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Communiqués de presse Organes conventionnels

Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels examine rapport de l'Allemagne

09 Mai 2011

9 mai 2011

Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a examiné, vendredi dernier et ce matin, le rapport de l'Allemagne sur les mesures prises par ce pays pour mettre en œuvre les dispositions du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

Présentant le rapport de son pays, M. Andreas Storm, Secrétaire d'État au Ministère du travail et des affaires sociales de l'Allemagne, a notamment souligné qu'en 2009, l'Allemagne a subi une très forte baisse de sa production économique; pour autant, la situation de l'emploi a aujourd'hui repris son niveau des années 1990, ce qui a été possible grâce au dialogue social. Pour les autorités allemandes, la lutte contre le chômage demeure une priorité, a assuré le Secrétaire d'État. En 2010, le taux de chômage s'établissait à 7,7%, ce qui représente un peu plus de 3 230 000 personnes; l'objectif est de rester en dessous du niveau de trois millions pour cette année. Du fait des nombreux départs à la retraite ces prochaines années, il existe une menace réelle de pénurie de main-d'œuvre qualifiée dans certains secteurs; aussi, les autorités examinent-elles la possibilité de permettre aux personnes âgées de continuer de travailler plus longtemps si elles le souhaitent. Rappelant que lors de l'examen du précédent rapport périodique de l'Allemagne, en 2001, la situation en ce qui concerne les soins de santé à long terme pour les personnes âgées avait donné lieu à des préoccupations, le chef de la délégation a assuré que depuis, la situation s'était nettement améliorée de ce point de vue. Il a par ailleurs attiré l'attention sur les efforts déployés par son pays en vue de mieux concilier vie de famille et vie au travail. L'intégration des migrants dans la société allemande est une question qui occupe une place importante dans la politique du pays, a également souligné M. Storm, qui a reconnu qu'en 2010, le taux de chômage des migrants restait deux fois plus élevé que celui des Allemands.

L'importante délégation allemande était également composée de représentants du Ministère du travail et des affaires sociales; du Ministère de l'intérieur; du Ministère pour les affaires familiales, les personnes âgées, les femmes et la jeunesse; du Ministère de l'éducation et de la recherche; et de la Mission permanente de l'Allemagne auprès des Nations Unies à Genève. Elle a fourni aux experts des compléments d'information en ce qui concerne, notamment, les fonctions de l'Institut national allemand des droits de l'homme; la participation des femmes au marché du travail; la prise en compte des droits économiques, sociaux et culturels dans l'action des entreprises allemandes et les investissements réalisés par le pays à l'étranger; les questions d'emploi et de chômage; les différences de salaires entre les parties orientale et occidentale du pays; la question du droit de grève des fonctionnaires; le travail des prisonniers; les personnes vivant dans la pauvreté; les questions de santé et d'éducation; les cas d'hospitalisation forcée sur décision judiciaire; la toxicomanie; les suicides; la protection et l'intégration des personnes infectées par le VIH/sida; la privatisation des universités; la situation relative à la traite de personnes.

Le Comité adoptera, dans le cadre de séances privées, des observations finales concernant le rapport de l'Allemagne, qu'elle rendra publiques à la fin de la session, le vendredi 20 mai prochain.

Cet après-midi, à 15 heures, le Comité entamera l'examen du rapport du Yémen (E/C.12/YEM/2).

Présentation du rapport

M. ANDREAS STORM, Secrétaire d'État au Ministère du travail et des affaires sociales de l'Allemagne, a assuré le Comité de l'importance accordée par l'Allemagne à toutes les recommandations qui lui sont adressées par le Comité.

Lors de l'examen du précédent rapport périodique de l'Allemagne, en 2001, la situation en ce qui concerne les soins à long terme pour les personnes âgées a donné lieu à de sérieuses préoccupations de la part du Comité, a rappelé M. Storm, qui a affirmé que la situation s'est nettement améliorée depuis, même si une attention constante doit être apportée à cette question, a indiqué M. Storm. L'année 2011 a été déclarée Année des soins à long terme pour les personnes âgées dans le domaine de la santé, a-t-il souligné, faisant valoir que cela témoigne de l'importance que l'Allemagne accorde aux recommandations du Comité.

