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Communiqués de presse Organes conventionnels

Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels examine le rapport du Yémen

10 Mai 2011

10 mai 2011

Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a examiné, hier après-midi et aujourd'hui, le rapport du Yémen sur les mesures prises par ce pays pour mettre en œuvre les dispositions du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

Présentant le rapport de son pays, M. Rashad Al-Rassas, Ministre des affaires juridiques et Ministre des droits de l'homme par intérim du Yémen, a souligné que les événements au Yémen ne permettent pas toujours une pleine jouissance des droits de l'homme, notamment pour ce qui a trait au droit à la sécurité. Le changement doit être pacifique et doit avoir lieu conformément au cadre constitutionnel, a-t-il ajouté. Assurant que le Yémen reste engagé à respecter les droits de l'homme conformément aux instruments internationaux qu'il a ratifiés, le Ministre a expliqué qu'il est très difficile pour le pays de parvenir tout d'un coup à éliminer toutes les violations des droits de l'homme pouvant encore exister, qui sont dues non pas à des lacunes juridiques mais à des traditions et coutumes et dont l'élimination requiert éducation et coopération avec la société civile. M. Al-Rassas a par ailleurs indiqué que des lois et stratégies relatives aux femmes ont été adoptées ces dernières années afin de réduire les écarts entre les sexes à tous les niveaux de développement, qu'il s'agisse des questions d'emploi, d'éducation ou autres. Le Yémen est convaincu que la stabilité économique et politique est essentielle pour assurer les droits et libertés des individus, a déclaré M. Al-Rassas. Il a toutefois attiré l'attention sur une série de défis auxquels est confronté son pays, notamment les crises alimentaire et économique mondiales; la rébellion dans les provinces de certains gouvernorats du nord; les attentats perpétrés par Al-Qaida; les conséquences des changements climatiques; l'impact de l'instabilité dans la corne de l'Afrique; ou encoure la hausse de la dette extérieure en raison du manque de ressources internes. Tout cela crée un environnement qui n'est pas très propice aux investissements étrangers, a-t-il souligné.

La délégation yéménite était également composée du Secrétaire général du Conseil des Ministres, M. Abdulhafez Alsemmah; du Vice-Ministre de la planification et de la coopération internationale, M. Moutahar Abdulaziz Abdulqader Alabbasi; du Vice-Ministre des affaires sociales et du travail, en charge du secteur du développement social, M. Ali Saleh Abdullah; du Vice-Ministre de la santé, M. Maged Yahya Algonayd; et de représentants de l'Autorité nationale suprême de lutte contre la corruption; du Conseil suprême pour la maternité et l'enfance; du Ministère de l'intérieur; du Bureau de la Présidence; du Ministère des droits de l'homme; et de la Mission permanente du Yémen auprès des Nations Unies à Genève. Elle a fourni aux experts des compléments d'information en ce qui concerne, notamment, la situation actuelle au Yémen; les questions de discrimination, s'agissant plus particulièrement des femmes et des Akhdams; les mariages précoces; les mutilations génitales féminines; la polygamie; la pauvreté; la sécurité sociale; le chômage; le travail des enfants; la situation des migrants; l'analphabétisme et le système éducatif; les questions de santé; la culture et la consommation de khat; l'enregistrement des naissances; la violence contre les enfants; le travail des enfants; ou encore l'implication des enfants dans les conflits armés.

Le Comité adoptera, dans le cadre de séances privées, des observations finales concernant le rapport du Yémen, qu'elle rendra publiques à la fin de la session, le vendredi 20 mai prochain.

Demain matin, à 10 heures, le Comité entamera l'examen du rapport de la Fédération de Russie (E/C.12/RUS/5).

Présentation du rapport

M. RASHAD AL-RASSAS, Ministre des affaires juridiques et Ministre des droits de l'homme par intérim du Yémen, a souligné que ce dialogue avec le Comité se tient à un moment ou les événements au Yémen ne permettent pas toujours une pleine jouissance des droits de l'homme, notamment pour ce qui a trait au droit à la sécurité. Il n'en demeure pas moins que le Yémen reste engagé à respecter les droits de l'homme conformément aux instruments internationaux qu'il a ratifiés, au nombre desquels figure le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Le Gouvernement yéménite pense que cette réunion entre la délégation yéménite et les membres du Comité fournit une occasion particulièrement favorable pour discuter des questions qui nous préoccupent concernant l'être humain et ses libertés.

