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Communiqués de presse Organes conventionnels

Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels le rapport initial de la Turquie

04 Mai 2011

4 mai 2011

Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a examiné, hier et ce matin, le rapport initial de la Turquie sur les mesures prises par ce pays pour mettre en œuvre les dispositions du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

Présentant le rapport de son pays, M. Ali Onaner, Chef du Département des droits de l'homme au Ministère turc des affaires étrangères, a souligné que depuis 2001, le pays s'est engagé dans un processus de réforme visant à améliorer la protection et la promotion des droits de l'homme qui a permis des progrès substantiels, s'agissant notamment de l'abolition de la peine de mort, de la lutte contre la torture, de l'égalité entre les sexes, de la liberté de religion, de la liberté d'expression, de la liberté d'association et d'assemblée, ainsi que d'autres droits culturels et sociaux. Parmi les améliorations apportées par la récente réforme constitutionnelle figurent l'inclusion de la discrimination positive en tant que droit constitutionnel pour les personnes ayant besoin de protection sociale, telles que les enfants, les personnes âgées et les personnes handicapées, ainsi que les femmes afin d'atteindre l'égalité de facto entre hommes et femmes; l'élargissement de la portée et du champ d'application de la liberté d'organisation et des droits syndicaux; la définition du droit de porter plainte comme droit constitutionnel; l'élimination de l'obstacle constitutionnel qui empêchait la création d'un ombudsman; ainsi que l'introduction du droit individuel de saisir la Cour constitutionnelle s'agissant des droits et libertés fondamentaux énoncés dans la Constitution.

La délégation turque était également composée de représentants du Ministère de l'intérieur, du Ministère du travail et de la sécurité sociale, du Ministère de la justice et de l'Institution de sécurité sociale. Elle a fourni aux experts des compléments d'information s'agissant, entre autres, du cadre général d'application du Pacte et des réserves que la Turquie maintient à l'égard de certaines de ses dispositions; du projet de loi visant la création d'un ombudsman; du principe de non-discrimination; de la situation des minorités, des Kurdes, des migrants, des demandeurs d'asile et des réfugiés; des projets de construction d'infrastructures; du travail forcé; des questions d'emploi, d'éducation et de santé; des crimes d'honneur et de la violence domestique; du travail des enfants; de la situation des personnes handicapées; des journalistes emprisonnés sur accusation d'appartenance à une organisation terroriste; ou encore du niveau de pauvreté dans le pays. Sur ce dernier point, la délégation a indiqué que pour l'année 2009, 18,08% de la population turque vivaient en dessous du seuil de pauvreté.

Le Comité adoptera, dans le cadre de séances privées, des observations finales concernant le rapport de la Turquie, qu'elle rendra publiques à la fin de la session, le vendredi 20 mai prochain.

Cet après-midi, à 15 heures, le Comité entamera l'examen du rapport de la République de Moldova (E/C.12/MDA/2).

Présentation du rapport

M. ALI ONANER, Chef du Département des droits de l'homme au Ministère des affaires étrangères de la Turquie, a rappelé que la Turquie avait signé et ratifié le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels en 2003 et est devenue partie à la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale et au Pacte international relatif aux droits civils et politiques en 2002 et 2003, respectivement. En fait, a insisté M. Onaner, depuis 2001, le pays s'est engagé dans un processus de réforme dynamique et global visant à améliorer la protection et la promotion des droits de l'homme. Ainsi, un amendement apporté en 2004 à l'article 90 de la Constitution stipule que les conventions internationales sur les droits et libertés fondamentaux prévalent sur les dispositions du droit national. En outre, l'adoption d'un nouveau Code civil, d'un nouveau Code pénal et d'un nouveau Code de procédure pénale, afin de mettre le cadre juridique turc en conformité avec les normes et principes européens, a consolidé les amendements apportés à la Constitution.

L'ambitieux processus de réforme engagé par la Turquie a permis des progrès substantiels s'agissant notamment de l'abolition de la peine de mort, de la lutte contre la torture, de l'égalité entre les sexes, de la liberté de religion, de la liberté d'expression, de la liberté d'association et d'assemblée, ainsi que de droits culturels et sociaux, a poursuivi M. Onaner. D'autre part, l'éducation aux droits de l'homme à tous les niveaux a été fortement promue.

