuré que l'Éthiopie ne minimisait pas le problème des personnes déplacées. Elles bénéficient d'un soutien de la part des autorités locales, des États régionaux en particulier. Il y a environ 7000 personnes déplacées à la suite d'un conflit d'ordre local. Quant à la nationalité des enfants de réfugiés, il est évident que ceux-ci ont la même que leurs parents, l'Éthiopie n'autorisant pas la double citoyenneté. Le pays veille néanmoins à ce que ne se produisent pas des situations d'apatridie.

Chacun convient de la complexité de la question de l'orientation sexuelle, a déclaré la délégation. S'il s'agit d'un acte délictueux en Éthiopie, personne n'a jamais été poursuivi pour cette raison. Il est certes regrettable que des Éthiopiens se sentent victimes de discrimination mais il n'existe pas de débat public sur cette question dans le pays. Il n'est pas question par conséquent d'envisager la dépénalisation de cette pratique. En réponse à des questions complémentaires, elle a réaffirmé que la question d'un changement de législation n'était pas d'actualité dans le pays. Elle ne conteste toutefois en aucune manière que le Pacte prévoit la protection de toute personne quelle qu'elle soit.

Répondant aux questions des experts concernant la lutte contre le terrorisme, la délégation a expliqué que la législation en vigueur obéit au respect d'un cadre juridique pour lutter contre un phénomène que le code pénal ne prenait pas en compte au départ. L'Éthiopie a tenu compte des pratiques optimales de plusieurs pays. S'agissant des journalistes suédois appréhendés alors qu'ils franchissaient la frontière, il s'agit d'une affaire en cours. Ils ont été présentés à un juge et la délégation ignore combien de temps ils ont été incarcérés avant leur présentation à un magistrat. La délégation ne comprend pas pour quelle raison ces journalistes ont pénétré en territoire éthiopien avec un groupe terroriste. La délégation a ajouté qu'elle n'estime pas que la définition du terrorisme dans la législation éthiopienne soit trop vague; elle est conforme aux résolutions pertinentes du Conseil de sécurité – 1373 sur la lutte antiterroriste et 1556 relative à la situation au Darfour. La délégation a rappelé la grande vulnérabilité du pays à ce phénomène. Si les lois antiterroristes devaient être utilisées à mauvais escient, les responsables seraient passibles de sanctions administratives, a en outre assuré la délégation.

La région de l'Ogaden a été la proie de troubles du fait d'actes terroristes commis par un front de libération. Si le conflit a pu être effectivement d'une grande violence dans certaines zones, les forces de défense s'efforcent d'y maintenir la paix et on ne peut parler de violations graves et massives, a estimé la délégation. Elle a ajouté que le Comité international de la Croix-Rouge était très présent dans le pays et que les relations entre le CICR et le Gouvernement sont excellentes. Il n'est pas pertinent toutefois d'en parler publiquement afin de ne pas porter atteinte à ces relations. À l'insistance de membres du Comité, la délégation a par la suite précisé que si la Croix-Rouge n'a pas accès à la région somalie de l'Ogaden, il n'est toutefois pas nécessaire d'expliciter cette question plus avant, le président du CICR s'étant exprimé clairement et publiquement à ce sujet.

En ce qui concerne les journalistes suédois appréhendés en Ogaden, ceux-ci ont été présentés au tribunal le plus proche dans un délai de 48 heures et ils bénéficient de l'assistance de leur ambassade. La délégation s'est interrogée s'il était convenable d'aborder des affaires individuelles dans le cadre de ce dialogue entre le Comité et l'Éthiopie. La délégation n'est pas en mesure de savoir ce que décideront les tribunaux. Elle ne dispose pas d'informations supplémentaires et elle n'a pas l'intention de s'exprimer plus avant à ce sujet, même si elle peut comprendre l'émotion envers ses compatriotes de l'expert qui s'est exprimé à leur sujet, ce à quoi l'expert suédois, M. Krister Thellin, a répondu que son intérêt pour ce cas venait de ce qu'il témoigne que l'application de la loi laissait manifestement à désirer en Éthiopie car il semble que ces journalistes n'ont pas été présentés à un juge dans les délais requis par la loi. Le chef de la délégation éthiopienne a assuré que ces personnes seront jugées dans le cadre d'un procès équitable, telle est la seule garantie que la délégation peut apporter. En réponse à des questions complémentaires, la délégation a ajouté que l'on ignore d'ailleurs si ces deux ressortissants suédois étaient véritablement journalistes, étant soupçonnés de menées d'activités criminelles; concrètement, ils sont accusés de s'être livrés à des destructions et à des sabotages visant des installations du pays (réseaux électriques, stations-services), en lien avec des organisations étrangères. Ils ont pu contacter leur famille et font l'objet d'une enquête dans l'attente d'un éventuel procès.