En 2009, l'Allemagne a subi une très forte baisse de sa production économique, a poursuivi M. Storm; pour autant, la situation de l'emploi a aujourd'hui repris son niveau des années 1990, ce qui a été possible grâce au dialogue social qui a permis d'adopter diverses mesures ayant permis de prévenir un effondrement de la situation sur le marché du travail. Pour les autorités allemandes, la lutte contre le chômage demeure une priorité, a assuré le Secrétaire d'État. En 2010, le taux de chômage s'établissait à 7,7%, ce qui représente un peu plus de 3 230 000 personnes, contre près de 5 millions en 2005; l'objectif est de rester en dessous du niveau de trois millions pour cette année, a indiqué M. Storm. Du fait des nombreux départs à la retraite, qui se poursuivront ces prochaines années, il existe une menace réelle de pénurie de main-d'œuvre qualifiée dans certains secteurs; aussi, les autorités examinent-elles la possibilité de permettre aux personnes âgées de continuer de travailler plus longtemps si elles le souhaitent, a-t-il ajouté.

Des efforts sont déployés en Allemagne qui visent à mieux concilier vie de famille et vie au travail, a poursuivi le Secrétaire d'État. Des possibilités d'amélioration demeurent néanmoins, s'agissant en particulier de la situation des femmes ayant des enfants en bas âge, a-t-il admis. Il a fait part du souhait des autorités de promouvoir la prise en charge des enfants dans des centres de garde de jour, ce qui devrait notamment permettre aux femmes d'être mieux représentées dans les postes de niveau supérieur dans les entreprises. À ce stade, a ajouté M. Storm, environ 23% des enfants de moins de 3 ans peuvent être pris en charge dans les infrastructures existantes.

L'intégration des migrants dans la société allemande est une question qui occupe une place importante dans la politique du pays, a poursuivi M. Storm. Sur le marché du travail, les qualifications des migrants continuent de ne pas être à la hauteur de celles des Allemands, a-t-il déclaré, précisant qu'en 2010, le taux de chômage des migrants restait deux fois plus élevé que celui des Allemands. Le pays compte plus de 600 centres de conseils et d'orientation à l'intention des migrants. L'objectif des autorités est d'instaurer une société qui assure l'intégration de tous et cet objectif s'applique également aux personnes handicapées, a ajouté le Secrétaire d'État.

«Nous avons obtenu que le Conseil des droits de l'homme reconnaisse le droit de l'homme à l'eau et à l'assainissement», a poursuivi M. Storm. Le droit à un logement convenable est également une question qui préoccupe beaucoup l'Allemagne, a-t-il ajouté. Il a rappelé que l'Allemagne avait appuyé le Protocole facultatif se rapportant au Pacte au niveau international (ce protocole prévoit la «justiciabilité» des droits économiques, sociaux et culturels). Dès que seront disponibles les premiers retours d'expérience concernant cet instrument et dès que le Comité aura achevé de mettre au point sa jurisprudence et ses commentaires à son sujet, l'Allemagne reprendra l'examen de la possibilité de signer et de ratifier ce Protocole, a indiqué M. Storm.

Le cinquième rapport périodique de l'Allemagne (E/C.12/DEU/5) indique que l'Institut national allemand des droits de l'homme, fondé sur les Principes de Paris, ne fait pas office d'instance d'examen des plaintes ou d'enquête. Ce sont en première ligne les tribunaux qui sont compétents en Allemagne pour examiner les plaintes alléguant de violations des droits de l'homme. En vertu de la Loi fondamentale, quiconque est lésé dans ses droits par la puissance publique dispose d'un recours juridictionnel. En outre, la possibilité existe de porter plainte devant la Cour européenne des droits de l'homme. Dans ce contexte, une extension des pouvoirs de l'Institut national allemand des droits de l'homme − telle que proposée par le Comité − n'est pas envisagée. Aucune discrimination ne naît de la durée d'examen des demandes d'asile pour les demandeurs d'asile et les personnes à leur charge dans la mesure où les importantes prestations étatiques leur sont garanties quelle que soit la durée de la procédure d'asile. La préoccupation exprimée par le Comité selon laquelle la durée d'examen des demandes d'asile serait généralement indue n'est pas non plus justifiée. Au contraire, des efforts fructueux ont été entrepris pour accélérer plus encore la procédure d'asile. Pratiquement 30 % des demandes d'asile obtiennent une décision de l'Office fédéral des migrations et des réfugiés dans un délai d'un mois. En tout, plus de 67 % d'entre elles font l'objet d'une décision rendue en moins de trois mois et environ 83 % obtiennent une décision en moins de six mois. Le rapport souligne par ailleurs que la loi générale d'égalité de traitement entrée en vigueur le 18 août 2006 crée pour la première fois en Allemagne, de par son vaste domaine d'application (droit du travail, droit civil et droit public), un droit antidiscrimination général.