L'ensemble des amendements apportés à la Constitution en septembre 2010 a permis d'éliminer plusieurs lacunes mises à jour dans des jugements de la Cour européenne des droits de l'homme et de donner suite à plusieurs recommandations adressées à la Turquie par divers organes de surveillance aux niveaux régional et international, a fait valoir M. Onaner. Parmi les améliorations apportées par la récente réforme constitutionnelle figurent l'inclusion de la discrimination positive en tant que droit constitutionnel pour les personnes ayant besoin de protection sociale, tels les enfants, les personnes âgées et les personnes handicapées, ainsi que les femmes afin d'atteindre l'égalité de facto entre hommes et femmes; l'élargissement de la portée et du champ d'application de la liberté d'organisation et des droits syndicaux; la définition du droit de porter plainte comme droit constitutionnel; l'élimination de l'obstacle constitutionnel qui empêchait la création d'un ombudsman; ainsi que l'introduction du droit individuel de saisir la Cour constitutionnelle s'agissant des droits et libertés fondamentaux énoncés dans la Constitution.

D'autre part, la loi sur le terrorisme a été amendée en juillet 2010, a souligné M. Onaner. Suite à ces amendements, les enfants qui participent à des réunions et manifestations illégales ou distribuent des matériels de propagande pour le compte d'organisations illégales ne peuvent plus être poursuivis pour terrorisme devant les cours d'assise. En outre, la loi réduit les peines encourues par les enfants accusés de délits liés au terrorisme.

La nation turque est composée de citoyens qui jouissent des mêmes droits et libertés fondamentaux, quelle que soit leur origine en termes de langue, de race, de couleur, d'appartenance ethnique ou de religion, a poursuivi M. Onaner. Les actes de discrimination sont interdits et sanctionnés par la loi, a-t-il souligné. De plus, le principe d'égalité entre hommes et femmes est intégré dans les lois qui régissent la vie politique, sociale et économique.

Après avoir rappelé que les droits sociaux fondamentaux sont garantis par la Constitution, M. Onaner a indiqué que la protection et la promotion des droits culturels se fondent sur les principes de tolérance et de diversité culturelle. La liberté de religion et de conscience, la liberté de pensée et d'expression, la liberté de la presse, la liberté de la science et des arts, la protection du patrimoine historique et culturel et la promotion des arts et des artistes font partie intégrante de la politique culturelle de la Turquie, a-t-il précisé.

En conclusion, M. Onaner a assuré que le Gouvernement turc est déterminé à améliorer encore davantage la jouissance des droits économiques, sociaux et culturels pour tous et à poursuivre le processus de réforme visant à atteindre les plus hautes normes en matière de droits de l'homme.

Le rapport initial de la Turquie (E/C.12/TUR/1) indique que le système étatique turc repose sur le principe du nationalisme constitutionnel et territorial. La notion de nationalité est définie à l'article 66 de la Constitution en termes de lien juridique entre l'individu et le pays, sans considération d'appartenance à un groupe ethnique, linguistique ou religieux. Aux termes de cet article, «est Turc quiconque est rattaché à l'État turc par le lien de la nationalité». La nation turque est composée de citoyens égaux devant la loi indépendamment de leurs origines en termes de langue, de race, de couleur, d'origine ethnique, de religion ou de toute autre particularité, et dont les droits et libertés fondamentaux sont détenus et exercés individuellement conformément à la loi. De même, les libertés et les droits fondamentaux consacrés par la Constitution n'engendrent pas de distinctions entre les citoyens turcs et les étrangers.

Les droits sociaux de base sont également garantis par la Constitution à tous les individus quelle que soit leur nationalité. Il s'agit notamment du droit et du devoir d'instruction et d'éducation (art. 42), du droit de travailler et de contracter (art. 48), du droit au repos et aux loisirs (art. 50), du droit de fonder des syndicats (art. 51), du droit de vivre dans un environnement sain et équilibré (art. 56) et du droit à la sécurité sociale (art. 60). L'article 122 du Code pénal qualifie d'infraction la discrimination économique fondée sur la langue, la race, la couleur, le sexe, les opinions politiques, les convictions philosophiques, la religion, le culte ou d'autres motifs. Les «droits des minorités» en Turquie sont réglementés conformément au Traité de paix signé à Lausanne en 1923. Selon cet instrument, les citoyens turcs appartenant à une minorité non musulmane relèvent de la définition des «minorités». Dans la législation turque, qui est fondée sur le Traité de Lausanne, on trouve uniquement l'expression «minorité non musulmane». Les articles 37 à 45 du Traité réglementent les droits et obligations des individus appartenant aux minorités non musulmanes en Turquie et à la minorité musulmane en Grèce. Les citoyens turcs appartenant aux minorités non musulmanes ont leurs propres lieux de culte, écoles, fondations et hôpitaux ainsi que leurs médias imprimés.