Le Ministre a souligné que cette journée coïncide avec le vingt-et-unième anniversaire de la création du Yémen uni, a par ailleurs fait observer M. Al-Rassas. Il a rappelé qu'au Yémen, prévalent les principes d'égalité et de justice; en outre, le peuple est souverain. Les autorités œuvrent au développement et à la modernisation de la législation afin de la mettre en conformité avec l'évolution du monde, a-t-il souligné. L'expérience du Yémen reste récente et il est donc très difficile au pays de parvenir tout d'un coup à éliminer toutes les violations des droits de l'homme pouvant encore exister, qui sont dues non pas à des lacunes juridiques mais à traditions et des coutumes et dont l'élimination requiert éducation et coopération avec la société civile.

M. Al-Rassas a par ailleurs fait part des lois et stratégies relatives aux femmes adoptées ces dernières années par le Yémen, afin de réduire les écarts entre les sexes à tous les niveaux de développement, qu'il s'agisse des questions d'emploi, d'éducation ou autres.

Une Stratégie nationale de lutte contre la corruption ainsi qu'une loi contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme ont été adoptées, a poursuivi M. Al-Rassas. Il a attiré l'attention sur de nombreuses lois adoptées récemment par le Yémen, comme la loi sur la privatisation de l'électricité ou des lois bancaires, en vue de l'admission du pays à l'Organisation mondiale du commerce (OMC).

Aujourd'hui, quelque 1 230 000 personnes bénéficient des services de la caisse de sécurité sociale, a par ailleurs fait valoir M. Al-Rassas. Il a évoqué les très nombreuses lois et stratégies adoptées par son pays, au nombre desquelles figurent la loi de lutte contre l'analphabétisme, la loi sur la santé et la loi sur la lutte contre le VIH/sida. Le Yémen a désormais été déclaré libre de la poliomyélite, a-t-il fait valoir.

Le Yémen est convaincu que la stabilité économique et politique est essentielle pour assurer les droits et libertés des individus, a déclaré M. Al-Rassas. Il a toutefois attiré l'attention sur une série de défis auxquels est confronté son pays, notamment les crises alimentaire et économique mondiales; la rébellion dans les provinces de certains gouvernorats du Nord; les attentats perpétrés par Al-Qaida; les conséquences des changements climatiques; l'impact de l'instabilité dans la corne de l'Afrique; ou encore la hausse de la dette extérieure en raison du manque de ressources internes. Tout cela crée un environnement qui n'est pas très propice aux investissements étrangers, a-t-il souligné.

En conclusion, le Ministre a souligné que le changement doit être pacifique et doit avoir lieu conformément au cadre constitutionnel; aucun conflit politique, social ou autre ne saurait être résolu autrement que par le dialogue, a-t-il insisté.

Le deuxième rapport périodique du Yémen (E/C.12/YEM/2) souligne que le pays a signé plus de 59 conventions internationales dans le domaine des droits de l'homme, ajoutant que ces avancées ont été d'autant plus aisées que les lois nationales concordent grandement avec la teneur de ces conventions et intègrent nombre de questions relatives aux droits de l'homme. Les lois du Yémen, étant de celles qui respectent le plus les droits de l'homme, soutiennent le pays dans sa marche vers la démocratie et déterminent ses orientations politiques, économiques et culturelles. Depuis son rapport initial sur le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, le pays a accompli de nombreux progrès en matière de droits de l'homme, organisant notamment des élections législatives à la date prévue, le 27 avril 2003, les troisièmes élections générales, au scrutin libre et direct, depuis la réunification du Yémen. En 2003, le pays s'est doté d'un ministère autonome des droits de l'homme qui exerce ses activités en collaboration avec une instance consultative regroupant 35 organisations non gouvernementales. Il a pour mission, en coordination avec les administrations concernées, de sensibiliser l'opinion à l'ensemble des droits et libertés publics et privés, de recevoir les plaintes des citoyens par le biais d'un organe constitué de juristes spécialisés en droits de l'homme chargé d'examiner les plaintes et de les transmettre aux autorités compétentes en vue de remédier aux violations et de lever l'arbitraire et les injustices frappant n'importe quel individu. Cette instance est également appelée à visiter les lieux de détention, les prisons centrales et les locaux de détention préventive afin de s'assurer qu'ils respectent tous la loi et de contrôler les conditions de santé, d'hygiène et de vie des détenus. «Cependant, en dépit des avancées, l'expérience est trop récente pour que ne subsistent pas certains problèmes et violations des droits de l'homme. De plus, le pays pâtit de quelques usages culturels et sociaux hérités», reconnaît le rapport.

