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Communiqués de presse Organes conventionnels

Le Comité des droits de l'enfant examine le rapport de Cuba

08 Juin 2011

Comité des droits de l'enfant
8 juin 2011

Le Comité des droits de l'enfant a examiné aujourd'hui le rapport de Cuba sur les mesures prises par le pays pour se conformer aux dispositions de la Convention relative aux droits de l'enfant.

Présentant le rapport de son pays, M. Abelardo Moreno, Vice-Ministre des relations extérieures de Cuba, a réaffirmé l'engagement permanent de Cuba en faveur de l'application de l'important instrument que constitue la Convention relative aux droits de l'enfant. L'harmonisation de l'âge pour les différents actes juridiques dans notre législation continue d'être une question non résolue, a-t-il reconnu, avant de souligner que d'importants efforts sont consentis pour adapter la législation aux dispositions de la Convention quant au cadre d'âge applicable. M. Moreno a par ailleurs indiqué que le Code pénal a été modifié afin de sanctionner avec plus de sévérité les auteurs de délits contre le développement normal de l'enfance et de l'adolescence. En matière d'administration de la justice, a-t-il poursuivi, des sections consacrées à la famille ont été créées au sein des tribunaux municipaux populaires et l'on travaille actuellement à un avant-projet visant à modifier le Code de la famille en vigueur. Le Vice-Ministre a par ailleurs rappelé qu'il existe à Cuba un système national de santé totalement gratuit et de qualité reconnue et un système d'éducation universel également gratuit à tous les niveaux d'enseignement qui constituent les piliers essentiels concrétisant le principe selon lequel la société cubaine garantit à tous l'égalité des droits et des opportunités, sans discrimination ni exclusion. L'œuvre de la révolution cubaine a été possible en dépit de l'existence d'obstacles colossaux, a souligné M. Moreno, rappelant que le blocus économique, commercial et financier, les agressions et actes terroristes et la politique permanente d'hostilité anticubaine menée par les administrations successives des États-Unis constituent de graves obstacles.

La délégation cubaine était également composée du Représentant permanent de Cuba auprès des Nations Unies à Genève, M. Rodolfo Reyes Rodríguez, ainsi que de représentants du Ministère de la justice et du Ministère des relations extérieures. Elle a fourni aux experts des compléments d'informations en ce qui concerne la définition de l'enfant; la liberté de réunion et d'expression des jeunes; la situation des Haïtiens arrivant à Cuba; les questions de nationalité; l'accès à Internet; l'interdiction des châtiments corporels; les questions relatives aux enfants en conflit avec la loi.

La corapporteuse du Comité pour l'examen du rapport cubain, Mme Aseil Al-Shehail, a déclaré que Cuba est un exemple pour la mise en œuvre et le respect des droits de l'enfant. Le pays a pris des mesures ces dernières années pour promouvoir les droits de l'enfant et la volonté politique à cette fin est évidente. Toutefois, le Comité recommande une révision de la législation nationale afin de la conformer aux principes et dispositions de la Convention, a-t-elle souligné. Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de Cuba, M. Jean Zermatten, a pour sa part relevé que le projet de Code de la famille actuellement à l'étude mentionne la Convention et vise à reconnaître l'enfant en tant que sujet de droits. En outre, ce projet entend fixer à moins de 18 ans l'âge de l'enfant, tant au civil qu'au pénal, ce dont il faut se réjouir. M. Zermatten a toutefois déploré que, pour l'heure, l'enfant n'est pas perçu à Cuba «comme un sujet indépendant qui pourrait exercer des droits tout seul».

Le Comité adoptera, dans le cadre de séances privées, ses observations finales sur le rapport de Cuba, avant de les rendre publiques à la fin de la session, le vendredi 17 juin prochain.

Demain matin, à 10 heures, le Comité entamera l'examen du rapport de la Finlande (CRC/C/FIN/4).
Présentation du rapport de Cuba

M. ABELARDO MORENO, Vice-Ministre des relations extérieures de Cuba, a réaffirmé l'engagement permanent de Cuba en faveur de l'application de l'important instrument que constitue la Convention relative aux droits de l'enfant. Si Cuba est partie à la Convention depuis août 1991, les politiques, actions et programmes en faveur de l'enfance et de l'adolescence ont commencé à être appliqués dans le pays depuis le triomphe de la révolution de 1959. Les profondes transformations économiques, politiques et sociales apportées depuis lors ont rendu possible l'éradication des injustices structurelles héritées de la domination coloniale et néocoloniale par lesquelles la grande majorité des enfants et adolescents souffraient de pauvreté, de faim, d'analphabétisme et de discrimination, entre autres, a affirmé M. Moreno.