En Turquie, l'emploi des femmes continue à faire problème. Une conséquence de la mondialisation est que durant les vingt dernières années, la main-d'œuvre féminine en Turquie est passée dans l'économie informelle. Le déclin continu de la part des femmes dans la population active semble confirmer cette évolution. Alors que cette part était d'environ 34,1% en 1990, elle est tombée à 26,9% en 2002, 25,1% en 2004 et 24,9% en 2006, indique le rapport. Le taux de chômage en Turquie est passé de 7,6% en 1995 à 10% en 2004, indique en outre un tableau du rapport. Les conditions que doivent remplir les membres fondateurs qui veulent former un syndicat sont énumérées à l'article 4 de la Loi sur les syndicats. Ils doivent être citoyens turcs, posséder tous leurs droits civiques, être employés dans le secteur d'activité où le syndicat doit être formé, ne pas être frappés d'une interdiction d'exercer des fonctions publiques, savoir lire et écrire le turc, et ne pas avoir été reconnus coupables des infractions mentionnées dans l'article, souligne par ailleurs le rapport. «Les fondateurs de tout syndicat doivent soumettre une demande au gouverneur de la province dans laquelle doit être installé le siège officiel du syndicat. Aux termes de l'article 6 de la Loi sur les syndicats, les syndicats peuvent être formés sans autorisation préalable. » Par ailleurs, souligne le rapport, «les travailleurs ont le droit de faire grève si un différend surgit durant le processus de négociation collective». Le droit de grève et de lock-out ne peut être exercé d'une manière contraire au principe de bonne foi au détriment de la société et selon des modalités qui portent atteinte à la richesse nationale.

Pour l'année scolaire 2005-2006 le taux de scolarisation a atteint 95,59% dans l'enseignement primaire, 85,18% dans l'enseignement secondaire et 34,46% dans l'enseignement supérieur.

Examen du rapport

Observations et questions des membres du Comité

S'agissant du cadre général d'application des dispositions du Pacte, un expert du Comité a relevé que la Turquie a beaucoup tardé à ratifier le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et s'est demandé si le pays était réticent à adhérer aux instruments internationaux ou n'appréciait pas «de se faire dire ce qu'il a à faire». En outre, la Turquie a émis de nombreuses réserves au Pacte, dont certaines sont en conflit avec les objectifs principaux de cet instrument, a fait observer l'expert. De plus, la Turquie indique qu'elle interprète les dispositions du Pacte en se fondant sur les dispositions de la Constitution turque; or, il serait préférable qu'elle les interprète en se fondant sur l'interprétation du Comité, a-t-il estimé. Ainsi, l'expert a indiqué avoir l'impression que la Turquie avait «un pied dedans, un pied dehors». Il a aussi rappelé qu'en 2008, la Cour européenne des droits de l'homme a rendu de très nombreux jugements contre la Turquie, notamment pour torture ou procès inéquitable.

Plusieurs membres du Comité ont par ailleurs souhaité savoir si la Turquie envisageait d'accéder au Protocole facultatif se rapportant au Pacte. Si la Turquie adhérait à ce protocole, cela enverrait un bon signal quant à la position du pays à l'égard des droits économiques, sociaux et culturels, a estimé un expert. Celui-ci a également souhaité savoir dans quelle mesure le mandat de l'ombudsman engloberait les droits économiques, sociaux et culturels.

La Turquie envisage-t-elle de ratifier le Protocole n°12 à la Convention européenne des droits de l'homme – Protocole qu'elle a déjà signé et qui porte sur l'interdiction générale de la discrimination, a demandé un expert? Un autre expert a relevé que le pays n'avait pas de loi générale concernant la non-discrimination. Un membre du Comité a pour sa part soulevé le problème que pose pour le Comité le fait que la Turquie ne reconnaisse pas les minorités, à l'exception des Arméniens, des Grecs et des Juifs, qui sont mentionnés dans le Traité de Lausanne. La Constitution ne reconnaît pas la minorité kurde, qui représente pourtant 23% de la population, de sorte que l'identité kurde ne semble pas reconnue dans le cadre juridique général de la Turquie, a souligné un expert, qui a également évoqué les discriminations dont semble victime cette minorité. Selon l'Institut turc des statistiques, le taux de travail des femmes dans la région kurde est cinq fois plus faible que le taux moyen national de travail des femmes. Dans la région kurde de l'Anatolie, les taux de mortalité maternelle sont supérieurs à la moyenne nationale et les indices de santé inférieurs, a-t-il insisté. Un membre du Comité a souhaité obtenir des précisions sur le cadre de protection des minorités en Turquie. Un autre a voulu savoir si les écoles du Gouvernement offraient la possibilité d'une instruction dans la langue locale d'une minorité, qu'elle soit kurde, syriaque ou araméenne, par exemple. Les membres des minorités autres que celles reconnues par la Turquie peuvent-ils créer eux aussi leurs propres écoles, comme le peuvent ceux des minorités reconnues, a par ailleurs demandé un expert? Un membre du Comité s'est inquiété de la situation des Roms, s'agissant, notamment, des questions d'éducation.