Le rapport indique que 326 608 enfants étaient employés sur le marché du travail en 1999, soit 9,1 % de l'ensemble de la main d'œuvre yéménite. D'après les dernières statistiques, la main d'œuvre enfantine au Yémen était d'environ 421 000 garçons et filles pour la période 2000-2005. Le groupe des 10-14 ans représentait environ 493 000 enfants selon le rapport 2004 sur le développement des ressources humaines, contre environ 240 000 en 1994. D'après une étude de l'Union générale des syndicats des travailleurs yéménites, plus de 90 % des enfants travailleurs se trouvent dans des zones rurales, le reste étant dans les villes. Les raisons du travail des enfants sont l'aide à une activité familiale, la pauvreté de la famille, l'incapacité du père ou le décès du soutien de famille. En juin 2000, a été mise en place une unité spéciale de lutte contre le travail des enfants. Il est interdit d'employer des enfants de moins de 14 ans, ou d'employer pour un emploi industriel des enfants n'ayant pas atteint l'âge de 15 ans.

Le pays a mis en œuvre des plans quinquennaux d'allègement de la pauvreté. Les résultats d'une enquête sur le budget des ménages pour 2006 font état d'un recul de la pauvreté en zone urbaine de 32,2 % en 1998 à 20,7 % en 2006, et, en zone rurale, de 42,4 % à 40,1 %. Le pourcentage de pauvres est passé de 41,8 % en 1998 à 34,7 % en 2005-2006. La population rurale est estimée à 15,3 millions de personnes dont 34,5 % seulement sont correctement approvisionnés en eau et 23 % possèdent un assainissement répondant aux normes, ajoute-t-il. S'agissant des questions de santé, certains indicateurs de la santé sont en amélioration sensible, souligne le rapport. Ainsi, l'espérance de vie moyenne à la naissance a progressé de 62 % en 2006, soit une progression de quinze ans au cours des vingt dernières années. Le taux de mortalité des enfants de moins de cinq ans a baissé à 92,3 pour mille en 2004 et il devrait baisser encore à 40,6 pour mille en 2015. Si ce taux est élevé, c'est en raison de mauvais comportements reproductifs et d'un fort taux de fécondité (7 naissances par femme), sans parler d'une mauvaise alimentation et de l'incidence de nombreuses maladies telles que la dysenterie (50 %) et les bronchites (25 %), sachant que 40 % des enfants seulement reçoivent des soins médicaux et que 60 à 70 % des enfants de moins de cinq ans sont vaccinés. L'offre de services de santé reste limitée puisque les statistiques montrent que seuls 58 % de l'ensemble de la population y a accès, dont 80 % de citadins et 20 % de ruraux. Ces derniers s'adressent à hauteur de 40 % au service public et de 60 % au secteur privé.

L'enseignement public se heurte à certains problèmes qui ralentissent son développement, notamment la dispersion des populations, qui limite la généralisation de l'enseignement à tous les groupes, la forte croissance démographique et la jeunesse de la pyramide des âges qui accroissent la demande en services éducatifs, ainsi que l'augmentation des inscrits à un rythme excédant les capacités du système éducatif. Sur le plan de l'enseignement public pour les filles, le Gouvernement mène depuis quelques années une campagne massive pour inciter les femmes à tirer profit de toutes les formes d'enseignement offertes: primaire, secondaire, supérieur, professionnel et technique, œuvrant dans le même temps à accroître les capacités des écoles pour filles. De nombreuses organisations luttent, aux côtés du Gouvernement, contre l'abandon scolaire des filles, surtout dans le primaire, essayant de déterminer les causes de ce phénomène et d'y répondre, intensifiant aussi la lutte contre l'analphabétisme chez les filles et les femmes. Cependant, même si les lois et le travail législatif du Yémen protègent désormais le droit de la femme à l'enseignement, l'écart reste évident entre les hommes et les femmes dans ce domaine et il est urgent de sensibiliser l'ensemble de la société à l'importance de l'éducation des filles, en particulier dans les zones rurales, à la nécessité également d'implanter des écoles pour filles dans toutes les zones rurales du pays.