Cela ne signifie pas pour autant que le pays soit entièrement satisfait par la situation actuelle, a poursuivi le Vice-Ministre. Ainsi, l'harmonisation de l'âge pour les différentes dispositions juridiques demeure un problème à résoudre, a-t-il précisé. Si la loi fixe à 18 ans l'âge de la majorité civile, cette limite ne s'applique pas à l'exercice de tous les actes juridiques et la déclaration formulée par Cuba à l'égard de l'article premier de la Convention reflète cette situation, a-t-il ajouté. D'importants efforts sont actuellement consentis pour adapter la législation aux postulats de la Convention quant au cadre d'âge applicable. Néanmoins, certaines traditions et réalités historiques et sociales ne peuvent être contournées, a indiqué M. Moreno.

Le Vice-Ministre a par ailleurs reconnu que la question des données statistiques ne parvient pas encore à satisfaire le niveau élevé de précision qu'exige le Comité, bien que les progrès en la matière soient notables depuis la présentation du précédent rapport cubain.

En 2004, a poursuivi M. Moreno, Cuba a adopté son Plan national d'action en faveur de l'enfance et de l'adolescence pour la période 2004-2010. À partir de l'année 2000, a-t-il ajouté, un accord de coopération entre le Fonds des Nations Unies pour l'enfance et le Gouvernement de Cuba a permis la mise en œuvre d'un Projet de divulgation des droits de l'enfance et de l'adolescence, dont l'objet était d'élargir la culture juridique de la population par la promotion et la divulgation des droits de l'enfance et de l'adolescence, ce à quoi contribuent les 16 centres de référence de l'enfance et de l'adolescence créés aux niveaux national, régional et provincial, assortis d'équipes techniques multisectorielles et interdisciplinaires.

Après avoir souligné que Cuba a accédé, ces dernières années, à de nombreux instruments internationaux intéressant les droits de l'enfant, M. Moreno a souligné que le Code pénal a été modifié afin de sanctionner avec plus de sévérité les auteurs de délits contre le développement normal de l'enfance et de l'adolescence. En matière d'administration de la justice, a-t-il poursuivi, ont été créées des sections consacrées à la famille au sein des tribunaux municipaux populaires et l'on travaille actuellement à un avant-projet visant à modifier le Code de la famille en vigueur.

M. Moreno a d'autre part insisté sur le caractère profondément participatif de la démocratie cubaine. Il a par ailleurs rappelé qu'il existe à Cuba un système national de santé totalement gratuit et de qualité reconnue et un système d'éducation universel également gratuit à tous les niveaux d'enseignement qui constituent les piliers essentiels concrétisant le principe selon lequel la société cubaine garantit à tous l'égalité des droits et des opportunités, sans discrimination ni exclusion. Plus de 50% des dépenses courantes du budget national sont consacrés à la santé, à l'éducation, à l'assistance, à la sécurité sociale et à la culture, a précisé le Vice-Ministre, faisant en outre valoir qu'entre 2000 et 2009, les dépenses consacrées aux services d'éducation ont été multipliées par 3,4 pour atteindre 19,4% des dépenses totales du pays. M. Moreno a ajouté que le taux de mortalité infantile, qui était de 7,9 pour mille naissances vivantes à la fin des années 1990, n'était plus que de 4,5 pour mille en 2010. Quant au taux de scolarisation des enfants âgés de 6 à 11 ans, qui correspond à l'enseignement primaire, il est pratiquement de 100%, le taux de scolarisation des enfants âgés de 6 à 14 ans atteignant pour sa part les 99%. La totalité de la population cubaine jouit de la protection sociale, a également souligné le Vice-Ministre.