D'autre part, il semblerait que les demandeurs s'asile et les réfugiés en Turquie aient un accès très restreint à tous les droits économiques, sociaux et culturels, s'est inquiété cet expert.

Existe-t-il un système de défense des migrants turcs à l'étranger, en particulier en Allemagne, a demandé un autre membre du Comité?

Soulevant les problèmes liés à l'exécution de certains projets de construction d'infrastructures tels que des barrages, un expert a souligné que les activités des entreprises doivent être respectueuses des droits de l'homme et non reposer sur la seule logique de l'entreprise et du développement. Il a rappelé que la Turquie se situe sur une zone de faille sismique et s'est dit troublé par certains projets visant par exemple la construction d'une centrale nucléaire en zone côtière. Comment est relogée la population déplacée suite à des programmes de construction d'infrastructures, a demandé un autre membre du Comité? Qu'en est-il par ailleurs de l'indemnisation des personnes ainsi déplacées et de la prise en compte des questions environnementales dans le contexte de l'exécution de ces projets?

Un expert a fait observer qu'une réunion d'experts de l'Organisation internationale du travail sur l'application de la Convention n°105 de l'OIT, relative à l'abolition du travail forcé, s'était inquiétée de la pratique du travail forcé en prison pour des motifs politiques. Pour ce qui est des droits syndicaux, l'OIT a relevé qu'il existait en Turquie des restrictions sévères – sans doute trop sévères - au droit de grève. En Turquie, une personne peut se voir infliger une peine de prison pour grève illégale, ce qui n'est pas normal, a insisté l'expert. Qu'est-ce que la Turquie entend par «grève illégale», a-t-il demandé?

Relevant par ailleurs que le salaire minimum n'est pas le même pour les travailleurs de plus de 16 ans et ceux de moins de 16 ans, l'expert s'est enquis du nombre de ces derniers, étant entendu qu'en général, un enfant de cet âge doit être à l'école ou en tout cas, en formation.

Selon de nombreux observateurs, la Turquie parvient à promouvoir la croissance sans générer d'emplois, a fait observer un membre du Comité. Plusieurs autres experts se sont également inquiétés de la situation qui prévaut dans ce pays en termes d'emploi.

Il y a quelques années, selon les chiffres figurant dans le rapport initial de la Turquie, les deux tiers des ménages du pays bénéficiaient du tout-à-l'égout, c'est-à-dire de services d'assainissement; mais qu'en est-il de la situation à cet égard aujourd'hui, en 2011, a demandé un autre expert, soulignant que cette question est liée au droit à l'eau, lui-même étroitement lié au droit à la santé?

Les questions des experts s'agissant des questions de santé ont notamment porté sur l'information du public au sujet des maladies sexuellement transmissibles, la situation relative au VIH/sida et la prise en charge des personnes ayant besoin de soins en santé mentale. À cet égard, le rapport décrit la surpopulation dans les institutions psychiatriques en soulignant que certaines ont été décentralisées afin de remédier à cette situation; or, la solution, en matière de soins de santé mentale, n'est pas d'éparpiller les patients mais bien de parvenir à une articulation adéquate entre soins ambulatoires et soins permanents, a fait observer l'expert. Qu'en est-il des soins de santé dans les prisons, a-t-il par ailleurs été demandé? Qu'en est-il de l'évolution des chiffres relatifs au VIH/sida, a également demandé cet expert? S'il est vrai qu'ils ont diminué, les indicateurs de mortalité maternelle n'en restent pas moins élevés, a par ailleurs fait observer une experte. Il a par ailleurs été demandé à la délégation de confirmer si 23% de la population turque vivent dans des zones où le paludisme est endémique, comme l'affirme un rapport de l'Organisation mondiale de la santé datant de 2009? Plusieurs experts se sont inquiétés de l'incidence des suicides en Turquie; l'un d'eux s'est enquis des mesures prises pour combattre le problème des «contraintes» qui débouchent sur des suicides.