La délégation a précisé le rôle de la Commission nationale éthiopienne des droits de l'homme, soulignant que celle-ci jouait un rôle prépondérant dans la rédaction de rapports, à commencer par celui présenté au cours de la présente session du Comité. Elle effectue un difficile travail de terrain en faveur des droits de l'homme et il convient de dissiper les allégations selon lesquelles elle ne ferait pas grand-chose et ne soutiendrait pas les organisations de la société civile. Elle travaille d'arrache-pied, bien au contraire, a assuré la délégation.

La délégation a précisé que la peine capitale ne pouvait être infligée sans approbation du chef de l'État, la dernière exécution en date ayant eu lieu il y a trois mois. La définition de la gravité du crime passible de cette peine, son critère principal tient à l'intention de donner la mort de la part de l'assassin. Sont aussi concernés les complots pour renverser les autorités légales, ainsi que les crimes commis pendant la «terreur rouge» et la guerre civile. Les condamnés à mort sont incarcérés dans des unités séparés des autres détenus. Très peu d'exécutions ont eu lieu ces quinze dernières années, ce qui justifie que l'on puisse parler d'un moratoire de fait, d'autant que les condamnations à mort sont couramment commuées en détention à vie. Les responsables de la «terreur rouge» en ont bénéficié par exemple, alors que cela était loin de faire consensus dans la société éthiopienne, compte tenu de la gravité des actes commis par l'ancien régime et du souvenir particulièrement douloureux que celui-ci a laissé dans le pays. Au bout de vingt ans de réclusion, il est possible de faire une demande de liberté surveillée dont pourront éventuellement bénéficier les responsables de l'ancien régime. S'agissant des affaires évoquées par le Comité, les accusés ont bénéficié de toutes les garanties légales, à commencer par celle d'être représenté par un avocat, commis d'office ou de leur choix, et ils ont pu faire comparaître des témoins en leur faveur, a-t-il été précisé. La délégation a par la suite apporté une précision au sujet de l'application de la peine de mort, indiquant que la dernière personne exécutée l'avait été il y a quatre ans, trois autres condamnés seulement l'ayant été ces quinze dernières années.

Quant à la question de la condamnation par contumace, celle-ci peut intervenir lorsque les peines encourues excèdent 12 années de réclusion. S'agissant du jugement du chef de l'ancien régime, le colonel Mengistu Haile Mariam, l'absence de convention d'extradition avec le Zimbabwe, où celui-ci est refugié, a contraint à le juger par contumace. La délégation a par la suite indiqué que les accusés jugés en leur absence ne peuvent être représentés par un avocat. Les avocats commis d'office sont réservés aux suspects désargentés, a-t-elle précisé.

S'agissant du recours à la force, il doit être utilisé uniquement lorsque les circonstances l'exigent et des manuels de procédure existent à cet effet. En cas d'abus, les auteurs sont passibles de sanctions. En ce qui concerne les troubles meurtriers mentionnés par les experts à Gambella en 2003 et ceux survenus à la suite du scrutin de 2005, les autorités ont dû prendre des mesures draconiennes pour rétablir l'ordre. Dans le premier cas, des enquêtes ont été menées et les coupables châtiés, dont le responsable de la police régionale ainsi que 32 policiers. Dans le second cas, une commission d'enquête indépendante a été créée à la suite de cette crise post-électorale qui a fait de nombreuses victimes et entraîné la destruction de biens. L'intégrité territoriale de la nation étant carrément menacée, les autorités ont dû prendre des mesures fermes et proportionnés pour juguler la violence, ce dont a convenu la commission d'enquête indépendante dans ses conclusions mise sur pied à cette occasion.

En ce qui concerne les questions posées sur la situation des minorités en Éthiopie, la délégation a indiqué que la Constitution prévoit notamment le droit de bénéficier d'un enseignement dans les langues locales. Le pays a ainsi enregistré de bons résultats dans ce domaine. La délégation a assuré que les minorités linguistiques sont respectées et jouissent de tous les droits. Avec 81 langues et de nombreux dialectes, il est toutefois difficile de disposer de matériel pédagogique dans tous les idiomes, a reconnu la délégation. Vingt ans après l'adoption de la Constitution fédérale, l'Éthiopie est un pays uni, tous les groupes linguistiques étant sur un pied d'égalité.

Un expert ayant fait allusion au cas d'une opposante ayant trouvé refuge aux États-Unis, la délégation a assuré le Comité qu'elle pouvait librement rentrer au pays si elle le souhaitait, et a dit ne pas comprendre pour quelle raison cette question avait été posée.

En réponse à d'autres questions, le chef de la délégation a noté qu'aucun pays ne pouvait affirmer avoir éliminé la torture, citant le cas d'Abou Ghraïb en Iraq. Toutefois, il n'existe pas de pratique ou de politique systématique en faveur de la torture, a-t-il dit en soulignant le mot «systématique». Comme dans tous les pays du monde, des agents de la force publique se livrent parfois à des abus. Le Gouvernement ne dispose pas de statistiques à ce sujet, anticipant une question du Comité afin de «gagner du temps», a-t-il précisé. Les victimes éventuelles peuvent demander réparation en saisissant la justice.