Selon les données issues du rapport sur la Situation mondiale de l'enfance de 2011, près de 150 millions d'enfants de 5 à 14 ans travaillent dans le monde et, selon le rapport de 2006, il avait été calculé que la traite affectait environ 1,2 millions d'enfants de tous âges, a rappelé M. Moreno; aucun de ces enfants ne vit à Cuba, a-t-il fait valoir. Il n'existe pas à Cuba d'enfants de la rue, ni d'exploitation économique des enfants, ni de travail des enfants, a-t-il insisté.

L'œuvre de la révolution cubaine a été possible en dépit de l'existence d'obstacles colossaux, a souligné le Vice-Ministre. Le blocus économique, commercial et financier, les agressions et actes terroristes et la politique permanente d'hostilité anticubaine menée par les administrations successives des États-Unis d'Amérique constituent les plus graves de ces obstacles et sont ceux qui ont le principal impact négatif. Dans ces circonstances si difficiles, non seulement Cuba est parvenu à réaliser des progrès importants, mais le pays a également fait preuve de solidarité en coopérant à la réalisation des droits de l'homme, en particulier en rapport avec la santé et l'éducation, dans d'autres pays du monde, a conclu M. Moreno.

Le rapport périodique de Cuba (CRC/C/CUB/2) souligne qu'il est impossible d'évaluer la réalité cubaine, et en particulier la situation dans laquelle vivent les enfants et les adolescents, sans tenir compte des défis et menaces graves qui lui ont été imposés de l'extérieur et qui ont une incidence négative sur la pleine application de la Convention. Au moment où la nation cubaine progresse dans la mise en œuvre de vastes programmes sociaux destinés à améliorer la participation des citoyens, l'équité et la justice sociale, les menaces externes qui pèsent sur la jouissance des droits du peuple cubain au développement, à l'autodétermination et à la paix se sont aggravées, à la suite de la politique d'hostilité et du blocus économique, commercial et financier génocidaire maintenu par les gouvernements successifs des États-Unis contre le peuple cubain, pendant près de cinquante ans. Dans ce contexte, l'État et le Gouvernement cubains continuent d'appliquer une stratégie de survie, de résistance et de développement dans tous les domaines de la vie économique, politique et sociale. Les abus sexuels contre les enfants sont interdits dans la société cubaine, et ceux qui commettent des faits de cette nature sont sévèrement punis, conformément aux dispositions de notre Code pénal. Ce Code règlemente en particulier le délit de corruption de mineurs et prévoit des sanctions pour quiconque utilisera ou entraînera des enfants dans l'exercice de la prostitution, dans la pratique d'actes de corruption, d'actes pornographiques, hétérosexuels ou homosexuels, ou dans toutes autres conduites immorales.

Concernant la définition de l'enfant, l'État cubain s'efforce actuellement d'harmoniser la législation pénale nationale avec les dispositions de la Convention en ce qui concerne l'âge. Il étudie la possibilité de faire passer l'âge de la responsabilité pénale des personnes physiques à 18 ans révolus au moment où l'acte répréhensible a été commis. L'avant-projet de modification du Code de la famille contient une proposition visant à ramener à 16 ans, pour les deux sexes, l'âge exceptionnel pour contracter mariage, actuellement fixé à 14 ans révolus pour la femme et 16 ans révolus pour l'homme. Le rapport reconnaît toutefois que la législation cubaine comporte toujours les problèmes signalés par le Comité lors de l'examen du rapport initial de Cuba s'agissant de la définition de l'enfant et la limite d'âge supérieure de l'enfance diffère selon les domaines juridiques. Selon le Code civil, la pleine capacité civile pour exercer ses droits et effectuer des actes juridiques s'acquiert à l'âge de 18 ans. Selon le Code du travail, la capacité pour conclure un contrat de travail s'acquiert à 17 ans. La loi n'autorise les adolescents âgés de 15 à 16 ans à conclure un contrat de travail que dans des cas exceptionnels, et cette décision doit obligatoirement être approuvée par le Ministère du travail et de la sécurité sociale. La loi stipule que les enfants de moins de 15 ans ne peuvent, en aucun cas, travailler. Selon le Code de la famille, l'âge légal requis pour contracter mariage est fixé à 18 ans. Les mineurs ne sont donc pas autorisés à se marier, sauf dans cas exceptionnels et pour de justes motifs avec l'autorisation de personnes habilitées. Tous les citoyens cubains qui ont 16 ans révolus, peuvent participer, en tant qu'électeurs, aux élections périodiques et aux référendums. L'année de leurs 16 ans, les citoyens de sexe masculin doivent s'inscrire pour satisfaire à leurs obligations militaires. En outre, ces textes fixent à 18 ans révolus l'âge minimum pour être appelé au service militaire, et l'année des 17 ans pour l'incorporation volontaire des personnes dans les Forces armées.