S'agissant de la protection de l'enfance, un expert s'est félicité de la législation en place visant à interdire les mariages de personnes de moins de 17 ans mais a toutefois soulevé la question des mariages précoces, arrangés voire forcés en s'enquérant des mesures prises pour traiter ces pratiques. L'expert s'est en outre inquiété du phénomène des jeunes enfants travaillant dans la rue et s'est enquis des mesures prises ou envisagées par les autorités turques afin d'interdire les pires formes de travail des enfants.

Existe-il en Turquie un projet de loi visant à réprimer les violences domestiques, à l'encontre non seulement des femmes, mais aussi des enfants, a demandé une experte?

L'experte a par ailleurs relevé la prévalence des mariages religieux en zone rurale. Un autre expert s'est enquis des condamnations et sanctions prononcées par les tribunaux turcs pour des cas de crimes d'honneur, dont la fréquence ne cesse d'augmenter. Il s'est enquis également des condamnations prononcées par des tribunaux turcs dans des cas de traite de personnes.

Il semble que le sud-est de l'Anatolie concentre de nombreuses poches de pauvreté voire d'extrême pauvreté, s'est inquiété un membre du Comité, qui a souhaité avoir des précisions et connaître les mesures que le Gouvernement prend pour redresser les déséquilibres en la matière entre les différentes parties du pays. Un autre membre du Comité s'est enquis du pourcentage de la population turque qui vit actuellement dans la pauvreté, rappelant que ce taux se situait en 2002 à 20%. L'expert a fait état d'informations selon lesquelles la pauvreté des enfants continue d'être un problème grave en Turquie. Il s'est également inquiété de l'insuffisance de l'approvisionnement en eau des personnes vivant dans certaines zones rurales.

Réponses de la délégation

Répondant aux questions des membres du Comité sur le cadre général d'application du Pacte, la délégation a notamment admis que la ratification du Pacte par la Turquie avait été quelque peu tardive. Il n'en demeure pas moins que le pays met en œuvre, depuis 2001, d'importants instruments en matière de droits de l'homme, ce qui s'inscrit notamment dans le cadre de l'effort d'accession de la Turquie à l'Union européenne, a-t-elle souligné. La délégation a toutefois indiqué ne pas être en mesure de citer un jugement d'un tribunal en Turquie qui aurait fait référence au Pacte.

Tout individu qui, en Turquie, estime que ses droits ne sont pas respectés par les décisions des instances nationales peut aller devant la Cour européenne des droits de l'homme pour chercher à obtenir satisfaction, a rappelé la délégation.

Pour ce qui est des réserves que la Turquie a émises à l'égard du Pacte, la délégation a rappelé que la question relevait du droit souverain de chaque pays mais a souligné que le pays examine aussi, régulièrement, ses réserves en vue de les lever. Aussi, s'il n'est pas possible de dire quand ces réserves seront levées, il n'en demeure pas moins que le pays a la volonté de lever celles qui ne sont pas indispensables à la mise en œuvre, par la Turquie, de l'instrument visé.

La délégation a rappelé que la Turquie avait tenté une première fois d'établir un médiateur (ombudsman), mais a indiqué qu'à l'époque, une telle mesure aurait été en contradiction avec la Constitution; aussi, les amendements nécessaires ont-ils été apportés à l'article 74 de la Constitution, de sorte que les obstacles à la création de cette institution ont été surmontés. Le projet de loi visant à créer l'ombudsman est désormais en cours de préparation, a indiqué la délégation. En outre, le premier projet de création d'une institution nationale des droits de l'homme a été présenté aux instances administratives concernées il y a plusieurs années, a rappelé la délégation, qui a ajouté que la Turquie souhaite qu'elle ses statuts soient conformes aux Principes de Paris.

S'agissant des questions de discrimination et de minorités, la délégation turque a souligné que selon la Constitution, tous les individus sont égaux devant la loi. Le fait qu'aujourd'hui le pays ne dispose d'aucune loi spécifique sur la non-discrimination ne diminue ni ne limite en rien la protection contre toute discrimination qui est assurée à tous les citoyens turcs et aux personnes se trouvant dans le pays.

Il est vrai que la Turquie s'est dotée d'une définition particulière concernant les minorités; mais il convient également de rappeler qu'il n'existe pas de définition de la notion de minorité qui soit internationalement acceptée. Des personnes de langues différentes ou de groupes ethniques différents n'ont pas besoin d'être étiquetées comme appartenant à des minorités pour que leurs droits soient garantis, a souligné la délégation. Si le Traité de Lausanne fournit la base de la définition actuelle de la notion de minorité retenue par la Turquie, qui se limite aux minorités religieuses, en aucun cas on ne peut dire que les autres citoyens turcs, parlant par exemple d'autres langues, font l'objet de discrimination, a-t-elle assuré.