Examen du rapport

Questions et commentaires des membres du Comité

Face aux manifestations que connaît le pays, que certains appellent le «printemps arabe», dans quelle mesure la mise en œuvre des droits économiques, sociaux et culturels pourrait-elle être utile pour aider le Yémen à maintenir la stabilité, en assurant à la population un progrès social, a demandé un membre du Comité? D'autres ont souhaité que la délégation renseigne le Comité sur la situation que connaît actuellement le Yémen. Un membre du Comité s'est notamment inquiété d'informations selon lesquelles la police a dispersé des manifestations pacifiques d'enseignants dans la ville de Taiz en utilisant des armes à feu; ainsi, deux enseignants ont été tués dimanche et plusieurs autres personnes ont également été blessées par des balles. Comment se fait-il qu'aucun membre de la police n'ait été blessé si, comme le prétend le Gouvernement, les manifestants étaient armés, a-t-il été demandé? Relevant lui aussi que six des enseignants qui manifestaient récemment pour obtenir une hausse de salaires ont été tués par la police, un autre expert a souligné que la pratique consistant pour la police à tuer des manifestants est totalement inadmissible, dans quelque pays que ce soit. Il a souhaité que la délégation et les autorités yéménites s'engagent fermement à ce que de tels événements ne se reproduisent plus.

S'agissant du cadre général d'application du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, un membre du Comité s'est enquis du statut du Pacte dans l'ordre juridique interne, demandant notamment si ses dispositions prévalent sur celles du droit national et si elles peuvent être invoquées directement devant les tribunaux. Il a relevé que des progrès ont certes été réalisés au Yémen mais a souligné que certaines questions restent sans réponse. Il s'est notamment enquis des investissements réalisés dans des secteurs intéressant particulièrement le Comité et de le leur impact.

Un expert a demandé si le Gouvernement avait l'intention de créer une institution nationale des droits de l'homme qui soit conforme aux Principes de Paris. Un autre a demandé si le Ministère des droits de l'homme, créé en 2003, est indépendant et peut dénoncer des violations des droits de l'homme ou s'il reste lié par la solidarité gouvernementale.

La Constitution stipule certes que tous les citoyens ont les mêmes droits, mais cela reste un peu abstrait et il serait judicieux que des lois plus explicites mentionnent par exemple l'égalité entre hommes et femmes, a fait observer un expert. Il a aussi fait mention de faits discriminatoires portés à la connaissance du Comité, évoquant notamment les crimes d'honneur ou encore le fait que le viol marital n'est pas considéré comme un crime. Les femmes, lors des dernières élections parlementaires, représentaient 0,8% des candidats contre 1,4% en 1997, s'est inquiété un membre du Comité. Il a également relevé que pour qu'une femme puisse être employée dans le secteur public, il faut encore qu'elle obtienne la permission d'un parent de sexe masculin. La lutte contre de tels éléments de discrimination est mise en œuvre de manière très lente, a estimé l'expert.

Le Comité d'experts indépendants de l'OIT a regretté que le Gouvernement yéménite n'ait pas adopté une politique nationale d'égalité en matière d'emploi, a en outre relevé un expert. Dans l'agriculture, secteur qui n'est pas traité dans le Code du travail, les travailleurs ne semblent bénéficier d'aucune garantie, a ajouté l'expert. Un autre a relevé que l'article 67.a du Code du travail yéménite stipule que les femmes qui travaillent doivent avoir des salaires égaux à ceux des hommes si elles accomplissent le même travail dans les mêmes conditions, ce qui ne correspond pas exactement au libellé de l'article 7 du Pacte qui parle de salaire égal pour un travail d'égale valeur.

Une experte a attiré l'attention sur le problème des mariages précoces qui, a-t-elle rappelé, sont forcément des mariages forcés puisque, en tant qu'enfant, on ne saurait donner son consentement à un mariage. Qu'en est-il de l'âge légal du mariage au Yémen et de la pratique à cet égard, a-t-elle demandé ?

Les Akhdams, qui selon certaines estimations seraient un million sur une population totale de 23 millions, sont un groupe qui connaît de multiples discriminations dans la société yéménite, a fait observer un expert. Environ 100 000 d'entre eux connaissent des difficultés dans les bidonvilles des grands centres urbains et le recours à la mendicité est fréquent chez les Akhdams. Un autre expert a fait état d'allégations graves portées au sujet de la situation de cette population qui, semble-t-il, constitue un groupe marginalisé, sont les enfants ne sont généralement pas scolarisés puisque 87% abandonnent l'école au niveau du primaire.