Selon le Code Pénal, la responsabilité pénale d'une personne physique n'est engagée que si elle a 16 ans révolus, au moins, au moment où l'acte répréhensible a été commis. Toutefois, un régime spécial est prévu pour les personnes ayant entre 16 et 18, en limitant la sanction qui peut être réduite de moitié. Le traitement des moins de 16 ans qui ont enfreint la loi, selon la législation nationale en vigueur, est préventif, souligne le rapport. Toutefois, il existe des règlements pour l'internement dans des Centres de rééducation, actuellement connus sous le nom d'Écoles de formation intégrale, des enfants de moins de 12 ans. Il s'agit là d'une mesure exceptionnelle qui doit être ratifiée par un processus de révision d'office par le Conseil national de prise en charge des mineurs. Dans le Système de prise en charge des mineurs, l'internement en institutions n'e peut avoir lieu que dans les cas présentant une dangerosité associée à des infractions à la loi à forte connotation sociale. Cette mesure est appliquée selon deux modalités: internement d'une durée maximum de 45 jours, pour étudier la personnalité du mineur et recommander les mesures les plus appropriées à son traitement (cette action est menée dans les Centres d'évaluation, d'analyse et d'orientation des mineurs); internement des mineurs dans les Écoles de formation intégrale, mesure qui est appliquée en dernier recours par les Conseils de prise en charge des mineurs du Ministère de l'intérieur. Les Écoles de formation intégrale sont des institutions éducatives chargées du traitement spécialisé des enfants et des adolescents de moins de 16 ans.

Examen du rapport

Questions et observations des membres du Comité

M. JEAN ZERMATTEN, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de Cuba et Président du Comité, a fait observer que Cuba a fait parvenir son rapport en février 2009, soit 12 ans après l'examen du rapport initial, ce qui est un temps relativement long; en outre, ce deuxième rapport, qui couvre la période 1997-2008, ne suit pas les directives du Comité pour l'élaboration des rapports et ne répond pas à toutes les préoccupations soulevées en 1997. Le Comité note que la situation des enfants à Cuba est toujours affectée par la situation d'embargo imposée par les États-Unis, qui réduit certainement la jouissance des droits économiques, sociaux et culturels des enfants, a poursuivi M. Zermatten. Le Comité prend également note de la toute nouvelle politique socioéconomique du pays (printemps 2011) qui ouvre Cuba à une économie plus libéralisée, qui permet une liberté de mouvement plus grande et qui aura certainement des effets sur les enfants et l'exercice de leurs droits, même s'il est encore trop tôt pour le dire.

Cuba a fait de nombreux progrès au regard de la situation des enfants, a reconnu le rapporteur. C'est vrai sur le plan de la ratification des traités; sur le plan de la santé, où les indicateurs sont «bons à très bons», en particulier pour ce qui a trait à la mortalité infantile, à la mortalité maternelle et au nombre de médecins proportionnellement au nombre d'habitants; ainsi que sur le plan de l'éducation, alors que le taux de scolarisation est proche de 100% et que le taux d'encadrement atteint un enseignant pour 30 habitants.

M. Zermatten a toutefois relever, s'agissant de la définition de l'enfant, que Cuba semble considérer la période de l'enfance comme allant de 0 à 16 ans, ce dont témoignent l'âge du mariage, l'âge de la majorité parentale, l'âge de protection contre la prostitution ou encore l'âge de l'enrôlement dans les registres militaires – alors que pour le Comité, la protection offerte par la Convention s'étend de 0 à 18 ans.