Les travailleurs étrangers n'ont le droit d'exercer une activité professionnelle en Allemagne que si leur titre de séjour le permet. Les ressortissants d'États tiers ont toujours besoin, en principe, pour une activité professionnelle − indépendante ou salariée − d'une autorisation. La loi relative au séjour des étrangers a modifié les conditions d'accès au marché du travail de certaines catégories de personnes. Le niveau de qualification nécessaire à l'exercice de l'emploi voulu représente à cet égard un critère essentiel d'appréciation. Pour les personnes hautement qualifiées, l'accès au marché du travail est grandement facilité. Pour les demandeurs d'emploi ou les postes peu qualifiés ou qualifiés, l'arrêt du recrutement est en principe, c'est-à-dire sous réserve d'exceptions précisément réglementées, maintenu. Les étrangers vivant légalement en Allemagne peuvent en principe toujours avoir un accès au marché du travail. Cette disposition peut cependant parfois être soumise à la condition qu'aucun travailleur privilégié (Allemands et citoyens des anciens États membres de l'Union européenne par exemple) ne soit disponible pour l'emploi concerné, précise le rapport.

La situation sur le marché du travail reste, des années après la réunification, encore difficile en Allemagne. Le processus de rattrapage économique des nouveaux Länder a marqué le pas depuis quelques années. Tandis que la société se ressoude lentement mais sûrement, la situation économique de l'est de l'Allemagne reste nettement plus difficile que celle du territoire de l'ancienne République fédérale d'Allemagne. Parallèlement, on observe cependant que des centres de croissance se développent à vue d'œil dans l'est de l'Allemagne tandis qu'à l'ouest se forment des régions difficiles, dans lesquelles le taux de chômage est pratiquement aussi élevé que la moyenne est-allemande. En raison de cette évolution et du nombre d'années qui se sont écoulées depuis la réunification, continuer à différencier les anciens et les nouveaux Länder ne présente plus qu'un intérêt limité. Le taux de chômage s'élevait en 2000 à 10,7 % et en 2005 à 13 %. En 2005, les femmes étaient légèrement moins touchées par le chômage que les hommes. Le taux de chômage des étrangers s'élevait en 2005 à 25,2. Les dispositions générales de la législation du travail s'appliquent en principe aux travailleurs en situation irrégulière. Les travailleurs en situation irrégulière ont également droit au congé minimum légal, au maintien du salaire en cas de maladie et de congés ainsi qu'au paiement du salaire convenu, comme les autres salarié(e)s. En outre, cette catégorie de personnes bénéficie également de la protection du régime légal d'assurance accidents. Ce n'est donc pas la situation juridique, du point de vue de la législation du travail, qui pose problème pour ces travailleurs en situation irrégulière, mais bien plutôt le fait que les personnes concernées bien souvent ne font pas valoir leurs droits. Un éventuel renforcement des droits des travailleurs de l'économie souterraine ne résoudrait donc pas le problème. Le Gouvernement fédéral accorde une grande importance à la lutte contre le travail clandestin et l'emploi illégal; les compétences en matière de contrôle et de poursuites dans ce domaine ont été regroupées au niveau fédéral et confiées à l'administration des douanes.

Le développement d'un dispositif d'éducation et de garde pour les enfants adapté aux besoins et axé sur la qualité a le rang de priorité numéro un pour le Gouvernement fédéral, poursuit le rapport. La Fédération, les Länder et les communes se sont mis d'accord dès 2007 pour que puisse être proposée, d'ici à 2013, une place dans une institution d'accueil de jour ou chez une assistante maternelle à 35 % des enfants de moins de trois ans en moyenne, à l'échelle fédérale. Si le nombre de sans-abri était estimé en 1998 à 530 000 personnes (680 000 personnes avec les immigrés de souche allemande), il avait largement diminué jusqu'à la dernière estimation disponible concernant l'année 2006 pour se situer à 254 000 personnes (265 000 avec les immigrés de souche allemande).