Un membre du Comité a attiré l'attention sur le manque de progrès réalisés au Yémen s'agissant de la consommation de khat - produit nocif pour la santé et qui n'est pas doté des attributs nutritifs qu'on lui prête.

Un membre du Comité a souligné que les pourcentages de personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté sont très élevés au Yémen; en outre, peu de pays du monde ont un taux de chômage aussi élevé que le Yémen, ce qui est certainement lié au taux élevé d'analphabétisme. Si le taux de chômage est globalement élevé au Yémen, c'est surtout l'écart entre hommes et femmes qui est frappant puisque les premiers connaissent un taux de chômage d'environ 11% alors que celui des femmes atteint les 40%, a-t-il poursuivi. Quels sont les obstacles à l'instauration d'un salaire minimum au Yémen, a par ailleurs demandé l'expert?

Un autre expert a relevé que le taux d'analphabétisme, qui atteint 27% chez les hommes, est deux fois plus élevé chez les femmes, pour lesquelles il atteint 60%. En outre, une forte proportion de la population vit avec moins de deux dollars par jour. Un demi million d'enfants âgés de 10 à 13 ans travaillent, s'est en outre inquiété cet expert.

Un membre du Comité s'est inquiété d'un problème d'enregistrement des naissances dans les zones rurales.

Il semble que les châtiments corporels soient interdits à l'école mais pas à la maison, a en outre relevé cet expert. Existent également au Yémen des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, tels que des amputations, la flagellation ou la lapidation, a souligné l'expert. Par ailleurs, la traite de personnes n'est pas explicitement interdite dans la législation yéménite, a-t-il fait observer. Par ailleurs, sont particulièrement préoccupants les chiffres indiquant que 58% des enfants au Yémen souffrent de malnutrition.

Un autre membre du Comité a fait état d'informations selon lesquelles les enfants au Yémen continueraient d'être utilisés dans les conflits armés; il s'agirait essentiellement d'adolescents. Le Yémen est partie au Protocole facultatif se rapportant à la Convention relative aux droits de l'enfant qui fixe à 18 ans l'âge de recrutement des enfants, a rappelé cet expert; aussi, s'est-il enquis de la politique du Yémen visant à mettre un terme au recrutement d'enfants soldats.

Plusieurs experts ont souhaité connaître les mesures prises au Yémen pour lutter contre la polygamie et les mutilations génitales féminines. En outre, le droit au divorce est incomplet au Yémen et ceci est contraire au principe d'égalité entre hommes et femmes, a souligné un expert.

Nombre de membres du Comité ont également fait part de leurs préoccupations s'agissant de la situation qui prévaut au Yémen au regard du droit à l'eau potable et à l'assainissement. Un quart des zones irriguées disponibles est utilisé pour la culture du khat, a fait observer un expert.

Réponses de la délégation

Le climat actuel au Yémen n'est pas très favorable au respect du Pacte, a reconnu la délégation. À cause des manifestations, il y a notamment eu une augmentation des abandons scolaires et les pressions exercées par des partis politiques ont des effets temporaires sur l'éducation et la santé.

En réponse aux préoccupations exprimées par plusieurs experts au sujet des six enseignants tués par la police lors de manifestations récentes, la délégation a indiqué que les forces de sécurité ont reçu l'ordre de ne pas utiliser leurs armes contre les manifestants. Pour l'heure, on ne sait pas ce qui s'est passé exactement et l'on n'entend que les versions des correspondants de presse, a ajouté la délégation.

S'agissant du statut du Pacte en droit interne, la délégation a indiqué que les conventions et instruments internationaux ratifiés par le Yémen deviennent règle de droit. Les instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme sont enseignés au Conseil de la magistrature. Tout magistrat peut invoquer le Pacte devant un tribunal et il est reconnu au même niveau que les lois nationales. La délégation a précisé que les autorités yéménites allaient élaborer un plan pour demander une aide internationale aux fins de l'alignement des lois yéménites sur les dispositions des normes internationales.