«Effectivement, les Kurdes ne sont pas reconnus comme une minorité en Turquie, mais cela ne limite en aucun cas la protection de leurs droits, qui est assurée indépendamment d'une définition de minorité qui pourrait être utilisée les concernant», a déclaré la délégation. Le chef de la délégation, M. Onaner, a ajouté, mentionnant sa propre expérience, «qu'une grande partie des citoyens d'origine kurde en Turquie ne se considère pas comme une minorité de toute façon», reconnaissant qu'une autre partie d'entre eux «serait intéressée de recevoir tous les droits qui sont accordés à une minorité». Il s'est dit convaincu que la législation actuelle accorde, comme pour tous les citoyens turcs, tous les droits aux Kurdes sans qu'ils aient besoin de cette dénomination de minorité.

La délégation a par ailleurs reconnu l'existence d'un faible niveau d'emploi des femmes dans certaines régions d'Anatolie peuplées de Kurdes et a expliqué que cela s'expliquait notamment par des problèmes d'éducation auxquels les pouvoirs publics s'efforcent de remédier de leur mieux. Il est vrai que les niveaux d'emploi des femmes et d'éducation, voire de scolarisation des jeunes filles, sont particulièrement faibles dans certaines régions d'Anatolie, a admis la délégation.

La délégation turque a par ailleurs exposé la stratégie des autorités en matière de lutte contre la violence faite aux femmes. Elle a en outre rappelé que des élections législatives allaient se tenir le mois prochain dans le pays et a fait valoir que le nombre de candidates à ces élections est plus élevé que jamais auparavant.

La Turquie peut être citée parmi les pays où un grand nombre de droits et services sont fournis aux migrants et aux réfugiés, en tout cas à ceux qui ont des papiers d'identité, a souligné la délégation. Certes, la Turquie n'a pas une situation parfaite dans ce domaine, mais elle fait partie des pays assurant des services et les droits les plus larges aux migrants et aux réfugiés, a-t-elle insisté.

S'agissant des projets de construction d'infrastructures (barrages, centrale nucléaire) évoqués par un membre du Comité, la délégation a souligné que ces projets visent à améliorer les conditions économiques des personnes résidant dans les zones concernées et du pays tout entier. Le fait est que certaines personnes expropriées dans le contexte d'un projet de construction de barrage ne sont pas satisfaites des compensations qu'elles ont obtenues, a poursuivi la délégation, avant de se dire persuadée – au regard de la jurisprudence en la matière – que la procédure judiciaire permettrait de faire justice.

Les différences de niveau de développement économique entre les différentes régions du pays sont un fait que l'on ne peut que reconnaître, a ensuite reconnu la délégation. Aussi, les autorités ont-elles prévu des investissements d'envergure et le projet de barrage évoqué par plusieurs membres du Comité s'inscrit dans le cadre de ces projets d'envergure. Il n'en demeure pas moins que le souci de développement de telle ou telle région ne saurait servir de prétexte à la violation des droits de particuliers qui pourraient, par exemple, pâtir de la construction d'un barrage, a déclaré la délégation. Aussi, les autorités ont-elles fait tout leur possible pour conclure des accords avec les populations concernées, a-t-elle poursuivi. Mais il faut bien reconnaître qu'apparemment, elles ne sont pas parvenues à donner satisfaction à toutes les personnes concernées, puisque certaines d'entre elles, s'estimant lésées, ont cru bon d'informer le Comité de leur situation. Lorsque des décisions d'expropriation ont été prises et que les compensations versées à ce titre sont considérées comme injustes, les tribunaux turcs tiennent désormais compte de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme et assurent donc l'octroi de réparations plus importantes aux personnes touchées si elles n'ont pas obtenu gain de cause dès la première étape de la procédure d'indemnisation, a indiqué la délégation.

La délégation a confirmé que les détenus dans les prisons turques ont la possibilité de travailler. Mais c'est un droit qui leur est offert et en aucun cas il ne s'agit d'une obligation de travailler, a-t-elle souligné. Ce travail est rémunéré. «On peut donc dire qu'il n'y a pas de travail forcé des prisonniers en Turquie aujourd'hui», a-t-elle déclaré. Bien entendu, il y a lieu d'améliorer les conditions des prisonniers, comme cela est également le cas dans nombre de pays européens, mais le travail forcé des prisonniers n'existe pas en Turquie, a insisté la délégation.