S'agissant du cadre juridique d'application de la Convention, le rapporteur a relevé que Cuba «n'a pas beaucoup légiféré ces dernières années», même si le pays a le projet de modifier son Code de la famille et s'il a adopté un décret qui a mis en place le réseau des centres d'assistance sociale; c'est davantage la jurisprudence qui a fait évoluer la situation, a constaté le rapporteur. Cuba peut encore avancer, a-t-il souligné, notamment en ratifiant les deux pactes internationaux relatifs aux droits économiques, sociaux et culturels et aux droits civils et politiques – qu'il n'a fait que signer – et en procédant à l'adhésion à la Convention n°182 de l'OIT sur l'élimination des pires formes de travail des enfants. M. Zermatten s'est par ailleurs enquis de la place de la Convention dans l'ordre juridique interne cubain. Qu'advient-il si le droit national et la loi internationale ne concordent pas; quel droit aura la préséance? Il s'est par ailleurs demandé si tous les textes qui concernent les enfants sont en conformité avec la Convention, puisque un certain nombre de ces dispositions datent d'avant la Convention, notamment le Code de la famille de 1975, le Code de l'enfance et de l'adolescence de 1978 et la loi sur l'adoption de 1984. Cuba a-t-il pris des dispositions pour mettre en conformité tout son arsenal législatif – dont une grande partie est antérieure à la Convention – avec les dispositions de la Convention?

Le rapporteur a d'autre part constaté que la situation en matière de coordination n'est pas claire: qui exerce la coordination entre les différents ministères et entre le pouvoir central et les provinces voire les municipalités? Le mandat de la Commission permanente d'attention à la jeunesse, à l'enfance et à l'égalité des droits de la femme est très large, a fait observer M. Zermatten. Il a en outre souhaité connaître le rôle des organisations non gouvernementales indépendantes, notamment nationales.

Enfin, le rapporteur a relevé que dans le rapport, on se réfère toujours à la protection de l'enfant qui appartient à sa famille et éventuellement à la communauté ou au peuple cubain et qui doit devenir un bon sujet communiste; «on ne le voit pas comme un sujet indépendant qui pourrait exercer des droits tout seul», affirme le rapport. La difficulté pour les enfants de se réunir et former librement et sans les adultes des associations ne favorise par leur droit d'être entendus, a-t-il ajouté, se demandant si cette approche correspond à l'esprit de la Convention,

MME ASEIL AL-SHEHAIL, corapporteuse du Comité pour l'examen du rapport cubain, a souhaité savoir s'il existe à Cuba une stratégie nationale de développement. Elle a par ailleurs relevé que les châtiments corporels semblent acceptés à l'école et au sein de la famille. Où en est la proposition visant à éliminer la possibilité qui est offerte de contracter exceptionnellement mariage à 14 ans, a-t-elle en outre demandé? Au regard du nombre élevé des accidents de la route dont sont victimes les enfants et les jeunes, Mme Al-Shehail s'est enquise des mesures prises pour prévenir ce phénomène.

Un autre membre du Comité a fait part de sa préoccupation face à la lenteur des réformes législatives; treize ans après l'examen du rapport initial de Cuba, on aurait pu s'attendre à ce que davantage de nouveaux textes de lois aient été adoptés. Cuba a besoin d'une réforme et d'une vue d'ensemble; le pays doit revoir l'ensemble de ses lois aux fins de leur mise en conformité avec la Convention, en particulier en considérant réellement l'enfant comme sujet de droits. Y a-t-il eu des affaires dans lesquelles la Convention a été citée par les juges dans leurs décisions?

Pourquoi Cuba n'a-t-elle toujours pas ratifié la Convention de 1951 sur le statut des réfugiés et ses Protocoles de 1967, a-t-il également été demandé? Quelle est la position du Gouvernement cubain s'agissant d'éventuels enfants apatrides nés à l'étranger de parents cubains? Une autre experte du Comité a souhaité savoir s'il était envisagé d'accorder la nationalité cubaine aux enfants nés de ressortissants cubains mais qui sont apatrides pour une raison ou une autre. Relevant par ailleurs que les châtiments corporels continuent d'être exercées et sont notamment autorisés à l'école, en dépit de directives contraires, l'experte a souhaité savoir si les autorités entendent faire adopter une nouvelle législation interdisant les châtiments corporels dans tous les cadres, y compris à la maison.

Plusieurs membres du Comité ont déploré l'absence de possibilités d'accès Internet à la maison offertes aux Cubains. Un expert s'est pour sa part enquis des garanties offertes en matière de non-ingérence dans la correspondance des enfants.