La législation yéménite ne reconnaît aucune discrimination à l'encontre des femmes ou encore des Akhdams et reconnaît au contraire l'égalité entre tous les citoyens. Malheureusement, certains groupes n'ont pas recours aux tribunaux et certains groupes marginalisés, notamment les Akhdams, se déplacent d'un lieu à un autre, de sorte que leurs enfants ne sont pas scolarisés alors qu'ils peuvent, bien sûr, aller à l'école comme tous les autres enfants du pays.

En ce qui concerne les Akhdams, la délégation a affirmé que les faits historiques et sociaux ne prouvent pas l'existence de minorités ethniques au Yémen. Les Akhdams ont d'importantes caractéristiques sociales communes avec le reste de la population et font partie intégrante de la société yéménite, a-t-elle ajouté. Il s'agit d'arabes musulmans qui parlent arabe, a-t-elle précisé. Il convient de rappeler que les Yéménites peuvent avoir la peau claire ou sombre, a-t-elle souligné. Les Akhdams sont considérés comme des Yéménites sur les plans économique et social, a-t-elle assuré. Il n'en demeure pas moins que ce groupe de la population est extrêmement pauvre, a admis la délégation, reconnaissant que les services de santé au Yémen sont de mauvaise qualité, en particulier dans les zones rurales. Il n'existe pas de programme de développement visant spécifiquement les Akhdams, a par ailleurs indiqué la délégation, insistant pour que soit dissipé le malentendu selon lequel les Akhdams seraient une minorité ethnique victime de discrimination. Il est tout à fait faux de prétendre que les Akhdams ne jouiraient pas du droit à la propriété, a également déclaré la délégation.

La proportion d'abandon scolaire chez les filles n'est pas due à des traditions ou des coutumes mais à l'ignorance et à la situation économique que connaissent les familles, a par ailleurs déclaré la délégation. Plusieurs entraves et traditions culturelles empêchent la promotion de la femme dans la société, a ensuite déclaré une représentante de la délégation yéménite. Le corps diplomatique yéménite compte 45 femmes, a par ailleurs fait valoir la délégation. La délégation a assuré qu'il existe actuellement au Yémen une forte volonté politique de mettre un terme à la discrimination contre les femmes. Elle a souligné que ce sont les partis religieux extrémistes qui se sont opposés à la promotion de la présence des femmes au Parlement.

Le projet de loi portant interdiction des mariages précoces a été rejeté en raison du refus des partis d'opposition, a d'autre part rappelé la délégation. Elle a précisé que les autorités s'efforcent de prévenir les mariages précoces en cherchant à fournir des ressources aux familles qui ont recours à ce type de mariage. La délégation a par ailleurs indiqué qu'il faut quatre témoins pour confirmer un cas d'adultère, auquel cas c'est la loi qui est appliquée et la peine se purge donc en prison.

Il n'est pas possible de promulguer une loi contre la polygamie car elle serait contraire à la charia et quiconque chercherait à promouvoir une telle loi se trouverait en mauvaise posture vis-à-vis des islamistes, a estimé la délégation. Aujourd'hui, la polygamie subsiste au Yémen, mais on peut faire le pari qu'avec le temps, elle disparaîtra, a-t-elle ajouté.

L'analphabétisme et les retards importants que connaît le pays demandent beaucoup de temps pour être surmontés, a par ailleurs souligné la délégation.

La délégation a par ailleurs indiqué que le Gouvernement a pris des mesures pour interdire la culture du khat dans les vallées.

Pour la période 2005-2010, la stratégie de lutte contre la pauvreté a été intégrée dans le plan de développement national pour composer un seul et même plan unifié, a indiqué la délégation. Des raisons objectives – notamment les répercussions des crises alimentaire et financière internationales – expliquent que ces dernières années, le niveau de pauvreté ait augmenté au Yémen. L'endettement du Yémen représente 30% du PIB, a par ailleurs indiqué la délégation.

Le Yémen dispose d'un fonds d'assistance sociale pour venir en aide aux couches les plus pauvres de la société, a indiqué la délégation. Ce filet de sécurité sociale a été créé en 1986, après la mise en œuvre des réformes économiques et financières globales ayant touché tous les secteurs de la société. Ce filet a été créé pour compenser ceux qui ont souffert en raison de l'application de ce programme de réformes qui visait l'ajustement et la rectification des déséquilibres économiques et financiers et a eu pour conséquence une hausse des prix et l'apparition de problèmes sociaux auxquels il fallait remédier. Ces dernières années, un demi million de personnes sont venues s'ajouter au 1,1 million de personnes qui bénéficiaient déjà des prestations du fonds d'assistance sociale.