Examen du rapport

Questions et commentaires des membres du Comité

S'agissant du cadre général d'application du Pacte, un membre du Comité s'est réjoui que l'Allemagne ait tenu compte des précédentes recommandations qui lui ont été adressées pour l'élaboration du présent rapport, ce dont témoigne clairement l'architecture du rapport. Il a toutefois regretté que cette démarche n'ait pas permis à ce rapport d'aborder toutes les dispositions du Pacte.

Un autre membre du Comité a souligné qu'idéalement, il faudrait que le Pacte puisse être directement invoqué devant les tribunaux, ce qui n'est possible que lorsque cet instrument fait partie intégrante du droit interne des pays, y compris au niveau local. Les dispositions du Pacte ont-elles force obligatoire en Allemagne, a demandé un expert, relevant que selon le paragraphe 145 du rapport, «les droits fondamentaux peuvent (…) être restreints par la législation ordinaire»? Insistant sur la question essentielle du statut du Pacte, qui a donc un niveau inférieur à celui de la Loi fondamentale (Constitution), un membre du Comité a demandé à la délégation si elle pouvait fournir un exemple où les lois allemandes auraient été interprétées à la lumière du Pacte.

Certes, dans le monde actuel, il y a des situations d'urgence et des lois contre le terrorisme, a souligné un expert; mais la question qui se pose dans ce contexte est de savoir quelles mesures s'appliquent pour garantir l'exercice des droits économiques, sociaux et culturels des personnes appréhendées et des membres de leur famille en vertu de ces lois.

Certes, l'Allemagne a participé à l'élaboration du Protocole facultatif se rapportant au Pacte; mais il serait approprié qu'elle fasse un pas de plus le ratifiant, a souligné un membre du Comité. Plusieurs autres experts ont eux aussi jugé nécessaire que l'Allemagne ratifie le Protocole, l'un d'entre eux réfutant la justification invoquée par la délégation qui affirme que l'Allemagne attend que le Comité ait dégagé une sorte de «règlement intérieur» du Protocole; ce qui est important, c'est le Protocole lui-même et un pays européen comme l'Espagne, par exemple, l'a déjà ratifié, a souligné l'expert.

Plusieurs membres du Comité ont relevé que l'Allemagne n'a pas changé de position quant à la possibilité de permettre à l'Institut national allemand des droits de l'homme d'examiner des plaintes et de mener des enquêtes.

Un expert a constaté la faible progression de la hausse de l'aide publique au développement de l'Allemagne. Un autre a rappelé que l'Allemagne est sans aucun doute un des grands acteurs de l'aide au développement, mais a souhaité savoir si le pays agit toujours en la matière dans le cadre des engagements pris à Monterrey d'atteindre d'ici 2015 le taux de 0,7% du PIB consacré à l'aide publique au développement et s'il incluait une approche des droits de l'homme dans son aide au développement. Un autre membre du Comité a souhaité connaître la part de l'aide qui est consacrée à l'annulation du service de la dette de certains pays. Un expert s'est quant à lui enquis de la part de la coopération en faveur des pays pauvres très endettés.

L'Allemagne dispose-t-elle des moyens de vérifier que ses politiques d'exportation ou sa coopération avec des pays tiers dans le contexte de projets d'infrastructure n'ont pas de conséquences sur les droits économiques, sociaux et culturels des populations affectées par de tels projets, a demandé un expert?

Il semble que la valeur réelle des pensions de retraite ait baissé de 15% depuis 2000, s'est pour sa part inquiété un expert. En outre, le niveau d'ajustement des pensions est inférieur à celui de l'inflation. Par ailleurs, le niveau des pensions dans l'est du pays représente 88,7% de celui des pensions dans l'ouest, ce qui constitue une différence non négligeable. Il semble donc qu'il y ait là une situation discriminatoire au détriment de la partie orientale du pays, a fait observer l'expert.