Relevant que la majorité pénale est fixée à 16 ans à Cuba, un membre du Comité a souhaité savoir pourquoi elle n'a pas été fixée à 18 ans. Quelle est la peine la plus sévère possible que peuvent encourir les enfants en conflit avec la loi, a-t-il demandé? Que sont exactement les écoles de formation intégrale, a-t-il en outre souhaité savoir?

La prostitution n'est pas considérée comme un délit à Cuba mais des mesures sont néanmoins prises s'agissant des jeunes filles qui s'y livrent et qui, en fait, pénalisent ces jeunes filles, a par ailleurs relevé le même expert. Soulignant que cette question est liée au tourisme sexuel, il a souhaité savoir s'il existe des cas où des touristes clients de ces jeunes filles ont été dénoncés et condamnés; quelle est la politique de l'État cubain en matière de prévention dans ce domaine?

Qu'en est-il en outre de la situation à Cuba en termes de violence familiale, y compris la violence et les abus sexuels?

Une experte s'est inquiétée du taux élevé des avortements à un âge précoce et s'est donc enquise des services existant en matière d'accès à la contraception.

L'experte a par ailleurs souhaité avoir des précisions sur la réforme récente s'agissant du droit des citoyens de voyager sans restriction. Relevant que les migrations internes ont augmenté, elle s'est également enquise des mesures prises pour garantir aux enfants de ces migrants internes la pleine jouissance de leurs droits.

S'agissant des enfants handicapés, un membre du Comité a relevé qu'environ un tiers d'entre eux sont intégrés dans l'éducation dite inclusive et les deux tiers dans l'éducation spéciale; aussi, s'est-il enquis des mesures envisagées pour inverser cette tendance.

Les services offerts aux enfants réfugiés concernent-ils aussi les enfants en provenance d'Haïti, a demandé une experte?

S'agissant de la liberté d'expression, un expert a demandé si les enfants cubains sont libres de débattre en dehors du cadre fixé par la Constitution fondé sur une société socialiste.

Réponses de la délégation

La délégation cubaine a déclaré qu'elle est ici aux seules fins de défendre l'intérêt supérieur de l'enfant et a estimé que certains commentaires de la part des experts sont de nature politique et n'ont pas lieu d'être dans les débats. Récusant toute référence à la notion de prisonniers politiques à Cuba, la délégation a assuré que personne à Cuba n'est soumis à un procès ni enfermé en prison pour ses idées politiques ou pour l'expression de ces idées. En revanche, Cuba veille à sanctionner les mercenaires. La délégation a aussi indiqué que les nombreux détenus qui ont été libérés récemment ont pu soit rester dans le pays, soit le quitter, selon leurs vœux.

Cuba n'est pas partie à la Convention de 1951 sur le statut des réfugiés ni à ses Protocoles de 1967 car «tout ce qui est lié à l'immigration cubaine vers les États-Unis d'Amérique est manipulé», a par ailleurs expliqué la délégation. Elle a fait observer que les Cubains qui émigrent vers les États-Unis sont les seuls migrants qui arrivent aux États-Unis en bénéficiant immédiatement d'une loi spéciale, dite d'ajustement, en vertu de laquelle ils reçoivent automatiquement le statut de réfugié; on leur permet même au bout d'un an d'obtenir la nationalité étatsunienne. Il n'y a pas de réfugiés haïtiens à Cuba, a ensuite déclaré la délégation. Les Haïtiens qui arrivent à Cuba n'y restent que quelques jours car leur objectif final n'est pas de rester à Cuba; en effet, ce sont des réfugiés économiques qui souhaitent en fait se rendre aux États-Unis et qui, en raison de difficultés qu'ils rencontrent, doivent faire escale à Cuba, a-t-elle expliqué. Les autorités cubaines leur fournissent alors vêtements, logement, nourriture et le plus rapidement possible, la plupart du temps, ces réfugiés retournent volontairement dans leur pays, a-t-elle précisé. Certes, certaines de ces personnes essaient ensuite de nouveau d'émigrer d'Haïti, mais Cuba n'a d'autres choix, dans tous les cas, que de leur fournir les soins nécessaires lorsqu'il s'en trouve à Cuba.

Cuba est en train de réviser les politiques migratoires du pays, a poursuivi la délégation. Il s'agit d'une révision très sérieuse qui ne devrait pas trop tarder à se concrétiser, a-t-elle précisé en ajoutant qu'elle n'en dirait pas plus car elle n'est pas vraiment autorisée à en parler à ce stade.