Le chômage, tout comme la pauvreté, est un phénomène structurel au Yémen, pays qui figure au nombre des pays les moins avancés. L'une des causes de ce chômage réside dans la structure même de la pyramide des âges, puisque 75% de la population yéménite a moins de 30 ans. En outre, les opportunités de travail manquent et il y a donc déséquilibre profond entre l'offre et la demande. Selon une enquête menée en 2004, 17% de la population active était sans emploi, a indiqué la délégation. Il a été calculé que le taux de chômage chez les jeunes atteignait environ 36%, a-t-elle ajouté. Plusieurs obstacles expliquent que la main-d'œuvre yéménite n'arrive pas à travailler dans les pays du Golfe, a par ailleurs souligné la délégation. Elle a en outre fait part de la mise en place d'un programme sur quatre ans visant à trouver du travail pour les diplômés. Les autorités s'efforcent également de trouver les ressources nécessaires à la création d'un fonds qui permettrait de venir en aide aux personnes qui cherchent un emploi, a-t-elle fait savoir.

Le Code du travail yéménite a été amendé, pour plus de la moitié des articles qu'il contient, à l'issue de consultations tripartites et avec la collaboration d'organisations internationales, a indiqué la délégation. En outre, les autorités sont disposées à poursuivre une coopération dans ce domaine si nécessaire, a-t-elle ajouté. La délégation a par ailleurs souligné que le Yémen a ratifié les conventions n°155 et 170 de l'Organisation internationale du travail portant sur la sécurité des travailleurs.

Selon le Code du travail, le salaire minimum dans le secteur privé ne doit pas être inférieur à celui du secteur public, a par ailleurs indiqué la délégation.

La délégation a ajouté que des amendements et des améliorations ont été apportés à la législation relative au droit de grève. Elle a d'autre part réfuté l'allégation selon laquelle les autorités yéménites auraient cherché à dissoudre le syndicat des enseignants; elles n'en ont d'ailleurs pas le droit.

Malheureusement, le travail des enfants est un phénomène qui a toujours été présent au Yémen, à cause de la pauvreté et du chômage, a poursuivi la délégation. Certaines sources font état de 500 000 enfants qui travaillent dans le pays; d'autres estiment qu'il y en aurait moins. Des efforts ont été déployés ces derniers temps afin de remédier à ce problème: des plans et politiques ont été adoptés pour réduire ce fléau et le Yémen a ratifié des textes internationaux portant sur le travail des enfants, notamment la convention n°138 de l'OIT sur l'âge minimum d'admission à l'emploi, a indiqué la délégation.

S'agissant de la situation des migrants au Yémen, la délégation a rappelé que le pays compte à la fois des migrants légaux, et des migrants illégaux. Lorsque ces derniers viennent de la Corne de l'Afrique, en particulier de la Somalie, on parle de réfugiés humanitaires et on ouvre alors grand les portes à ces personnes, qui représenteraient de 800 000 à un million d'individus au Yémen. La loi s'applique aux travailleurs migrants de la même manière qu'aux travailleurs yéménites, a par ailleurs assuré la délégation.

Répondant aux questions des membres du Comité sur la santé, la délégation a souligné que les questions de santé et de pauvreté sont étroitement liées. Le Yémen est parvenu à éradiquer la poliomyélite et est en train de venir à bout de la rougeole, a-t-elle poursuivi. Le pays est également très avancé dans la préparation d'une loi portant sur l'assistance et les soins aux personnes infectées par le VIH/sida. Les bronchites et les maladies pulmonaires aiguës sont les principales sources de décès chez les enfants de moins de cinq ans, a indiqué la délégation. Grâce aux campagnes de vaccination, les autorités espèrent parvenir à réduire le taux de mortalité des enfants de cette tranche d'âge. Quant aux problèmes de la malnutrition, ils dépassent le seul domaine de la santé et concernent également le domaine social, a souligné la délégation.

Les mutilations génitales féminines sont un héritage du passé dans les régions côtières du pays, a par ailleurs expliqué la délégation, ajoutant que le Yémen a recours à une experte du Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF) afin de promouvoir l'éradication de ces pratiques. Le Prophète Mahomet n'a jamais eu recours à l'excision pour ses filles, a souligné la délégation. Pour l'heure, il n'existe pas encore de fatwa indiquant que ces pratiques doivent être rejetées, a-t-elle fait observer.