En ce qui concerne la situation dans les prisons, celle-ci est «difficile», a reconnu la délégation éthiopienne. Le Gouvernement s'est attaqué au problème de surpeuplement, un programme de constructions de prisons devant être mis en œuvre à compter de l'an prochain. Les autorités régionales ont aussi des projets de même nature. Il existe par ailleurs un programme de distribution de repas pour les détenus dont le budget va d'ailleurs être augmenté.

Répondant à des questions sur la traite des femmes, la délégation a expliqué que le phénomène touche généralement des femmes pauvres et indigentes dont profitent les trafiquants. Des condamnations de dix à vingt ans ont été infligées dans des affaires récentes, les coupables étant condamnés à des réparations. Des mécanismes de protection des travailleuses migrantes doivent absolument être mises en place car celles-ci sont les premières cibles de ce trafic. L'Éthiopie coopère avec l'Organisation internationale des migrations à cette fin. Il s'agit effectivement d'un sujet grave et d'une question très importante, a convenu le chef de la délégation.

Un plan d'action national 2010-2014 vise à abolir le travail des enfants, s'agissant en particulier du travail domestique. Des orphelinats existent dans tout le pays, ceux-ci étant contrôlés lors de visites d'inspections; les autorités luttent activement contre l'existence d'orphelinats clandestins. L'enregistrement des naissances, des mariages et des divorces fait par ailleurs l'objet d'un effort particulier afin de généraliser ces obligations administratives. Quant au régime d'adoption, il est strictement contrôlé, a assuré la délégation. L'âge minimum de la responsabilité pénale est fixé à 9 ans dans le code pénal et la délégation n'est absolument pas en mesure de répondre favorablement à une suggestion du Comité visant à le relever.

Sans presse indépendante, les citoyens ne peuvent faire de choix libre et informé, a convenu la délégation. Malheureusement, certains médias privés ne jouent pas leur rôle, se lançant dans des campagnes négatives, les troubles de 2005 ayant constitué un véritable revers démocratique. Depuis lors, la loi sur la liberté de l'information a été édictée. Celle-ci, en interdisant l'emprisonnement de journalistes, constitue une amélioration réelle de celle qui précédait. Quant à la loi antiterroriste, elle n'a pas plus d'effet paralysant sur les médias que celle en vigueur au Royaume-Uni, a assuré la délégation éthiopienne. Il suffit de l'analyser article par article pour constater qu'elle renforce la liberté journalistique. Elle ne restreint pas le débat public, bien au contraire. Après 2005, des médias ont effectivement dû fermer car ils n'assumaient pas leurs responsabilités. On ne peut accepter que des médias extrémistes propagent des mensonges et désinforment l'opinion, de telles feuilles desservant la démocratie. Il en est de même en Europe, a-t-elle conclu à ce sujet. La délégation a déclaré que la participation des différents membres de la société et des communautés qui la composent était essentielle. L'objectif est de favoriser un environnement propice, favorable à la liberté d'expression. Les médias libres et indépendants, les stations de radios en particulier, sont de plus en plus nombreux.

Évoquant les affirmations sur l'existence de situations de famine, la délégation a assuré que celles-ci sont erronées, reconnaissant néanmoins une crise alimentaire, d'où l'appel aux organisations internationales. Le gouvernement veille à ce que l'aide alimentaire soit équitablement distribuée car il s'agit d'un droit de l'homme fondamental. Cette urgence est surtout le résultat des aléas climatiques. Le Gouvernement met en place différents plans avec un objectif de croissance de 11%, notamment par la création d'infrastructures. Il s'agit d'une question prioritaire dans le cadre de ce plan qui prend en compte le développement humain, des femmes et des enfants en particulier.

Quant aux organisations de la société civile, une nouvelle législation prévoit un certain nombre de dispositions visant à faciliter leur action. La règle du plafond de 10% de leur budget pouvant provenir de l'étranger a effectivement entraîné un gel provisoire des avoirs des organisations qui dépassaient ce seuil. Par la suite, l'agence régentant le fonctionnement de ces ONG leur a permis de continuer à fonctionner en débloquant leurs comptes afin qu'elles puissent poursuivre leur activité.

Conclusions

En conclusion, le chef de la délégation éthiopienne, M. FISSEHA YIMER ABOYE, a qualifié ces échanges de fructueux et d'enrichissants, comme les autres rencontres auxquelles il a participé avec deux autres organes conventionnels. Il s'est engagé à ce que son pays tire parti des observations et suggestions formulées par les experts du Comité. Il a assuré que sa délégation n'avait jamais eu pour intention de cacher la moindre information, s'engageant à ce que le prochain rapport de son pays permettra de constater des améliorations.

Pour sa part, la Présidente du Comité, Mme ZONKE ZANEL MAJODINA, a souligné la qualité du rapport présenté même s'il avait fallu 17 années pour que celui-ci soit présenté devant le Comité. Elle a procédé à une rapide synthèse de la réunion, rappelant l'échange de l'après-midi sur la liberté d'expression, citant le problème des mutilations génitales, avant de remercier la délégation pour sa participation active.

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