Un membre du Comité a rappelé l'existence de deux contentieux anciens existant entre l'Allemagne et l'Organisation internationale du travail, dont l'un a trait au droit de grève dans la fonction publique, alors que l'autre porte sur la question du travail des prisonniers pour des entreprises privées. Il semblerait que la législation allemande sur ce dernier point doive être modifiée car les critères exigés par la convention n°29 de l'OIT (1930) sur le travail forcé ou obligatoire ne semblent pas être remplis par l'Allemagne, a déclaré cet expert. Un autre membre du Comité a souligné qu'outre le consentement des détenus appelés à travailler, se pose la question de la rémunération de ce travail, un autre expert rappelant que cette question figurait parmi les préoccupations exprimées par le Comité à l'issue de l'examen du précédent rapport périodique de l'Allemagne en 2001.

S'agissant du droit de grève, un expert a souhaité savoir d'où a été tirée l'interprétation qui figure au paragraphe 138 du rapport de l'Allemagne selon laquelle le paragraphe 2 de l'article 8 du Pacte prévoit la possibilité d'une interdiction absolue du droit de grève.

L'Allemagne considère-t-elle comme «justiciables» les droits économiques, sociaux et culturels énoncés dans le Pacte, a demandé un membre du Comité?

Un membre du Comité s'est inquiété d'informations laissant apparaître que les ordres d'hospitalisation obligatoire de personnes souffrant de troubles mentaux concerneraient des dizaines de milliers de personnes en Allemagne. En outre, le nombre annuel de suicides s'établit à environ 10 000 et celui des tentatives de suicide est dix fois supérieur, s'est également inquiété l'expert.

Un autre expert s'est inquiété d'informations attestant d'une augmentation de l'exclusion sociale des enfants de familles pauvres des activités extrascolaires. Il a également fait observer que sept mille enfants vivraient dans les rues en Allemagne et qu'environ 100 000 enfants seraient victimes de maltraitance et de négligence.

Selon des chiffres disponibles, 8% de la population allemande vivraient sous le seuil de pauvreté, ce qui représenterait onze millions de personnes, dont trois millions d'enfants, a souligné un expert. Or, il semblerait que les autorités n'appliquent pas une approche des droits de l'homme dans leur plan de réduction de la pauvreté, a-t-il ajouté. Il s'est en outre étonné que l'Allemagne ne se soit pas dotée d'un plan de lutte contre le phénomène des sans-abri.

Il semblerait que l'Allemagne se lance dans un processus de privatisation des universités et que dans certains Länder, on fasse payer des frais d'inscription, qui ne sont d'ailleurs pas les mêmes partout, a relevé un membre du Comité, avant de s'enquérir de la compatibilité de ces mesures avec l'obligation d'enseignement universel.

Une experte s'est enquise de la législation en vigueur en Allemagne afin de prévenir et combattre la violence domestique. Un membre du Comité a déploré le retard de l'Allemagne au regard de nombreux autres pays européens qui ont, eux, choisi de faire de la violence domestique un délit pénal. Elle a demandé des explications sur les causes recensées de situations de violence familiale en Allemagne.

Un membre du Comité a souhaité connaître l'attitude de la société allemande à l'égard des personnes atteintes par le VIH/sida; ces personnes sont-elles victimes de discrimination, par exemple en termes d'accès à l'emploi?

Un membre du Comité a demandé quelle était la proportion des personnes âgées qui perçoivent une pension de retraite et celle des personnes qui perçoivent une aide sociale, souhaitant à cet égard disposer de données ventilées par origine ethnique.

S'agissant des questions d'éducation, une experte s'est inquiétée de l'orientation scolaire précoce des enfants en Allemagne, qui s'opère dès huit ou neuf ans. Est-il possible de déterminer l'avenir professionnel d'un enfant à un tel âge? Un membre du Comité a insisté pour que les autorités allemandes s'occupent du problème des enfants qui arrivent à l'école sans avoir pris leur petit déjeuner, soulignant qu'il existe une corrélation entre prise ou non de petit déjeuner et résultats scolaires.

Réponses de la délégation

S'agissant du cadre général d'application du Pacte en Allemagne, la délégation a rappelé que le système allemand repose avant tout sur la Constitution (Loi fondamentale de 1949). Lorsque l'on examine une question - une loi ou son application -, on l'examine au regard de sa conformité avec la Constitution allemande, a-t-elle expliqué. Les principes fondamentaux du droit international doivent néanmoins être eux aussi respectés et appliqués par les tribunaux allemands, a-t-elle ajouté. Reste que le débat se poursuit quant à savoir ce qui fait partie des «principes fondamentaux du droit international», a admis la délégation. En effet, il n'est pas suffisant pour cela qu'un élément soit prévu dans une convention internationale. L'Allemagne établit une distinction entre principe fondamental du droit international et obligation découlant d'un traité ou d'une convention.