La délégation a souligné qu'une décision avait été prise concernant la gratuité de l'enregistrement des naissances. Il est vrai qu'il y a eu quelques plaintes indiquant qu'une somme symbolique avait parfois été demandée aux personnes souhaitant faire enregistrer la naissance de leur enfant, a reconnu la délégation; à ce sujet, les autorités encouragent les personnes victimes de telles pratiques à en faire part au Ministère de l'intérieur, qui est responsable des enregistrements des naissances. Des mesures de sensibilisation, y compris à l'intention des fonctionnaires chargés de procéder à ces enregistrements, ont été prises, a ajouté la délégation.

En ce qui concerne les châtiments corporels, la délégation a indiqué que deux études sont en cours dont l'une concerne les violences contre les enfants dans tous les contextes (écoles, institutions, famille…), et l'autre traite plus particulièrement de la violence sexuelle contre les enfants. Une étude a été menée auprès des étudiants d'université auxquels il a été demandé s'ils avaient souffert de violence sexuelle dans leur enfance, a précisé la délégation. Elle a fait part de la production et de la diffusion d'un film d'animation visant à faire comprendre aux enfants qu'ils doivent porter plainte en cas d'abus. Les policiers se sont également vu dispenser une formation sur ces questions, a ajouté la délégation.

En réponse aux questions relatives à la traite des êtres humains, la délégation a souligné que, comme l'ont rapporté des experts des Nations Unies et du Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF), ce qui se passe au Yémen, ce n'est pas une traite de personnes dans un but lucratif mais un passage organisé aux frontières du pays, à la recherche de meilleures conditions de vie. Il y a ainsi eu des cas d'enfants envoyés en Arabie saoudite qui n'ont ensuite pas pu être rejoints par leur famille.

Les enfants ont été impliqués dans les conflits qu'a connus le pays, a reconnu la délégation. Les autorités ont alors travaillé avec les cheiks des tribus afin qu'ils les aident à prévenir l'implication des enfants dans les conflits armés. Les autorités attendent un rapport sur les registres d'inscription de l'armée afin de veiller à ce que les jeunes de moins de 18 ans soient tous démobilisés.

Des enfants ont été utilisés dans le cadre des conflits politiques et pendant les manifestations, certains ont trouvé la mort, a ensuite indiqué la délégation. Des réunions ayant rassemblé tous les partis politiques, y compris ceux de l'opposition, ont permis à la majorité de reconnaître que les enfants ne devaient plus être impliqués dans les conflits politiques ou armés, a-t-elle précisé.

Au Yémen, a indiqué la délégation, le travail des enfants concerne des enfants qui travaillent dans les champs en zones rurales et d'autres qui travaillent dans des petits commerces. En vertu de la Convention relative aux droits de l'enfant, a rappelé la délégation, le travail des enfants est permis s'il reste dans le cadre de la famille et n'empêche pas la scolarisation des enfants. Quoi qu'il en soit, le Yémen travaille sur ces questions en coopération avec le Programme IPEC de l'Organisation internationale du travail.

Le secteur de l'éducation au Yémen est confronté à certains défis qui sont décrits dans le rapport: en particulier, les taux de scolarisation tant au primaire qu'au secondaire sont en déclin, a souligné la délégation. La scolarisation au niveau du primaire ne dépasse pas les 72%, ce qui signifie que 3 millions d'enfants ne sont pas scolarisés, a-t-elle précisé. En outre, il existe d'importantes disparités entre garçons et filles et entre zones rurales et urbaines. De plus, le taux d'abandon scolaire est important, en particulier parmi les jeunes filles vivant dans les zones rurales. Les stratégies nationales d'éducation (pour le primaire, pour le secondaire et pour l'émancipation des jeunes filles) ont saisi ces problèmes à bras le corps, avec la collaboration de partenaires tels que la Banque mondiale ou le Gouvernement du Royaume-Uni, a indiqué la délégation. Au Yémen, plus de mille écoles sont construites chaque année, soit une moyenne de trois par jour, a-t-elle fait valoir. Le Yémen a besoin de 118 000 classes supplémentaire pour satisfaire tous les besoins, a-t-elle fait savoir. Le Yémen est considéré comme un pays qui n'est pas sur la bonne voie pour ce qui est de la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement, a conclu la délégation.
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