Il est vrai que la loi turque relative à l'organisation des grèves prévoit dans certains cas une peine d'emprisonnement, mais a estimé que la peine d'emprisonnement pour grève illégale est devenue de plus en plus rare. Le chef de la délégation a souligné à cet égard que la réforme constitutionnelle de 2010 a introduit des améliorations sensibles en rapport avec le droit de grève, notamment s'agissant du droit de grève et le lock-out.

En réponse à des inquiétudes exprimées au sujet de l'emprisonnement de journalistes en Turquie, la délégation a expliqué que les personnes qualifiées par les experts de journalistes emprisonnés sont accusées d'appartenance à une organisation terroriste; aussi, soit ces accusations seront confirmées, soit ces personnes seront blanchies, a déclaré la délégation. Ces journalistes ne sont pas emprisonnés à cause de leur profession de journaliste mais sont accusées de lien avec une organisation illégale, a insisté la délégation.

Pour ce qui est des questions relatives à l'emploi, il est vrai que ces dernières années, les chiffres du chômage n'ont cessé d'augmenter en Turquie, a reconnu la délégation. La période de crise qui a affecté tous les pays du monde a également affecté la Turquie, a-t-elle expliqué. Néanmoins, alors que l'augmentation du chômage était presque régulière jusqu'en 2009, les chiffres préliminaires pour 2010 semblent indiquer que cette tendance marque le pas, a-t-elle fait valoir. La lutte contre le chômage est l'un des premiers objectifs du Gouvernement turc, a assuré la délégation; les discours et programmes avancés dans le contexte des élections législatives du mois prochain attestent que la question de la lutte contre le chômage figure au nombre des préoccupations premières de tous les partis politiques.

L'exode des cerveaux est une réalité pour la Turquie et c'est un problème qui doit être traité, a reconnu la délégation. Elle a toutefois attiré l'attention sur une évolution positive qui a pu être constatée récemment et qui se traduit par des retours en Turquie d'enfants de la deuxième ou troisième génération de Turcs installés en Europe occidentale, qui cherchent à pouvoir travailler dans des conditions meilleures que celles que leurs parents ont connu en tant que migrants – phénomène qu'il convient de mettre en rapport avec l'amélioration des conditions de vie en Turquie même.

En réponse à d'autre questions, la délégation turque a notamment indiqué que le harcèlement sexuel sur le lieu de travail est un délit pénal qui peut être poursuivi auprès des tribunaux pénaux comme auprès des tribunaux du travail.

La durée de l'éducation obligatoire en Turquie est de huit ans; si l'on considère qu'un enfant commence l'école primaire à 7 ans, il peut donc achever le cycle de scolarité obligatoire à l'âge de 15 ans, a expliqué la délégation. Néanmoins, en moyenne, la fin de scolarité se situe plutôt à 16 ans, a-t-elle précisé. La Turquie n'a pas encore atteint l'objectif que les autorités se sont fixé d'un taux de scolarisation de 100%, a ajouté la délégation. Il n'y a pas de pratiques discriminatoires dans le domaine de l'accès à l'éducation, a-t-elle poursuivi. Certes, au regard des chiffres, le taux d'inscription des filles n'est pas aussi élevé que celui des garçons; c'est en tout cas ce que l'on a pu observer, même si les autorités s'efforcent d'inverser cette tendance, a-t-elle ajouté. La loi sur les écoles privées a pour objectif d'augmenter au maximum le nombre d'établissements scolaires, de manière à pouvoir assurer l'éducation scolaire au plus grand nombre, a expliqué la délégation. Il n'y a aucun risque que cette loi, qui encourage l'ouverture d'établissements scolaires privés, donne lieu à des abus car toutes les écoles privées sont soumises, comme les écoles publiques, à l'inspection du Ministère de l'éducation. En outre, les écoles privées suivent les mêmes programmes scolaires que les écoles publiques, a souligné la délégation.

En ce qui concerne le travail des enfants, la délégation a assuré que cette question est prise extrêmement au sérieux en Turquie. En 2006, l'OIT a déclaré que la Turquie était l'un des trois pays au monde enregistrant les meilleurs résultats en matière de lutte contre le travail des enfants, a-t-elle fait valoir. Bien entendu, comme avant 2006, des rapports ont continué après cette date d'être publiés faisant parfois état de situations encore négatives; mais cela n'a fait que renforcer la volonté des autorités de lutter contre ce fléau, a assuré la délégation.