S'agissant de l'ordonnancement juridique interne de l'Allemagne, la délégation a précisé que si le système juridique allemand repose avant tout sur la Loi fondamentale, la loi statutaire inclut le Pacte, qui pourrait donc être invoqué directement en justice car il est considéré comme une loi à part entière. Mais le fait est qu'il n'y a pas de norme auto-exécutoire dans le Pacte, ce qui explique que les tribunaux n'invoquent pas directement une norme de cet instrument; en revanche, ils interprètent les autres normes à la lumière du Pacte et de la Constitution. Le fait que les tribunaux ne citent pas directement le Pacte ne signifie pas pour autant que les jugements qu'ils rendent ne sont pas conformes à cet instrument, a par ailleurs souligné la délégation.

En ce qui concerne les personnes arrêtées en vertu de la loi antiterroriste, l'Allemagne considère ces criminels comme les autres pour ce qui est du traitement qui leur est réservé en détention. Il va sans dire que les droits garantis par le Pacte le sont aussi pour les personnes arrêtées pour des crimes terroristes, a insisté la délégation.

S'agissant de l'aide publique au développement, la délégation a réitéré l'engagement du Gouvernement allemand à atteindre l'objectif de 0,7% du revenu national brut consacré à l'aide publique au développement d'ici 2015. Elle a indiqué que l'APD de l'Allemagne représentait 8,7 milliards d'euros en 2009 et 9,6 milliards en 2010, soit une hausse sur une année de 10,7% des sommes attribuées à ce type d'aide. Quant à la part de l'APD attribuée à l'annulation de la dette, elle peut être évaluée à 124 millions pour 2010, ce qui représente un peu plus de 1% du montant total de l'APD. En 2009, l'Allemagne a fourni 1,6 milliard aux pays pauvres très endettés au titre de l'APD.

Depuis 2004, a ajouté la délégation, l'Allemagne adopte une approche soucieuse des droits de l'homme dans son action de coopération au développement.

En ce qui concerne la prise en compte des droits économiques, sociaux et culturels dans l'action des entreprises allemandes et les investissements réalisés par le pays à l'étranger, la délégation a notamment indiqué que le Gouvernement a établi des critères spécifiques, dont l'un concerne plus particulièrement l'exportation des armes.

La délégation a souligné que l'Institut national allemand des droits de l'homme est une institution à laquelle les autorités accordent la plus grande importance pour tout ce qui touche à la recherche et à l'éducation aux droits de l'homme. Mais il ne serait ni souhaitable, ni réaliste de prévoir que cet Institut procède à un travail d'enquête ou de surveillance car pour cela, l'Allemagne dispose d'autres entités, a déclaré la délégation, ajoutant que le système judiciaire allemand fonctionne tout à fait bien de ce point de vue. Le pays compte notamment un centre de lutte contre la discrimination au niveau du Gouvernement fédéral; des commissions contre la torture au niveau des Länder; un médiateur chargé de l'armée; ou encore un commissaire défendant les droits des malades au niveau fédéral.

Le principe de l'État social est un élément clef de la Constitution allemande, a par ailleurs souligné la délégation. Aussi, une couverture sociale de base est-elle garantie à tout un chacun. Mais certains n'utilisent pas cette couverture sociale à bon escient ou n'engagent pas les démarches nécessaires afin de l'obtenir, a ajouté la délégation.

La délégation a ensuite souligné les obligations des autorités à l'égard des jeunes générations pour ce qui est des droits sociaux, et l'Allemagne espère être en mesure, d'ici la fin de la décennie, de contracter de nouvelles dettes de manière à combler les besoins en matière sociale; mais pour l'heure, la contraction de la dette laisse peu de marge pour les mesures sociales, a-t-elle expliqué.

La délégation a ensuite expliqué que, selon la conception de l'État allemand, le droit au travail n'existe pas; ce qui existe, c'est le droit de choisir librement son travail. Le rôle de l'État est de faciliter les démarches pour ceux qui cherchent un travail, a précisé la délégation.