S'agissant des questions de nationalité, la délégation a souligné que Cuba dispose d'un vaste réseau de consulats dans 142 pays. Pour un couple cubain dont l'enfant est né hors du pays, il faut que l'enfant soit inscrit au consulat cubain et il recevra alors automatiquement la nationalité cubaine, a-t-elle expliqué. Il s'agit d'un processus simple qui s'applique très fréquemment, a-t-elle ajouté.

Pour ce qui concerne Internet, la délégation cubaine a affirmé que le problème d'accès à Internet n'est pas dû à Cuba; il est lié au blocus, à l'embargo économique et commercial, qui empêchent les entreprises américaines fournisseurs de services Internet de les fournir à Cuba. C'est pourquoi le haut débit que peut utiliser Cuba est extrêmement limité. Les restrictions à l'Internet qui existent à Cuba, comme il en existe dans tous les pays, sont définies, en particulier, par la morale publique et la protection des enfants, a ajouté la délégation.

Pour ce qui est des questions relatives à la définition de l'enfant, la délégation a reconnu, comme cela a déjà été dit, que l'harmonisation de l'âge pour les différents actes juridiques dans la législation cubaine est une question qui n'a pas encore été résolue. C'est pourquoi Cuba n'envisage pas de retirer la déclaration faite par le pays à l'égard de l'article premier de la Convention tant que la question n'aura pas été réglée et tant que les ajustements nécessaires n'auront pas été apportés à la législation. Cuba accorde beaucoup d'importance au respect des engagements qu'elle a contractés en vertu des instruments internationaux qu'elle a ratifiés, mais tant que les ajustements nécessaires n'auront pas été apportés, il ne sera pas possible de retirer cette déclaration, a insisté la délégation.

En ce qui concerne les questions de coordination de l'action en faveur de l'enfance, la délégation a expliqué que la Commission permanente d'attention à la jeunesse, à l'enfance et à l'égalité des droits de la femme fournit les directives et orientations politiques, contrôle les plans et stratégies; mais les organes d'exécution disposent de leurs propres budgets prélevés sur le budget national.

Les enfants à Cuba ont la possibilité de se réunir et d'appartenir à des associations. Ils peuvent en outre intégrer des groupes et ateliers sur les thèmes de leur choix. Les enfants et les jeunes n'ont pas besoin, pour débattre, d'adhérer à un cadre spécifique de débat qui serait défini à l'avance, a d'autre part assuré la délégation.

À partir de 16 ans, a poursuivi la délégation, un adolescent peut être élu délégué du pouvoir populaire, sans même appartenir à un parti politique, ou encore être élu représentant au niveau provincial ou municipal. En revanche, pour être élu député à l'Assemblée nationale, il faut avoir 18 ans.

En ce qui concerne les questions de santé, la délégation a notamment indiqué que la durée des congés de maternité est de 18 semaines. En ce qui concerne l'avortement, la délégation a souligné l'importance de la prévention pour veiller à ce que l'avortement ne soit pas utilisé comme moyen de contraception. Cela implique donc de mener des activités de prévention auprès des adolescentes, en particulier.

À Cuba, le consommateur de drogue n'est pas considéré comme un délinquant, mais comme un malade, a par ailleurs indiqué la délégation; il n'est pas considéré comme commettant un délit, qu'il s'agisse d'un adulte ou d'un enfant. Le délit de détournement de mineur, prévu au Code pénal, sanctionne les parents qui savaient que l'enfant utilisait des drogues, le permettaient, ne l'empêchaient pas et n'en avertissaient pas les autorités pertinentes, a-t-elle ajouté.

Pour ce qui est du châtiment corporel, la délégation a assuré qu'il est totalement interdit, à Cuba, de maltraiter les enfants et les adolescents; il n'y a pas acceptation du châtiment corporel, quel que soit sa forme, a-t-elle insisté. Il n'en demeure pas moins qu'il existe encore dans le pays des mères et des pères qui appliquent des méthodes éducatives erronées et qui exercent leur pouvoir par la violence.

Depuis 1999, a par ailleurs indiqué la délégation, a été introduite une circonstance aggravante lorsque l'auteur d'un délit est un parent jusqu'au quatrième degré de consanguinité pour toutes les infractions ayant trait à la violence, y compris sexuelle.