En ce qui concerne les questions de santé, la délégation a indiqué que les plus grands établissements pénitentiaires du pays bénéficient de la présence d'un médecin à plein temps. Dans les établissements pénitentiaires de taille moindre, des visites médicales sont effectuées chaque semaine afin de permettre à chaque détenu de se voir dispenser les soins de santé dont il peut avoir besoin. Sinon, bien sûr, en cas d'urgence, tout prisonnier peut être hospitalisé à tout moment, a précisé la délégation.

La délégation a rappelé que l'année 2010 avait été déclarée Année de l'accessibilité pour les personnes handicapées. Elle a précisé que l'objectif que s'était fixé le pays était que d'ici 2012, tous les bâtiments publics et véhicules de transports en commun devraient être accessibles aux personnes handicapées. La délégation a admis qu'il n'est pas certain que cet objectif soit atteint dans les délais.

Pour ce qui est des mariages précoces, la législation en vigueur en Turquie ne laisse place à aucune ambiguïté, a assuré la délégation. En effet, toute personne de plus de 18 ans peut librement contracter mariage. Les personnes âgées de plus de 17 ans et de moins de 18 ans doivent, elles, obtenir le consentement de leurs parents pour contracter mariage; quant aux personnes âgées de 16 à 17 ans, elles doivent obtenir l'autorisation d'un tribunal pour se marier. Enfin, les personnes âgées de moins de 16 ans ne peuvent en aucune manière contracter mariage. Pour l'année 2010, a-t-elle précisé, le nombre de tentatives de mariages avec des jeunes âgées de moins de 16 ans a été de 307. On constate qu'il y a de moins en moins de tentatives de mariage de ce type en Turquie, a précisé la délégation, faisant état d'un projet de loi, déposé au parlement en février dernier, concernant cette question.

La délégation a par la suite indiqué que selon la loi actuellement en vigueur en Turquie, le mariage forcé est passible, pour la personne qui force l'autre à contracter mariage, d'une peine allant de 6 mois à deux ans d'emprisonnement. Forcer au mariage une personne de moins de 16 ans est considéré comme un délit sexuel, a ajouté la délégation.

Le seul mariage qui soit reconnu en Turquie est le mariage civil, a par ailleurs souligné la délégation. Certes, chacun a tout loisir de se marier selon le rite religieux; mais le mariage religieux n'a aucune valeur juridique. De plus, le mariage religieux doit être célébré après le mariage civil et non l'inverse, faut de quoi la peine encourue est de six mois d'emprisonnement.

Le Code civil turc, inspiré du Code civil suisse, ne comporte aucun élément tiré de la charia, a par ailleurs rappelé la délégation.

Les autorités turques ont mis en place une stratégie de lutte contre la violence domestique, a par ailleurs indiqué la délégation. Désormais, les femmes victimes de ce type de violence peuvent déposer plainte; des mesures de précaution peuvent être prises pour les protéger et des sanctions être imposées à l'auteur de violences. De plus, il existe dans le pays quelque 62 foyers permettant d'accueillir les femmes victimes de violence domestique. L'article 36 du Code pénal stipule non seulement que la violence physique est interdite mais aussi que si elle est perpétrée contre une épouse ou un enfant de la famille, la sanction encourue par l'auteur de cette violence est majorée de 50%. En 2009, le pays a reçu plus de 526 plaintes pour violence au sein de la famille et 266 personnes ont été condamnées pour ce délit, a précisé la délégation.

Pour ce qui est des crimes d'honneur, la délégation a indiqué que l'article 82 du nouveau Code pénal prévoit d'aggraver jusqu'à la condamnation à perpétuité la peine encourue par les auteurs de ce type de crime. Ainsi, le nouveau code prévoit que le crime d'honneur constitue une circonstance aggravante, alors qu'auparavant, au contraire, il s'agissait d'une circonstance atténuante car on considérait que les auteurs de ce type de crime agissaient sous la pression de la société. En 2009, il y a eu 23 plaintes pour crimes d'honneur, 16 personnes ayant malheureusement perdu la vie; 20 de ces plaintes se sont soldées par la condamnation des auteurs du crime, a indiqué la délégation. Des mesures de soutien psychologique aux femmes victimes de ces pratiques sont envisagées afin de prévenir le suicide chez ces jeunes femmes, a par ailleurs indiqué la délégation.

S'agissant des questions posées sur la pauvreté en Turquie, la délégation a indiqué que pour l'année 2009, 18,08% de la population turque vivaient en dessous du seuil de pauvreté.

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