La délégation a d'autre part indiqué que l'Allemagne s'est fixée pour objectif que d'ici 2020, le niveau de participation des femmes au marché du travail atteigne au moins 73%.

Les soins à long terme aux parents âgés ne doivent pas incomber seulement aux femmes; il faut aussi que les hommes s'y impliquent, a ajouté la délégation.

L'assistance chômage, qui consiste à verser à l'allocataire chômeur un certain pourcentage de son dernier salaire, peut être versée pendant très longtemps, des décennies s'il le faut, a souligné la délégation, précisant que les personnes au chômage qui ne sont pas éligibles à l'assurance chômage perçoivent, elles, une aide sociale. Ces dernières années, l'Allemagne est parvenue à faire baisser de manière significative le niveau du chômage de longue durée, a fait valoir la délégation. L'objectif que se sont fixé les autorités est de faire baisser de 20% supplémentaire d'ici la fin de la présente décennie le niveau du chômage de longue durée, a-t-elle précisé.

L'Allemagne a l'un des taux de chômage les plus bas de tous les pays de l'OCDE; le taux du chômage y est au plus bas depuis 1990, a fait valoir la délégation.

Le taux de chômage des personnes handicapées est environ deux fois supérieur à la moyenne nationale; il atteignait 14,5% en 2008 et 2009 et est aujourd'hui quelque peu inférieur, avec environ 180 000 personnes handicapées au chômage, a par ailleurs indiqué la délégation.

En 2009, au plus de haut de la crise économique et financière, les salaires ont baissé pour la première fois en Allemagne, a rappelé la délégation. Mais dès que cela a été possible, des compensations ont été effectuées. Néanmoins, les autorités allemandes ne souhaitent pas appliquer une compensation systématique qui serait indexée sur l'inflation.

Pour ce qui est des différences de salaires entre les parties orientale et occidentale du pays, la délégation a souligné que, d'une part, la question des salaires relève des forces du marché et, d'autre part, que les salaires sont fixés par les partenaires sociaux, lesquels se basent notamment sur le marché.

Actuellement, l'Allemagne a un grand besoin d'enseignants dans certains Länder, a fait observer la délégation. Comme le recrutement des enseignants incombe aux Länder, ceux-ci proposent d'octroyer le statut de fonctionnaire aux futurs enseignants, afin de les attirer dans cette carrière; or, on peut constater que les personnes intéressées n'hésitent pas une seconde à renoncer au droit de grève pour obtenir ce statut, a fait valoir la délégation. Quoi qu'il en soit, l'Allemagne n'a pas l'intention de modifier les dispositions à cet égard, a-t-elle ajouté. Il n'en demeure pas moins que le droit de grève est un droit constitutionnel, a-t-elle rappelé. S'agissant du travail des détenus, la délégation a souligné que ce sont les détenus eux-mêmes qui demandent à travailler pour des sociétés privées. Ce travail est volontaire et payé et il n'y a absolument pas de travail forcé dans ce contexte, a-t-elle assuré.

En ce qui concerne les questions de santé, la délégation a indiqué qu'à compter de cette année, toutes les institutions de soins de longue durée (telles les maisons de retraite) enregistrées font l'objet d'un contrôle annuel. Les autorités s'efforcent d'accroître la disponibilité de services de soins à domicile pour les personnes âgées, a-t-elle ajouté.

En ce qui concerne les personnes infectées par le VIH/sida, la délégation a souligné que ces personnes reçoivent tous les traitements médicaux nécessaires et a rappelé que dans le pays, le système d'assurance de santé est fondé sur une couverture à 100%. À tous les niveaux de gouvernement en Allemagne, des programmes spécifiques visent l'intégration dans la société des personnes infectées par le VIH/sida. Le pays dispose d'une loi contre la discrimination qui s'applique également à ces personnes et leur assure une protection contre toute discrimination, notamment en termes d'accès à l'emploi et au logement, a fait valoir la délégation.

L'Allemagne compte actuellement environ 200 000 toxicomanes, dont la majorité sont des héroïnomanes, a indiqué la délégation. Il y a en outre environ 525 000 à 600 000 consommateurs de cannabis ou de marijuana dans le pays, a-t-elle ajouté.