S'agissant des enfants en conflit avec la loi, la délégation a indiqué que selon le Code pénal cubain, la responsabilité pénale est exigible à compter de 16 ans révolus au moment de la commission de l'acte. Toutefois, pour les jeunes délinquants âgés de 16 à 18 ans, est prévue une réduction de moitié de la limite maximale de la peine encourue, a-t-elle ajouté. La délégation a par ailleurs souligné que les jeunes sont détenus dans des prisons distinctes de celles des adultes, de manière à assurer une meilleure insertion sociale. Depuis 2001, a poursuivi la délégation, a été mise sur pied à la Havane une institution sans barreaux pour les jeunes délinquants, où est promu un programme orienté vers le développement de la personnalité et de l'estime de soi des jeunes. Étant donné les résultats très positifs de cette expérience, elle s'est ensuite étendue aux autres provinces du pays. Dans ce type d'établissements, sont appliquées des mesures éducatives accompagnées d'une instruction scolaire et du développement d'aptitudes techniques, a précisé la délégation.

Un membre du Comité ayant insisté pour savoir pourquoi Cuba ne porte pas à 18 ans l'âge de la responsabilité pénale, la délégation a indiqué qu'un projet de modification du Code pénal était en cours d'examen qui tiendra certainement compte de cette observation car l'objectif de Cuba est de respecter pleinement la Convention.

Interrogée sur la situation des jeunes filles âgées de 16 à 18 ans qui se livrent à la prostitution, la délégation a rappelé que la prostitution n'est pas un délit à Cuba, ce qui signifie que ces jeunes filles ne sont placées dans aucune prison ni aucun autre centre de détention quel qu'il soit; elles sont considérées comme des victimes d'exploitation sexuelle et les autorités travaillent donc en ce qui les concerne dans un axe préventif; on s'efforce en particulier de les placer dans des écoles où elles peuvent suivre une formation professionnelle.

Le thème de la prostitution infantile à Cuba a été manipulé par la presse internationale, a par ailleurs déploré la délégation. Ce problème n'a pas l'ampleur qu'il a ailleurs dans le monde, ce qui n'empêche pas qu'il lui est accordé un traitement particulier, a-t-elle ajouté.

Un membre du Comité est intervenu pour souligner que ce ne sont pas des sources politiquement manipulées qui amènent le Comité à soulever cette question puisque le Comité, pour se faire, s'est simplement fondé sur ce qui est mentionné dans les réponses écrites fournies par Cuba à la liste de questions écrites du Comité adressée au pays préalablement à l'examen de son rapport; la question qui se pose ici, a insisté cet expert, consiste à savoir pourquoi Cuba place ces filles alors qu'elles devraient être simplement protégées.

Les cas de prostitution infantile à Cuba sont absolument exceptionnels, a insisté la délégation.

Observations préliminaires

MME ASEIL AL-SHEHAIL, corapporteur du Comité pour l'examen du rapport cubain, a déclaré que Cuba est un exemple pour la mise en œuvre et le respect des droits de l'enfant. Le pays a pris des mesures ces dernières années pour promouvoir les droits de l'enfant et la volonté politique à cette fin est évidente. Toutefois, le Comité recommande une révision de la législation nationale afin de la conformer aux principes et dispositions de la Convention, a-t-elle souligné. Il manque en outre à Cuba un mécanisme indépendant de suivi et de promotion des droits de l'enfant. Manquent également des dispositions permettant d'assurer une réinsertion appropriée des victimes de prostitution infantile. En outre, les dispositions de la Convention restent méconnues, a souligné la corapporteuse.

M. JEAN ZERMATTEN, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de Cuba, a relevé que l'article premier du projet de Code de la famille actuellement à l'étude mentionne la Convention et s'est réjoui que, partant de la Convention, ce projet entende décliner «le droit de l'enfant à», ce qui atteste de l'intention du projet de reconnaître l'enfant en tant que sujet de droits. En outre, ce projet entend fixer à moins de 18 ans l'âge de l'enfant, tant au civil qu'au pénal, ce dont il faut se réjouir. Il ne reste plus qu'à faire de ce projet une loi, a conclu M. Zermatten.

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