Pour 2009, le nombre de suicides en Allemagne s'est établi à 9571, dont 75% d'hommes, a en outre indiqué la délégation.

L'hospitalisation forcée d'une personne est certes possible en Allemagne dans certains cas et pour une période très limitée, a indiqué la délégation. Le niveau de protection entourant cette pratique est très élevé, a-t-elle insisté. Il y a très peu de décisions des tribunaux ordonnant de telles hospitalisations forcées, a-t-elle ajouté. Comme cela a pu être dit, a poursuivi la délégation, il y a des patients malades mentaux qui sont traités par électrochocs; il s'agit d'une méthode reconnue partout dans le monde pour traiter les très grands dépressifs, qui sont des cas très rares, a expliqué la délégation. L'Allemagne a recours à cette méthode dans des cas exceptionnels, a-t-elle assuré.

À l'heure actuelle, a assuré la délégation, on peut dire qu'il n'y a pas de problème important de pauvreté des personnes âgées en Allemagne. Pour ce qui est de la pauvreté en général, un rapport sera publié en 2012, a-t-elle ajouté.

Le sentiment qu'il y aurait une forte privatisation des universités en Allemagne est grandement exagéré, a par ailleurs déclaré la délégation. En effet, l'écrasante majorité des universités restent publiques, a-t-elle souligné. Les frais de scolarité sont d'environ 500 euros par semestre dans les universités de cinq Länder, alors que dans les onze autres Länder, l'université est gratuite, a ensuite précisé la délégation.

Répondant aux questions sur la traite des êtres humains, la délégation a indiqué qu'en 2009, 534 enquêtes ont été enregistrées concernant des affaires de traite de personnes, ce qui représentait une hausse de 11% par rapport à l'année précédente. Sur les 710 victimes concernées par ces affaires en 2009, l'essentiel venaient de Roumanie et de Bulgarie; d'autres étaient polonaises, turques ou hongroises, a précisé la délégation.

Le chômage et les dettes sont à l'origine d'une grande partie de la violence familiale, a par ailleurs souligné la délégation en réponse aux questions des experts; en effet, «les hommes endettés réagissent souvent très mal» à leur situation, a-t-elle précisé.

La délégation a souligné que pour l'Allemagne, l'objectif de l'éducation est d'épanouir la personnalité et de promouvoir l'autonomie de l'être humain. Aussi, les droits de l'homme figurent-ils au programme à tous les niveaux d'éducation, a-t-elle précisé. Reste que la notion particulière de formation aux droits de l'homme est quelque peu nouvelle et que jusqu'à présent, en Allemagne, on parlait plutôt de démocratie.

La délégation a par ailleurs attiré l'attention sur les mesures prises pour renforcer l'éducation des enfants ayant des difficultés scolaires, en particulier de ceux d'entre eux qui sont issus de l'immigration. Tout est fait pour que les enfants trouvent leur avantage dans tout enseignement dispensé en Allemagne, y compris dans les banlieues, et pour éviter au maximum tout type de ségrégation, a souligné la délégation. Les enfants de la deuxième génération d'immigrants ont, comme cela peut être observé dans d'autres pays – en France par exemple -, de moins bons résultats scolaires que ceux de la première génération, a fait observer la délégation.

Les écoles de soutien que l'on appelait autrefois «écoles spécialisées» s'appellent désormais «écoles de développement et de renforcement». Ces écoles accueillent les 5,8% d'enfants de la classe 1 à 10 ayant besoin de soutien particulier – proportion qui, dans les nouveaux Länder, atteint parfois 10%. On y trouve des enfants souffrant de handicaps ou ayant des difficultés à apprendre, a précisé la délégation.

La délégation a ensuite fait état de l'objectif des autorités allemandes de diminuer de moitié d'ici 2015 le taux d'abandon scolaire, qui était de 8% et atteint aujourd'hui 7%; il doit donc encore être réduit à 4% d'ici 2015.

De 8% en 1965, la proportion d'élèves qui entrent à l'université est passée à 41% aujourd'hui, a par ailleurs fait valoir la délégation.

Le système d'enseignement en Allemagne n'est absolument pas discriminatoire et chacun y a accès, a souligné la délégation.

D'après les enquêtes qui ont été effectuées, 25% des enfants arrivent à l'école sans avoir pris de petit déjeuner, a indiqué la délégation.

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